Tribunal de Pontoise : « Pas besoin d’un bac + 10, c’est du français et vous savez lire »
Un kinésithérapeute de Bouffémont, dans le Val d’Oise, est jugé ce 1er mars 2024 par le tribunal correctionnel de Pontoise pour avoir exercé illégalement sa profession. Il avait été suspendu en janvier 2022 pour avoir refusé de se vacciner contre le Covid 19.
Henri se démène à la barre, dans le prétoire minuscule de la salle n° 5 du tribunal judiciaire de Pontoise où il est jugé pour « exercice illégal de la profession de kinésithérapeute ». On l’aperçoit derrière une grappe d’avocats qui potassent des dossiers, son avocat debout à ses côtés, tout près du bureau du tribunal, si bien que cela donne l’air d’être une conversation informelle.
Henri essaie de convaincre en parlant énormément. Il tente d’expliquer qu’il s’agit d’un malentendu, qu’il n’avait pas compris que, refusant le vaccin contre le Covid 19, il risquait d’être suspendu. La lettre qu’il a reçue dit : s’il ne se fait pas vacciner, il sera suspendu à partir du 30 janvier 2022. Le courrier suivant lui annonce que s’il n’a pas arrêté dans les 30 jours, il sera lourdement taxé. Henri, comprend-on de ses interminables circonlocutions, a compris qu’il avait un délai supplémentaire de 30 jours.
« Je ne suis pas un antivax »
La présidente décide de relire la lettre pour en faire une exégèse implacable. « Qu’est-ce que vous ne comprenez pas ? Pas besoin d’un bac + 10, c’est du français et vous savez lire. Mais ce que je comprends, c’est que vous ne voulez pas vous faire vacciner.
—Mon père était médecin, j’ai tout mes vaccins, je ne suis pas un antivax. Il m’a aussi dit de faire attention aux nouveautés.
—Donc, pour résumer, vous avez compris ce que vous voulez comprendre ».
Ça dure encore un peu, mais plus personne n’écoute Henri se justifier. Il a 20 ans de profession derrière lui et a toujours été un praticien honnête, mais cette nouvelle lui a mis un coup. Il se sent traité en paria. Silence. « Merci, Monsieur. » L’ordre des masseurs-kinésithérapeutes demande 600 euros pour son préjudice d’image, puis c’est au tour de la procureure.
« On est tous légalistes »
Elle lit la lettre, encore. Lentement, en détachant les mots-clefs qui auraient dû faire percuter Henri. « Vous avez été informé par l’agence régionale de santé qu’à compter du 25 janvier 2022, vous n’étiez plus autorisé à exercer une activité libérale. » Puis la procureure lit une lettre du prévenu à l’ARS d’Île de France dans laquelle il pinaille sur quatre pages pour contester la décision, pour souligner sa mauvaise foi. « On n’a pas à juger la morale ici, on est tous légalistes. L’obligation vaccinale était là, nul n’est censé ignorer la loi. Personne ne pouvait ignorer l’obligation vaccinale des personnels de santé. » Elle requiert une amende de 1000 euros.
« La confusion de mon patient est légitime ! »
L’avocate d’Henri sollicite la relaxe et, subsidiairement, une dispense de peine. « La confusion de mon patient est légitime ! » Henri a le dernier mot : Je suis dans une incompréhension totale. Il ramène dans le débat une accusation d’agression sexuelle dont il a fait l’objet à la même période. « Mon fils a été agressé chez moi, devant ma femme et mes enfants !
— Ça ne nous concerne pas.
— C’est pas les faits d’aujourd’hui, mais c’est ma vie. Sur les faits d’aujourd’hui, je voulais des précisions sur le vaccin, je ne les ai pas eues. Je ne pense pas avoir triché, et pourquoi je l’aurais fait ? Je pensais réellement que jusqu’au 23 février, je pouvais exercer. »
Henri est condamné à 1 000 euros d’amende.
Référence : AJU428661