Tribunal de Pontoise : quand une mère apporte du cannabis à son fils en prison

Publié le 07/09/2023

Soulheil, 22 ans, est jugé en comparution immédiate pour s’être fait remettre du cannabis au parloir de la maison d’arrêt où il est détenu. Par peur des représailles, il fait valoir son droit au silence.

Tribunal de Pontoise : quand une mère apporte du cannabis à son fils en prison
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Souheil a le visage fermé. « Souhaitez-vous un délai pour préparer votre défense ou être jugé aujourd’hui ?

— Je souhaite garder le silence. »

Il pensait si fort au moment où il dirait cette phrase, qu’il n’a pas écouté la question. Son avocate lui chuchote quelque chose : « Aujourd’hui « traduit l’interprète en langue arabe.

Ça a l’air d’arranger la présidente, dont le rôle, ce 28 août, est bien chargé. « Donc, je vais faire un monologue. La mère de Monsieur est venue au parloir avec 26 grammes de cannabis pour Monsieur, qui a fait l’objet d’une fouille intégrale après parloir. Interrogée par les policiers, Madame explique que son fils était très très très content qu’elle lui remette cet objet. Elle ne savait pas que c’était des stupéfiants. Un copain de son fils, dénommé Aziz, lui a remis sans lui dire ce que c’était. Elle ne s’est pas posé plus de question que ça. »

Il ignorait le contenu du paquet


Souheil, lui, affirme aux enquêteurs qu’il ne savait pas que le colis contenait des stupéfiants. Il parle d’un certain Bob, qui lui avait demandé de faire passer cet objet. « C’est un mec de la prison qui m’a dit qu’une personne allait entrer en contact avec ma mère pour faire entrer un truc », explique-t-il alors.

Dans le box, le prévenu ne confirme pas : il ne souhaite toujours pas s’exprimer. La présidente passe donc à la personnalité, ce qui, en comparution immédiate, se réduit bien souvent au casier judiciaire de l’intéressé. Actuellement incarcéré pour des faits de cambriolage, il affiche quatre condamnations dont deux en tant que mineur. Il est en France depuis 2019, en situation irrégulière. Souheil a la petite vingtaine, serait marié religieusement à « une dame d’Aulnay-sous-Bois », cite la présidente, et a reçu une obligation de quitter le territoire français il y a quatre mois.

« Je présente mes excuses à ma mère et à vous »

Pour la procureure, même si Souheil pensait que le produit qui devait lui être remis était des cigarettes (ce qu’il a prétendu), l’infraction de recel de produits qu’il savait provenir d’un délit est constituée – car il est interdit de remettre quoi que ce soit au parloir. Quand bien même il n’aurait pas su que c’était du cannabis, ce dont elle doute fortement. « La contrainte de la part d’un autre détenu, c’est une explication souvent entendue. Ce n’est pas forcément faux, mais très difficile à établir. » Elle requiert quatre mois de prison et son maintien en détention.

L’avocate de la défense explique que « s’il garde le silence aujourd’hui c’est pour des raisons de sécurité, parce que parfois il y a des ‘copains’ qui assistent aux audiences et rapportent aux détenus ce qui a été dit », ce qui n’est pas vraiment une défense, mais un éclairage vraisemblable. La présidente remercie. L’interprète traduit d’une voix mécanique proche de celle d’un GPS les derniers mots du prévenu : « je présente mes excuses à ma mère et à vous. » Après en avoir délibéré, le tribunal condamne Souheil à deux mois de prison avec maintien en détention.

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