Tribunal de Pontoise : « Qu’est-ce que vous avez retenu de votre première condamnation ? »

Publié le 17/01/2024

Un jeune majeur en récidive se fait interpeller sur un point de deal d’Argenteuil, en possession de 14 sachets de cannabis. Peu disert face aux policiers, il répond désormais avec franchise aux questions du tribunal de Pontoise qui le tance sobrement.

Tribunal de Pontoise : « Qu’est-ce que vous avez retenu de votre première condamnation ? »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Quand Nacer sort de ce hall d’immeuble d’une cité d’Argenteuil connu pour abriter un trafic de stupéfiants, le 27 décembre au soir, les policiers l’appréhendent sur-le-champ, et Nacer leur donne tout ce qui est susceptible de les intéresser, soit 14 sachets de cannabis, 29 grammes au total, et 640 euros en espèces. En fouillant le hall, la police découvre 37 grammes supplémentaires. Nacer avoue que c’est aussi à lui. Mais quand les enquêteurs lui demandent s’il s’adonne au trafic, il nie : c’était pour lui et ses amis, et l’argent provient de la mission locale. Il ne reconnaît que la possession.

« Ce n’est pas très respectueux »

Deux jours plus tard, Nacer, est jugé en comparution immédiate au tribunal de Pontoise.

«—  Qu’est que vous dites aujourd’hui ? l’interroge la présidente.

— Je souhaite revenir sur mes déclarations. Ces sachets de cannabis, on m’a envoyé pour les revendre, contre rémunération, pour me faire un billet.

— Qui ?

— Je voudrais ne pas dire le nom, par peur des représailles.

— Quelqu’un du coin ?

— Oui.

— Que vous connaissez ?

— Les 14 sachets étaient à moi, mais pas le reste dans les parties communes. Je n’étais pas le seul vendeur.

— Et pourquoi ne pas le dire tout de suite ?

— Devant la police, j’ai reconnu être le propriétaire des 37 g pour ne pas qu’il y ait de débordement.

— Quels débordements ?

— Eh ben, qu’ils me tapent pour me forcer à avouer.

— Et la somme ?

— J’avais fait des transactions déjà.

— Et c’était la première fois que vous le faisiez ?

— Non, je l’avais déjà fait.

— Mais c’était seulement des faits de détention ?

— Non, de la revente.

— Pourquoi vous faites ça ?

— Pour avoir un peu d’argent de poche.

— Vous vendez en bas de l’immeuble ?

— Oui.

— Vous pensez que les riverains, ils se sentent comment ?

— Ce n’est pas très respectueux.

— Et puis ça peut suggérer un peu de peur. Et puis vous êtes en récidive légale. »

« Ça fait beaucoup 20 ans pour une première fois »

Nacer, 19 ans, a été condamné à des jours-amendes en octobre, lors d’une audience de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (plaidé coupable).

« — Vous fumez dix joints par jour ?

— Ça dépend.

— Comment vous faites ?

— J’en fume 5 ou 6 dans la journée, puis dans la foulée avec les copains.

— (Assesseuse) Combien vous deviez gagner ?

— 100-150 euros.

— Et vous trouvez que ça vaut le coup ?

— C’est de l’argent facile.

— Sauf que vous avez déjà été condamné. À quel moment vous avez cru que ça allait bien se passer, que vous n’alliez pas vous faire prendre ? Qu’est-ce que vous avez retenu de votre première condamnation ? Pour vous, vous ne risquez pas grand-chose ?

— Je sais que c’est grave, je sais que je suis dans une situation délicate.

— (Avocat de la défense) Monsieur, vous encourrez combien ?

— 20 ans.

— Pourquoi 20 ans ?

— Parce que je suis en récidive.

— Ça fait beaucoup 20 ans pour une première fois devant le tribunal correctionnel. »

« On va avoir des réflexions de la police »

La procureure requiert, lasse : « Monsieur est encore là sur un point de deal, toujours le même. Il est maintenant majeur et en capacité de comprendre un certain nombre de choses. Au vu de la personnalité de Monsieur je vais requérir 8 mois de sursis simple, sachant qu’on va avoir des réflexions de la police, qui fait normalement son travail et qui nous dira : « on les voit ressortir juste derrière ».

La défense s’appuie sur l’attitude du prévenu à l’audience, « passé à table directement et qui ne se cache plus derrière son petit doigt ». Elle conteste rapidement les faits d’acquisition des produits stupéfiants (« ce sont des pochons qu’on lui a donnés, pas des stup’ qu’il a achetés »), puis le regarde : « la prochaine fois y’a de grandes chances que vous partiez directement en détention ! »

Le tribunal, d’une certaine manière, va plus loin que les réquisitions, en prononçant certes seulement 6 mois de prison, mais assortis d’un sursis probatoire d’une durée de deux ans, pendant lesquels Nacer devra suivre des soins en rapport avec sa consommation de cannabis, et poursuivre une formation, ce que le prévenu, élève en terminale, promet de faire.

 

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