Tribunal de Pontoise : « s’il tape votre tête contre le mur, vous êtes une femme battue »

Publié le 30/10/2023

Un homme de 44 ans est jugé pour des menaces de mort et des violences commises sur son fils et sa femme. Il comparaît libre à Pontoise, un an après les faits, devant un juge unique.

Tribunal de Pontoise : « s’il tape votre tête contre le mur, vous êtes une femme battue »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Le policier demande au petit garçon de raconter la scène qui les a tous conduits, son père sa mère et lui, au commissariat de Franconville, ce 19 septembre 2022. Le garçon de quatre ans dit qu’il essayait de fermer le robinet, mais qu’il n’y arrivait pas. Alors son papa s’est énervé et lui a jeté un sac à la figure. La mère, dans son audition, précise que le petit est autiste, qu’il s’est mis à pleurer parce qu’il n’arrivait pas à fermer le robinet. Et alors le père, qui essayait de faire la sieste, a été réveillé, et ça l’a mis en rogne.

La mère explique ensuite qu’elle a « vu rouge » quand il a frappé son fils, qu’ils se sont empoignés et que « sa tête a tapé le mur », puis qu’il l’a mise dehors avec l’enfant et leur a dit de ne jamais revenir, sinon il les tuerait. C’est pour cette raison que le père est renvoyé devant le tribunal correctionnel de Pontoise, pour des violences sur conjointe devant un mineur (un jour d’ITT* et douze jours d’ITT psychologique), violences sans ITT contre son fils et les menaces de mort. Ils sont actuellement séparés, elle a la garde de l’enfant, il contribue financièrement.

Un « couple tumultueux »

La plaignante confie lors de l’enquête que ça arrive souvent, qu’elle n’en peut plus de ce climat de violences, qu’elle a des poussés d’eczéma, qu’elle veut le quitter. Mais devant la juge, le 6 septembre 2023, elle tient un tout autre discours :

« — On était un couple tumultueux.

— Est-ce que vous confirmez les violences antérieures ?

— Oui mais c’était mutuel, moi je ne suis pas une femme battue, je ne me laisse pas faire.

— Madame, que vous le vouliez ou non, s’il tape votre tête contre le mur, vous êtes une femme battue. Alors, peut-être que c’est aussi un mari battu. »

« Je ne tape pas les enfants »

Elle se tourne vers le père :

« Qu’est-ce que vous nous dites ?

— Qu’on n’a pas été adultes, que des menaces de morts ne sont pas des menaces de mort, je ne peux pas accepter qu’on dise que je veux tuer mon enfant.

— Je me permets de vous interrompre. ‘Putain, je vais le tuer’, c’est ce que vous avez dit.

— Peut-être que je me suis emporté, la colère m’a fait dire tout et n’importe quoi. Mais je n’ai jamais levé la main sur mes trois enfants. Certes, j’ai un souci dans mon éducation, j’ai eu une enfance très difficile, je n’avais pas conscience que j’exerçais de la violence verbale. Et puis, j’ai énormément de mal à aller contre mes émotions. Comme on n’avait pas d’outils à mon époque, je suis allé dans le cannabis.

— C’est ce que vous me dites, monsieur, je l’entends, et les violences contre votre fils ?

— Le jour où c’est parti en cacahuète elle a cru que je l’avais tapé avec un sac, alors que j’ai tapé dans un sac accroché à la poignée, et que ça l’a projeté sur lui.

— Le tribunal a un peu de mal à y croire.

— Je ne tape pas les enfants.

— Pourquoi étiez-vous énervé ?

— On était en embrouille, le petit criait tous les jours, on a un enfant qui est très difficile. On se fait réveiller tous les jours par les cris stridents de notre enfant.

— Que ce soit compliqué, on le comprend. Mais c’est un enfant en bas âge, et en plus il souffre d’un handicap.

— Ensuite, madame s’énerve, elle est venue me charger, elle a voulu me mettre une claque.

— Ce n’est pas ce que vous aviez dit.

— Qu’est-ce que j’avais dit ?

— Ce n’est pas à vous de poser la question, la question est de savoir ce dont vous vous souvenez.

— Je l’attrape par les poignets, la pousse et la sors de l’appartement.

— Alors à quel moment elle se cogne la tête ?

— Peut-être au moment où je l’ai repoussée, je ne peux pas vous dire.

— Et sur les violences habituelles ?

— Je ne tape pas, j’ai été assez tapé étant gamin pour savoir qu’il ne faut pas reproduire ces choses-là. »

« ‘Je vais le tuer’, c’est une menace de mort »

La procureure remet l’église au centre du village : « Le sac qui frappe le visage de votre fils, ce sont des violences. ‘Je vais le tuer’, c’est une menace de mort. » Elle admet qu’à son avis, les violences sur conjointes ne sont peut-être pas caractérisées, mais elle insiste sur le fait que le petit a été exposé à des violences extrêmes, qu’il est manifestement perturbé par ce qu’il a vécu, et que ça ne doit pas se reproduire. « L’intérêt primordial, c’est son développement. » Elle requiert 12 mois de sursis probatoire, avec obligation de soins psychologiques et de travail.

Comme souvent lors de ces audiences à juge unique, le prévenu se défend seul, et ne dit pas grand-chose : « Je ne voudrais pas reproduire ce qu’il s’est passé. Si on me laisse une chance je montrerai que tout ceci est fini. » La juge décide de le relaxer pour les violences sur sa conjointe, et de le condamner pour le reste à neuf mois de prison avec sursis probatoire, obligations de soins psy, en addictologie, et de travail.

 

*Incapacité temporaire totale

Plan