Tribunal de Pontoise : « Vous avez abusé d’une personne fragile et isolée »
Aurélie, 41 ans, comparait libre devant le tribunal correctionnel pour avoir escroqué 50 000 euros à l’une de ses clientes, une femme âgée et vulnérable.
Entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin 2017, Aurélie à l’époque banquière, est accusée d’avoir escroqué l’une de ses clientes, Marie-Thérèse, retraitée. Ce 3 octobre 2023, devant le tribunal correctionnel de Pontoise, elle reconnaît les faits.
Affable, le sourire charmeur, l’ambitieuse jeune femme était alors dans la panade : mari dépressif, trois enfants à charge, des revenus trop faibles pour obtenir un crédit qui financerait les projets qui fleurissent dans l’esprit créatif et entrepreneur d’Aurélie.
C’est pour cette raison qu’elle fait contracter des crédits à la consommation à Marie-Thérèse, en lui faisant signer des documents vierges, et en procédant elle-même à des retraits d’espèces du compte de la vénérable retraitée. Une fois le prêt contracté, les sommes étaient virées sur le compte de Julien, le mari dépressif, qui en possédait 10 (de comptes bancaires), tous gérés par Aurélie. Marie-Thérèse a constaté 12 virements pour un total de 14 000 euros, effectués entre février et mai 2017. Si l’on ajoute le montant des prêts contractés et les 3 100 euros de retrait, le total des mouvements bancaires atteint 51 300 euros.
« J’en étais malade »
Et ça met la grand-mère en pétard. D’une voix finement éraillée, elle s’en ouvre au tribunal : « J’en étais malade. Je plaçais de l’argent de côté, par exemple l’année dernière, je me suis fait opérer de la cataracte », elle prend les magistrats à témoin. Depuis, elle a été partiellement remboursée par la banque. Ce qu’elle veut : un remboursement total, « avec les intérêts ».
Sur le côté du prétoire, stoïquement honteuse, Aurélie n’ose pas regarder. Elle revient à la barre quand Marie-Thérèse s’en retourne dignement sur son banc, et la présidente lui demande :
« Comment expliquez-vous tout ça ?
— Je ne l’explique pas, c’est moi qui ai fait n’importe quoi, je n’ai pas de mot pour expliquer car je trouve ça inadmissible, je présente mes excuses à cette dame. » Elle insiste plusieurs fois pour dire que c’est une « connerie ».
Pour ne pas être repérée, Aurélie utilisait les identifiants d’une collègue qu’elle avait elle-même formée, à qui Aurélie demandait son mot de passe à chaque fois qu’il était renouvelé. Aurélie qualifie cette manœuvre de « n’importe quoi ». La présidente essaie d’entrer dans le détail des procédés et des opérations, mais la prévenue, si elle reconnaît volontiers l’étendue de sa turpitude, ne veut pas revenir sur le détail des faits. Elle digresse. « La sanction je l’accepte c’est moi qui n’ai pas bien fait les choses », euphémise-t-elle. Elle se défend en affirmant qu’elle pensait lui rendre très rapidement les fonds qu’elle s’était prêtés elle-même avec les sous de Marie-Thérèse. En fait, elle avait déjà mis en place des remboursements mensuels : Marie-Thérèse avait en effet constaté que le dénommé Julien lui virait 200 euros chaque mois, mais on était encore loin du compte.
« Une orientation professionnelle qui peut inquiéter le tribunal »
« — À quel moment vous vous rendez compte que c’est particulièrement répréhensible ? interroge la procureure.
— Dès le départ. Voilà pourquoi au bout d’un moment, je mets en place des remboursements.
— Votre conjoint n’était pas au courant ?
— Non, il était déjà en dépression. »
Un assesseur enfonce le clou : « Vous saviez que c’était une femme seule, avec personne à ses côtés ?
— Oui ».
Elle a récemment été licenciée économiquement de la banque populaire qui l’employait. Depuis, elle s’est séparée de son conjoint dépressif et a ouvert un cabinet de médecine alternative. Ça fait tiquer la présidente : « Vous avez abusé d’une personne fragile et isolée, et là vous nous expliquez que vous allez ouvrir un cabinet de médecine alternative, être au contact de personnes fragilisées également. Est-ce que vous ne trouvez pas que c’est une orientation professionnelle qui peut inquiéter le tribunal ? »
« C’est presque une association de malfaiteurs »
Sur cette question rhétorique, la partie civile plaide : « Je trouve ça d’une injustice absolument hallucinante de s’en prendre quelqu’un d’extrêmement faible », dit-elle. « Elle a une volonté d’argent, une attirance pour créer de la finance avec son complice, c’est presque une association de malfaiteurs. Aujourd’hui, elle se lance dans la zen attitude pour attirer des clients qui sont… pas très en forme. Je ne crois pas une demi-seconde au discours de regret ». Elle demande le remboursement des 28 600 euros restant et 8 000 euros de dommages et intérêt au titre du préjudice moral.
La procureure dit très justement : « Si elle reconnaît les faits, elle n’élabore pas vraiment », ce qui n’est pas positif. Elle requiert 8 mois avec sursis probatoire. La prévenue se défend seule à la barre : « Je ne comprends pas le principe de taper sur la tête de quelqu’un qui reconnaît » sera la seule phrase de sa plaidoirie.
Mise en délibéré, la décision rendue le 14 novembre condamne Aurélie aux réquisitions, à une interdiction d’exercer dans le secteur bancaire, à rembourser les sommes demandées et à verser 1 000 euros au titre du préjudice moral.
Référence : AJU403286