Tribunal de Pontoise : « Vous avez envie d’aller en prison monsieur ? »

Publié le 10/11/2023 à 13h46

Un jeune prévenu comparaît le 28 septembre devant le tribunal de Pontoise. Pas encore condamné avant cette audience, il a été interpellé trois fois en un mois et ne respecte pas les obligations liées à son contrôle judiciaire, ce qui semble agacer les magistrats.

Tribunal de Pontoise : « Vous avez envie d’aller en prison monsieur ? »
Tribunal de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

La présidente fait un point sur la situation de David, 19 ans, prévenu pour des faits de détention, offre ou cession de cannabis, et refus de donner la convention de déchiffrage de son téléphone. Il a été interpellé le 6 avril. Depuis, il est sous contrôle judiciaire.

« Vous aviez une obligation de soins. Où sont les justificatifs ?

— Je ne les ai pas faits (les soins).

— Pourquoi ?

— Je n’ai pas eu le temps de trouver.

— Vous aviez une obligation de travail. »

David présente deux documents, la présidente fronce le sourcil.

—C’est tout ?

— …

— Et l’interdiction de paraître rue Philibert Delorme, à Garges-lès-Gonesse, elle a été respectée ?

— Non.

— Et pourquoi ?

— J’ai des fréquentations là-bas.

— Monsieur a trois obligations, et rien n’est respecté », soupire la présidente.

Le 9 avril, la police le repère dans la rue, pensant bien l’avoir reconnu. Elle le poursuit, l’attrape. Il outrage et se rebelle. Monsieur est tout juste sorti de la garde à vue de cette affaire. En mai 2023, il y a un contrôle de police sur le point de vente de stupéfiants « où le prévenu passe toutes ses journées car il y est très attaché », ironise la présidente. Il a un sachet de cannabis sur lui.

Le prévenu est absolument immobile, tout à fait silencieux, impassible.

« À part vendre des stups’ toute la journée, vous faites quoi d’autre ? »

« Ça s’annonce mal. Vous avez envie d’aller en prison monsieur ?

— Non.

— Eh bien vous en prenez le chemin. Vous encourrez 10 ans de détention, et ça ne vous fait ni chaud ni froid. On va faire en sorte que ça vous fasse un peu chaud.

— …

— À part vendre des stups’ toute la journée, vous faites quoi d’autre ?

— Je ne vends pas de stups’, je cherche un emploi.

— Et il faut être rue Philibert Delorme ? Vous y êtes tout le temps. Il est écrit que vous êtes bénévole à l’association « espoir et création », est-ce que c’est en matière de stup’ ? On n’a aucun justificatif.

— …

« On aura le plaisir de se retrouver, Monsieur ! »

La procureure signale son intention d’intervenir, la juge lui fait un signe de tête.

« — Il sera jugé le 19 octobre pour les faits du mois de mai, précise la magistrate du parquet.

— Devant quelle chambre ? interroge la présidente

— La 6e 4.

— (Large sourire) Ah, on aura le plaisir de se retrouver, Monsieur ! »

Elle ajoute : « Vous avez dit que vous n’avez pas du tout envie de soin. » Elle lève les yeux. Elle regarde les autres juges : « Monsieur il est très bien comme ça ».

Ce n’était qu’un préambule, voici les faits – que le prévenu nie. La présidente : « Dans le dossier on a un grand nombre de surveillances, et là on se rend compte que Monsieur est amoureux de la rue Philibert Delorme, car il y passe tout son temps. »

Elle résume le procès-verbal : David fait les cent pas, il semble attendre quelque chose. Les policiers se mettent en surveillance vers 15 heures Ils observent les manœuvres de chacun. David, posté au hall n° 3, n’en bouge pas. S’ensuit une longue description des lieux, de David qui contourne le hall pour prendre le produit dans la cachette afin de le remettre au client, mais la police intervient. David est interpellé.

« De toute façon il ne respecte aucune obligation »

Il a 90 euros sur lui, qu’il dit être de l’argent de poche. Il dit qu’il consomme et ne vend pas. Les policiers confirment que David est le vendeur qu’ils ont observé les 31 mars et 6 avril. Au commissariat, il refuse de donner son code de déverrouillage. David n’a aucun commentaire à faire sur les faits. C’est l’heure du réquisitoire :

« Je suis assez étonnée du positionnement de Monsieur, car il y a énormément d’éléments dans ce dossier pour le condamner. Alors qu’il a le profil pour un sursis probatoire, ce n’est pas ce que je vais requérir, puisque de toute façon il ne respecte aucune obligation », décide la procureure. Elle demande 6 mois de prison ferme.

David n’a pas d’avocat. Il n’a rien à ajouter. Le tribunal le condamne à 8 mois ferme et lui remet une convocation devant le juge d’application des peines, qui décidera s’il y a lieu d’aménager cette peine. David s’en va. Il a traversé son procès comme un fantôme.

Plan