Tribunal de Pontoise : « Vous faites des bêtises ensemble, vous assumez ensemble »

Publié le 10/02/2023

Au tribunal de Pontoise, l’audience à juge unique du 24 janvier s’est terminée par un dossier d’escroquerie inhabituel et par une affaire qui a pris environ trois minutes à juger – pour une dispense de peine.

Tribunal de Pontoise : « Vous faites des bêtises ensemble, vous assumez ensemble »
Palais de justice de Pontoise (Photo : ©J. Mucchielli)

Le juge a l’air guilleret : « Venez à la barre vous aussi. Vous faites des bêtises ensemble, vous assumez ensemble. » Le deuxième prévenu glisse de son siège au prétoire et rejoint Sarah, 19 ans, pour s’être rendu complice de l’escroquerie pour laquelle la jeune femme est poursuivie.

Le juge reprend : « c’est un dossier un peu inhabituel dans son mode opératoire ». Le 29 juillet à 2 h 35 du matin, les policiers du commissariat d’Ermont reçoivent l’appel d’un homme sans domicile fixe expliquant avoir vu des personnes cagoulées remplir des bidons à la station d’essence du Carrefour market devant laquelle il campe, à Taverny. Les policiers se rendent immédiatement sur place et tombent sur Sarah, qui tient le pistolet d’essence, et un homme qui dit s’appeler Mehdi.

Le président regarde le jeune homme à la barre : « En fait, Mehdi, c’est le prénom de votre frère ». C’est la raison pour laquelle Abdel comparaît également pour « prise du nom d’un tiers ».

Sarah remet immédiatement trois cartes au nom de sa société, avec lesquelles les employés font le plein de leur véhicule de fonction. À l’arrière de la voiture d’Abdel, (qui appartient à Mehdi), 16 bidons de 20 litres plus ou moins pleins. Après vérifications, les policiers constatent qu’ils ont pompé 218 litres d’essence.

Le président poursuit : « Madame indique qu’elle se prénomme Amandine, et c’est sous cette identité qu’elle est placée en garde à vue ». Mais le gardien de la paix qui l’auditionne flaire le bobard et lui pose quelques questions qui la font craquer. « En effet, je m’appelle Inès et je suis SDF », répond Sarah. Et la procédure suit son cours.

Plainte pour harcèlement sexuel

Le responsable de la société est joint et constate que les plafonds de la carte ont été relevés informatiquement. Il soupçonne une certaine Sarah, avec qui il dit être « en bisbille ». Peu avant les faits, Sarah a porté plainte contre lui pour harcèlement sexuel et moral. « Elle l’a fait par vengeance », déclare-t-il aux policiers. Sarah a quitté la société le 8 juillet, en arrêt de travail « à cause du harcèlement », dit-elle. Elle avait auparavant volé les cartes de paiement, et s’en serait servi également les 21 et le 28 juillet, prétend la partie civile.

Inès devient Sarah. Mais que fait Abdel, 27 ans, devant cette audience à juge unique ? Outre qu’il a au casier deux condamnations aux assises pour vol en bande organisée, enlèvement et séquestration (même série de faits, jugés en deux procès, 7 ans d’emprisonnement), Abdel cherchait à se faire de l’argent facile. Les deux sont entrés en contact via Snapchat. Elle avait un bon plan pour de l’essence à un euro le litre, il avait la voiture (de son frère) et les bidons. Il est passé la chercher à un point de rendez-vous, il a mis du scotch opaque sur la plaque, une cagoule. Précautions vaines, ils ont été confondus par la vigilance d’un homme qui dort dans la rue. Sarah n’a jamais été condamnée.

L’avocate de la partie civile, dans une plaidoirie assez longue et plein de sous-entendus, explique que cette jeune femme est soupçonnée d’avoir établi de fausses factures, et qu’après enquête interne, « on » pense qu’elle aurait utilisé la carte pour l’essence de nombreuses fois depuis mars. Le juge lui propose de déposer une nouvelle plainte pour ces faits et demande combien elle réclame aujourd’hui : 4 164 euros, précisément, pour les faits du 21, du 28 et du 29 juillet.

La procureure dit qu’il ne faut pas « se faire vengeance soi-même dans la société », et demande 6 mois avec sursis et 1 000 euros d’amende contre Sarah, 120 jours-amendes à 5 euros et 300 euros contre Abdel. Les prévenus n’ont pas d’avocat et rien à ajouter pour leur défense.

« Monsieur n’apparaît pas être le délinquant du siècle »

Ils se rassoient, un jeune homme se lève et s’avance prestement à la barre : Salah, 19 ans, est convoyeur de véhicule de prestiges ; il est poursuivi pour avoir transporté un faux billet de 100 euros. Le juge et le prévenu prennent la parole à tour de rôle pour raconter l’histoire. Il est contrôlé un jour à Gonesse avec des faux tickets-restaurants et ce faux billet de 100 euros. « Cela date de l’époque où je travaillais dans un restaurant. » Un client a payé avec un faux billet, son patron l’a obligé à rembourser, et un collègue lui a dit de prendre le faux billet, car il connaissait le type qui avait payé avec. « On l’a recherché, on l’a jamais trouvé.

— Et vous avez oublié le billet au fond du sac ?

— Oui, voilà. »

Même histoire pour les tickets-restaurants. Pas de question. La procureure : « Monsieur n’apparaît pas être le délinquant du siècle, même s’il aurait dû détruire ce billet, je demande une condamnation et une dispense de peine ».

Quelques minutes plus tard, Salah est dispensé de peine. Abdel et Sarah reviennent à la barre. Le juge condamne Sarah à 6 mois de prison avec sursis et 500 euros d’amende, Abdel à 120 jours-amendes à 5 euros et 100 euros d’amende. Les dommages et intérêts, pour les faits du 29 juillet uniquement, s’élèvent à 1797 euros.

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