Tribunal de Pontoise : « Vous les enlacez comme un serpent qui attaque sa proie ! »
Prévenu d’extorsions et de vols aggravés, Adhams reconnaît l’intégralité des faits. Le mode opératoire, d’une grande violence, a choqué tous les acteurs du procès, si bien qu’Adhams, incapable d’exprimer clairement une défense construite, a dû faire face à trois procureurs.
Le dernier prévenu du jour arrive en glissant dans son box, silencieux et figé comme un fantôme, le regard fixe. Adhams est prévenu d’extorsions et de vols aggravés sur la ligne C du RER, les 12, 20, 20, 23 et 28 mars. Ce 11 avril 2023, il est jugé en comparution immédiate par le tribunal de Pontoise, qui ne prend pas ce dossier à la légère.
Dans les rames du train en mouvement, Adhams aborde sa victime par-derrière, se place dans son dos et l’étrangle soudainement. Une victime témoigne : « J’ai senti quelqu’un m’entourer le cou avec son bras. J’ai tout de suite eu du mal à respirer. J’ai donné mon téléphone dans ma poche gauche, ouvert mon sac et donné tous les billets que j’avais ; il m’a ensuite lâché et m’a demandé de ne pas me retourner. » Un collégien, qui a également eu la malchance de croiser Adhams, raconte : « Il a plaqué mon ami contre le siège, a pris son téléphone, menacé de le tuer s’il ne donnait pas le code. Puis, il nous aempêchés de sortir du train. »
Les cinq victimes « décrivent exactement le même syndrome d’étranglement », décrit la présidente. Ils ont tous expliqué ne pas avoir réussi à avaler des aliments pendant trois jours du fait de l’écrasement de leur trachée.
« Vous avez conscience que votre technique de vol est particulièrement violente ? »
Suite aux premières plaintes, les policiers trouvent une vidéo sur laquelle leur agresseur est reconnaissable, en extraient une photo qu’ils distribuent à leurs collègues de la brigade ferroviaire. L’enquête est menée conjointement par les parquets des quatre départements franciliens sur lesquels le suspect opère (78, 91, 92 et 95). Au vu du mode opératoire, ils craignent un homicide.
Ils finissent par l’interpeller, recoupent les plaintes et avisent les victimes. Adhams reconnaît rapidement l’intégralité des faits. La présidente du tribunal semble épouvantée par le mode opératoire : « Vous avez conscience que votre technique de vol est particulièrement violente ? – Oui », répond Adhams d’une voix atone. Il balbutie des excuses et embraye sur sa vie difficile : sans domicile fixe depuis qu’il est sorti de prison le 4 mars 2022, après avoir passé cinq ans en détention, il erre dans les transports, aux abois, à la recherche d’objets à voler. Il explique entendre des voix, avoir des « délires dans sa tête », que ça le rend dangereux. La présidente n’écoute pas, demande s’il a fini et lui lance sur le ton de la sentence : « On vous a déjà expliqué en 2017 que c’était grave, et vous, vous êtes prêt à retourner en prison ! »
Le procureur requiert cinq ans de détention
Le procureur entre en scène : « Ce sont des violences très importantes, une personnalité très inquiétante, une technique d’une gravité extrême. Vous faites une clef de bras, vous étranglez avec de la force par-derrière jusqu’à ce qu’ils remettent leurs objets. Si la victime avait résisté à cet étranglement, qu’est-ce qu’il se serait passé, Monsieur ? » Question purement rhétorique. « Les photos sont glaçantes. On voit les victimes prises en chasse par un costaud baraqué (c’est très relatif, NDLR), vous les enlacez comme un serpent qui attaque sa proie et vous ne laissez plus les victimes souffler ! » Le procureur se rassoit, épuisé par son éloquence.
Le temps pour la présidente de rappeler qu’Adhams, 29 ans, a sept mentions au casier, qu’il vit seul en métropole, loin de sa famille restée en Guyane, et qu’il est en état de récidive légale. Le procureur se relève pour requérir. Après avoir salué le travail « remarquable » des policiers, il souligne de nouveau l’extrême violence des agressions. « Il marche, il repère sa proie, il sait qu’elle est isolée et passe à l’attaque. » Il demande cinq ans de détention, dont quatre ans ferme et un an de sursis probatoire lui imposant une obligation de soin.
« Vous devez protéger les citoyens qui rôdent dans les rues de la république »
L’avocat ne sait pas quoi dire, et il l’avoue : « C’est plus un questionnement que des remarques. On ne va pas se voiler la face sur la gravité. Mon questionnement porte sur la productivité de l’emprisonnement comme sanction pénale. Il a passé sept de ses dix dernières années derrière les barreaux. Qu’est-ce qu’on a gagné ? Rien du tout. La même personne commet les mêmes faits. » Il conclut étrangement : « Vous devez protéger les citoyens qui rôdent dans les rues de la république », tout en semblant demander une relative clémence en termes d’années de prison.
Adhams n’a rien à ajouter, le procès est fini.
La décision tombe trente minutes plus tard : quatre ans de prison dont un an de sursis probatoire consistant en une obligation de soins pendant deux ans. Le tribunal a prononcé un mandat de dépôt, Adhams part directement en prison.
Référence : AJU373394