Tribunal de Pontoise : « Vous vouliez vraiment passer en comparution immédiate »
Yacine, 22 ans, aurait dû comparaître libre pour ce dossier qualifié « d’évasion », mais entre-temps il a commis une nouvelle infraction, ce qui l’a conduit en garde à vue puis dans le box des comparutions immédiates du tribunal de Pontoise, lundi 10 octobre.
Un peu chiffonné et hirsute après 48 heures en cellule, Yacine se gratte la tête dans son box. Il est jugé non pas pour une, mais pour deux affaires. Il aura donc deux procès à la suite, deux réquisitoires, deux défenses et deux jugements. Pour les faits qualifiés d’évasion, il aurait dû comparaître libre, mais pour un refus d’obtempérer, il a été placé en garde à vue, et ce fut l’occasion de joindre les deux procédures.
En fait, Yacine, exécutant une peine de prison, était placé sous surveillance électronique, et à en croire le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), il a pris cette détention, électronique mais pas virtuelle, par-dessus la jambe. Le bracelet subit des dommages ? Il ne le signale pas. Il ne répond pas aux appels du service de probation, et réintègre son domicile après l’heure fixée, en violation de ses obligations. « Y’a des incidents je suis coupable, d’autres ce sont des problèmes techniques », dit-il au tribunal. Le Juge d’application des peines souhaite révoquer le sursis probatoire, puisque Yacine ne le respecte pas. Le 7 juillet, il n’avait pas déféré à sa convocation.
Les rapports d’incidents sont si nombreux que, le 3 juillet 2002, après la rupture d’une sangle du bracelet, Yacine est considéré comme étant en évasion. Lui, dit-il, n’en savait rien du tout. D’ailleurs, il se rend au SPIP le 4 octobre pour rendre le matériel, car sa peine s’est achevée le 26 septembre, et personne ne trouve rien à redire. Ce qu’il ignore alors, c’est que compte tenu des nombreux incidents, elle a été rallongée d’un mois. Le SPIP non plus ne le savait pas à ce moment-là, car l’information ne leur est parvenue que le 7 octobre. L’imbroglio administratif et judiciaire est dense. Yacine est en évasion, Yacine n’a pas fini sa peine, mais Yacine est libre comme l’air, et personne n’a songé à l’interpeller.
« C’est un profil très prometteur »
Heureusement pour le parquet, le prévenu va précipiter les choses et simplifier la procédure. Vendredi 7 octobre au soir, il sort d’une audience chez le juge des libertés et de la détention ; le 8 octobre à 17 h 40 à Argenteuil, deux individus sur un scooter, dont Yacine, non casqués, s’enfuient à la vue d’une patrouille de police qui leur demandait de s’arrêter. Les policiers ont noté que « le passager encourageait le conducteur à tenter de (nous) semer », tandis que des jeunes de la cité s’amusaient à canarder le véhicule sérigraphié avec différents projectiles. Yacine est au guidon. Il commet de nombreuses infractions routières avant d’être intercepté un peu plus loin.
En garde à vue, il dit qu’il n’avait pas envie de s’arrêter. « Vous vouliez vraiment passer en comparution immédiate », note la présidente. Yacine ne répond pas. Il ne se défend pas, parle trop bas pour être entendu, ne fournit aucune explication à son comportement. Le tribunal note : « Vous êtes par ailleurs sous contrôle judiciaire dans une affaire de vols de voitures dans laquelle vous êtes mis en examen. »
« Je ne sais pas quoi plaider »
Le procureur dans un premier temps demande 12 mois de prison pour l’évasion. Dans un second temps, il examine le refus d’obtempérer : « L’infraction est reconnue. Monsieur a 22 ans, 6 condamnations, c’est un profil très prometteur. Chacun choisit sa voie. Dans celle-là, vous nous trouverez toujours au bout », lance le procureur à Yacine. Il demande 8 mois de prison avec mandat de dépôt.
« Je ne sais pas quoi plaider », entame l’avocat de la défense. Il montre un homme : le père de Yacine est là. « Il m’a dit : ‘mon autre fils est en prison à Osny. J’ai honte. Est-ce que lui pourrait être incarcéré à Nanterre ?’ » où l’homme vit. L’avocat se tourne vers le tribunal. Pour l’évasion, il plaide la relaxe. Pour le refus d’obtempérer : « C’est pas évident de demander un placement sous surveillance électronique, mais je vais quand même le faire. »
Lorsqu’il est condamné à 4 mois plus 3 mois de prison ferme, Yacine ne moufte pas. Son père s’est approché du box et, les yeux dans les yeux, ils échangent quelques mots. Le père a le regard dur et ému. Yacine pose sa main contre la vitre et baisse la tête.
Référence : AJU327639