Tribunal de Pontoise : « Y’aura pas de divorce, tu vas crever avant ! «
Un homme de 36 ans est prévenu d’avoir menacé et violenté sa compagne, devant leurs enfants. Il conteste les violences et explique l’avoir menacée après avoir découvert qu’elle le trompait avec son frère.
Kamal a les yeux tout écarquillés et le front luisant, raide comme un piquet dans son polo moulant. Six mois après les faits, il a toujours l’air furieux et maîtrise mal son zozotement dont on comprend vite qu’il empire quand il s’emporte. On l’imagine hurler à sa femme, le 7 mars 2023 : « Je vais te buter, te tuer, te planter grosse salope, ça fait 48 heures que t’as quitté le domicile familial et crois-moi je vais te mettre la main dessus. » Ce sont des menaces de mort, pour lesquelles il est jugé par une formation correctionnelle à juge unique, le 6 septembre 2023 à Pontoise.
La juge : « Vous l’avez reconnu.
— Oui tout à fait.
— Les insultes c’est une chose, mais comment on en vient à des menaces de mort ?
— J’ai appris qu’elle avait des relations sexuelles avec mon frère.
— Votre frère handicapé dont elle s’occupait (elle est aide-soignante, NDLR) ?
— Oui, elle le faisait uniquement pour lui soutirer l’argent. Il lui a acheté une voiture !
— Bon, ce n’est pas le sujet. Les menaces : comment vous expliquez que vous vous énerviez à ce point ?
— J’ai appris la relation avec mon frère », dit-il simplement.
« Si je l’avais étranglée, avec mes grosses mains, je n’aurais pas laissé qu’une seule trace »
Ce même jour, l’altercation a dégénéré en violences physiques, ce dont témoignent les ecchymoses sur le cou de la plaignante, que les policiers ont photographiées. Interrogé, Kamal répond, plein d’aplomb et les dents serrées : « Ce sont des propos calomnieux, elle est habituée à en tenir.
— Comment vous expliquez cette ecchymose ?
— Je peux pas l’expliquer, mais c’est pas moi. Si je l’avais prise à deux mains, elle n’aurait pas eu que ces deux traces.
— Ça vient d’où ?
— Faut lui poser la question.
— On lui a posé, elle dit que c’est vous.
— Si je l’avais étranglée, avec mes grosses mains, je n’aurais pas laissé qu’une seule trace » répond le prévenu en montrant ses mains.
La femme de Kamal a quitté le domicile avec les enfants : il dépose des mains courantes. Elle lui ramène les enfants, et le lendemain, 8 mars, il se présente devant son domicile avec les enfants alors qu’elle est en voiture, pour les lui confier de nouveau. Elle tente de s’échapper : « Je vais te buter, y’aura pas de divorce, tu vas crever avant », lui hurle-t-il en bloquant la voiture. Elle est parvenue à s’enfuir en lui criant « bite molle ! Bouffe-les tes gosses », rapporte le prévenu. La présidente demande un éclairage :
« Vous êtes en voiture, vous lui bloquez la route et l’empêchez de repartir ?
— Je voulais lui imposer de reprendre les enfants, car je ne pouvais pas les garder le lendemain. »
Les enfants sont deux, âgés de 3 et 6 ans.
« J’ai pas su me contrôler, j’ai été stupide »
La juge, enfin, revient sur des dégradations commises par Kamal sur le véhicule de la sœur de sa femme. Il concède : « J’ai pas su me contrôler, j’ai été stupide. Elle a été agressive, elle gardait les enfants pendant que ma femme faisait la bagatelle avec mon frère. »
Kamal a agi comme un homme humilié qui n’a plus rien à perdre, a menacé tout le monde, et n’en a pas fini : « Aujourd’hui je suis interdit de contact, mais je tiens à signaler qu’elle est venue m’agresser à mon domicile avant-hier ». Il a déposé plainte pour ces faits, dit-il.
«— Vos enfants vous les voyez ?
— Tout à fait.
— Vous les récupérez comment ?
— Par mes parents, un ami, un tiers.
— Donc la relation est loin d’être sereine. »
La présidente relance : « Quel serait son intérêt de mentir ?
— À mon avis elle pensait m’envoyer en prison pour faire la bagatelle avec mon frère.
— Parce qu’ils en avaient besoin ?
— Ah oui, je m’y oppose !
— S’ils veulent avoir une relation, vous ne pouvez pas les en empêcher, Monsieur.
— Ah si Madame, c’est l’adultère !
— Bon, on ne va pas s’occuper de la relation de votre frère et de votre femme. »
« Tout ça ne mérite pas douze mois »
La procureure requiert douze mois avec sursis probatoire, interdiction de contact, de paraître au domicile, obligation de soins. Elle décrit la scène d’étranglement rapportée par la plaignante : lui sur elle, allongés sur le lit, lui serrant le cou. Elle dit être inquiète au vu du profil du prévenu.
L’avocat surprend : « Je partage en partie l’inquiétude de la procureure, car je suis convaincu que Monsieur n’a pas fini de devoir répondre des plaintes de madame », sous entendant qu’elles sont farfelues et calomnieuses. « Elle aurait détourné un certain nombre de biens appartenant au frère. Je brosse le tableau, j’apporte un certain nombre d’éléments… », dit-il, points de suspension compris.
Sur les violences, il déplore que « comme d’habitude, il n’y ait aucun témoin. Tout ça ne mérite pas douze mois. » La juge est d’accord : Kamal prend neuf mois de prison avec sursis probatoire.
Référence : AJU391907