Violences familiales : « Je vais te baiser ta mère, ta mère en sang, sans vie »

Publié le 12/07/2022

Un père comparaît devant la 12e chambre du tribunal de Créteil le 10 juin 2022 pour menaces de mort en récidive envers son ex-épouse et son ex-belle-mère devant sa fille de dix ans. Comment le tribunal va-t-il évaluer sa dangerosité ?

Violences familiales : "Je vais te baiser ta mère, ta mère en sang, sans vie"
Photo : ©P. Anquetin

« Je vais te niquer ta mère, je vais te baiser ta mère, ta mère en sang, sans vie, toi et ton sale Algérien » Ce n’est qu’une partie des menaces qu’Ahmed adresse au téléphone à Élodie, son ex-femme. En principe il n’a pas le droit de lui parler ; il a été condamné il y a moins d’un an à une interdiction de contact, déjà pour menaces de mort. Mais il a l’autorisation parler à leur fille de 10 ans, Léna.

« Il va y avoir un drame »

Le père et la fille bavardaient donc au téléphone le 6 juin 2022. La conversation a pris mauvaise tournure quand la petite a annoncé à son père qu’elle était invitée à l’anniversaire d’une copine. « Il y aura qui ? » demande Ahmed. Léna donne le prénom de quelques enfants. « Il y a des garçons ? réagit le père. Tu n’iras pas. Une fille ne doit pas aller à un anniversaire avec des garçons. » Quand elle explique que sa mère et sa grand-mère ont dit oui, Ahmed voit rouge, vocifère : « Elles vont passer dans les faits divers, il va y avoir un drame ! » La mère se saisit du téléphone et reçoit une nouvelle bordée de menaces. Le lendemain, elle porte plainte pour la seconde fois.

Les policiers interrogent l’enfant. « Je voudrais bien lui parler, mais quand j’appelle une fois, il rappelle plein de fois. » Et il lui « crie dessus » au téléphone. Sur une vidéo qu’il lui a envoyée, il a annoncé qu’il allait tuer sa grand-mère.

Des menaces pour faire peur

Dans le box des prévenus, Ahmed peine à contenir son dépit. Cheveux noirs, barbe noire, œil noir, le menton haut, il toise le tribunal et le public.

« — La relation avec ma fille n’est pas facile parce que sa mère et sa grand-mère interfèrent. C’est vrai que je me suis énervé contre sa mère. Je l’ai insultée, mais pas menacée. Ça fait dix ans qu’elles se prétendent victimes. Si quelque chose avait dû arriver depuis dix ans, ça serait arrivé.

— Le but de menaces de mort, c’est de faire peur. Elles ont eu peur.

— C’était pas mon but ».

Son casier est émaillé d’incidents : outrage, dégradation il y a dix ans, conduite sans permis l’année dernière. Et en septembre 2022 donc, 10 mois avec sursis probatoire de deux ans pour menaces sur Élodie. L’expertise psychiatrique ne relève pas de trouble ayant altéré le discernement. Il travaille comme gardien dans une maison de retraite.

« — Pourquoi vous a-t-on imposé une obligation de soins, Monsieur ?

— Je ne sais pas. Parce que j’ai été violent sur ce coup-là. J’ai vu un psychiatre plusieurs fois, une fois par mois. Il me demandait si tout va bien.

— Avez-vous été interné en hôpital psychiatrique ?

— Oui un mois. On n’a rien diagnostiqué, on m’a pas donné de traitement ».

L’avocate des parties civiles raconte un peu la vie de l’enfant. « Elle est triste quand elle ne parle pas à son père et elle est triste quand elle lui parle ». Les menaces lui ont fait peur. « Je ne sais pas ce qu’il est capable de faire. Il ne faut pas qu’il y ait de drame. »

Borderline

La procureure insiste. « Il n’est pas capable d’entendre certaines choses. La sanction, il n’en a que faire. Tout ce qui compte, c’est lui-même. Il persévère dans son comportement. Or il ne se passe pas une journée sans qu’il n’y ait un homicide conjugal dans les journaux… » En conclusion, une réquisition de dix mois ferme, révocation du précédent sursis, mandat de dépôt, interdiction de contact avec la mère et la grand-mère pendant trois ans.

« Oui, c’est une personnalité borderline, admet l’avocat du prévenu. Il a une pathologie psychiatrique, des difficultés de comportement, de gestion de la frustration. Mais il y a un lien affectif réciproque avec Léna. » Sur les menaces, l’avocat ne croit pas au passage à l’acte et suggère un aménagement de peine pour permettre à son client de conserver son emploi.

Semi-liberté

Enfermé dans son box, enfermé en lui-même, Ahmed n’ajoute rien, pas d’excuses. Le tribunal le condamne à huit mois ferme avec mandat de dépôt et révocation du sursis précédent. Un juge d’application des peines mettra en place une mesure de semi-liberté pour qu’il continue à travailler. Ou comment limiter les risques de passage à l’acte sans exclure.

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