Voiture de police attaquée à Paris : sortir son arme de service n’est pas une faute
Le 23 septembre dernier, dans le cadre d’une manifestation contre « les violences policières », une voiture de police coincée dans les embouteillages a été attaquée à coups de barre de fer boulevard de Clichy. Un policier en est sorti arme au poing en direction des agresseurs, les faisant reculer. Julien Sapori, commissaire divisionnaire honoraire, explique pourquoi aucune faute n’a été commise, contrairement à ce que prétendent certains, dont la députée Sandrine Rousseau.

Le samedi 23 septembre 2023, à l’appel de la France Insoumise (LFI), des écologistes d’EELV, de certains syndicats et de 198 associations, ont eu lieu dans toute la France des manifestations contre « les violences policières » et « le racisme systémique ». Le Parti socialiste et le Parti communiste ont décidé de ne pas s’y associer. Au total, elles n’ont comptabilisé que 31 000 manifestants, dont 9 000 à Paris. « Le Vatican, combien de divisions ? » : beaucoup plus, car au même moment 64 000 personnes se sont rendues au meeting du pape à Marseille.
Un geste inadmissible ?
En marge de la manifestation parisienne, a eu lieu un incident très médiatisé, qui a masqué le fiasco de cette journée : vers 16 h 30, boulevard de Clichy, une voiture de police sérigraphiée avec quatre policiers à son bord a été attaquée à coups de pied, de barres de fer et de projectiles par des dizaines d’individus cagoulés. Après avoir essayé de s’enfuir toutes sirènes hurlantes, la voiture a été bloquée par la circulation ; à ce moment, un policier est sorti du véhicule et a braqué son pistolet automatique* sur les assaillants, leur intimant de reculer (voir par exemple les images de TF1 ici). Peu après, des policiers de la BRAV-M sont arrivés sur les lieux et ont procédé à deux interpellations. La scène a été filmée par de nombreux passants et rapidement diffusée sur les réseaux sociaux et les médias. Mme Sandrine Rousseau, députée EELV, a réagi laconiquement et définitivement sur X (ex twitter) : « ce geste est inadmissible ».
Pour sa part, le député LFI Louis Boyard (présent dans la manifestation parisienne), a refusé de condamner explicitement l’agression, renvoyant dos à dos les policiers et les assaillants : « Si vous voulez que les violences cessent, que ce soit les violences policières ou les violences des manifestants, alors vous avez besoin d’une réponse politique, qui passera par une réforme de la police ».
La sortie d’arme n’est pas une infraction
La justice pourrait-elle se saisir de ces faits et poursuivre le policier qui a braqué son arme contre les assaillants ? Non, en aucun cas, car la sortie d’arme et l’usage de l’arme ne sont absolument pas comparables : la sortie d’arme par des policiers ou des gendarmes, à savoir le fait de braquer son pistolet automatique sur des personnes, ne constitue pas une infraction prévue par le Code pénal.
On me dira : mais si le policier avait tiré ? Je pourrais tout simplement répondre que la question est oiseuse, puisqu’il ne l’a pas fait, mais au fond elle est intéressante, car il n’est pas exclu que, compte tenu du climat insurrectionnel actuel, on soit confronté, dans un avenir proche, à un tel cas de figure. Je ne sais pas quelles auraient été les conclusions du tribunal, mais j’invite tous les excités à bien réfléchir à ce qu’ils font, et à ne pas banaliser les actes de violences contre les forces de l’ordre (lors des manifestations du 23 septembre dernier, à Besançon, on a constaté la présence d’un panneau « un policier, une balle »). Les conséquences pourraient être dramatiques, non seulement pour les policiers, mais aussi pour leurs agresseurs, sur le plan physique comme au plan judiciaire.
Les conditions de nature à justifier une ouverture de feu étaient réunies
En effet, l’article 122-5 du Code pénal (qui, je le rappelle, s’applique à tout le monde, qu’il s’agisse donc de quidams comme de policiers) précise que la légitime défense est constituée lorsqu’elle est justifiée par « des violences ayant ou non entraîné la mort » ou alors par des « dégradations de biens » ; la jurisprudence précise également que l’acte de défense doit constituer la seule solution pour se soustraire au danger, la fuite étant impossible. Or, ces conditions étaient réunies samedi dernier pour justifier, éventuellement, une ouverture de feu par les policiers attaqués ; elles sont abondamment attestées par les divers films, les constatations effectuées sur le véhicule et les témoignages des policiers attaqués. Le policier agressé qui a sorti son arme a donc opté pour l’option la plus « douce », se limitant à menacer les agresseurs avec son arme de manière à les faire reculer. Certes, la légitime défense doit être proportionnelle à la menace, mais un coup de barre de fer sur la tête (tête, en l’espèce, dépourvue de casque de protection…) peut tuer, aussi bien qu’un sabre japonais : c’est ce qui est arrivé en octobre 2011, lorsque la policière Anne Pavageau, âgée de 30 ans et mère de deux enfants, a été tuée à la préfecture de Bourges. Elle n’avait pas fait usage de son arme estimant, peut-être, que les conditions de proportionnalité de la légitime défense n’étaient pas réunies…
Le policier avait la bonne position de sécurité : son doigt était appuyé sur le pontet
À défaut d’une enquête judiciaire, peut-on envisager une enquête administrative ? Le Préfet de Police, Laurent Nuñez, a exprimé rapidement son soutien au policier qui a braqué ses agresseurs : « Ça dure quelques secondes et il regagne son véhicule pour pouvoir se dégager, je n’ai pas d’observation à formuler sur cette opération policière si ce n’est de saluer le courage et le sang-froid des effectifs ». Il n’y aura pas donc d’enquête administrative par la « police des polices ». Il faut préciser que les images tournées sur place, permettent de constater, sans l’ombre d’un doute, que le policier en question a braqué son arme tout en tenant son doigt appuyé sur le pontet, et pas sur la détente. Pour ceux qui ne s’y connaissent pas, le pontet est la boucle de métal qui protège la détente, et qui empêche donc toute pression accidentelle susceptible de faire partir le coup de feu : c’est ce qu’on enseigne aux policiers lors de leur formation au tir. Samedi dernier, en dépit du stress extrême de la situation, le policier qui est sorti du véhicule a intégré cette consigne et l’a appliquée, de manière à empêcher que, par exemple, frappé par un projectile, son doigt ne se crispe sur la détente déclenchant un tir contre sa volonté. Il doit être félicité pour son sang-froid et son professionnalisme, ce que le Préfet de Police n’a pas manqué de faire.
Un équipage étranger au dispositif de la manifestation
Une autre question a été posée, entre outre, par Ritchy Thibault, le cofondateur du collectif Peuple Révolté, qui a déclaré qu’il « est assez gravissime qu’un policier mette en joue, dans le cadre d’une manifestation, des populations civiles ». Or, le véhicule de police attaqué ne faisait en aucun cas partie du dispositif dédié à la manifestation et n’a pas côtoyé le cortège : il s’agissait d’un équipage de Police Secours qui, sur instruction radio, était dirigé vers une de ces missions qui font le quotidien de la Sécurité Publique. D’ailleurs, comme chacun pourra le constater en visionnant les films, les quatre policiers n’étaient pas munis de tenues et d’équipement de maintien de l’ordre. M. Thibault s’est-il trompé de bonne foi ? Difficile de le croire. Il est clair que dans son esprit, comme dans celui d’autres, le policier, quel qu’il soit, et quelle que soit sa mission, est, par nature, un être détestable. Ce n’est pas nouveau. En 1862, Charles Baudelaire, en commentant la sortie du roman Les Misérables de Victor Hugo, écrivait à propos de l’inspecteur Javert : « Il y a dans cette galerie de douleurs et de drames funestes une figure horrible, répugnante, c’est le gendarme, le garde-chiourme, la justice stricte, inexorable, la justice qui ne sait pas commenter, la loi non interprétée, l’intelligence sauvage (peut-on appeler cela une intelligence ?) qui n’a jamais compris les circonstances atténuantes, en un mot la Lettre sans l’Esprit ; c’est l’abominable Javert. J’ai entendu quelques personnes, sensées d’ailleurs, qui, à propos de ce Javert, disaient : ’ Après tout, c’est un honnête homme ; et il a sa grandeur propre’. (…) Pour moi, je le confesse, au risque de passer pour un coupable (…) Javert m’apparaît comme un monstre incorrigible, affamé de justice comme la bête féroce l’est de chair sanglante, bref, comme l’Ennemi absolu ».
Les temps de Javert reviennent, (avec Les Misérables en moins, car on n’est plus envoyé au bagne pour le vol d’une baguette de pain). Une frange de l’opinion publique française, minoritaire mais non insignifiante, souhaite rejouer 1830, 1832, 1848, 1851 et 1871, convaincue que la révolte accouchera d’un monde meilleur. À défaut d’une doctrine, la haine de la police (« l’Ennemi absolu ») est devenue leur dénominateur commun, et même leur programme politique. L’image que les Français ont de la police, reflète de manière presque caricaturale les clivages politiques : chez les électeurs, elle est positive à 60 % pour les Socialistes, à 61 % pour ceux qui votent RN et 90 % pour les Républicains, mais le score n’atteint que 35 % chez les Écologistes et même 20 % chez les sympathisants de la France Insoumise. Encore un effort messieurs dames, et la France sera prête pour la guerre civile.
*Le Sig-Sauer SP 2022 qui équipe la police et la gendarmerie en France est techniquement un pistolet semi-automatique. Mais on le désigne chez les professionnels sous l’appellation de « pistolet automatique » ou PA. C’est le terme retenu ici par l’auteur.
Référence : AJU391879
