La réforme des sociétés d’avocats avec le décret du 14 août 2024
Cinq décrets parus au Journal officiel du 17 août 2024 modifient les conditions d’exercice en société des professions libérales. Me Patrick Lingibé décrypte celui relatif aux sociétés d’avocats. Attention ! Certaines dispositions sont applicables dès le 1er septembre prochain.
Cinq décrets importants ont été publiés au Journal Officiel du samedi 17 août 2024. Ils pour point commun d’organiser les conditions d’exercice en société des professions réglementées juridiques :
*Le décret n° 2024-872 du 14 août 2024 relatif à l’exercice en société de la profession d’avocat.
*Le décret n° 2024-873 du 14 août 2024 relatif à l’exercice en société de la profession de notaire : il est constitué de 260 articles répartis en 6 livres.
*Le décret n° 2024-874 du 14 août 2024 relatif à l’exercice en société de la profession de commissaire de justice: il est organisé autour de 6 livres avec 261 articles.
*Le décret n° 2024-875 du 14 août 2024 relatif à l’exercice en société de la profession de greffier de tribunal de commerce: il comporte 26 articles.
*Le décret n° 2024-876 du 14 août 2024 relatif à l’exercice en société de la profession d’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation: il est constitué de 155 articles organisés autour de 4 livres.
Notre commentaire sera limité au décret se rapportant aux sociétés d’avocats. Ce texte définit les modalités d’exercice sous forme de société civile professionnelle ou sous forme de société d’exercice libéral de la profession d’avocat.
Il fixe également les règles des sociétés en participation et des sociétés de participations financières de profession libérale d’avocat.
Il reprend principalement à droit constant les décrets n° 92-680 du 20 juillet 1992 modifié pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 modifiée relative aux sociétés civiles professionnelles et n° 93-492 du 25 mars 1993 modifié pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 modifiée relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
Il insère enfin les nouveautés introduites par l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées.
Nous commenterons ce texte en rappelant tout d’abord la réforme réalisée par l’ordonnance de 2023 (I) avant d’aborder les dispositions essentielles du décret du 14 août 2024 (II).
I – LA REFORME OPÉRÉE PAR L’ORDONNANCE DU 8 FÉVRIER 2023.
Nous ne pouvons pas comprendre le contenu des cinq décrets publiés au Journal Officiel du 17 août 2024 sans avoir en arrière-plan la réforme opérée tant sur la forme que sur le fond par l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées.
En premier lieu, cette ordonnance a été prise en application de l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante qui, afin de simplifier l’exercice en société des professions libérales réglementées, avait habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour atteindre un double objectif :
Le premier : clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, d’une part, en précisant les règles communes qui leur sont applicables et, d’autre part, en adaptant les différents régimes juridiques leur permettant d’exercer sous forme de société.
Ce premier objectif a consisté à clarifier la rédaction des anciennes dispositions législatives communément applicables aux professions libérales réglementées, celles-ci étant devenues difficilement intelligibles aux destinataires de la norme, y compris les professionnels du droit. Cette réécriture a permis de présenter ainsi les dispositions applicables selon une grille de lecture envisageant le type de société (SARL, SA, SAS, etc.) en fonction des professions libérales réglementées en fonction de leur secteur d’activité.
Le deuxième : faciliter le développement et le financement des structures d’exercice des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, à l’exclusion de toute ouverture supplémentaire à des tiers extérieurs à ces professions du capital et des droits de vote.
Pour le deuxième objectif, cette ordonnance a pris appui sur les propositions du rapport de la mission de l’Inspection Générale des Finances de Messieurs Frédéric Lavenir et Nicolas Scotté visant à simplifier l’exercice libéral et favoriser la création et la croissance de ces entreprises. Autrement dit, il s’agit de faire de la société d’exercice libéral (SEL) le modèle d’exercice en société des professions libérales réglementées, d’où le rapprochement des autres modèles traditionnels existant (SCP, etc.) de celui de la SEL qui, au demeurant, constitue une forme juridique totalement autonome par rapport aux sociétaux de capitaux de droit commun que sont les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiée.
Cette ordonnance du 8 février 2023 se compose de 135 articles organisés autour de 6 livres.
Le livre Ier intitulé « DISPOSITIONS COMMUNES AUX SOCIÉTÉS D’EXERCICE DE PROFESSIONS LIBÉRALES RÉGLEMENTÉES » comprend les articles 1 à 4. Il contient les définitions permettant une clarification à travers la mise en place de principes communs : il est apparu nécessaire de définir notamment la notion de profession libérale réglementée ainsi que les trois familles qui la composent afin de délimiter clairement le champ d’application du régime encadrant leur exercice en société et ainsi d’identifier au mieux les besoins propres à chacune de ces professions.
Le livre II intitulé « DES SOCIÉTÉS CIVILES » est constitué des articles 5 à 39. Il reprend l’essentiel de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 modifiée relative aux sociétés civiles professionnelles traitant des sociétés civiles professionnelles, les sociétés de moyen et les sociétés coopératives. Il traite de la question des sociétés en participation des professions libérales (SEPPL) en ouvrant la possibilité aux personnes morales d’être désormais associées au sein d’une SEPPL pour répondre à un besoin de souplesse au service des professionnels.
Le livre III intitulé « DES SOCIÉTÉS D’EXERCICE LIBÉRAL » comporte les articles 40 à 95. Il traite de la société d’exercice libérale et regroupe l’ensemble des dispositions du titre Ier de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.
Le livre IV intitulé « DES SOCIÉTÉS PLURI-PROFESSIONNELLES D’EXERCICE » est composé des articles 96 à 109. Il est composé d’une réécriture à droit constant des articles 31-3 et suivants de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales. Il traite ainsi de la société pluri professionnelle d’exercice (SPE).
Le livre V intitulé « DES SOCIÉTÉS DE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE PROFESSIONS LIBÉRALES » est constitué des articles 110 à 128. Il est une reprise du titre IV traitant des sociétés de participations financières de professions libérales avec une amélioration du dispositif de holdings libérales SPFPL dans l’optique de favoriser le développement économique des entreprises libérales.
Le livre VI intitulé « DISPOSITIONS DIVERSES » est composé des articles 129 à 135. Il regroupe les dispositions diverses, transitoires et abrogatives.
En résumé, l’ordonnance du 8 février 2023 a essentiellement d’une part, procédé à une unification et une simplification du régime juridique de l’exercice en société des professions libérales réglementées et d’autre part, a modifié les dispositions applicables aux holdings constituées sous forme de sociétés de participations financières des professions libérales (SPFPL).
En premier lieu, l’article 1 de cette ordonnance a donné une définition de ce qu’est une profession libérale réglementée :
« Les professions libérales réglementées groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client, du patient et du public, des prestations mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées.
Ces professions sont soumises à un statut législatif ou réglementaire ou leur titre est protégé.
Elles sont tenues, quel que soit le mode d’exercice de leur profession et conformément aux textes qui régissent son accès et son exercice, au respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle susceptibles d’être sanctionnés par l’autorité compétente en matière disciplinaire. »
En deuxième lieu, l’article 2 de cette même ordonnance a créé trois familles de professions libérales réglementées :
« Pour l’application de la présente ordonnance, les professions libérales réglementées sont regroupées en trois familles :
1° La famille des professions de santé réunit les professions libérales réglementées mentionnées à la quatrième partie législative du Code de la santé publique ainsi que les biologistes médicaux ;
2° La famille des professions juridiques ou judiciaires, dont la liste est précisée par décret ;
3° La famille des professions techniques et du cadre de vie réunit les autres professions libérales réglementées. »
En troisième lieu, son article 3 définit ce qu’est un « professionnel exerçant » :
« Au sens de la présente ordonnance, on entend par professionnel exerçant la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère.
La seule réalisation d’actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant. »
Enfin, en quatrième lieu, l’ordonnance s’était attachée à faire évoluer la société pluriprofessionnelle d’exercice (SPE) qui a été instaurée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi Macron en permettant l’exercice de plusieurs professions libérales réglementées dans une même société. Dans cette perspective, la création de sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), sociétés holding ayant pour objet la détention de parts ou d’actions de sociétés d’exercice et de groupements de droit étranger, a pour objet l’exercice d’une ou plusieurs professions libérales réglementées. Elles peuvent prendre la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés anonymes, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés en commandite par actions.
Le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées a été déposé au Sénat le 5 juillet 2023 et n’a toujours pas été adopté.
Cependant, dans une décision n° 2020-851/852 QPC du 3 juillet 2020, M. Sofiane A. et autre [Habilitation à prolonger la durée des détentions provisoires dans un contexte d’urgence sanitaire], le Conseil constitutionnel a confirmé le revirement qu’il a opéré dans sa décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, Force 5 [Autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité] s’agissant du contrôle qu’il entend exercer sur les dispositions d’une ordonnance non ratifiée en QPC : « (…) si le deuxième alinéa de l’article 38 de la Constitution prévoit que la procédure d’habilitation du gouvernement à prendre des ordonnances se clôt, en principe, par leur soumission à la ratification expresse du Parlement, il dispose qu’elles entrent en vigueur dès leur publication. Par ailleurs, conformément à ce même alinéa, dès lors qu’un projet de loi de ratification a été déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances demeurent en vigueur y compris si le Parlement ne s’est pas expressément prononcé sur leur ratification. Enfin, en vertu du dernier alinéa de l’article 38 de la Constitution, à l’expiration du délai de l’habilitation fixé par la loi, les dispositions d’une ordonnance prise sur son fondement ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. » Ce qui entraîne le nécessaire contrôle du Juge de la rue de Montpensier, même si cette ordonnance demeure par nature réglementaire du fait de son auteur originel : « 11. Si les dispositions d’une ordonnance acquièrent valeur législative à compter de sa signature lorsqu’elles ont été ratifiées par le législateur, elles doivent être regardées, dès l’expiration du délai de l’habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut donc être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité. »
Les cinq décrets du 14 août 2024 visent donc à mettre en œuvre les dispositions réglementaires afin de rendre applicables dans chacune des professions libérales réglementées les dispositions de l’ordonnance du 8 février 2023.
II – LES GRANDES LIGNES DU DÉCRET DU 14 AOÛT 2024 SUR LES SOCIÉTÉS D’AVOCATS.
Le décret du 14 août 2024 est pris pour l’application de cette ordonnance à la profession d’avocat.
En premier lieu, il définit les nouvelles modalités d’exercice sous forme de société civile professionnelle ou sous forme de société d’exercice libéral de la profession d’avocat.
En deuxième lieu, il fixe également les règles des sociétés en participation et des sociétés de participations financières de profession libérale d’avocat.
En troisième lieu, il reprend principalement à droit constant les décrets n° 92-680 du 20 juillet 1992 pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles et n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.
Enfin en quatrième lieu, il insère les nouveautés introduites par l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées.
Il est constitué de 152 articles répartis à travers les six Livres suivants :
Le livre Ier titré « DES SOCIÉTÉS CIVILES » comprend les articles 1 à 87.
Le Livre II titré « DES SOCIÉTÉS D’EXERCICE LIBÉRAL » comporte les articles 88 à 130.
Le Livre III titré « DES SOCIÉTÉS DE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE PROFESSION LIBÉRALE D’AVOCATS » est constitué des articles 131 à 144.
Le Livre IV titré « DISPOSITIONS APPLICABLES DANS LES DÉPARTEMENTS DU HAUT-RHIN, DU BAS-RHIN ET DE LA MOSELLE » comporte les articles 145 à 146.
Le Livre V titré « DISPOSITIONS APPLICABLES À L’OUTRE-MER » comprend un article 147.
Le Livre VI titré « DISPOSITIONS DIVERSES » est constitué des articles 148 à 152.
Nous traiterons seulement ci-dessous des grandes lignes de ce décret.
Pour les sociétés civiles professionnelles, l’article 20 impose désormais la majorité des 2/3 pour la modification des statuts ou, sauf clause contraire, la décision de transformer une société civile professionnelle en une société d’une autre forme est prise à la majorité des deux tiers des associés :
« La modification des statuts est décidée à la majorité des deux tiers des voix de l’ensemble des associés.
Sauf clause contraire des statuts, la majorité requise pour approuver une des opérations mentionnées au deuxième alinéa de l’article 30 de l’ordonnance du 8 février 2023 susvisée est celle prévue au premier alinéa.
Par dérogation au premier alinéa, l’augmentation des engagements des associés ne peut être décidée qu’à l’unanimité.
Un exemplaire de tout acte modifiant les statuts est déposé dans le délai de quinze jours à compter de sa date au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés dans les conditions et sous les effets prévus au décret du 30 mai 1984 susvisé. »
L’article 82 dispose que la réunion des parts sociales en une seule main entraîne en principe la dissolution de la société civile professionnelle, étant précisé que tant qu’elle n’est pas dissoute elle peut toujours participer à une opération de fusion :
« Dans le délai de deux ans prévu au deuxième alinéa de l’article 29 de l’ordonnance du 8 février 2023 susvisée, l’associé unique peut céder, conformément aux dispositions de l’article 23, une partie de ses parts sociales à un tiers.
Dans le même délai, la société peut encore participer à une opération de fusion.
A défaut, la société est dissoute dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 29 de l’ordonnance du 8 février 2023 susvisée. Il est procédé à sa liquidation conformément aux articles 66 et 67. L’associé unique est de plein droit liquidateur de la société et, en cas de refus ou d’empêchement, un avocat est désigné par le bâtonnier du barreau auquel appartient la société. »
Pour les sociétés d’exercice libéral, plusieurs modifications non exhaustives sont à relever.
Tout d’abord, l’article 111 du décret du 14 août 2024 institue un droit renforcé d’information à l’égard des ordres d’avocats. Les SEL doivent avant le 1er mars de chaque année et seulement en cas de changement durant l’année qui précède au conseil de l’ordre compétent territorialement un état de la composition de son capital social et des droits de vote afférents, ainsi qu’une version à jour de ses statuts. Sont également adressées par les associés de la SEL les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé.
Par ailleurs, l’article 100 du décret du 14 août 2024 réglemente l’exercice du droit de retrait d’un associé d’une SEL avec l’institution d’un délai de 6 mois à compter de cette notification pour notifier son projet de cession ou de rachat des parts sociales, étant rappelé que les statuts peuvent toujours prévoir une durée plus longue sans pouvoir excéder 10 mois :
« L’associé démissionnaire ou radié du tableau dispose d’un délai de six mois à compter du jour soit de l’acceptation de sa démission, soit de celui où sa radiation est devenue définitive, pour céder ses actions ou parts sociales à un tiers en vue de l’exercice de la profession au sein de la société, à la société ou à d’autres associés. »
Les articles 97 et 98 du décret du 14 août 2024 règlent les questions de cession de parts sociales à un tiers, à la société ou aux associés :
Article 97 :
« Toute cession par un des associés de la totalité ou d’une fraction de ses actions ou parts sociales à un tiers en vue de l’exercice de la profession d’avocat au sein de la société est passée sous la condition suspensive de l’inscription sur la liste prévue au deuxième alinéa de l’article 109.
Lorsque le consentement de la société est acquis dans les conditions prévues par les articles L. 223-14 et L. 228-24 du Code de commerce et 52 de l’ordonnance du 8 février 2023 susvisée, le cessionnaire demande au bâtonnier de l’ordre des avocats au tableau duquel la société est inscrite, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, son inscription sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article 109. Sa demande est accompagnée, à peine d’irrecevabilité, d’une attestation du transfert sur les registres de titres de la société ou de la copie certifiée conforme de l’acte de cession des parts sociales, ainsi que de toutes pièces justificatives, notamment de celles qui sont exigées des personnes demandant leur inscription au tableau ainsi que, lorsque le cessionnaire appartient à un barreau autre que celui du siège de la société, de l’avis du conseil de l’ordre du barreau dont il relève.
Article 98 :
« Toute décision de la société de racheter, dans les conditions prévues par les articles L. 223-14 et L. 228-24 du Code de commerce, tout ou partie des actions ou parts d’un associé et toute convention par laquelle un des associés cède, dans les conditions déterminées par les statuts, tout ou partie de ses actions ou parts sociales aux autres associés exerçant au sein de la société ou à l’un ou plusieurs d’entre eux sont portées à la connaissance du bâtonnier, selon le cas, par la société ou par le ou les associés cessionnaires. »
En matière de rachat de parts sociales, nous recommandons de souscrire un contrat de prévoyance type « rachats de parts ». Ce qui permet de régler en amont et d’anticiper des difficultés pouvant sérieusement affecter le fonctionnement de la société d’avocats. À titre informatif, la Société de Courtage des Barreaux, créée à l’initiative de la Conférence des bâtonniers de France, a établi un contrat d’assurance pour les avocats concernés adapté à cette situation de rachat de parts sociales.
Pour les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), plusieurs modifications sont à noter (non exhaustives).
L’article 131 du décret du 14 août 2024 prévoit la possibilité pour les sociétés de participations financières de professions libérales de détenir de parts sociales :
« Les sociétés constituées en application du livre V de l’ordonnance du 8 février 2023 susvisée en vue de la détention de parts sociales ou d’actions dans des sociétés exerçant la profession d’avocat sont régies par les dispositions du livre II du Code de commerce, sous réserve des dispositions du présent livre.
Conformément au sixième alinéa de l’article 110 de l’ordonnance du 8 février 2023 susvisée, les sociétés de participations financières de profession libérale d’avocats peuvent également détenir des parts sociales ou actions de sociétés commerciales, sous réserve que l’objet de ces dernières soit la réalisation de toute activité que les avocats détenant la société de participations financières de profession libérale sont autorisés à exercer conformément aux règles applicables à leur profession. »
L’article 137 du décret du 14 août 2024 impose un droit d’information au profit de l’autorité ordinale :
« La société de participations financières de profession libérale d’avocats fait connaître au bâtonnier, dans un délai de trente jours à compter de la date à laquelle il se produit, tout changement dans la situation déclarée en application de l’article 132, avec les pièces justificatives. »
Il convient de souligner que le Conseil national des barreaux a formulé des réserves sur le projet de décret sociétés d’avocats que lui avait transmis pour avis le ministère de la Justice.
Le pertinent rapport présenté par la présidente de la commission Statut Professionnel de l’Avocat Audrey CHEMOULI à l’assemblée générale du Conseil national des barreaux du 2 février 2024 faisait état de plusieurs réserves.
Parmi ces dernières, une des réserves concernait la suppression de la disposition sur le droit de retrait. En effet, le nouveau dispositif transforme le droit de retrait en un droit d’ordre public à l’image de celui qui existe en matière de société civile professionnelle. Le CNB demandait en conséquence la suppression de ce droit de retrait d’ordre public afin de maintenir son caractère optionnel.
Le 2 février 2024, l’assemblée générale du Conseil national des barreaux a adopté la motion comportant les demandes suivantes concernant le projet de décret sociétés d’avocats :
« DEMANDE de conserver le texte et de maintenir la limite posée à la pluralité d’exercice (impossibilité pour un avocat de constituer une structure d’exercice unipersonnelle dans un autre barreau)
(…)
CONSIDÈRE qu’il n’est pas nécessaire d’obliger les associés à solliciter du greffier, une attestation de rejet du dossier d’immatriculation, préalablement au dépôt de leur dossier auprès du conseil de l’ordre, dans la mesure où cette complexité n’est plus justifiée. »
Il convient de relever qu’en application de l’article 147, les dispositions du décret du 14 août 2024 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, les autres collectivités d’outre-mer restant hors du champ de la réforme opérée[1].
L’entrée en vigueur du décret du 14 août 2024 est fixée au dimanche 1er septembre 2024.
Toutefois, le second alinéa de l’article 151 du 14 août 2024 instaure un délai de régularisation. En conséquence, les sociétés civiles professionnelles (SCP), les sociétés en participation de profession libérale (SEPL), les sociétés d’exercice libéral (SEL) et les sociétés de participation financières de profession libérale d’avocat (SPFPL)ont jusqu’au 1er septembre 2025 pour se mettre en conformité avec les dispositions du décret n° 2024-872 du 14 août 2024 relatif à l’exercice en société de la profession d’avocat.
En cas de défaut de mise en conformité, il est indiqué que tout intéressé peut demander la dissolution de la société d’avocats concernée, le tribunal ayant toujours la possibilité d’accorder un délai de régularisation de 6 mois.
Attention, entrent en vigueur dès le 1er septembre 2024 les dispositions du décret imposant l’obligation de remontées de certaines informations aux conseils de l’ordre prévues par ses articles 111 (état de la composition de son capital social et des droits de vote afférents, version à jour des statuts, dispositions l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé de la société d’exercice libéral) et 136 (état de la composition de son capital social et des droits de vote afférents, version à jour des statuts, dispositions l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé de la société de participations financières de professions libérales).
[1] Les dispositions du décret du 14 août 2024 sont de plein droit applicables dans les cinq départements et régions d’outre-mer (DROM : Guyane, Martinique Guadeloupe, La Réunion et Mayotte) en application de l’article 73 de la Constitution, premier alinéa.
Référence : AJU462112