Clinique juridique de l’EFB : « Prendre en charge une personne nous responsabilise »
Créée il y a 11 ans, la clinique juridique de l’École de formation professionnelle des barreaux (EFB) permet aux élèves-avocats de mettre un pied dans la vie professionnelle tout en favorisant l’accès au droit. Son activité est organisée par une association, dont Analivia Renucci était présidente en 2024. Elle nous présente son fonctionnement.
Actu-Juridique : Quel est l’objectif de la clinique juridique de l’EFB ?
Analivia Renucci : Toutes les cliniques juridiques ont un double objectif : former les étudiants, qui peuvent pour la première fois donner des conseils juridiques dans leur spécialité, et favoriser l’accès au droit par la tenue de permanences juridiques bénévoles. La clinique juridique de l’EFB a une spécificité : elle est rattachée autant à l’EFB qu’au barreau de Paris Solidarité. L’EFB facilite notre organisation, nous prête des salles et communique sur nos événements. Le barreau de Paris Solidarité (BPS) met à notre disposition des avocats qui nous accompagnent à tous les stades de la permanence. Les élèves-avocats qui prennent part à la clinique rencontrent les justiciables deux fois. Une première fois, pour prendre connaissance du dossier, en présence d’un « avocat superviseur ». Une deuxième fois, 15 jours plus tard, pour délivrer le conseil. Entre ces deux rendez-vous, l’élève-avocat rédige un projet de restitution relu par un « avocat tuteur ». La restitution est toujours orale. Nous n’avons pas l’autorisation de donner un document écrit à la fin des rendez-vous. Les avocats tuteurs ou superviseur qui nous accompagnent n’ont pas le droit de reprendre les dossiers. C’est un principe fixé par le BPS.
AJ : Combien d’élèves-avocats y participent ?
Analivia Renucci : Participer à la clinique juridique n’est pas une obligation, mais beaucoup d’élèves y participent au moins une fois pendant la formation. Cette année, 350 élèves ont contribué. Nous avons trois types de permanence : l’une dans les locaux de l’EFB ou en visioconférence, les deux autres dans les locaux des Restos du cœur et du Secours populaire. Nous avons d’autres partenariats avec ces associations, avec lesquelles nous faisons notamment des distributions alimentaires. La logique est d’aller vers les justiciables plutôt que de les faire systématiquement venir à nous. Les étudiants qui ont participé à la clinique juridique obtiennent 10 points de bonus à l’examen du CAPA pour récompenser le travail fourni pendant les 2 semaines de recherche avant la restitution. Certains élèves font plusieurs consultations dans l’année, notamment ceux qui suivent un cursus de droit des étrangers, matière dans laquelle il y a beaucoup de demande.
AJ : Quelles sont les demandes traitées par la clinique juridique ?
Analivia Renucci : Le but de notre association est évidemment d’aider les personnes en situation de précarité qui ne peuvent pas payer un avocat. Nous avons cependant eu quelques cas en droit des sociétés : des personnes qui voulaient développer une start-up nous ont posé des questions de propriété intellectuelle. Nous n’avons pas de condition de moyen et pouvons donc occasionnellement traiter ce genre de demandes. Cette année, nous avons créé trois pôles : droit public, droit privé et droit pénal. Nous sommes surtout sollicités pour des questions relevant du droit des étrangers et du droit civil. Nous faisons 30 % de droit civil et 20 % de droit des étrangers dans le cadre des permanences de l’EFB. Aux Restos du cœur, nous sommes à 55 % de droit des étrangers et 33 % de droit civil.
AJ : Que vous a apporté la clinique, à titre personnel ?
Analivia Renucci : Je me destine à faire des fusions-acquisitions, mais je donne des consultations en droit des affaires, en droit civil ou en droit de la famille. J’avais déjà fait ce type de permanence à la Maison du droit de Assas. Pendant un stage, j’avais également accompagné des avocats au Bus de la solidarité. Ce serait compliqué s’il s’agissait de répondre en direct, mais les deux semaines de recherches nous permettent d’apporter des réponses dans tous les domaines. Participer à la clinique juridique est une opportunité en termes de formation. Nous avons peu l’occasion, même en stage, d’être au contact des clients. Même si nous sommes supervisés, prendre en charge le dossier d’une personne nous permet de nous professionnaliser et de nous responsabiliser aussi car, plus on est complet, plus on va aider la personne : c’est très motivant. Participer à la clinique, c’est surtout évidemment la satisfaction d’œuvrer pour plus d’accès au droit. Quand on arrive à donner une réponse complète, que quelqu’un sort de la permanence avec une réponse, on est contents.
AJ : Quels conseils vous donnent les avocats ?
Analivia Renucci : La première chose, que j’avais trouvée très utile, est d’apprendre à poser les questions au premier rendez-vous. La première fois, ce n’est pas évident du tout. Or c’est un coche à ne pas rater : il faut obtenir tous les éléments car on ne revoit pas la personne avant la restitution. Les avocats nous conseillent de ne pas avoir peur de poser des questions, d’être large dans la prise de notes et la prise d’information. D’autre part, ils nous montrent que c’est à nous de mener l’entretien. Souvent, les gens ne viennent pas juste pour un conseil juridique mais aussi pour trouver une écoute. C’est une rencontre, mais il faut aussi toujours veiller à recentrer les débats, ramener la conversation sur le juridique avec tact et bienveillance.
AJ : Quelles situations votre clinique a-t-elle traitées ?
Analivia Renucci : Nous avons reçu quelqu’un qui venait d’être licencié : nous lui avons dit comment se comporter, quelles preuves réunir dans l’optique de pouvoir saisir un jour le conseil des prud’hommes. En droit des étrangers, nous avons reçu un homme né en Algérie, résidant en France depuis plusieurs années et ayant des enfants nés en France. Sa carte de séjour était valable 10 ans et il voulait faire une demande de nationalité. L’élève-avocat lui a présenté les deux moyens de le faire : par une procédure de naturalisation par décret ou par la voie d’une acquisition par déclaration de mariage. Elle lui a listé les pièces à réunir pour ces deux types de demandes. En droit de la famille, nous avons reçu une femme qui souhaitait divorcer par consentement mutuel. Elle voulait savoir à partir de quand les contributions aux charges n’étaient plus opposables aux époux. Une élève spécialisée en droit de la famille lui avait rappelé le régime du divorce par consentement mutuel et expliqué que ce type de divorce produisait ses effets à la date du prononcé du divorce. Elle avait également analysé la possibilité d’obtenir une prestation compensatoire, à laquelle elle pouvait prétendre au titre du congé parental pris pour s’occuper de ses enfants. Nous avons néanmoins conscience de nos limites : une partie de notre travail est de rediriger les personnes vers une permanence spécialisée, vers le Bus de la solidarité, vers l’aide juridictionnelle lorsqu’on constate que la situation va donner lieu à un contentieux et qu’il va être nécessaire de saisir un avocat.
AJ : Quel bilan dressez-vous de votre année de présidence de l’association ?
Analivia Renucci : Quand notre bureau a pris ses fonctions l’année dernière, il n’y avait pas assez de cas car la clinique était peu connue. L’objectif du mandat était de la rendre visible. C’est chose faite, et nous manquons désormais parfois d’avocats bénévoles pour nous accompagner comme superviseur, en visio ou sur place, et d’avocats tuteurs pour relire des projets de restitution dans leur domaine de compétence. Pour le faire, il suffit d’adhérer au BPS et de signer la charte. Je me permets de faire passer le message car nous avons besoin d’eux pour continuer à déployer la clinique !
Référence : AJU016r4
