Contestation d’honoraires d’avocat : précisions sur le régime des délais et sur le principe de la contradiction

Publié le 14/01/2025
Contestation d’honoraires d’avocat : précisions sur le régime des délais et sur le principe de la contradiction
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Le bâtonnier et le premier président de la cour d’appel sont seuls compétents pour connaître des contestations d’honoraires des avocats. Cependant, le décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ne règle pas tous les aspects de cette procédure contentieuse. La Cour de cassation apporte un éclairage important sur le régime des délais de procédure et sur la place de l’oralité dans ce contentieux d’honoraires. Sur le premier point, elle rappelle que le délai de saisine du premier président de la cour d’appel en cas de silence du bâtonnier au-delà du délai réglementaire est d’ordre public et son non-respect est sanctionné par l’irrecevabilité de la demande. Sur le second point, elle décide que l’absence non autorisée d’une partie à l’audience devant le premier président de la cour d’appel ne fait pas obstacle à ce que le juge statue contradictoirement sur les moyens invoqués par la partie qui a comparu.

L’argent est-il le diable ? On prête souvent à l’argent un pouvoir destructeur sur les relations humaines. Cela semble également vrai dans les rapports entre un avocat et son client. Déjà, La Farce de Maître Pathelin met en scène un avocat chargé de défendre un berger qui avait tué les moutons de son patron pour en vendre la viande, faisant croire à ce dernier qu’ils étaient morts de maladie. Son avocat n’a pu trouver meilleure stratégie de défense que de lui demander de se contenter de bêler lorsque le juge lui posera des questions au sujet de la disparition des bêtes. Le client appliqua scrupuleusement ce conseil et lorsque l’avocat lui demanda ses honoraires, il continua à bêler et pris la fuite. On peut imaginer que c’est toujours avec un pincement au cœur qu’un avocat engagera une procédure contentieuse contre la personne dont il a défendu les intérêts auparavant, en vue du recouvrement de ses honoraires. Or, de nos jours, les litiges concernant les honoraires d’avocat, parfois suscités par un mécontentement du client quant à la qualité de la prestation ou par sa mauvaise foi, sont en hausse1. Le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat instaure une procédure d’ordre public2. Il résulte de l’article 174 de ce décret que le bâtonnier et, sur recours, le premier président de la cour d’appel, sont seuls compétents pour connaître « des contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats »3. Cependant, et comme la plupart des actes réglementaires, le décret de 1991 se distingue par la brièveté de son contenu, notamment en ce qui concerne les règles procédurales en matière de contestation d’honoraires. En pareille situation, l’éclairage de la Cour de cassation est toujours vivement souhaité. L’arrêt sous commentaire s’intéresse à deux aspects procéduraux qui ne sont pas expressément envisagés par le décret, à savoir le régime des délais de procédure et le respect du principe de la contradiction.

En l’espèce, un client confie la défense de ses intérêts à un avocat et lui avance une certaine somme. Il saisit par la suite le bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de La Rochelle le 28 septembre 2018 d’une contestation sur les honoraires dus. En l’absence de décision du bâtonnier dans le délai de quatre mois, il saisit le premier président de la cour d’appel de Poitiers par lettre du 10 décembre 2020. Le demandeur, convoqué à l’audience par lettre recommandée envoyée par le greffe dont il a signé l’avis de réception, est absent à l’audience. Statuant contradictoirement sur les moyens invoqués par la partie adverse ayant comparu, le premier président de la cour d’appel a prononcé l’irrecevabilité de la demande pour saisine tardive. Le client se pourvoit en cassation. D’une part, il soutient que l’ordonnance rendue en appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile qui impose au juge de faire observer et d’observer lui-même le principe de la contradiction. Selon lui, n’ayant pas pu être présent à l’audience, le premier président ne pouvait statuer contradictoirement sur les demandes de la partie adverse sans méconnaître ce principe. D’autre part, le requérant estime que le juge a à tort déclaré sa demande irrecevable car, en l’absence de réponse du bâtonnier à sa réclamation du 28 septembre 2018, il avait introduit une seconde demande le 15 juillet 2020. Il en résulte, selon sa manière de voir, que seule la seconde demande devrait être prise en compte pour apprécier le délai de saisine du premier président de la cour d’appel.

Un éclairage attendu. La Cour de cassation devait alors répondre à deux questions distinctes : le délai de saisine du premier président en cas de silence du bâtonnier est-il prescrit à peine d’irrecevabilité ? Et le juge peut-il, sans méconnaître le principe de la contradiction, statuer sur un moyen invoqué à l’audience en l’absence injustifiée de l’une des parties ? Elle répond par l’affirmative à ces deux questions et rejette le pourvoi. Cette solution a un intérêt juridique indéniable, car elle transpose l’application des règles du Code de procédure civile à la procédure spécifique du recouvrement des honoraires d’avocat. C’est donc sans surprise que l’arrêt fera l’objet d’une publication au Bulletin des arrêts de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation. À l’analyse, l’arrêt rappelle, d’une part, le caractère d’ordre public du délai de saisine du premier président de la cour d’appel en cas de silence du bâtonnier (I) et précise, d’autre part, l’incidence de l’absence non autorisée d’une partie sur le principe de la contradiction dans une procédure orale (II).

I – Le caractère d’ordre public du délai de saisine du premier président de la cour d’appel en cas de silence du bâtonnier

Le cadre procédural des litiges portant sur les honoraires. Les contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires ne peuvent être réglées qu’en recourant à la procédure prévue par les dispositions du décret du 27 novembre 1991. Il ressort de l’article 175 du décret que les réclamations sont soumises au bâtonnier par toutes les parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par remise contre récépissé. Lorsque le bâtonnier reçoit une demande, il en accuse réception et informe l’intéressé que, faute de décision dans le délai de quatre mois, il lui appartiendra de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois4. Comme on peut le constater, le délai imparti au bâtonnier pour rendre sa décision est très court5 et il court à compter de l’accusé de réception de la réclamation et non de la date d’envoi de la demande par l’intéressé6. Une fois saisi, le bâtonnier ou le rapporteur qu’il désigne recueille préalablement les observations de l’avocat et de la partie avant de statuer sur la réclamation. Sa décision est notifiée aux parties, dans les quinze jours suivant sa date par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. L’acte de notification mentionne, à peine de nullité, le délai et les modalités du recours7.

Cependant, il peut arriver qu’après avoir accusé réception de la réclamation, le bâtonnier ou son délégué ne puisse pas statuer dans le délai imparti par le décret. Tel est le cas dans l’affaire qui nous occupe. Le client de l’avocat avait saisi le bâtonnier le 28 septembre 2018 d’une contestation relative aux honoraires réclamés par son avocat. Le bâtonnier a accusé réception de la demande par lettre du 17 octobre 2018, l’informant qu’il disposait d’un délai de quatre mois pour rendre sa décision, à défaut de quoi il appartiendrait au client de saisir le premier président de la cour d’appel dans le délai d’un mois. Dès lors, le bâtonnier avait jusqu’au 17 février 2019 pour rendre sa décision8. Aucune décision n’étant intervenue à cette date, le client disposait alors d’un délai supplémentaire d’un mois, soit jusqu’au 17 mars 2019 pour soumettre la contestation devant le premier président de la cour d’appel9. Or, ce n’est que le 10 décembre 2020, soit près de neuf mois après l’expiration du délai, que le juge a été saisi. Cette saisine tardive est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande.

L’irrecevabilité de la saisine tardive. Dans l’affaire qui nous intéresse, la Cour de cassation décide que « la saisine du premier président (…), à la suite de la contestation reçue par le bâtonnier le 17 octobre 2018, est tardive pour avoir été formée le 10 décembre 2020, soit au-delà du délai d’un mois suivant la date d’expiration du délai de quatre mois dont disposait le bâtonnier pour rendre sa décision ». La solution peut surprendre au premier abord, car le décret ne prévoit pas expressément que le non-respect du délai de saisine du premier président de la cour d’appel, en cas de défaillance du bâtonnier, est sanctionné par l’irrecevabilité. Il faut toutefois noter que le décret de 1991 vise également le Code de procédure, ce qui laisse penser qu’en cas de silence du premier, on peut se référer aux dispositions du second. On peut alors comprendre qu’en l’absence de dispositions particulières prévues par un texte spécial, les juges peuvent se référer aux règles générales10.

Cependant, la solution ne va pas de soi. Il aurait été judicieux de s’interroger au préalable sur la nature même du délai de saisine du premier président de la cour d’appel, en cas de défaillance du bâtonnier. S’agit-il d’un délai de recours ou d’un délai préfix ? L’arrêt n’apporte aucune réponse. Or, cette question est importante car le régime juridique applicable à un délai dépend de sa nature. À l’analyse, et de toute évidence, il ne s’agit pas d’un délai de recours, car la notion de recours suppose l’existence d’une décision11. Or, l’hypothèse qui nous intéresse est celle de l’absence de décision du bâtonnier dans le délai de quatre mois. En effet, à l’expiration de ce délai, le bâtonnier est automatiquement dessaisi de la demande et n’est plus compétent pour statuer sur les réclamations. Toute décision intervenue hors délai est nulle12 sans que la partie qui l’invoque ait à justifier d’un grief13. En revanche, à la lecture de l’article 176 du décret, le délai de saisine du premier président de la cour d’appel est un délai préfix, car il permet d’engager une action spécifique. Le délai préfix est un délai de forclusion14, qui est défini comme un délai légal, d’une durée simple et limitée, prévu spécifiquement pour une action particulière, au-delà duquel l’action est considérée comme éteinte. Ainsi, le non-respect d’un délai préfix constitue une fin de non-recevoir, même si le juge peut relever le demandeur de la forclusion15. En approuvant la cour d’appel en ce qu’elle a prononcé l’irrecevabilité de demande, la Cour de cassation clarifie certes le droit applicable en la matière, mais quelques interrogations subsistent.

La subsistance de zones d’ombre. La solution de la Cour de cassation soulève deux interrogations. D’une part, dans l’affaire qui nous occupe, le bâtonnier a accusé réception de la demande du client tout en lui indiquant que, faute de réponse de sa part dans le délai réglementaire, il lui appartiendra de saisir le premier président. Il en résulte que le demandeur a été parfaitement informé du déroulement de la procédure, de sorte qu’on pouvait lui opposer, le cas échéant, l’irrecevabilité de sa demande tardive devant le premier président de la cour d’appel. La solution aurait-elle cependant été la même si le bâtonnier n’avait pas accusé réception de la réclamation et apporté des précisions sur le déroulement de la procédure ? La rigueur de l’arrêt commenté peut suggérer une réponse affirmative. Dans ce contexte, il serait alors prudent pour le demandeur, dès qu’il a la preuve que sa demande a été remise au bâtonnier16, de saisir le premier président à l’expiration du délai de quatre mois à compter de cette remise, sous peine d’irrecevabilité. Or, comme nous l’avons précisé, le délai imparti au bâtonnier pour rendre sa décision commence à courir à compter de l’accusé de réception de la réclamation qu’il adresse à l’auteur de la saisine. Dès lors, il ne serait pas judicieux de faire courir le délai de saisine du premier président alors même que le bâtonnier n’a pas accusé réception de la réclamation et donné des informations sur le déroulement de la procédure.

En effet, en l’absence d’accusé de réception ou de décision du bâtonnier dans le délai de quatre mois, le demandeur a généralement tendance, comme on le verra, à s’enquérir de la situation ou à réitérer sa demande plutôt que de saisir directement le premier président. C’est ainsi que la cour d’appel de Paris s’est montrée clémente en ne prononçant pas l’irrecevabilité pour saisine tardive lorsque le demandeur a saisi « le bâtonnier par lettre RAR en date du 14 avril 2016, et qu’aucune décision n’ayant été rendue dans les mois suivants, elle s’est enquise auprès des services du bâtonnier par courrier RAR du 25 septembre 2017 des suites données à sa saisine »17. Dès lors, il est judicieux qu’en l’absence d’accusé de réception du bâtonnier, le demandeur ait le choix entre une réitération de sa demande auprès de ce dernier ou la saisine directe du premier président de la cour d’appel.

D’autre part, on peut se demander si, après l’accusé de réception du bâtonnier indiquant le déroulement de la procédure, et en l’absence de décision de sa part dans le délai de quatre mois, le demandeur peut réitérer sa demande auprès du bâtonnier ou alors s’il est tenu de saisir le premier président de la cour d’appel. En l’espèce, le requérant soutient que le demandeur a la possibilité de reprendre la procédure en contestation d’honoraires ab initio en l’absence de décision du bâtonnier et que le recours formé devant le premier président n’est pas obligatoire. Usant de cette possibilité, il dit avoir introduit deux demandes successives devant le bâtonnier, la première le 28 septembre 2018 et la seconde le 15 juillet 2020. Selon lui, c’est au titre de la seconde demande qu’il a saisi la cour d’appel le 10 décembre 2020, de sorte que sa saisine est intervenue dans le délai. Cependant, la Cour de cassation a décidé que « c’est sans méconnaître les termes du litige que le premier président, qui ne pouvait se fonder sur les pièces produites par le demandeur, absent lors de l’audience sans avoir été dispensé de comparaître, a souverainement analysé la lettre de saisine, retenu qu’elle faisait suite à la contestation reçue par le bâtonnier le 17 octobre 2018, et en a exactement déduit que la saisine était irrecevable comme tardive ».

Il est frappant de constater que la Cour de cassation ne répond pas précisément à la question. Elle se contente de tirer les conséquences de l’absence du demandeur lors de l’audience devant le premier président, ce qui a empêché ce dernier d’apprécier cette argumentation qui ne figurait pas dans la lettre de saisine. N’ayant pas décidé clairement que le demandeur est tenu de saisir le premier président à l’expiration du délai de quatre mois suivant l’accusé de réception du bâtonnier, en l’absence de décision de celui-ci, l’arrêt laisse penser qu’il est possible de renouveler sans limite la demande devant le bâtonnier. Une telle solution remettrait en cause l’objectif de célérité poursuivi par le décret de 1991 et la saisine du premier président deviendrait sans alors intérêt. Ainsi, selon notre manière de voir, lorsque le bâtonnier a accusé réception de la réclamation et a informé le demandeur qu’il lui appartient de saisir le premier président faute de décision intervenue dans le délai de quatre mois, celui-ci ne peut valablement introduire une nouvelle demande devant le bâtonnier à l’expiration de ce délai18. Il faudra donc scruter la jurisprudence postérieure car, en l’espèce, l’absence du demandeur à l’audience d’une procédure pourtant orale n’a pas permis un éclairage sur ce point.

II – L’incidence de l’absence non autorisée d’une partie sur le principe de la contradiction dans une procédure orale

La procédure orale en matière de contestation d’honoraires. Il convient d’emblée de noter que la nature de procédure en matière de contestation d’honoraires varie en fonction du stade auquel on se situe. Devant le bâtonnier, la procédure est essentiellement écrite puisqu’il « recueille préalablement les observations de l’avocat et de la partie » (art. 175 du décret) et n’est pas expressément tenu d’organiser une audience. En revanche, la procédure devant le premier président de la cour d’appel, qu’il s’agisse de la saisine directe à la suite du silence du bâtonnier ou du recours contre la décision de ce dernier, est soumise aux dispositions du Code de procédure civile. La procédure est donc sans représentation obligatoire, les parties se défendant elles-mêmes19. La procédure est également orale20, les parties devant se présenter personnellement à l’audience pour soutenir leurs demandes ou s’y référer. L’avocat et la partie sont convoqués au moins huit jours à l’avance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception21. Le premier président les entend contradictoirement. Les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal. Cependant, le juge peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure. Dans ce cas, la cour ou le magistrat chargé d’instruire l’affaire organise les échanges entre les parties. La communication entre elles est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et il en est justifié auprès du juge dans les délais impartis. À l’issue de la dernière audience, le greffe informe les parties de la date à laquelle la décision sera rendue. Que se passe-t-il cependant lorsque l’une des parties est absente le jour de l’audience sans y avoir été autorisée par le juge ?

Absence de l’une des parties et respect du principe de la contradiction. Dans l’affaire qui nous occupe, le demandeur ne s’est pas présenté à l’audience alors qu’il en avait été avisé. Le premier président de la cour d’appel a par conséquent rendu son ordonnance sur la base des moyens invoqués par la partie adverse. Au stade de la cassation, le requérant reproche à l’ordonnance la violation de l’article 16 du CPC. Aux termes de cet article, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. En outre, le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. Le requérant estime qu’« en procédure orale, il ne peut être présumé qu’un moyen soulevé par la partie comparante a été débattu contradictoirement, dès lors que la partie adverse n’était pas présente à l’audience ». Ainsi, conclut-il, en faisant droit au moyen d’irrecevabilité soulevé à l’audience par le défendeur sans qu’un débat contradictoire ait pu avoir lieu, le premier président a violé le principe de la contradiction.

La Cour de cassation rejette ce moyen en retenant que le demandeur « ayant été régulièrement convoqué, et ainsi mis en mesure de débattre contradictoirement des moyens qui pouvaient être soulevés à l’audience, c’est sans méconnaître le principe de la contradiction que le premier président, après avoir énoncé que le défendeur, comparant à l’audience, concluait à l’irrecevabilité de la saisine, a constaté le caractère tardif de celle-ci ». Cette solution est conforme au droit positif et à la jurisprudence en la matière. En effet, la procédure devant le premier président étant orale, seules les prétentions débattues par les parties en cours d’audience sont analysées par le juge. Dans ce sens, la Cour de cassation a décidé que les conclusions écrites, qui peuvent être déposées avant l’audience, ne saisissent le juge que d’autant que leur auteur est personnellement présent ou régulièrement représenté à l’audience22. De même, le juge ne peut déclarer irrecevables les prétentions des parties formulées au cours de l’audience et doit, s’il y a lieu, renvoyer l’affaire à une prochaine audience23. Ainsi, lorsqu’une partie est absente à l’audience, sans y avoir été autorisé par le juge, celui-ci ne statue que sur la base des prétentions formulées et des pièces produites par la partie qui a comparu. Et lorsque c’est le demandeur qui est absent à l’audience, le défendeur peut requérir une décision au fond24, sans que cela porte atteinte au principe de la contradiction.

La généralisation du principe du contradictoire. À la lecture de l’arrêt, qui fait référence à l’article 16 du CPC applicable devant le juge judiciaire, on est tenté de penser qu’une telle exigence ne s’applique pas à l’instance devant le bâtonnier. C’est ainsi que la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait par exemple décidé que, si les arguments et pièces des deux parties sont adressés par lettre recommandée avec accusé de réception au bâtonnier, celui-ci n’est pas tenu d’organiser un échange de pièces. Il doit seulement provoquer les observations des parties25. Cette solution prêtait le flanc à la violation du principe de la contradiction, notamment dans l’hypothèse où une partie transmet ses observations et pièces au bâtonnier et s’abstient de les communiquer à son adversaire. Face à la critique de la doctrine, la cour d’appel a changé d’avis en décidant que le bâtonnier doit veiller à ce que les parties reçoivent communication des pièces du dossier et disposent d’un délai suffisant pour répondre26. Allant même plus loin, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a retenu que, dans le cadre de l’instance ouverte sur recours contre la décision du bâtonnier, il incombe au premier président d’apprécier si une communication tardive a eu pour effet d’empêcher la partie destinataire de pièces ou écritures remises à la barre ou immédiatement avant les débats de débattre utilement sur tous les aspects du litige27.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Barreau de Paris, Le recours en matière de contestations d’honoraires d’avocats, 9 janv. 2023, p. 2 et s.
  • 2.
    Cass. 2e civ., 24 mai 2018, nos 17-18.458 et 17-18.504 : Dalloz actualité, 13 juin 2018, obs. J. Jourdan-Marques.
  • 3.
    À l’exclusion des questions relatives à la responsabilité ou au mandat de l’avocat (v. not., Cass. 2e civ., 13 janv. 2012, n° 10-27.818 : Dalloz actualité, 22 juill. 2016, art. A. Portmann).
  • 4.
    Cass. 2e civ., 2 mars 2017, n° 15-28.755 – Cass. 1re civ., 4 oct. 2012, n° 11-17.423 – rapp. Cass. 2e civ., 5 févr. 2009, n° 06-21.479.
  • 5.
    Le délai de quatre mois peut être prorogé dans la limite de quatre mois par décision motivée du bâtonnier, article 175, alinéa 4, du décret du 27 novembre 1991. Pour application, CA Aix-en-Provence, 26 mars 2013, n° 12/17176 (la prolongation doit intervenir avant l’expiration du délai initial).
  • 6.
    CA Montpellier, 11 janv. 2024, n° 22/05933.
  • 7.
    Cass. 2e civ., 9 oct. 2008, n° 06-16.847 : Bull. civ. II, n° 206 – Cass. 2e civ., 11 sept. 2014, n° 13-18.178.
  • 8.
    CPC, art. 641, al. 2.
  • 9.
    D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 175 et 176.
  • 10.
    V. par ex., Cass. 2e civ., 17 févr. 2011, n° 09-13.209 (possibilité d’un recours incident).
  • 11.
    D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 176 et CPC, art. 680. Pour application, Cass. 2e civ., 1er juin 2011, n° 10-16.381, B.
  • 12.
    Cass. 1re civ., 4 févr. 1997, n° 95-12.807 – Cass. 1re civ., 15 déc. 1998, n° 96-12.001 – Cass. 1re civ., 21 nov. 2013, n° 12-28.538 – Cass. 2e civ., 11 sept. 2014, n° 13-21.455 – Contra, CA Paris, 27 nov. 2020, n° 18/00024 – Cass. 1re civ., 17 juill. 1996, n° 94-18.528.
  • 13.
    L’annulation ainsi encourue interdit au premier président de confirmer cette décision, car il ne peut statuer que dans le cadre de sa propre saisine (Cass. 2e civ., 17 févr. 2005, n° 04-12.768).
  • 14.
    S. Guinchard et T. Débard (dir.), Lexique des termes juridiques, 2022, Paris, Dalloz, p. 353.
  • 15.
    CPC, art. 540.
  • 16.
    Cette preuve peut résulter de l’avis de réception.
  • 17.
    CA Paris, 27 nov. 2020, n° 18/00024.
  • 18.
    La position de la Cour de cassation sur l’irrecevabilité du recours formé devant le premier président après le délai d’un mois contre une décision du bâtonnier rendue hors délai a évolué dans le temps (Cass. 2e civ., 11 sept. 2014, n° 13-21.455 – Cass. 2e civ., 21 mai 2015, n° 14-10.518 : Dalloz actualité, 28 mai 2015, note A. Portmann). Elle juge désormais que « l’irrégularité dont peut être entachée la décision du bâtonnier prononcée après l’expiration des délais prévus par l’article 175 (…) n’a pas pour effet de modifier les conditions d’exercice du recours prévu par l’article 176, alinéa 1er, de ce décret. Aussi, dès lors que le recours de l’appelante avait été formé plus d’un mois après la notification du bâtonnier, celui-ci devait être déclaré irrecevable comme tardif » (Cass. 2e civ., 14 juin 2018, n° 17-20.247, B).
  • 19.
    CPC, art. 931. Le recours peut être formé par un mandataire (Cass. 1re civ., 24 févr. 1987, n° 85-10.774 : Bull. civ. I, n° 63).
  • 20.
    CPC, art. 946.
  • 21.
    D. n° 91-1197, 27 nov. 1991, art. 177.
  • 22.
    Cass. 2e civ., 16 déc. 2004, n° 03-15.614.
  • 23.
    Cass. 2e civ., 27 mai 2021, n° 19-24.191.
  • 24.
    Cass. 2e civ., 19 nov. 2015, n° 14-11.350.
  • 25.
    CA Aix-en-Provence, 18 déc. 2012, n° 11/04103.
  • 26.
    CA Aix-en-Provence, 18 févr. 2014, n° 13/12709 et CA Aix-en-Provence, 25 févr. 2014, n° 13/18819.
  • 27.
    CA Aix-en-Provence, 25 févr. 2014, n° 13/18819.
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