La CCI 94 soutient la reconversion professionnelle des sportifs

Publié le 13/03/2019

Le 11 décembre dernier à Créteil, la CCI du Val-de-Marne organisait une journée de rencontres afin de faciliter l’entrepreneuriat chez les sportifs de haut niveau qui peuvent rencontrer des difficultés dans leur reconversion professionnelle.

Une fois les médailles d’or placées dans les vitrines et les oripeaux de la gloire fanés, quelles perspectives professionnelles reste-t-il pour les sportifs de haut niveau ? Cette question, Paoline Ekambi, 57 ans, vingt ans de basket de haut niveau notamment comme capitaine de l’équipe de France, avec passage par l’INSEP dès ses quinze ans, se l’est posée quand elle a quitté le monde professionnel, au milieu de sa trentaine. « Un océan s’ouvrait devant moi, et je ne savais pas dans quelle direction j’allais aller, alors que pendant vingt ans, ma vie de sportive avait été programmée », reconnaît l’ancienne sportive, détentrice du record des sélections en équipe de France (254 sélections officielles). La jeune sportive avait pourtant eu la lucidité d’anticiper ce moment, tournant dans les carrières des sportifs : tout le long de son parcours, Paoline Ekambi avait pris bien soin de négocier ses contrats « moins chers, mais avec un volet formation que je demandais qu’on finance », ce qui n’était pas chose aisée, car « on attend d’une joueuse qu’elle se donne à 100 % », alors que dans le sport de haut niveau, les carrières peuvent s’arrêter du jour au lendemain. Avec un père footballeur professionnel, qui a malheureusement souffert d’une blessure, elle avait vécu l’expérience des carrières qui se brisent en l’espace d’un accident.

« Je fais partie de la génération qui est arrivée juste après celles et ceux qui passaient trente ans dans la même boîte », alors que le sport est un domaine « où les remises en question sont constantes » et où n’existe « aucune zone de confort ». Confrontée aux difficultés de la reconversion, Paoline Ekambi réalise alors qu’il n’existe aucun dispositif pour l’aider à « identifier les compétences acquises dans le sport transférables au monde de l’entreprise. Il n’est pas évident d’assurer ce passage, de repasser du sport au « civil » et au monde de l’entreprise, nous, sportifs, subissons un vrai choc culturel ! ».

Après plusieurs expériences dans le management de l’image du sport, l’événementiel sportif, puis dans des collectivités territoriales en tant qu’experte de la question du sport, et se sentant depuis petite l’âme d’une entrepreneuse, elle décide de lancer, il y a trois ans, une plate-forme qui met en relation les sportifs et les entreprises, « Sportail Community ». « Personnellement j’ai manqué de conseil d’orientation, de conseils, d’accompagnement pour avoir une chance d’être recrutée, et mettre en avant mes qualités », explique-t-elle. Lancer cette plate-forme fut l’occasion de combattre les clichés consistant à penser que « les sportifs n’ont rien dans la tête et tout dans les muscles ». À ses yeux, les sportifs, par leurs qualités exceptionnelles, leur moral d’acier et leur détermination à toute épreuve, constituent des profils précieux pour les entreprises mais c’est encore trop peu connu. Passée par différentes formations, dont une à HEC, l’ancienne sportive a finalement trouvé sa voie par l’entrepreneuriat. « Grâce à un bilan de compétences adapté aux sportifs et réalisé par une structure spécialisée, j’ai retrouvé un nouvel élan, en constatant que mes compétences étaient transférables et adaptées au monde de l’entreprise », explique-t-elle encore. D’où la nécessité d’un partenariat avec la CCI 94, afin de « valoriser les CV, d’aider les sportifs à réaliser leur lettre de motivation, car ils ne savent pas mettre leurs compétences en avant », analyse-t-elle.

Transformer une idée en entreprise

L’idée de Sportail Community est donc née directement de son expérience et du cruel manque d’accompagnement qu’elle a ressenti, expérience partagée par les anciens sportifs avec qui elle était en contact, eux aussi lâchés dans la nature, un peu perdus et peu préparés à autre chose que la carrière sportive. Avec sa startup, prometteuse, en phase de développement et dans l’attente de nouvelles levées de fonds pour se développer, Paoline Ekambi estime qu’elle fait le lien efficacement entre « des entreprises qui cherchent à développer leur marque employeur, et qui cherchent des sportifs mais sont confrontées aux difficultés de les identifier. En effet, l’écosystème du sport français est très cloisonné, assène-t-elle. Mais avec Sportail Community, les entreprises peuvent désormais trouver leur vivier de sportifs », avec notamment un job board et une Cvthèque ou encore grâce aux rencontres réelles lors de forums. Car les besoins sont criants. Sur les 15 000 anciens sportifs répertoriés sur le site du ministère, Paoline Ekambi souligne que la moitié vit sous le seuil de pauvreté… Et à ses yeux, ces chiffres seraient même sous-évalués. Or la période est propice à une meilleure prise en compte du sport comme levier économique. Se souvenant de banques pas du tout intéressées par le domaine du sport il y a encore quelques années, elle évoque « une grosse structure qui a développé un gros fonds d’investissement dans le sport ! ». L’ancienne basketteuse sent aujourd’hui un frémissement, dans le contexte des JO de 2024, ce qui la conforte dans la pertinence de son concept.

 

Le sport, domaine porteur

Ce constat encourageant est en effet partagé par Patricia Fouré, responsable des cofinancements et des partenariats de la CCI 94, qui a co-organisé la journée du 11 décembre dernier, avec des partenaires privés (Axa) et Sportail Community. L’occasion, pour la première fois, de faire rencontrer sportifs et acteurs du monde économique. Patricia Fouré explique avoir voulu monter « ce projet pour aider les sportifs à se reconvertir et à se repositionner. Sportail Community a rencontré Axa, qui souhaitait de son côté recruter des sportifs. On a donc décidé de travailler avec eux pour développer cette opération, tournée sur la partie aide à la reconversion, au repositionnement professionnel, de sportifs qui peuvent encore être en activité, sur à la fois des métiers mais aussi sur l’entrepreneuriat ». L’initiative a d’autant plus de sens quand on sait que le Val-de-Marne représente un véritable vivier de sportifs, avec 121 d’entre eux inscrits à Pôle emploi. « Le Val-de-Marne compte beaucoup de fédérations (handball, basket…) installées dans le département, et beaucoup de sportifs, à l’instar de Laura Flessel, connue pour être une ancienne val-de-marnaise », précise Patricia Fouré.

Cette dimension n’a pas échappé à la CCI, bien décidée à transformer le sport en opportunités entrepreneuriales. Avec la perspective des JO 2024, ce souhait va devenir une donnée concrète sur le bassin d’emplois val-de-marnais. « C’était une opération tournée en leur faveur, et à la CCI nous sommes en train de travailler sur les Jeux olympiques et paralympiques 2024, et de mener une réflexion sur ce qu’on peut faire ». Notamment sur l’entrepreneuriat. Et d’évoquer l’exemple de Loic Pinto, sportif de haut niveau, en passe de devenir professionnel dans sa discipline MMA (un mélange de boxe thaï, lutte, combat au sol…) qui lui aussi a lancé son projet, « Deuxième souffle ». Du haut de ses 29 ans – dont 24 ans de pratique des sports de combat – le jeune Saint-Maurien a décidé d’allier à la fois pratique sportive et entrepreneuriat. « J’ai eu l’idée, avec une psychomotricienne, de créer des ateliers de boxe que nous proposons dans les Ehpad. Cela permet de recréer du lien entre les personnes, de dynamiser leur corps », explique-t-il, satisfait que les premières réactions de surprise des résidents soient battues en brèche par le plaisir qu’ils ont à suivre ses cours. Le jeune homme, qui s’entraîne encore de 12 à 14 h par semaine, mène son projet parallèlement, pour lequel il est suivi par la Chambre de commerce avec le programme Entrepreneur#leader.

La CCI, sur tous les fronts, entend aussi « aider les entreprises » à répondre aux différents marchés, notamment pour répondre aux offres de marché qui peuvent paraître dans le cadre des JO 2024, visant à inclure davantage de PME. Le but ? « Aider les entreprises à répondre aux appels d’offre, favoriser l’entrepreneuriat et booster la partie création d’emplois sur lequel on se positionnera avec des partenaires comme Axa, soit dans une perspective avec d’autres acteurs, comme Pôle emploi ».

Ce coup de pouce, c’est un « énorme plus » pour Loïc Pinto. « J’ai commencé tout seul à lancer le projet, à le faire de mon côté, mais à un moment on a besoin de se structurer, de faire un business plan, de recevoir des conseils car l’objectif est de recruter des coachs. On a besoin de personnes compétentes dans certains domaines, comme la communication digitale, ou sur des questions juridiques, sur chaque activité nécessaire, avec la CCI, on a un interlocuteur ». Ce dont le sportif entrepreneur se réjouit. Depuis presque trois ans qu’il travaille sur son projet, il espère réussir à le développer dans toute l’Ile-de-France, et si possible, à l’échelle nationale. Le sport n’a pas de frontières.

 

 

 

LPA 13 Mar. 2019, n° 143c0, p.4

Référence : LPA 13 Mar. 2019, n° 143c0, p.4

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