Les mutations des syndics professionnels de copropriété
Le syndic de copropriété joue un rôle crucial dans la gestion des biens immobiliers partagés, mais ce secteur connaît d’importantes mutations. La numérisation, l’évolution des attentes des copropriétaires et les nouvelles réglementations, notamment, impactent profondément cette profession. L’évolution du métier de syndic de copropriété est, en conséquence, marquée par plusieurs transformations significatives. Plus que jamais, les syndics professionnels sont confrontés à de véritables défis, divers et variés, qu’ils devront relever pour pérenniser.
Le défi des compétences. La loi ALUR de 2014 avait prévu à l’article 4 de la loi Hoguet un décret fixant les conditions de compétence initiale et minimale des collaborateurs des syndics. Plus de dix ans après la parution de la loi, constatant que ce texte n’a toujours pas été publié, la FNAIM a introduit, le 15 mars 2024, un recours devant le Conseil d’État pour obliger le gouvernement à prendre ce décret d’application. Ce que la commission d’enquête du Sénat1 approuve.
La commission d’enquête du Sénat, dans sa proposition n° 24, souhaite étoffer les obligations de formation continue des syndics, notamment en incluant l’obligation, au cours de leur formation continue, de suivre des modules de formations en lien avec la transition énergétique des copropriétés ou la lutte contre la dégradation globale de ces ensembles. Aussi, sur les quatorze heures de formation continue annuelle nécessaire pour le renouvellement de la carte professionnelle, un nombre d’heures, à définir, pourrait être consacré aux enjeux spécifiques de la gestion des copropriétés dégradées.
Le défi du respect de la réglementation par les syndics. Une publication en ligne de la DGCCRF de juillet 2024 revient sur les contrôles des syndics de copropriété en 2021 (191 syndics contrôlés) et 2022 (266 syndics contrôlés) réalisés afin de s’assurer de la prise en compte des évolutions réglementaires récentes obligeant à utiliser un nouveau contrat-type pour la gestion d’une copropriété.
Sur 457 syndics de copropriétés contrôlés et 636 visites durant la période, 313 établissements contrôlés étaient en anomalie. Ce qui, selon elle, souligne la persistance du manque de respect de la réglementation dans le secteur avec, toutefois, une amélioration du taux d’anomalie qui passe de 72,8 % en 2021 à 65,4 % en 2022.
Les anomalies relevées concernaient :
• non-respect des clauses et des règles de présentation du contrat-type : elle souligne que :
– le nouveau modèle de contrat-type de syndic n’est pas bien pris en compte par bon nombre de syndics n’ayant pas tenu compte de l’évolution de la réglementation, notamment les syndics indépendants non affiliés à une chambre syndicale,
– des infractions notables portent sur le défaut d’application des nouvelles modalités de résiliation des contrats à l’initiative du conseil syndical et de celles relatives à la désignation du prestataire,
• facturation indue : de nombreux manquements ont été relevés quant aux modalités de rémunération et aux pratiques de facturation des opérateurs, parmi lesquels :
– des prestations incluses dans le forfait faisant l’objet d’une facturation additionnelle (en particulier pour l’organisation des assemblées générales),
– des prestations complémentaires facturées à un montant supérieur à celui prévu au contrat de syndic,
– des frais imputés à tort au syndicat des copropriétaires,
– la perception par le syndic d’une part des intérêts bancaires revenant à la copropriété,
– la facturation du forfait annuel sur l’exercice comptable ou l’année civile et non sur la durée contractuelle,
– la majoration indue de tarifs,
• manque d’information : des manquements ont été constatés :
– concernant l’affichage des prix sur la devanture ou à l’intérieur de certains établissements,
– lors du contrôle des sites internet (défaut d’information sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique Bloctel ou sur le médiateur de la consommation).
SANCTIONS 2021-2022 |
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Nature |
Nombre |
Observations |
Avertissements |
34 |
Défaut d’information sur les prix du pré-état daté, facturations d’honoraires illicites |
Injonctions |
150 |
Facturation abusive, exercice sans carte professionnelle, mauvaise tenue du registre des mandats de gestion |
Procès-verbaux administratifs |
41 |
Non-respect du contrat-type |
Procès-verbaux pénaux |
9 |
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Amendes |
2 |
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Proposition de transaction pénale acceptée |
1 |
Facturations pour des prestations de recouvrement de créances supérieures aux montants prévus (pratiques trompeuses) |
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite ELAN est revenue sur les prérogatives disciplinaires du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI), en créant une commission de contrôle seulement chargée de l’instruction des dossiers de pratiques abusives signalées au CNTGI et, le cas échant, de leur transfert à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. L’arrêté de constitution de la commission de contrôle n’ayant toujours été pris, près de six ans après la promulgation de la loi, ce que la commission d’enquête du Sénat2 regrette, la FNAIM a adressé au Premier ministre une demande formelle de constitution de cette instance, afin de renforcer la confiance à l’égard de leur profession.
De plus, la commission, dans sa proposition n° 24, souhaite doter la profession d’un véritable organe disciplinaire en confiant au CNTGI de véritables pouvoirs de sanction des professionnels défaillants (avertissement, blâme, interdiction temporaire et interdiction définitive d’exercice).
Le défi des petites copropriétés. On estime que 5 % à 20 % des copropriétés en France seraient sans syndic (5 % à 10 % en 2020, selon la FNAIM ; 15 à 20 % en 2022, selon l’Anah), ni professionnel, ni bénévole.
De 30 à 40 % des petites copropriétés de moins de dix lots n’auraient pas de syndic professionnel ou formel.
L’absence de syndic entraîne des difficultés majeures pour la gestion et l’entretien des immeubles. Les copropriétés sans syndic sont souvent confrontées à :
• des risques juridiques en cas de litige, car les copropriétaires ne peuvent plus prendre de décisions collectives formelles (assemblées générales) ;
• une absence de gestion des charges collectives ;
• des difficultés pour entreprendre des travaux d’entretien ou de rénovation.
Ces copropriétés sont souvent en proie à des problèmes financiers, une dégradation des immeubles, et une situation d’impasse juridique. Ce n’est donc pas étonnant que, parmi les copropriétés sans syndic, on retrouve souvent des copropriétés en difficulté. Selon l’Anah, il y aurait environ 15 000 copropriétés fragiles ou en difficulté en France, dont certaines n’ont plus de syndic ou ont un syndic non fonctionnel.
Les causes principales de l’absence de syndic sont :
• désintérêt ou méconnaissance des copropriétaires : dans certaines copropriétés, les copropriétaires ne connaissent pas ou sous-estiment l’importance de la gestion formelle via un syndic ;
• conflits internes : des désaccords entre copropriétaires peuvent bloquer la nomination d’un syndic, notamment si certains refusent de payer des charges ou de collaborer ;
• coûts du syndic professionnel : certaines petites copropriétés jugent le coût d’un syndic professionnel trop élevé et choisissent de gérer elles-mêmes de manière informelle, parfois en violation des règles de copropriété.
Pour pallier cela, l’Anah propose des programmes de soutien et de formation pour les copropriétés en difficulté, incluant des aides pour la nomination de syndics professionnels.
Pour autant, toutes les copropriétés sans syndic ne sont pas forcément en difficulté. « En effet, une absence de gestion légale n’est pas synonyme d’une absence de gestion. Certaines copropriétés sans syndic sont gérées, d’autres ne le sont pas »3. Il arrive que la non-désignation de syndic résulte tout simplement d’un choix de gestion autonome, différent.
Dans sa proposition n° 23, la commission d’enquête du Sénat sur la paupérisation des copropriétés4 souhaite faciliter la désignation de syndics professionnels pour éviter les copropriétés sans syndic en abaissant le seuil de majorité nécessaire à la désignation et à la révocation d’un syndic.
En effet, la désignation et la révocation du syndic répondent à une règle de majorité en assemblée générale plus exigeante que la règle de majorité par défaut, car elles nécessitent la majorité absolue définie à l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire la majorité des voix de tous les copropriétaires. Or, ceci peut conduire, notamment dans les grands ensembles où la participation aux assemblées est plus faible, à des délais de désignation d’un syndic pouvant engendrer une certaine consolidation des taux d’impayés. La commission d’enquête recommande donc d’inclure la désignation et la révocation d’un syndic dans la liste des décisions de l’assemblée générale pouvant être prise à la majorité définie à l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965, c’est-à-dire des voix exprimées des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance. Cet assouplissement de la désignation d’un syndic devrait également permettre, selon elle, de limiter les cas de désignation par le juge d’un administrateur judiciaire.
De plus, dans sa proposition n° 23, la commission d’enquête du Sénat sur la paupérisation des copropriétés5 souhaite permettre de déroger au contrat type de syndics sous la forme de contrats de groupe ou de prestations de services à la carte dans les copropriétés de moins de vingt lots.
En effet, elle estime que les prestations de syndic sont strictement encadrées sous la forme d’un contrat-type défini par décret trop rigide pour les petites copropriétés. Si l’ordonnance du 30 octobre 2019 a permis au syndic de conclure une convention de prestations de services ne relevant pas de sa mission de syndic, elle estime qu’il conviendrait d’aller plus loin :
• par des contrats de groupe permettant à plusieurs copropriétés de se grouper pour partager un syndic professionnel sans pour autant constituer entre elles un syndicat commun ou avoir une continuité géographique. L’initiative pourrait en être prise tant localement que nationalement par des associations de copropriétaires ;
• en permettant aux copropriétés de recourir au service d’un syndic professionnel pour certaines missions seulement, telles que la préparation d’une programmation de travaux, la conduite de ceux-ci, la recherche de financement ou la résolution de problèmes juridiques, toutes circonstances où un syndic bénévole trouve souvent ses limites.
Les petites copropriétés, dans ce cadre, pourraient alors représenter, pour certains nouveaux acteurs, une niche de marché.
Le défi de la dématérialisation. Justement, les cabinets indépendants, après avoir vu l’arrivée de groupes, sont aujourd’hui confrontés à de nouveaux modèles de syndics, dits dématérialisés, qui portent leur regard vers les petites copropriétés.
Selon l’Institut Paris Région6, les cabinets de syndic indépendants gèrent entre 50 et 60 % des copropriétés en France. De petite taille pour la plupart, ils constituent le segment le plus nombreux du groupe des syndics professionnels. Ils se caractérisent par des portefeuilles limités et une mise en avant de l’intuitupersonae comme valeur cardinale. Le syndic se compose généralement d’un trinôme de compétences : 1 gestionnaire, 1 assistant, 1 comptable.
Les groupes sont de taille variée, gérant jusqu’à 700 000, voire 2 millions de lots. Dans les groupes, le trinôme de compétences est adapté et élargi avec l’apparition de fonctions supports : recouvrement, gestion des sinistres, service qualité, hotline…
Les syndics dématérialisés (Proptech, contraction de property et technology) ont vu le jour relativement récemment (depuis 2014), offrant une solution de gestion digitalisée à bas prix aux petites copropriétés. Leur stratégie vise à utiliser le potentiel de la digitalisation pour accroître la gestion professionnelle, en orientant l’offre dématérialisée vers les petites copropriétés généralement dépourvues de syndic et en s’affichant aussi comme apporteurs de réponses aux principaux enjeux de la profession : la réactivité, l’efficacité et la transparence.
Dans ces nouveaux modèles, le trinôme disparaît, avec une automatisation généralisée des tâches administratives et comptables, la disparition de la fonction d’assistance au profit d’un service client répondant, au téléphone ou sur la plateforme, aux urgences et petits sujets dont la gestion n’est pas automatisée, des services dédiés au recouvrement, aux questions juridiques, à la renégociation des contrats, à la logistique, à la gestion sociale et à la paie des employés des copropriétés…
L’univers de la gestion de copropriété apparaît alors est en pleine mutation numérique avec des solutions offertes pour faciliter la gestion et fluidifier la communication.
Pour autant, il faut prendre soin d’analyser les diverses offres proposées par des plateformes qui ne seraient pas des syndics, mais qui n’apporteraient qu’un support d’aide à la gestion de copropriétés ayant préalablement adopté la forme coopérative. Dans ce cadre, la gestion est alors assurée par un copropriétaire qui en assumera la responsabilité. L’essor d’un tel modèle amènera à se demander s’il ne s’agit pas déjà là d’une forme de spécialisation de l’activité de syndic.
Le défi de la spécialisation du syndic. La spécialisation des syndics est clairement un moyen de différenciation.
Nexity, promoteur immobilier et producteur de logements neufs, est spécialiste des copropriétés neuves.
Certains syndics se spécialisent par incidence au fil des sollicitations lorsqu’ils interviennent dans les immeubles de grande et moyenne hauteur (IGH et IMH) et/ou dans les ensembles gérés en Association syndicale libre (ASL) ou en Association foncière urbaine libre (AFUL).
On peut assister aussi à une spécialisation de circonstances avec le modèle de la rénovation énergétique ambiant.
Les nouveaux entrants proposant des solutions dématérialisées se positionnent sur du syndic généraliste.
On assiste aussi à une spécialisation en interne, où les copropriétés sont affectées aux gestionnaires non pas en raison de leur zone géographique, mais de leur spécificité (IGH, IMH, sites tertiaires…). La loi Habitat dégradé créé une nouvelle zone de spécialisation avec la création d’un nouveau modèle de syndic : le syndic d’intérêt collectif.
Le défi des copropriétés en difficulté. La gestion de l’habitat dégradé pose de nombreux défis pour les syndics de copropriété, touchant à la fois les aspects juridiques, techniques et sociaux de leur rôle. L’article 20 de loi de 2014 crée, à l’article 18-3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, une nouvelle nature de syndic, le syndic d’intérêt collectif. En substance, il s’agit d’un syndic de copropriété agréé pour gérer les copropriétés en difficulté.
L’agrément de syndic d’intérêt collectif atteste de la compétence de son bénéficiaire pour intervenir dans les copropriétés en difficulté, c’est-à-dire faisant l’objet des procédures prévues aux articles 29-1 A (administration ad hoc) et 29-1 (administration provisoire). « Le syndic d’intérêt collectif est présumé compétent pour gérer les copropriétés pour lesquelles un mandataire ad hoc a été désigné sur le fondement de l’article 29-1 A. Il peut également, à la demande d’un administrateur provisoire désigné sur le fondement de l’article 29-1, assister ledit administrateur dans ses fonctions de gestion ».
L’agrément est délivré par préfet, pour une durée de cinq ans, au regard notamment de la capacité et des compétences du syndic à accomplir les missions de mandateur ad hoc et de mandataire provisoire.
Les organismes d’habitations à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte peuvent, à leur demande expresse, se voir reconnaître de droit la qualité de syndic d’intérêt collectif, sans se soumettre à la procédure d’agrément.
Un décret doit venir déterminer les modalités d’application du nouveau dispositif.
Le défi de la cession de l’activité de syndic. La cession de l’activité de syndic de copropriété s’avère être un processus complexe et souvent difficile, en raison de plusieurs facteurs qui entrent en jeu.
Tout d’abord, juridiquement, s’il ne fait pas de doute que le syndic peut céder son activité, la loi de 1965 n’envisage pas l’hypothèse du rachat du cabinet de syndic, et donc du transfert du contrat de syndic à une entité tierce. Selon une réponse ministérielle, tout contrat de syndic conclu avec le syndicat des copropriétaires doit être mené à son terme, aux mêmes conditions, le rachat du cabinet de syndic étant indifférent et sans incidence sur les contrats en cours7.
Toutefois, cette appréciation nous semble devoir être nuancée en raison de la nature même du contrat de syndic généralement qualifié d’intuitu personae, ce qui signifie qu’il est conclu en raison des qualités personnelles du syndic. Cela implique que le contrat est attaché à la personne juridique du syndic désigné par l’assemblée générale des copropriétaires. En conséquence, il est souvent avancé que le syndic ne peut pas céder unilatéralement son contrat à un autre syndic sans obtenir l’accord des copropriétaires.
Ainsi, en cas de vente, le mandat peut être considéré comme résilié sauf nouvelle assemblée générale reconduisant le nouveau syndic repreneur.
Ensuite, justement en raison du fort intuitu personae que peut représenter le syndic en place, la transition d’un syndic à un autre nécessite une gestion habile des relations avec les copropriétaires. Ces derniers peuvent être réticents à changer de syndic en raison de l’attachement à leur syndic habituel, de la peur de l’inconnu ou de la méfiance envers un nouveau gestionnaire. Cela nécessitera alors de la part du repreneur une communication transparente et une explication claire des raisons de la cession, ainsi que des avantages qu’elle pourrait apporter.
Reste aussi à évaluer la valeur d’un portefeuille de syndic, dont l’exercice peut être délicat. Les facteurs tels que la rentabilité, la réputation et la qualité du service offert jouent un rôle crucial. De plus, le marché est compétitif, ce qui rend la recherche d’acheteurs intéressés encore plus complexe. Les acquéreurs potentiels sont souvent prudents, cherchant à minimiser les risques liés à une acquisition qui pourrait ne pas garantir une rentabilité immédiate, d’autant que, on l’a vu, le risque est que les syndicats de copropriétaires ne suivent pas le nouveau syndic, et pas seulement pour des questions d’honoraires.
Le défi des honoraires de syndic. Le défi des honoraires de syndic est multifacette, impliquant des considérations réglementaires, de communication et de satisfaction client. Pour réussir dans un environnement compétitif, les syndics doivent s’engager à offrir une transparence totale sur leurs honoraires et démontrer la valeur de leurs services. Cela permettra de renforcer la confiance avec les copropriétaires et de pérenniser leur activité. Mais pour autant, il est souvent mis en avant par les syndics eux-mêmes qu’ils ne sont pas valorisés et qu’ils ne savent pas vendre leurs honoraires. En résumé, le service de gestion de copropriété est réputé trop cher par les copropriétaires et insuffisamment rémunéré par les syndics professionnels8.
Pourtant, les honoraires des syndics de copropriété en France semblent connaître une augmentation régulière. En 2023, les honoraires moyens des syndics professionnels oscilleraient entre 150 et 200 € TTC/lot/an. Il existe des disparités territoriales. En 2018, les honoraires de syndic par lot principal étaient de 419 € à Paris, 350 € en Île-de-France (hors Paris), et 304 euros à Lyon.
Les honoraires du syndic représentent environ 9 à 12 % des charges de copropriété. Ils auraient connu une hausse significative au cours des dix dernières années. En 2021, les honoraires de syndic ont augmenté de 3,30 %, passant de 3 €/m² en 2020 à 3,10 €/m² en 2021. Ceci peut se comprendre en raison de l’absorption par les cabinets de syndic des effets du principe des honoraires forfaitaires réglementés par le contrat de syndic désormais modélisé. Certains syndics ont pensé à tenter de garantir leurs honoraires auprès des copropriétaires par le biais même de leur contrat de syndic adopté en assemblée générale. Or, juridiquement, le contrat du syndic est conclu avec le seul syndicat des copropriétaires. En conséquence, les copropriétaires ne peuvent pas être parties à ce contrat9. Ainsi, le syndic ne peut pas réclamer à un copropriétaire des honoraires à l’occasion d’une mutation en se fondant sur les clauses du contrat de syndic10.
Le principe des honoraires du syndic dans le modèle de contrat de syndic, étant basé sur « tout forfait sauf », pousse justement certains syndics, surtout lorsque le « sauf » réglementaire est relativement restreint, à trouver d’autres biais de rémunération.
On le sait, un syndic de copropriété peut facturer des « honoraires spécifiques » au titre de travaux relevant « autres que ceux de maintenance ou d’entretien courant ». Le syndic doit alors clairement indiquer le montant de sa rémunération pour ceux-ci et non pas en masquer le montant réel à la charge du syndicat des copropriétaires en occultant volontairement le montant de la TVA. En effet, selon le garde des Sceaux, le contrat de syndic (7.2.5) précise désormais que la rémunération fixée dans le projet de résolution doit « dans tous les cas être exprimée hors taxes et toutes taxes comprises » et donc non plus uniquement HT. Il s’agit de « s’assurer que le coût final » soit « clairement identifié lors du vote ». Dans la mesure où une copropriété est « désormais informée du détail du montant sur lequel elle s’engage, après négociation », aucune réforme n’est envisagée11. Cette possibilité de rémunération votée en assemblée générale concerne les travaux et doit être en lien avec ceux-ci. Recenser les attestations de TVA à taux réduit ne vaut pas rémunération spéciale du syndic. Il s’agit d’une diligence de gestion courante ne pouvant donner lieu à une rémunération spécifique complémentaire12. Mais, aujourd’hui, on peut se demander si, pour le syndic, chercher à accroître ses honoraires, ce n’est pas déjà engager sa responsabilité.
Le défi de la responsabilité civile du syndic. La responsabilité civile du syndic de copropriété représente un enjeu crucial dans le cadre de la gestion des biens communs de la copropriété. Ce défi est multiforme et découle de plusieurs facteurs, notamment de la réglementation applicable, des obligations contractuelles, ainsi que des attentes des copropriétaires.
Plus que jamais, le syndic engage sa responsabilité : délictuelle à l’égard des tiers au contrat de syndic ; contractuelle à l’égard du syndicat des copropriétaires pour faute de gestion. La responsabilité contractuelle du syndic est recherchée dans de nombreux cas. Le principe est clair : la responsabilité du syndic ne peut être engagée à l’égard du syndicat des copropriétaires que sur le fondement d’une faute dans l’exercice de son mandat13. Pourtant, certains copropriétaires n’hésitent pas à rechercher une responsabilité sans faute du syndic. Régulièrement, les juges doivent rappeler la nécessité d’une faute pour que la responsabilité du syndic soit recherchée. Ainsi, concernant une demande de remboursement au syndic de frais exposés au nom du syndicat pour le recouvrement de créances à l’égard d’un copropriétaire, les « frais nécessaires » exposés par le syndicat pour le recouvrement d’une créance justifiée à l’encontre d’un copropriétaire sont imputables au seul copropriétaire concerné14. À défaut, ils restent à la charge du syndicat. Pour pouvoir condamner le syndic à les rembourser, les juges du fond doivent rechercher si les frais exposés étaient nécessaires au recouvrement de la créance et si une faute pouvait de ce fait être imputée au syndic15. Mais si une faute est retenue en matière de travaux non autorisés, le préjudice résultant, pour le syndicat des copropriétaires, de la faute du syndic qui a engagé des dépenses sans l’autorisation de l’assemblée générale, peut être évalué au montant des travaux irréguliers16.
Aujourd’hui, la protection du syndic par le quitus obtenu est ébranlée. En effet, traditionnellement, il était retenu que le quitus donné sans réserve au syndic interdisait au copropriétaire de rechercher la responsabilité personnelle du syndic17. Mais, désormais, pour la Cour de cassation, il faut opérer une distinction entre la demande d’annulation de la résolution et l’action en responsabilité délictuelle du syndic. En effet, la Cour de cassation retient que le copropriétaire qui vote en faveur d’une résolution de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires donnant quitus au syndic, s’il n’est pas recevable à demander, en application de l’article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, l’annulation de cette résolution, peut rechercher la responsabilité délictuelle du syndic pour obtenir réparation d’un préjudice personnel né de sa faute18.
Notes de bas de pages
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1.
Sénat, Commission d’enquête, rapport n° 736, 2023-2024.
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2.
Sénat, commission d’enquête, rapport n° 736, Paupérisation des copropriétés, mieux la connaître pour mieux la combattre, 2023-2024.
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3.
PUCA, « Les petites copropriétés sans syndic : Une catégorisation pertinente ? », 2022.
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4.
Sénat, Commission d’enquête, rapport n° 736, Rapports de la commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés, mieux la connaître pour mieux la combattre, 2023-2024.
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5.
Sénat, Commission d’enquête, rapport n° 736, Rapports de la commission d’enquête sur la paupérisation des copropriétés, mieux la connaître pour mieux la combattre, 2023-2024.
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6.
IPR, Les mutations contemporaines des syndics de copropriété, 2023.
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7.
Rép. min. n° 23891 : JO Sénat, 27 janv. 2022.
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8.
IPR, Les mutations contemporaines des syndics de copropriété, 2023.
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9.
Cass. 3e civ., 9 sept. 2021, n° 20-11743.
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10.
Cass. 3e civ., 30 janv. 2008, n° 07-10750.
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11.
Rép. min. n° 10312 : JOAN, 28 nov. 2023.
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12.
Cass. 3e civ., 28 janv. 2021, n° 19-22446.
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13.
Cass. 3e civ., 6 févr. 2020, n° 18-22788.
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14.
L. n° 65-557 du 10 juill. 1965, art. 10-1.
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15.
Cass. 3e civ., 9 juill. 2020, n° 19-17465 – Cass. 3e civ., 25 févr. 2016, n° 15-10468.
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16.
Cass. 3e civ., 23 janv. 2020, n° 18-21357.
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17.
Cass. 3e civ., 14 févr. 2007, n° 05-21612.
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18.
Cass. 3e civ., 29 févr. 2024, n° 22-24558.
Référence : AJU015v9