Vanessa Bousardo : « Le barreau de Paris est capable de s’adapter à de grands événements »

Publié le 27/09/2024

Alors que la période des Jeux olympiques vient de s’achever, la vice-bâtonnière du barreau de Paris, Vanessa Bousardo, fait le point sur l’engagement de son barreau. Entre mobilisation, implication et année sous le signe du sport, les avocats « ont été au rendez-vous ». Entretien.

Actu-Juridique : Comment s’est organisé le barreau de Paris en vue des Jeux olympiques de Paris (JOP) ?

Vanessa Bousardo : Le barreau de Paris s’était préparé de manière importante face à cet événement exceptionnel. D’abord, pour cette période JOP, le barreau en prévision d’une augmentation potentiellement très importante des dossiers, corrélativement à l’augmentation de la population sur place, a renforcé les effectifs d’avocats de permanence et d’astreinte dans le cadre des permanences organisées par le barreau. Ainsi pour les comparutions immédiates, nous avons augmenté nos effectifs de 80 % pour faire face à un afflux potentiel. De même, pour les gardes à vue, l’augmentation a été de 30 %. Enfin, pour les CRPC – car nous savions que la justice en temps réel serait privilégiée -, nous avons triplé les avocats de permanence.

AJ : Cela a-t-il été difficile de les mobiliser ?

V.B. : Au contraire ! Tout d’abord, les avocats qui ont la compétence de la justice pénale d’urgence font déjà preuve d’engagement. Beaucoup d’entre eux ont dit qu’ils restaient à Paris précisément pour les JOP et qu’ils avaient envie, par le biais de leur profession, de pouvoir de s’engager à la réussite de l’événement. Avec 34 000 avocats, même si nous ne sommes pas tous pénalistes, nous n’avons pas eu de mal à recruter ! Face à un événement exceptionnel, les avocats parisiens se mobilisent très vite et répondent à l’attente.

AJ : . Quid du numéro unique mis en place ?

V.B. : À compter de la mi-juillet, le numéro unique avait vocation à répondre aux questionnements juridiques qui peuvent se poser pour les citoyens, les touristes, les athlètes. En tant qu’avocats, nous intervenons dans le cadre de la chaîne pénale, dans les permanences, les consultations gratuites, mais il n’existait pas d’accès direct à l’avocat, dans un parallèle un peu similaire à SOS Médecins. Pendant cette période, nous avons voulu qu’un touriste perdu puisse trouver les informations, savoir où aller porter plainte, avec ou sans avocat à ses côtés, etc. Au final, nous avons eu plusieurs appels par jour de justiciables qui avaient un questionnement juridique, mais pas seulement en matière pénale (questions en droit des affaires, droit de la famille, droit public, droit des étrangers…) et pas forcément liés à la période. Le numéro a fonctionné, mais comme pour les audiences, nous nous attendions à un afflux de dossiers ou d’appels, ce qui n’est pas arrivé. Pour les audiences, nous avons eu un niveau d’intervention finalement similaire au reste de l’année.

AJ : Comment expliquer que l’activité a moins augmenté que prévu ?

V.B. : Les dossiers de la période concernaient surtout des comparutions immédiates et des CRPC. On craignait des audiences très chargées avec des avocats aux nombreux dossiers, ce qui rend la défense plus difficile, et au final, nous avons eu des dossiers classiques de comparutions immédiates. Peut-être est-ce grâce à une implication de l’ensemble de la chaîne pénale, des avocats, des gendarmes et des policiers, mais aussi de la juridiction qui était prête ? Nous manquons encore de distance pour le dire. En tout état de cause, notre mantra était : « Pas un justiciable sans avocat pendant les JO  ! ». À ce titre, les avocats ont rempli leur mission, et dans des conditions très correctes.

AJ : Sur le fond, les dossiers étaient-ils liés aux JO ?

V.B. : Pas particulièrement. Globalement, il s’agissait d’audiences comme à l’accoutumée : des délits, des larcins, des infractions qui relèvent de cette compétence. Cependant, pendant cette période, le Tribunal arbitral du sport, dont une annexe s’est installée dans l’enceinte du TJ de Paris, a eu, lui, vocation à juger dans un délai très court de 48 heures des contentieux liés aux JO, des saisines effectuées par les athlètes, les fédérations. Là encore, nous avions une permanence dédiée, avec une dizaine d’avocats spécialistes en droit du sport, intervenant de manière bénévole, qui sont intervenus sur des problématiques uniquement liées aux JO. Nous avons eu des dossiers relatifs à la contestation de non-qualification aux JO, plusieurs dossiers relatifs au dopage, mais également des dossiers de contestation de décisions de disqualifications ou d’absence de médailles.

AJ : Votre Barreau s’est montré très engagé dans le domaine du sport cette année, avec notamment la signature d’une Déclaration des droits des athlètes, une initiative originale. De quoi s’agit-il ?

V.B. : Lors de la préparation de cet événement, le conseil de l’Ordre s’est mobilisé et l’idée forte et symbolique est apparue de voter une Déclaration des droits des athlètes (qui reconnaît leur droit d’être syndiqués, d’être protégés…) s’est posé. Bien sûr, se pose ensuite la question de la valeur juridique, c’est-à-dire notre capacité de créer du droit. Pour nous, cela permet de rappeler – et de donner une solennité – à des droits qui existent, mais qui parfois sont oubliés, par certains athlètes, certaines délégations. Cela concerne la liberté d’expression comme des situations plus graves d’atteinte à leur intégrité.

AJ : Nous avons le sentiment que c’est la première année où l’on parle autant des droits dans le quotidien des sportifs et sportives ? (délégation, exclusion de compétition, perte de médailles)

V.B. : En effet, le sport et les problématiques juridiques qu’il soulève rentrent dans les débats de société. Cela met en avant la pertinence et la légitimité de ce qui peut être opposé à un athlète. Le droit est partout, y compris dans le sport. Pas un pan de la société n’y échappe. Si notre déclaration est amenée à évoluer, ce serait une bonne chose : cela voudrait dire qu’elle s’ancre dans un corpus juridique et cela conforterait la connaissance de cette déclaration. À titre d’exemple, à l’occasion des Assises du Sport, Frédéric Krenc avait indiqué que c’était tout à fait le genre de documents sur lesquels la CEDH pouvait s’appuyer. C’est une première étape !

AJ : Cette période maintenant derrière vous, qu’en gardez-vous ?

V.B. : À ce stade, nous saluons l’engagement des avocats et la mise en place de nos différents dispositifs. Les avocats parisiens ont été présents, volontaires et engagés. Parce qu’assurer une défense digne, même dans des conditions extraordinaires, comme celles qu’on attendait cet été, était pour nous un impératif et relevait de notre responsabilité. Les JOP ont été une réussite pour la France, pour Paris, et des avocats ont voulu contribuer, à leur niveau, c’est-à-dire l’accompagnement digne des droits de chacun, qu’il s’agisse de la défense des mis en cause ou de l’accompagnement des parties civiles le cas échéant. De ce point de vue, là, ils ont vraiment joué le jeu, comme l’ensemble de la chaîne pénale. Bien sûr, on peut toujours trouver à redire : les comparutions immédiates, ce n’est pas l’idéal, cela reste une justice expéditive, avec un jugement dans un délai contraint, avec une défense contrainte. C’est un vrai sujet, mais dans le contexte des JOP, on peut dire que les avocats étaient au rendez-vous. Cela signifie aussi que le barreau de Paris a été en mesure de se préparer. Il est capable de s’adapter à des événements exceptionnels.

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