Participer aux débats sur la modification de l’embryon humain : les limites tenant aux imprécisions relatives à la sémantique et à la complexité des techniques

Publié le 14/02/2019

Les pouvoirs de l’Homme sur la nature ont énormément augmenté. Il est ainsi possible de faire naître un bébé conçu à partir de l’ADN de trois personnes, de créer des embryons mi-homme mi-porc ou de modifier les gènes humains avec CRISPR-Cas9. Ces « pratiques » sont susceptibles d’avoir des conséquences pour soi, mais aussi pour autrui, voire pour l’humanité. Elles intéressent donc tout un chacun. La communauté juridique doit pouvoir intervenir dans les débats et éventuellement participer à la régulation de ce que permet l’innovation notamment concernant l’embryon humain. Or, ces tâches sont d’autant plus ardues qu’il existe de nombreuses ambiguïtés en raison de la polysémie des termes ou des expressions utilisés mais aussi de la complexité des nouvelles techniques telles que CRISPR-Cas9.

Les biotechnologies, c’est-à-dire l’alliance des sciences de la vie et de la technique, offrent à l’Homme d’immenses pouvoirs qui lui permettent de se modifier lui-même. Une multitude d’articles publiés dans la presse illustrent parfaitement cette explosion du champ des possibles. Il y est question de l’utilisation de CRISPR-Cas9 « pour “corriger” une mutation porteuse d’une maladie héréditaire chez des embryons humains »1, de la naissance « d’un bébé “à trois parents” »2 ou de la création d’embryons chimériques « cochon-humain »3. Plus récemment, des journalistes soulignaient que CRISPR-Cas13 pourrait permettre « le développement d’une nouvelle génération de diagnostics génétiques révolutionnaires »4. Tout en admettant une grande liberté concernant des choix qui peuvent relever d’une décision individuelle, il est envisageable de reconnaître qu’il n’est pas souhaitable d’autoriser tout ce qui est techniquement et scientifiquement possible5. Concernant les modifications susceptibles d’être apportées sur l’embryon humain, chacun doit se questionner sur ce qu’il est souhaitable de réaliser. Cependant, pour pouvoir se prononcer, il faut être informé. Les scientifiques ont évidemment un rôle fondamental dans la compréhension des techniques et des pratiques, mais la communauté juridique a également une place à tenir. Les juristes bénéficient en effet d’un crédit auprès des citoyens qui peut être mis au service du débat public. Ils doivent pouvoir proposer leur argumentation. Or, les juristes sont peu présents concernant ce que permet l’évolution des sciences de la vie et de la technique.

S’agissant des modifications de l’embryon, il y a d’un côté les scientifiques qui imaginent des techniques et de l’autre, le législateur qui doit se prononcer sur ce qui est ou non souhaitable. Comme le souligne Anne-Blandine Caire à propos de l’assistance médicale à la procréation, le législateur doit intervenir pour réguler les pratiques, même si, a priori, il s’agit d’un rôle « peu gratifiant, consistant à fixer des limites dans un domaine qui semble avoir vocation à les dépasser perpétuellement (…) »6. En réalité, les juristes doivent reprendre leur place : ils doivent s’exprimer auprès des différents acteurs (citoyens, chercheurs, médecins, industriels…) pour que le droit garde son autorité, pour qu’il continue à jouer son rôle7. Les juristes ont vocation à se prononcer sur la modification de l’embryon, mais ils ne doivent pas apparaître comme des censeurs faisant des choix arbitraires. Or, pour participer à un débat quel qu’il soit, pour se prononcer sur une pratique, il faut s’informer, comprendre et éviter d’utiliser des mots ou des expressions équivoques. La maîtrise du vocabulaire et des techniques scientifiques est un préalable nécessaire à toute discussion, qu’il s’agisse simplement de donner un avis ou de participer à l’élaboration de la norme, y compris en l’interprétant.

Pour rappel, la création d’embryons à des fins de recherche est actuellement interdite8, mais la recherche sur les embryons humains est autorisée sous conditions9 (CSP, art. L. 2151-5). Par ailleurs, l’article L. 2151-2 du Code de la santé publique (CSP) interdit la création d’embryons transgéniques ou chimériques. Enfin, l’article 16-4 du Code civil dispose que : « sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne ». Les dispositions de l’article 13 de la convention d’Oviedo prévoient quant à elles « [qu’]une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ». Il ressort de toutes ces dispositions que le législateur a choisi d’encadrer la recherche embryonnaire et certaines pratiques médicales sur les embryons, mais la terminologie suscite des interrogations. De nombreuses questions se posent en pratique. Que faut-il comprendre sous les termes d’OGM (organismes génétiquement modifiés), d’embryons transgéniques ou chimériques ? Quelles pratiques, quelles techniques, quelles réalités sont visées ?

Par ailleurs, à supposer que ces mots soient définis et que l’on s’entende sur leur sens, il peut s’avérer particulièrement délicat de comprendre les expériences menées et d’appréhender les nouvelles techniques. À titre d’exemple, actuellement, des équipes médicales projettent de modifier le génome d’embryons humains avec la technique CRISPR-Cas9 présentée comme révolutionnaire et qui doit permettre de bouleverser la thérapie génique. Que permet réellement cette technique ? Est-ce un moyen de modifier la descendance, de créer des embryons transgéniques ou chimériques ? Afin de pouvoir se prononcer en toute lucidité sur les innovations techniques et scientifiques qui sont proposées, les juristes doivent comprendre les techniques utilisées. En ayant conscience des différentes acceptions des termes utilisés, ils pourront alors proposer éventuellement une régulation.

Notre réflexion s’est portée sur les modifications génétiques de l’embryon humain. Il ne s’agit plus de science-fiction, notamment grâce aux mutations rendues possibles par l’utilisation de la technique CRISPR-Cas9. Notre propos est d’attirer l’attention sur l’ambigüité des expressions et des qualificatifs utilisés par le législateur concernant l’embryon modifié (I). Puis nous mettrons l’accent sur les imprécisions relatives aux modifications réalisées grâce à la technique CRISPR-Cas9. Nous verrons qu’il est parfois délicat de déterminer si les manipulations sont autorisées au regard du droit positif (II).

I – Les embryons modifiés, le droit, la biologie et la polysémie des mots

D’une manière générale, la biologie et la médecine jouissent d’un prestige particulier, et pour justifier une pratique, il est tentant d’importer le vocabulaire qu’elles utilisent. Cependant, les juristes doivent être très attentifs quant aux termes qu’ils retiennent. Ils peuvent être polysémiques et le débat s’en trouve faussé. Les qualificatifs d’embryons transgéniques et chimériques illustrent parfaitement cette problématique. Le législateur a interdit la création d’embryons transgéniques et chimériques. Ces expressions ont-elles la même signification pour la communauté juridique, pour les biologistes et pour les généticiens ? Comment ces appellations sont-elles comprises ? Il n’est pas possible de faire l’impasse sur la terminologie lorsque l’on se propose de discuter de la possibilité d’autoriser la création d’embryons transgéniques à des fins de recherche10 ou de concevoir un bébé à partir de l’ADN11 de trois personnes12. Il en va de même lorsque l’on envisage la création d’embryons de porc porteurs de gènes humains dans le but de récupérer des organes susceptibles d’être greffés sur les êtres humains.

Le vocabulaire est essentiel, car les mots ne sont pas neutres. Les prises de position des juristes peuvent perdre de leur sens et le droit peinera à s’imposer. En outre, les ambiguïtés sémantiques sont sources d’incertitudes pour les chercheurs dont la marge de manœuvre est étroite. Que peuvent-ils réellement faire en respectant le droit positif ? Face aux possibilités offertes par les nouvelles technologies quant à la modification de l’embryon, si l’on veut responsabiliser l’ensemble des acteurs concernés, il faut éviter toute ambiguïté relative à une terminologie souvent équivoque. Nous soulèverons dans les développements suivants les incertitudes qui entourent les notions d’embryon transgénique (A), d’embryon chimérique (B) ainsi que les hésitations relatives à l’interdit de modifier la descendance (C).

A – Les incertitudes concernant la définition de l’embryon transgénique

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un embryon transgénique ? Si l’on s’en tient à la définition proposée par le dictionnaire Larousse, la transgénèse consiste à modifier « [le] génome d’un être vivant par introduction d’un fragment d’ADN au stade d’ovule ou de jeune embryon, au cours d’une expérience »13. Des précisions sont apportées pour la transgénèse végétale. Il s’agit de « la modification héréditaire d’un génome à la suite de l’intégration et de l’expression d’un gène étranger »14. Il résulte donc de ses définitions qu’un organisme est transgénique dès lors qu’on a ajouté un fragment d’ADN au génome d’un organisme. La suppression d’une séquence d’ADN est donc insuffisante pour considérer l’organisme comme transgénique. L’origine du fragment d’ADN ajouté n’est cependant pas précisée. Or, le qualificatif « étranger » retenu dans la définition génère beaucoup d’incompréhension. S’agit-il d’un gène qui provient d’une autre espèce, d’une autre variété de la même espèce, voire d’un gène qui provient de l’organisme travaillé mais qui a été modifié ?

Pour les biologistes, un organisme génétiquement modifié15 est qualifié de transgénique s’il a reçu un ou plusieurs transgène(s) et classiquement, un transgène est défini comme un fragment d’ADN étranger à l’organisme « travaillé » qui est inséré dans le génome de cet organisme. Cette séquence d’ADN peut soit conférer une nouvelle information au génome de l’organisme « hôte », soit modifier l’information génétique existant dans ce génome, soit supprimer une information. L’origine de la séquence d’ADN qui est introduite n’est pas précisée, mais il est certain qu’il y a transgène lorsque le fragment provient d’un autre organisme que celui qui est travaillé. C’est pourquoi les scientifiques retiennent l’expression de matériel génétique exogène. Il peut s’agir d’un fragment d’ADN d’une autre espèce, de la même espèce mais d’une autre variété ou de la même variété mais d’un autre organisme que celui que l’on va modifier.

En réalité, il serait envisageable de retenir la qualification de transgène pour désigner tout fragment d’ADN inséré dans le génome de l’organisme et cela même si ce fragment provient de l’organisme travaillé lui-même et n’a pas été modifié. En effet, pour qu’il y ait transgénèse, il suffirait que de l’ADN soit ajouté dans le génome receveur. Actuellement, s’agissant de la transgénèse animale, on identifie un gène d’intérêt responsable de la caractéristique que l’on veut transférer à l’organisme receveur. Puis, on adapte ce gène afin qu’il puisse être intégré au génome receveur. Même si l’on souhaitait intégrer un gène de l’organisme receveur pour qu’il se multiplie, en l’état des connaissances techniques, il serait nécessaire de modifier le gène afin d’augmenter sa fréquence d’insertion dans le génome d’origine et d’obtenir une multiplication du nombre de copies. C’est pourquoi les transgènes sont dits exogènes. Cependant, il ne s’agit peut-être que d’une limitation contingente, susceptible de disparaître un jour, et l’on peut concevoir que des gènes non-modifiés provenant de l’organisme « receveur » puissent être insérés au génome et être qualifiés de transgènes.

Que l’on adhère ou non à cette analyse, l’intégration d’ADN dans le génome est essentielle pour qu’il y ait transgénèse. Il s’ensuit que si on introduit de l’ARN (acide ribonucléique), l’organisme ne sera pas « transgénique ». De même, pour la majorité des biologistes, l’ajout d’une seule paire de bases au génome d’un organisme ne constituant pas une séquence d’ADN16, l’organisme ainsi modifié ne serait pas transgénique. Toutefois, sur ce point, il est encore possible de discuter. D’aucuns estiment que le nombre de paires de bases modifiées importe peu. La qualification d’organisme transgénique dépendrait du mode d’obtention de l’organisme modifié génétiquement bien plus que du nombre de paires de bases modifiées. Il s’ensuit qu’à partir de l’instant où un expérimentateur « fournit » un morceau d’ADN, qui sera intégré au génome de l’organisme travaillé, quelle que soit la longueur du morceau, l’organisme peut être qualifié d’organisme transgénique17.

Concernant le droit, une définition de l’embryon transgénique a été donnée par M. Jean Leonetti dans son rapport du 11 mai 2011 relatif à la révision des lois Bioéthiques18. Un embryon transgénique19 serait un embryon dont le génome a été modifié par l’ajout d’un ou plusieurs fragments d’ADN n’appartenant pas à l’embryon modifié, qu’il soit d’origine humaine ou animale. Cette définition n’écarte pas la discussion sur le nombre de paires de bases qui permet de considérer qu’un organisme est transgénique, mais en toute hypothèse, elle confirme qu’il y a un ajout dans le génome de l’organisme travaillé. Cependant, sur le site officiel des États généraux de la bioéthique, il est précisé « [qu’]on entend par embryons transgéniques des embryons dans le génome desquels une ou plusieurs séquences d’ADN n’appartenant pas à l’embryon lui-même ont été ajoutées ou supprimées »20. Cette phrase ne permet pas de mieux saisir le sens du mot transgénique, bien au contraire. Qu’est-ce qui a été supprimé ? Si l’on s’en tient aux mots : « une ou plusieurs séquences d’ADN n’appartenant pas à l’embryon lui-même ». Si tel est le cas, ces séquences ont préalablement été ajoutées au génome et cela suffit à qualifier l’embryon de transgénique. Une interprétation plus large de la phrase pourrait être de dire qu’une modification du génome par suppression d’un fragment d’ADN appartenant à l’embryon suffit pour qu’il y ait transgène. Mais alors, la définition de la transgénèse est remise en cause en ce sens qu’elle ne repose plus sur un ajout au niveau du génome. De telles imprécisions sont regrettables, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’associer les citoyens à l’élaboration du droit et que l’on se situe dans une phase de débat public préalable à une nouvelle législation.

Concernant la transgénèse, une autre imprécision est susceptible d’embarrasser les juristes. Jusqu’alors, la transgénèse ne concernait que l’ADN nucléaire, c’est-à-dire l’ADN contenu dans le noyau d’une cellule. Or, la conception d’un bébé à partir de 3 ADN au Mexique, pratique autorisée en Grande-Bretagne depuis 2015, conduit à s’interroger sur la modification de l’ADN mitochondrial21. Il s’agit de l’ADN extranucléaire contenu dans les mitochondries présentes dans toutes les cellules eucaryotes22 et notamment dans les cellules humaines. L’ADN mitochondrial ne se situe pas dans le noyau de la cellule et n’est à l’origine d’aucun des traits potentiels de l’enfant auxquels les parents sont généralement attentifs (les cheveux, la couleur des yeux, la taille…)23. En effet, les mitochondries sont des organites cellulaires24 dont la fonction principale est de produire l’énergie nécessaire à la cellule pour se développer25. De ce fait, les mitochondries sont parfois appelées « les centrales électriques » de la cellule.

Lors de la fécondation, les mitochondries de l’embryon sont transmises uniquement par les ovocytes de la mère. L’ADN mitochondrial est donc d’origine exclusivement maternelle. En quantité, il représente 1 % environ de l’ADN total contenu dans une cellule d’un organisme. Bien que présent en faible proportion, des mutations de cet ADN mitochondrial peuvent être responsables de nombreuses maladies sévères. Aussi, pour permettre à une femme d’avoir un enfant en bonne santé, une équipe médicale au Mexique a utilisé l’ovule d’une autre femme auquel elle a enlevé le noyau pour ne conserver que les mitochondries saines. Le noyau a été remplacé par celui de la future mère dont les mitochondries étaient défectueuses26. L’ovule ainsi modifié a été fécondé par les spermatozoïdes du père in vitro et a fait l’objet d’un transfert. L’enfant a donc été conçu à partir de trois ADN : celui de son père, celui de sa mère et celui d’une autre femme qui a donné les mitochondries. Plus précisément, l’enfant a un seul génome nucléaire constitué du brassage du matériel génétique des parents biologiques, alors que l’ADN extranucléaire mitochondrial provient d’une donneuse. Selon certains auteurs, il n’y a pas de transgénèse dans la mesure où aucune séquence d’ADN n’est intégrée au génome nucléaire de l’enfant. Selon eux, la transgénèse se limite à l’ajout d’une séquence d’ADN nucléaire exclusivement27. Dans le cas présent, il n’y a eu aucune modification de l’ADN nucléaire, mais apport d’une cellule vidée de son propre noyau. Pour autant, il y a modification du génome mitochondrial de l’enfant, et si cet enfant est une fille, la modification réalisée sera transmise à sa descendance, ce qui paraît contrevenir aux dispositions légales françaises actuelles28.

B – Les incertitudes concernant la définition de l’embryon chimérique

L’expression d’embryon chimérique n’est pas plus précise29. Le terme de « chimère » n’a pas de sens particulier pour les biologistes, mais ils s’y sont intéressés lorsque la technique de la transgénèse s’est développée, dans les années 1990. Généralement, les chimères sont vues comme des créatures hybrides, un mélange de deux espèces d’animaux par exemple. Tout droit venue des mythes grecs, la chimère évoque des monstres mi-lion, mi-chèvre, terminés par une queue de serpent, ou mi-femme, mi-animal, tel le Sphinx avec une tête et une poitrine de femme, un corps de lion et des ailes d’oiseau. Toutes ces créatures sont des assemblages de morceaux d’origine animale et/ou humaine. En réalité, une chimère suppose la présence de deux génomes au sein d’un organisme vivant et, le plus souvent, cela n’est pas visible. À titre d’exemple, on peut citer le cas d’une Américaine dont le test ADN a révélé qu’elle avait un double génome à la suite d’une fusion réalisée in utero avec le génome de son jumeau30. Elle dispose donc de cellules qui ont des génomes différents sans qu’aucune mutation étrange ne soit visible. « Le chimérisme » peut également être artificiel. Il est le plus souvent lié aux transplantations d’organes. Si l’organisme ne rejette pas l’organe transplanté, on peut parler de chimère, le receveur ayant des cellules avec des génomes différents. Peu importe donc la méthode utilisée pour créer la chimère. Ce qui est essentiel, c’est la présence de deux génotypes31, là où les organismes en ont en principe un seul32. La présence dans des tissus de plusieurs cellules ayant des génomes distincts permet de distinguer l’individu chimère du mosaïcisme. La juxtaposition, dans un même organisme, de populations de cellules dérivant du même zygote, portant une information génétique différente mais avec un seul génome, serait insuffisante pour que l’organisme soit une chimère. Il s’agirait dans ce dernier cas d’un individu mosaïque33.

Nicole Le Douarin, chercheuse en biologie, a donné une définition très précise de la chimère qui permet d’attirer l’attention sur un autre point, à savoir l’origine des cellules hétérogènes. Selon elle, « une chimère est un organisme ou un tissu ayant des cellules possédant des caractères provenant de deux ou plusieurs individus de la même espèce ou d’espèces différentes »34.

Sur le plan juridique, s’agissant des embryons chimériques, le député Jean Leonetti a proposé la définition suivante : « […] on désigne par le terme chimères des organismes contenant des cellules d’origine différente, mais sans mélange des matériels génétiques »35. Quant au sénateur Milon, il parle d’embryons « mêlant des cellules animales et des cellules humaines »36, ce qui est un peu restrictif. Un organisme créé à partir des cellules de deux embryons humains distincts est une chimère.

Enfin, concernant la terminologie, il est parfois fait usage du mot chimère à différents niveaux, à l’échelle des gènes notamment37. Ainsi, les transgènes issus de l’assemblage de fragments de gènes différents sont appelés gènes chimères. Leur utilisation n’aboutit cependant pas à créer un embryon chimérique38, mais un embryon transgénique.

Ces différentes approches ont des conséquences concrètes. On peut parler « d’embryon chimère » dès lors qu’on a introduit dans un embryon des cellules provenant d’un autre organisme, qu’il soit ou non de la même espèce. Les cellules se mélangent pour participer à la formation de cette nouvelle entité, sans intervention de transgénèse, c’est-à-dire sans qu’une séquence d’ADN soit intégrée dans le génome initial de l’organisme hôte. C’est ainsi que le premier exemple de chimère trans-espèce produit par l’Homme a consisté à utiliser des cellules provenant d’embryon de mouton avec des cellules d’embryon de chèvre ou de bovin39. Par ailleurs, si certaines cellules ont été prélevées, puis rendues transgéniques en laboratoire40 et réintroduites dans l’embryon, l’embryon est transgénique et chimérique.

Ce n’est qu’après avoir précisé le sens du terme chimérique que l’on aura des certitudes sur le plan pratique. Plusieurs équipes de recherche ont déjà intégré des cellules souches humaines dans des embryons de cochons notamment, afin qu’un organe humain se développe chez l’animal en vue d’une future greffe41. Dans la mesure où le génome du porc n’a pas été modifié par ajout d’une séquence d’ADN, il n’y a pas de transgénèse. S’il s’agit d’embryons chimériques, doivent-ils être qualifiés d’embryons humains chimériques ou d’embryons porcins chimériques ? Plus généralement, les embryons chimères peuvent-ils être qualifiés d’embryons humains42 ? Sur le plan pratique, des chercheurs pourraient-ils envisager de créer en France des embryons mixtes « porc-homme » ?

La loi française interdit la création d’embryons chimériques. Que signifie cette expression ? Vise-t-elle aussi bien l’embryon humain dans lequel a été introduite une cellule provenant d’un autre organisme, que l’embryon animal dans lequel a été introduite une cellule d’origine humaine ? Nous pensons que le législateur français a voulu interdire, avant tout, l’utilisation des embryons humains comme matériel biologique, pour des raisons éthiques. L’interdiction de créer des embryons transgéniques ou chimériques repose sur « une volonté législative de mettre un frein à une manipulation sans borne du vivant »43. Par conséquent, que des cellules embryonnaires humaines soient introduites dans un embryon d’origine animale, ou inversement, que des cellules embryonnaires animales soient introduites dans un embryon humain, le résultat est identique : il y a une instrumentalisation de l’embryon, ce que le législateur refuse. Cependant, la volonté du législateur reste confuse44. Même si la création « d’animaux humanisés » ne s’est peut-être pas imposée initialement dans les débats, elle suscite de nombreuses questions éthiques et le débat gagnerait en clarté si le législateur précisait sa volonté45.

C – Les hésitations relatives à la modification de la descendance

Concernant le vocabulaire, une autre ambiguïté textuelle complique les discussions et est source d’insécurité, tant pour les chercheurs que pour les citoyens. Qu’a voulu permettre ou interdire le législateur concernant les modifications sur le génome de l’embryon humain et leur transmission à la descendance ? Nous avons vu qu’aucune modification ne doit aboutir à la création d’un embryon transgénique ou chimérique. Néanmoins, toute modification génétique de l’embryon humain n’est pas interdite. La suppression d’une séquence d’ADN est envisageable, voire l’insertion d’un fragment d’ADN modifié ou non, issu de l’embryon lui-même, selon la définition que l’on retient du transgène. Il reste que le législateur a prévu une limite concernant toute modification génétique. Selon les dispositions de l’article 16-4 du Code civil, les recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques sont autorisées, mais « aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne ». L’article 13 de la convention d’Oviedo précise quant à lui « [qu’]une intervention ayant pour objet de modifier le génome humain ne peut être entreprise que pour des raisons préventives, diagnostiques ou thérapeutiques et seulement si elle n’a pas pour but d’introduire une modification dans le génome de la descendance ». Il est certain que le législateur a voulu encadrer la transmission à la descendance, mais les dispositions sont floues.

Si l’on s’en tient aux dispositions du Code civil, au-delà de la finalité médicale, il faut s’intéresser au but de la modification. Aucune modification génétique ne doit être faite dans le but de modifier la descendance. Faut-il en déduire qu’une modification effectuée sur un embryon humain, qui serait transmissible à la descendance mais effectuée dans un autre but, serait légale ?

La précision concernant la modification de la descendance est source d’insécurité. Il est certain qu’une modification génétique des cellules somatiques embryonnaires peut être envisagée. En effet, les modifications des cellules somatiques ne sont pas transmissibles à l’ensemble des cellules de l’enfant à naître et aux cellules reproductives. On peut ainsi envisager, au stade embryonnaire, la modification d’un gène délétère sur les cellules somatiques afin de soigner une maladie. En revanche, une modification des cellules germinales de l’embryon précoce ou des gamètes pourrait être interdite, ou autorisée, selon l’interprétation que l’on fait des termes de la loi et de la convention d’Oviedo. Si l’on interprète strictement les dispositions, toute modification transmissible à la descendance est interdite, donc aucune modification des cellules germinales n’est possible, quelle qu’en soit la raison46. Si l’on fait une interprétation plus large de ces dispositions, la modification des cellules germinales d’un embryon ou des gamètes47 pourrait être autorisée en l’état actuel du droit positif, dans la mesure où le but premier serait le soin et non la transmission à la descendance48. La conception d’un bébé de sexe masculin à partir de l’ADN mitochondrial d’une donneuse serait ainsi autorisée en France, sous réserve de considérer que seule la modification de l’ADN nucléaire est visée par l’interdit de créer des embryons transgéniques.

En toute hypothèse, la question se pose de savoir si des modifications sur les cellules germinales des embryons peuvent être effectuées, dans la mesure où ces embryons seraient étudiés pendant quelques jours puis détruits49, auquel cas il serait possible de soutenir qu’aucune modification n’aurait été faite dans le but de modifier la descendance de la personne. Selon Jean Leonetti, « dans la mesure où l’embryon est utilisé dans un travail de recherche et donc détruit à un stade très précoce de son existence, il n’est pas ici question d’une quelconque perpétuation des éventuelles modifications génétiques effectuées sur l’embryon »50. Les dispositions de l’article 16-4 du Code civil sont donc respectées. Cependant, dès lors que l’embryon peut être qualifié de transgénique ou chimérique, toute création même temporaire est interdite51, ce qui nous ramène aux incertitudes qui entourent la définition de l’embryon transgénique ou plus généralement, du transgène.

La communauté juridique doit s’approprier le vocabulaire scientifique, d’autant plus lorsqu’elle le reprend et qu’il figure dans des textes. À défaut, la confusion s’installe, la communication devient complexe. Cet effort de sémantique est essentiel pour pouvoir se prononcer sur les nouvelles pratiques, mais il n’est pas suffisant. Pour prendre du recul sur les différentes pratiques auxquelles les hommes sont confrontés, il faut comprendre les techniques utilisées par les scientifiques, ainsi que leurs raisonnements, afin d’en tirer les conséquences sur le plan juridique.

II – Quid des modifications génétiques réalisées avec la technique CRISPR-Cas9 ?

Peut-on modifier le génome d’embryons humains avec CRISPR-Cas9 ? La technique CRISPR-Cas9 conduit-elle à la création d’OGM ou d’organismes transgéniques52 ? La technique CRISPR-Cas9 est utilisée pour modifier le génome des êtres vivants (végétaux, animaux et micro-organismes tels que les bactéries). Elle peut servir à modifier les cellules souches somatiques ou germinales53. Toute modification des cellules germinales sera transmise à la descendance, alors que la modification d’un gène sur une cellule somatique ne concernera que le seul sujet traité. Comprendre le fonctionnement de cette technique est un préalable pour se prononcer sur la qualification des organismes modifiés. Nous verrons que la qualification de l’organisme modifié suppose que l’on puisse apprécier la technique CRISPR-Cas9 et les modifications qu’elle permet d’effectuer (A), ainsi que la façon dont CRISPR et Cas9 peuvent être introduits dans l’organisme, indépendamment des modifications recherchées (B).

A – La technique en elle-même et les modifications effectuées

La technique CRISPR-Cas9 peut être représentée par un couteau ou une paire de ciseaux. Elle comprend un ARN-guide et la protéine Cas9. L’ARN-guide permet de cibler l’endroit précis d’un segment de l’ADN nucléaire où la coupure sera effectuée, à la manière d’une tête chercheuse. La protéine Cas9 est une nucléase, qui a la capacité de couper l’ADN nucléaire54. La coupure réalisée endommage l’ADN qui doit être réparé. Il y a trois façons d’envisager cette réparation. Un premier cas concerne l’hypothèse où l’ARN-guide et la protéine Cas9 sont utilisés seuls. En effet, CRISPR-Cas9 va couper l’ADN et l’ADN va se ressouder. La soudure de la cassure s’effectuera par des mécanismes naturels, en l’absence de tout modèle de réparation de l’ADN. Dans ce cas de figure, on souhaite donc la suppression des fonctions d’un gène, ainsi qu’une réparation naturelle et automatique de la séquence coupée. Cette hypothèse est parfois dénommée « SDN-1 Gène inactivé »55. Ce mode de réparation de l’ADN peut introduire des mutations qui consistent en des insertions ou des délétions regroupées sous le nom d’indel56 dont la nature n’est pas contrôlée par l’expérimentateur.

Il est également possible d’ajouter un fragment contenant la mutation souhaitée sans modifier les deux composantes que sont l’ARN-guide et la protéine Cas9. Dans cette hypothèse, on fabrique en laboratoire de courtes séquences d’ADN, similaires à une séquence génétique présente dans le génome de l’organisme qu’on souhaite modifier. La seule différence entre la molécule créée en laboratoire et la séquence génétique d’origine est la mutation que l’on veut introduire dans l’organisme. Le fragment d’ADN fabriqué en laboratoire est soit pratiquement identique au gène ciblé moyennant une mutation (on parle alors de « SDN-2 Gène édité »), soit il s’agit d’un fragment étranger, mais flanqué de bras d’homologie afin qu’il puisse recombiner avec la région ciblée (il s’agit du cas « SDN-3 Insertion ciblée »). En réalité, lorsque le fragment étranger est de petite taille (Cas SDN-3), la distinction entre ces deux cas est assez artificielle. Il y a toujours un fragment qui servira de matrice pour la réparation57. Fondamentalement, du point de vue moléculaire, entre les variantes SDN-2 et SDN-3, il n’y a donc pas de différence concernant la façon dont la réparation est effectuée : une matrice de réparation de l’ADN est ajoutée en plus de la nucléase dirigée58.

À ce stade du raisonnement, dans le premier cas, aucun ADN n’est intégré dans le génome de l’organisme hôte. Il n’est donc pas question de transgénèse. Le deuxième et le troisième cas sont similaires (SDN-2 et SDN-3), mais dans le cas intermédiaire (SDN-2), la modification apportée concerne une paire de bases59. Ce dernier point est source de difficultés quant à la qualification. Soit on admet que la modification d’une seule paire de bases est insuffisante pour qu’il y ait transgénèse, on parlera alors de mutation et l’organisme ne pourra pas être qualifié de transgénique. Soit, au contraire, on considère que même si la modification se limite à une paire de bases, il y a transgénèse. Le troisième cas emportera, quant à lui, la qualification d’organisme transgénique, car un gène a été ajouté au génome.

B – Les moyens de délivrer l’ARN messager ainsi que la protéine Cas9 et les modifications effectuées au niveau de la matrice

Par ailleurs, quelle que soit la modification effectuée, l’ARN messager et la protéine Cas9 peuvent être délivrés à l’organisme sous plusieurs formes. On peut injecter la protéine Cas9 toute prête (hypothèse 1) ou injecter l’ARN messager de Cas9, qui fournira à la cellule l’information pour fabriquer in situ, dans la cellule, la protéine Cas9 (hypothèse 2). Il est également possible d’injecter un ADN contenant le gène de Cas9 ; la cellule copiera cet ADN en un ARN messager de Cas9, qu’elle utilisera ensuite pour fabriquer la protéine Cas9 (hypothèse 3). Quant à l’ARN CRISPR, il peut être injecté tout prêt (hypothèse 4), mais on peut aussi injecter un ADN contenant le gène de l’ARN CRISPR et la cellule fabriquera elle-même l’ARN CRISPR (hypothèse 5).

Très souvent, les expérimentateurs injectent de l’ADN (donc des transgènes), par souci d’efficacité et de rapidité60. Il convient dans ce cas d’être prudent, car l’ADN peut éventuellement s’insérer dans le génome de l’organisme modifié et y persister à long terme61. On serait alors face à un organisme transgénique. Les protéines et les ARN déjà prêts n’ont pas cette possibilité. Ils agissent temporairement, puis ils sont éliminés naturellement. Toutefois, il peut arriver62 que des ARN soient copiés en ADN63 et que ces ADN puissent ensuite s’insérer dans le génome64. Si, par hasard, l’ARN est tombé dans un environnement génomique qui permet l’expression du fragment d’ADN, alors l’organisme pourra exprimer ce transgène à long terme. Il faut donc en conclure que la forme sous laquelle sont introduits l’ARN messager et la protéine Cas9 peut avoir des conséquences sur la qualification d’organisme transgénique ou non, à l’échelle de quelques cellules tout au moins65.

En toute hypothèse, les formes sous lesquelles CRISPR et Cas9 sont introduits (ADN, ARN ou protéine) sont déconnectées des variantes SDN-1, SDN-2 et SDN-3. Chacune des trois variantes SDN peut être obtenue avec chacune des méthodes d’introduction. Mais pour SDN-2 et SDN-3, il faut aussi fournir un fragment homologue, qui servira de matrice pour la réparation, fragment qui doit être impérativement délivré sous forme d’ADN.

Il ressort de ces explications que dans le cas où seul l’ARN messager et la protéine Cas 9 sont « injectés » (SDN-1), en principe, il n’y a pas d’ajout d’un ADN étranger. Il n’y a donc pas création d’un organisme transgénique. Cependant, il est possible de se servir d’un ADN pour fournir CRISPR ou Cas9 à l’organisme que l’on veut modifier. Dans ce dernier cas, la question pourrait se poser de savoir s’il s’agit d’un organisme transgénique. Avant de pouvoir se prononcer, il faudra déterminer si l’ADN qui sert à fournir CRISPR ou Cas9 a été inséré de manière définitive dans le génome. L’organisme sera transgénique uniquement dans l’hypothèse où un gène étranger a été inséré définitivement dans le génome modifié. Dans le cas SDN-3, a priori, quelle que soit la façon dont CRISPR et Cas9 sont introduits, il y aura création d’un organisme transgénique. Le cas SDN-2 est plus délicat. D’une part, il faudra vérifier si un transgène a été ajouté de manière définitive au génome de l’organisme travaillé lors de l’introduction de CRISPR ou de Cas9. D’autre part, il conviendra de préciser si la modification apportée au niveau de la matrice, qui sera recopiée, suffit aux juristes pour retenir le qualificatif de transgénique. Il y a bien modification du génome, mais seule une paire de bases a été ajoutée, ce pourquoi actuellement, la majorité des biologistes considèrent qu’il n’y a pas d’ajout d’un transgène.

La technique CRISPR-Cas9 ayant fait l’objet d’un nombre important de publications, nous ne nous attendions pas à autant de confusion. En réalité, les articles sont généralement peu précis car adressés à un large public, ou au contraire difficilement accessibles. C’est pourquoi il nous semblait essentiel d’apporter des précisions sur la technique en elle-même et de déterminer les conséquences effectives de son utilisation sur le génome avant de pouvoir envisager toute prise de position.

Conclusion

Le vivant est particulièrement complexe à appréhender et les technosciences ainsi que les biotechnologies ont profondément augmenté les pouvoirs dont dispose l’Homme qui peut désormais se modifier lui-même, se sélectionner. Beaucoup de procédés techniques sont créés, pour lesquels les implications et les utilisations possibles n’ont pas été anticipées, mais seront au contraire découvertes ultérieurement. La naissance d’un bébé conçu à partir de l’ADN de trois personnes, la création d’embryons homme-cochon ou la modification de gènes humains avec CRISPR-Cas9 sont de parfaites illustrations du pouvoir de l’Homme sur la nature. Pour l’instant, peu de juristes se sont prononcés sur ces problématiques. Le plus souvent, ce sont les généticiens ou les philosophes qui interrogent sur ces thématiques, demandant un débat citoyen. Cet article n’a pas pour but de dénoncer l’importance prise par les biotechnologies ou les technosciences, mais d’encourager la communauté juridique à prendre sa place dans le débat qu’elles suscitent. Il faut se souvenir que les techniques et les pratiques proposées sont susceptibles d’avoir non seulement des conséquences pour soi, mais aussi pour autrui et parfois pour l’humanité. Elles doivent donc intéresser les juristes afin qu’ils puissent intervenir. Les juristes doivent participer à la régulation de ce que permet l’innovation. Il ne s’agit pas d’être technophobe, mais d’être en mesure de participer aux débats suscités par les biotechnologies et la biomédecine concernant les modifications de l’embryon humain. Or, actuellement, force est de constater que les incertitudes qui entourent la terminologie utilisée ainsi que les nombreuses ambigüités liées à la technique, ne permettent pas des échanges sereins. Les qualificatifs polysémiques et les expressions floues retenus par le législateur pour préciser ce qui est interdit sont deux raisons pour lesquelles la modification de l’embryon reste une nébuleuse juridique.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Veyrieras J.-B., « La modification génétique des embryons humains franchit un cap », Sciences et vie, août 2017, https://www.science-et-vie.com/corps-et-sante/la-modification-genetique-des-embryons-humains-franchit-un-cap-9192, consulté en mai 2018. Il convient de préciser à ce stade que les opérations ont été effectuées sur des embryons humains qui n’ont pas été réimplantés.
  • 2.
    Morin H., « Première naissance d’un bébé “à trois parents” », Le Monde, 28 sept. 2016, https://www.lemonde.fr/sciences/article/2016/09/28/premiere-naissance-d-un-bebe-a-trois-parents_5004492_1650684.html, consulté en juin 2018.
  • 3.
    France Info, « Embryon chimérique cochon-humain : “Il y a certains organes qu’il ne faut surtout pas humaniser” », 27 janv. 2017, https://www.francetvinfo.fr/sante/soigner/don-d-organes/embryon-chimerique-cochon-humain-il-y-a-certains-organes-qu-il-ne-faut-surtout-pas-humaniser_2038583.html, consulté en juill. 2018.
  • 4.
    Bikard D., « CRISPR : au-delà de la modification des génomes », Les Echos.fr, 19 mars 2018, https://www.lesechos.fr/19/03/2018/lesechos.fr/0301446478228_crispr---au-dela-de-la-modification-des-genomes.htm, consulté en juill. 2018.
  • 5.
    Techniquement possible, mais avec de nombreuses limites et un intérêt très relatif. Sur ce point, v. l’article de Ma H. et a., « Correction of a pathogenic gene mutation in human embryos », in Nature, 2 août 2017.
  • 6.
    Caire A.-B., « L’ouverture des conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation : vers l’avènement de l’anthropotechnie procréative ? », RDSS 2018, p. 292.
  • 7.
    Sur la dogmatique juridique, v. not. Supiot A., Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du Droit, 2007, Seuil, spéc. p. 30.
  • 8.
    Conv. Oviedo, 4 avr. 1997, art. 18 et CSP, art. L. 2151-5.
  • 9.
    Les conditions relèvent à la fois de la recherche et des embryons concernés.
  • 10.
    La question de la recherche sur l’embryon humain était débattue dans le cadre des états généraux 2018 de la bioéthique notamment.
  • 11.
    L’ADN ou acide désoxyribonucléique est une molécule présente dans les cellules qui contient l’information génétique héréditaire.
  • 12.
    V. not. Depadt V., « Le transfert nucléaire : un père, une mère, trois ADN », Revue Juridique Personnes et famille, oct. 2015, n°10, p. 7 et s. et Morin H., op. cit.
  • 13.
    https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/transg%C3%A9nose/79132, consulté en mars 2018.
  • 14.
    http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/transgen%C3%A8se_v%C3 % A9g % C3 % A9tale/98350, consulté en mars 2018.
  • 15.
    Organisme dont on a modifié le génome, que ce soit par adjonction, suppression ou par modification d’une séquence génétique.
  • 16.
    L’ADN est constitué de 2 brins d’acides nucléiques et les 2 brins sont complémentaires. Cela signifie que les bases des acides nucléiques sont assorties par paire : C avec G et A avec T. On peut également décrire la molécule d’ADN comme « une échelle, dont les montants sont constitués du squelette de chaque brin et dont les barreaux sont faits des bases appariées ». V. Depadt V., Droit et bioéthique, 2e éd., coll Droit des technologies, Larcier, 2012, spéc. p. 23.
  • 17.
    L’analyse dans son ensemble peut être remise en question ; elle repose sur le postulat que les gènes sont de la matière. Or, il est possible de concevoir qu’un gène est une information, bien plus que de la matière. V. en ce sens Gouyon P.-H., Les harmonies de la Nature à l’épreuve de la biologie, 2001, INRA, Paris, spéc. p. 56-57.
  • 18.
    Assemblée nationale, rapp. n° 3403, art. 23 A.
  • 19.
    L’embryon transgénique doit-il être qualifié d’humain ? Pour une réflexion concernant l’embryon chimérique qui n’est ni humain ni animal, v. Giquel C., Bourret R., Vialla F., Martinez E. et Thonnat-Marin A., « La création d’animaux chimères porteurs d’organes humains », Médecine et Droit 2016, n° 137, p. 37-47.
  • 20.
    https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/pages/cellules-souches-et-recherche-sur-l-embryon, consulté en juill. 2018.
  • 21.
    V. not. Depadt V., « Le transfert nucléaire : un père, une mère, trois ADN », Revue Juridique Personnes et famille, oct. 2015, n° 10, p. 7.
  • 22.
    Les eucaryotes comprennent tous les végétaux et animaux pluricellulaires dont les cellules possèdent un noyau délimité par une membrane. D’autres cellules, dites procaryotes, possèdent une structure plus simple, dépourvue de noyau.
  • 23.
    Mais il y aura peut-être des conséquences sur les traits de personnalité. V. not. Depadt V., « Le transfert nucléaire : un père, une mère, trois ADN », op. cit., n° 10, p. 10.
  • 24.
    Les organites cellulaires sont des structures intracellulaires qui remplissent des fonctions spécifiques dans les cellules à l’instar des organes pour le corps.
  • 25.
    La mitochondrie est un organite cellulaire qui produit plus de 95 % de l’énergie de la cellule.
  • 26.
    Dans l’hypothèse d’un cybride (pour hybride cytoplasmique), une sous-catégorie d’embryons chimères, on introduit le noyau d’une cellule somatique humaine dans un ovocyte animal duquel on a prélevé le noyau. V. not. le rapport Leonetti n° 3403 (ass. nat., 11 mai 2011, art. 23 A).
  • 27.
    Contra Le Méné J.-M., « Un bébé, 3 ADN, 3 transgressions », http://www.genethique.org/fr/un-bebe-3-adn-3-transgressions-66733.html#. WztrxMJpG70, consulté en juill. 2018 : « cette nouvelle technique de PMA avec manipulation du génome implique plusieurs transgressions : elle modifie les lignées germinales et elle fabrique des embryons transgéniques ».
  • 28.
    Voir infra.
  • 29.
    V. not. Parizeau M.-H., « Le concept de chimère en génétique : quel objet ? Considérations épistémologiques et éthiques », L’observatoire de la génétique, avr.-mai 2006, n° 27, http://www.omics-ethics.org/observatoire/cadrages/cadr2006/c_no27_06/c_no27_06_01.html, consulté en janv. 2018.
  • 30.
    Affaire Jamie Townsend, ou Taylor Muhl…
  • 31.
    Le génotype représente le jeu complet des gènes reçus par un individu.
  • 32.
    En réalité, nous sommes tous des chimères, dans la mesure où nous portons tous des cellules qui ont un génome autre que notre génome « principal » (des cellules qui nous viennent de notre mère à la suite de la grossesse, des cellules résiduelles provenant d’un virus à la suite d’une infection…).
  • 33.
    Par exemple, une anomalie survenue chez le zygote après plusieurs divisions cellulaires et qui ne touchera que certaines cellules. Certaines cellules ont muté et ont (après des divisions cellulaires) créé des clones de cellules qui ne portent plus la même information génétique que le reste de l’organisme.
  • 34.
    Des chimères, des clones et des gènes, 2000, Odile Jacob.
  • 35.
    V. Ass. nat., rapp. n° 3403, 11 mai 2011.
  • 36.
    Milon A., Rapport sur la révision des lois de bioéthique remis au Sénat, 30 mars 2011, n° 388, p. 90.
  • 37.
    Cette terminologie est de moins en moins utilisée. V. cependant Parizeau M.-H., « Le concept de chimère en génétique : quel objet ? Considérations épistémologiques et éthiques », L’observatoire de la génétique, avr.-mai 2006, n° 27.
  • 38.
    On ne pourrait pas relever la présence de 2 génomes au sein de l’organisme travaillé.
  • 39.
    1984, chimère réalisée par C. Fehilly et S.M. Willadsen.
  • 40.
    Ce qui sous-tend que leur génome a été modifié par ajout d’une séquence ADN.
  • 41.
    V. not. Giquel C., Bourret R., Vialla F., Martinez E. et Thonnat-Marin A., « La création d’animaux chimères porteurs d’organes humains », Médecine et Droit 2016, n° 137, p. 37-47.
  • 42.
    Il semble que le législateur ne considère pas les embryons transgéniques ou chimériques comme des embryons humains. V. sur ce point Delage P.-J., « L’interdiction de créer des embryons transgéniques ou chimériques », Médecine et Droit 2012, vol. 115, p. 111, spéc. p.112, et Giquel C., Bourret R., Vialla F., Martinez E. et Thonnat-Marin A., « La création d’animaux chimères porteurs d’organes humains », Médecine et Droit 2016, n° 137, spéc. p. 41 et s.
  • 43.
    V. Delage P.-J., « L’interdiction de créer des embryons transgéniques ou chimériques », Médecine et Droit 2012, vol. 115, spéc. p. 112, citant Milon A., Rapport sur la révision des lois de bioéthique remis au Sénat, 30 mars 2011, n° 388, p. 90.
  • 44.
    V. Leonetti J., rapp. n° 3403, 11 mai 2011 : « les cybrides sont des chimères, mais sont-ils humains ? »
  • 45.
    Le respect est dû à l’ensemble des êtres vivants, les animaux notamment. C’est ainsi qu’en Suisse, dans la constitution fédérale, figure le respect de l’intégrité des organismes vivants.
  • 46.
    Interprétation souvent retenue par les juristes : « Au travers de ces dispositions, le droit français proclame la nécessité de conserver ce qui fait la singularité de l’espèce humaine et interdit de lui apporter des modifications », amendement Genevard, n° 406, ass. nat. du 25 janv. 2013.
  • 47.
    Sous réserve de ne pas créer un embryon transgénique ou chimérique, ce qui est interdit.
  • 48.
    Selon Valérie Depadt, « toute pratique modifiant la descendance est interdite, que [la] modification soit ou non intentionnelle », in Droit et bioéthique, op.cit., spéc. p. 96.
  • 49.
    Selon les dispositions de l’article R. 2151-4 du Code de la santé publique, pour les recherches effectuées « dans le cadre de l’article L. 2151-5 », il est précisé « au couple ou au membre survivant du couple que les embryons ayant fait l’objet d’une recherche ne peuvent être transférés à des fins de gestation et qu’ils sont détruits au cours de la recherche ».
  • 50.
    Rapport précité.
  • 51.
    CSP, art. L. 2151-2.
  • 52.
    Cette question s’est posée avec une particulière acuité pour les végétaux. V. not. le rapport d’informations intitulé Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche, Le Déaut J.-Y. et Procaccia C., avr. 2017, spéc. p. 141 et s. et plus particulièrement p. 191 sur la saisine de la Cour de justice de l’Union Européenne après renvoi préjudiciel du Conseil d’État le 3 octobre 2016. V. égal. notre article : « Le juriste se trouva fort dépourvu quand l’ère de la bioéconomie fut venue », LPA 28 déc. 2017, n° 130s8, p. 6.
  • 53.
    Les cellules germinales visent les cellules reproductrices c’est-à-dire les gamètes (spermatozoïdes et ovules), ainsi que les cellules présentes chez le zygote (embryon aux premiers stades de développement). Les cellules souches somatiques sont les autres cellules du corps.
  • 54.
    Dernièrement, un nouvel outil dénommé REPAIR (pour RNA Editing for Programmable A to I Replacement) basé sur CRISPR-Cas13 a été découvert ; il permet de cibler l’ARN et non pas l’ADN.
  • 55.
    SDN pour Site Directed Nucleases c’est-à-dire les techniques qui utilisent des nucléases dirigées pour couper l’ADN.
  • 56.
    Pour « insertion/deletion ».
  • 57.
    Il arrive que même si on a fourni ce fragment d’ADN, la cellule répare la coupure selon la voie « SDN-1 », sans faire usage du fragment d’ADN qu’on lui a fourni ; il faut donc faire des vérifications a posteriori.
  • 58.
    La mutation n’est pas apportée à l’ARN-guide ou à la protéine Cas9.
  • 59.
    La modification est difficile à déceler ; elle n’est pas traçable.
  • 60.
    Ce sont les points 3 et 5 de la liste ci-dessus.
  • 61.
    Moins 0,001 % des cas et sur une période très longue en raison de la stabilité structurale de l’ADN.
  • 62.
    Dans des cas extrêmement rares.
  • 63.
    Par des activités enzymatiques présentes dans la cellule.
  • 64.
    C’est le cas des rétrovirus qui sont des virus à ARN simple-brin et qui vont produire un ADN lors de leur réplication.
  • 65.
    En théorie, ce serait possible sur l’organisme tout entier, mais la probabilité de ce genre d’évènement dans une cellule est très basse ; la probabilité que cela arrive dans l’ensemble de cellules en même temps est donc encore plus basse.
LPA 14 Fév. 2019, n° 141a4, p.6

Référence : LPA 14 Fév. 2019, n° 141a4, p.6

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