L’AEEH n’a pas de caractère indemnitaire
En présence d’un accident médical entraînant le handicap d’un enfant, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ne peut prétendre déduire du montant des indemnités qu’il doit verser à la victime, au titre de l’assistance d’une tierce personne, le montant de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) allouée aux personnes en charge de l’enfant.
En effet, cette allocation ne présente pas de caractère indemnitaire.
Cass. 1re civ., 2 juin 2021, no 20-10995
L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), telle qu’elle résulte des articles L. 541-1 et R. 541-1 du Code de la sécurité sociale est, comme ses compléments, destinée à la personne qui assume la charge d’un enfant atteint d’une incapacité permanente dépassant ou égale à un taux déterminé (80 %, CSS, art. R.541-1). Elle est destinée à compenser les frais d’éducation et de soins apportés par cette personne à l’enfant jusqu’à l’âge de 20 ans lorsqu’elle ne bénéficie pas d’une rémunération excédant le plafond fixé par l’article R. 512-2 du Code de la sécurité sociale. Cette prestation a-t-elle un caractère indemnitaire comme on aurait pu le penser et comme la jurisprudence l’a parfois admis1 ? C’est à cette interrogation qu’était confrontée la première chambre civile de la Cour de cassation dans sa décision du 2 juin 20212.
En l’espèce, lors d’un accouchement déclenché, des complications surviennent, entraînant une tétraplégie de l’enfant. Les parents de la victime, tant en leur nom personnel qu’en celui de leur enfant dont ils sont les représentants légaux, assignent en indemnisation l’ONIAM et l’hôpital où s’est produit l’accident.
Par ailleurs, les requérants se sont vus attribuer le bénéfice de l’AEEH. Les juges du fond ont mis à la charge de l’ONIAM le versement de l’indemnité pour assistance d’une tierce personne, sans tenir compte du versement d’une prestation à cette fin ce que cet office conteste. En effet, il résulte des termes du deuxième alinéa de l’article L. 1142-17 du Code de la santé publique que doivent être déduites du montant des indemnités mises à la charge de l’ONIAM, revenant à la victime ou à ses ayants-droit, les prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (liste qui doit être reprise par l’article 1276 du Code civil tel qu’il résulte de la proposition sénatoriale de réforme du droit de la responsabilité civile) et, plus généralement, les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.
L’AEEH est-elle une telle indemnité ? La question est importante car selon la décision prise, le montant des sommes remises à la victime pourra varier. De fait, si cette prestation est indemnitaire, en application du principe de la réparation intégrale du préjudice de la victime sans perte ni profit, elle doit être déduite des sommes que l’ONIAM doit verser au titre de l’aide d’une tierce personne. Si elle n’est pas indemnitaire, elle n’a pas à être déduite. C’est à cette dernière analyse que se rallie la première chambre civile dans l’arrêt annoté, en précisant que l’AEEH « est fixée, sans tenir compte des besoins individualisés de l’enfant, à un montant forfaitaire exprimé en pourcentage de la base de calcul mensuelle des allocations familiales et que, s’agissant d’une prestation à affectation spéciale, liée à la reconnaissance de la spécificité des charges induites par le handicap de l’enfant, elle constitue une prestation familiale et ne répare pas un préjudice de cet enfant ». Ce faisant, la première chambre civile s’aligne sur la position de la deuxième chambre civile qui, concernant non plus l’ONIAM mais la commission d’indemnisation des infractions (CIVI), affirme que l’AEEH ne revêt pas de caractère indemnitaire3.
Finalement, il y a unité de la jurisprudence civile sur le caractère non-indemnitaire de l’AEEH. On peut penser que la jurisprudence administrative prendra le même chemin, ce qui n’est pas le cas actuellement4.
Notes de bas de pages
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1.
Cass. 1re civ., 18 juin 2014, n° 12-35252 : D. 2015, p. 124, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2015, p. 148, obs. P. Jourdain.
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2.
Cass. 1re civ., 2 juin 2021, n° 20-10995 : Dalloz actualité, 16 juin 2021, obs. S. Hortala.
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3.
Cass. 2e civ., 7 mars 2019, n° 17-25855 : D. 2019, p. 2058, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon ; RTD civ. 2019, p. 356, obs. P. Jourdain.
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4.
CAA Lyon, 5 nov. 2019, n° 17LYO1591.
Référence : AJU002g8