Précisions sur le contenu du certificat médical relatif à une mesure de soins psychiatriques sans consentement

Publié le 24/06/2025
Précisions sur le contenu du certificat médical relatif à une mesure de soins psychiatriques sans consentement
Joose/AdobeStock

La levée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement ne s’impose qu’au regard des soins nécessités par les troubles mentaux de la personne et des incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes. Tel n’est pas le cas d’un avis motivé par le seul constat de la fugue du patient.

1. L’hospitalisation sans consentement est une mesure consacrée par le Code de la santé publique1. Elle vise à admettre dans un établissement de santé mentale une personne souffrant de troubles psychiatriques sans son accord. Cette absence d’accord du patient est attentatoire à sa liberté individuelle. Afin de pallier cette difficulté et, in fine, de garantir les droits fondamentaux des patients admis à des soins sans leur accord, la loi leur donne la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention pour contester l’édiction de la mesure d’hospitalisation sous contrainte. C’est une voie de recours royale pour tout patient. Malheureusement, tous les patients ne s’y réfèrent pas. Certains préfèrent agir en marge de la réglementation en vigueur. Une parfaite illustration est produite à l’issue de l’affaire rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation2 le 19 mars 2025. En l’espèce, le 15 mars 2022, M. K est admis en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète à l’établissement public de santé mentale départemental de l’Aisne à la suite d’une décision du maire confortée par celle du préfet datant du 16 mars 2022. Au mois de juillet 2022, ce patient a fugué de l’établissement de santé. Respectivement en septembre 2022 et en mars 2023, deux ordonnances sont rendues maintenant la mesure d’hospitalisation complète. Le 13 juillet 2023, le préfet ordonne le maintien de la mesure des soins malgré deux avis médicaux préconisant la levée de la mesure de soins en raison de la fugue du patient. L’affaire est portée devant le premier président de la cour d’appel d’Amiens. Par ordonnance du 5 octobre 2023, le premier président déclare la procédure d’hospitalisation complète poursuivie après l’avis médical du 17 mai 2023 irrégulière et prononce la mainlevée de soins psychiatriques sans consentement. Le préfet forme un pourvoi contre cette décision. Pour lui, une mainlevée ne saurait être prononcée puisque l’avis médical ne comporte aucune motivation autre que l’impossibilité d’évaluer l’état de santé en raison de la fugue du patient. S’est alors posée la question de savoir si l’autorité administrative pouvait lever une mesure de soins psychiatriques sans consentement lorsque l’avis médical, dépourvu de motivation médicale, indiquait l’absence du patient à la suite d’une fugue. Dit autrement, la fugue d’un patient atteint de troubles psychiatriques peut-elle justifier la levée de la mesure de soins sans consentement ? La Cour de cassation, se fondant sur les articles L. 3213-9-1 et R. 3213-3 du Code de la santé publique, casse et annule la décision du premier président de la cour d’appel d’Amiens. De ce fait, le représentant de l’État n’est tenu de lever une mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète que si un second psychiatre confirme qu’une telle hospitalisation ne s’impose plus au regard des soins nécessités par les troubles mentaux de la personne et des incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes et que tel n’est pas le cas d’un avis motivé par le seul constat de la fugue du patient. Cette décision du 19 mars 2025 de la Cour de cassation porte sur le maintien d’une mesure de soins sans consentement vis-à-vis d’un patient ayant fugué (I). Cette décision nous semble pertinente (II) au regard de sa conformité aux textes de loi en matière de santé publique.

I – Le maintien d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement vis-à-vis d’un patient ayant fugué

2. À la question de savoir si la fugue d’un patient admis en soins psychiatriques sous contrainte est un motif justifiant la levée de la mesure de soins sans consentement, la Cour de cassation répond sans ambiguïté par la négative. En cassant et en annulant l’ordonnance du premier président de la cour d’appel d’Amiens, elle fonde sa position sur l’absence d’un second avis médical probant comme le rappelle la loi (B). Bien avant, l’on observe une certaine vacuité de l’avis médical (A).

A – La vacuité de l’avis médical

3. Deux modalités d’hospitalisation sont consacrées en matière de soins psychiatriques : l’hospitalisation librement consentie et l’hospitalisation sans consentement. Dans le cadre de la première modalité d’hospitalisation, le patient adhère totalement à sa prise en charge médicale par l’établissement de santé mentale. En revanche, dans le cadre de la seconde modalité d’hospitalisation, le patient est admis à des soins psychiatriques sans son accord. Un certificat médical3 est cependant nécessaire pour la poursuite de ses soins. La question qui mérite d’être soulevée à ce niveau est celle du contenu de ce certificat médical4. Établi par un psychiatre, le certificat médical doit présenter l’état de santé du patient conformément aux dispositions du Code de la santé publique. Dans la présente affaire, l’état de santé de M. K a-t-il été mentionné dans le certificat médical ? La réponse nous semble négative. En effet, à l’issue des deux avis médicaux datant respectivement du 12 et du 17 mai 2023, une mainlevée a été préconisée en raison de la fugue du patient. Ayant fugué depuis le mois de juillet 2022, les psychiatres n’ont pas procédé à une évaluation précise de l’état de santé mentale du patient. La fugue du patient, cause de la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques, laisse présager la vacuité du certificat médical.

4. La thèse de la vacuité peut également être fondée à l’aune de l’analyse des dispositions du Code de la santé publique notamment des dispositions de l’article L. 3212-1. D’après ce texte de loi, le certificat médical doit mentionner plusieurs indications précises notamment « l’état mental de la personne malade, (…) les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins ». En l’espèce, les avis médicaux n’indiquent pas la pathologie dont souffre M. K. Bien plus, aucune information relative à l’obligation de recevoir des soins par le patient n’est mentionnée. Or, suivant la décision administrative5, ce patient a été admis dans cet établissement de santé mentale sous la forme d’hospitalisation complète. La nature de cette hospitalisation aurait dû être confortée par un avis médical suffisamment argumenté et probant.

B – L’absence d’un second avis médical probant

5. Bien qu’elles soient attentatoires aux libertés individuelles, les mesures de soins psychiatriques sans consentement sont minutieusement encadrées par la loi. Les dispositions du Code de la santé publique requièrent par exemple l’établissement de deux certificats médicaux pour l’admission d’un patient en soins psychiatriques lorsque ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ou lorsque son état de santé mental impose des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète. Très concrètement, l’article L. 3212-1 dispose dans ces deux cas de figure : « La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de 15 jours, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du I du présent article sont réunies. Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. Les deux médecins ne peuvent être parents ou alliés, au quatrième degré inclusivement, ni entre eux, ni du directeur de l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui prononce la décision d’admission, ni de la personne ayant demandé les soins ou de la personne faisant l’objet de ces soins ».

6. L’institution de deux certificats médicaux émanant de deux médecins distincts est pertinente dans la mesure où cette règle vise à garantir une certaine objectivité dans l’appréhension de l’état de santé mentale du patient. Dans le cadre de ce litige, un avis médical a été établi le 12 mai 2023 préconisant la levée de la mesure des soins en raison de la fugue du patient. Conformément à la loi, le second avis médical a été émis moins de 15 jours après le premier. Malheureusement, tout comme le premier, ce second avis médical a été muet sur la question des troubles mentaux du patient et de leur impact sur la sûreté des personnes6. C’est à ce titre qu’il ne nous semble pas probant. Or, l’importance du second avis médical en matière de soins psychiatriques est cardinale. Ce second avis médical fonde la décision du représentant de l’État7. En tout état de cause, les certificats et avis médicaux doivent être « motivés et précis »8.

Force est de constater qu’en l’absence d’éléments pertinents légaux justifiant la levée de la mesure de soins psychiatriques de M. K, la Cour de cassation a cassé l’ordonnance de la cour d’appel d’Amiens. Une telle décision est juridiquement fondée, d’où sa pertinence.

II – La pertinence de la décision de la Cour de cassation

7. L’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation se trouve en jonction de deux principes de droit : la sûreté et la liberté. En se fondant sur les dispositions des articles L. 3213-9-1 et R. 3213-3 du Code de la santé publique, la haute juridiction a mis en avant la sûreté des personnes au sein de la collectivité au détriment de la liberté individuelle du patient auteur de la fugue. Cette décision est pertinente dans la mesure où elle est conforme aux textes du Code de la santé publique (A). Fruit d’une stricte application de la règle de droit, cette décision privilégie la sûreté des personnes au sein de la collectivité (B).

A – Une décision conforme aux textes du Code de la santé publique

8. La haute juridiction s’est fondée sur deux textes du Code de la santé publique pour trancher l’affaire relative aux soins psychiatriques sans consentement : l’article L. 3213-9-1 et l’article R. 3213-3. Si le premier texte définit les prérogatives du représentant de l’État et, subsidiairement, du psychiatre sur la question de la levée de la mesure des soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète, le second texte, quant à lui, s’appesantit sur le contenu du certificat médical, et notamment sur la nécessité de lever une mesure d’hospitalisation complète. L’hospitalisation dite « complète », mise en évidence par ces deux textes de loi, laisse présager que l’état de santé mentale du patient est préoccupant et requiert sans nul doute des soins intensifs. L’hospitalisation complète est par conséquent cette forme d’hospitalisation où le patient est pris en charge à temps plein dans un établissement de santé mentale en raison de ses crises aiguës9. En l’espèce, dès le 15 mars 2022, M. K était hospitalisé sous la forme « complète ». Cet état de choses aurait requis un suivi précautionneux de ce patient. Tel n’a pas été le cas. Le patient a fugué. Cette fugue constitue-t-elle une motivation médicale ? Aucunement. Conformément au III de l’article L. 3213-9-1 du Code de la santé publique, « le représentant de l’État ordonne la levée de la mesure de soins sans consentement ou décide d’une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1, conformément à la proposition figurant dans le certificat médical mentionné au I du présent article ». Le préfet a donc conclu au maintien de la mesure à la suite de l’absence de motivation médicale. La décision de cassation de l’ordonnance du premier président de la cour d’appel d’Amiens a emboîté le pas de l’arrêté du préfet. Cette décision de la haute juridiction est manifestement conforme à la loi en matière de santé publique.

9. Le dispositif de la décision du 19 mars 2025 de la première chambre civile de la Cour de cassation est précis. La décision relève que la fugue d’un patient ne constitue pas un motif médical justifiant la levée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement. Cette position est conforme à celle adoptée par la même juridiction en 202110. Sollicitée en vue d’apprécier l’absence d’un patient lors d’une audience en rapport avec la poursuite des soins psychiatriques, la haute juridiction avait décidé que « le risque majeur de fugue visé dans ce document ne constituait pas à lui seul un motif médical ». Aussi, la fugue d’un patient souffrant des troubles psychiatriques pourrait constituer une menace pour la sûreté des individus dans la collectivité.

B – Une décision privilégiant la sûreté des personnes au sein de la collectivité

10. À la question de savoir si, en matière de mesure d’hospitalisation sans consentement, le juge peut porter une appréciation d’ordre médical, la Cour de cassation répond sans ambages par la négative11. D’après la haute juridiction, le juge, statuant sur une mesure d’hospitalisation sous contrainte d’un patient, doit « examiner le bien-fondé de la mesure au regard des éléments médicaux, communiqués par les parties ou établis à sa demande, sans pouvoir porter une appréciation d’ordre médical ». Cette position de la Cour de cassation est légitime. Si l’on part du postulat suivant lequel le juge, dépourvu de compétence médicale, ne saurait apprécier un certificat médical, il est tout de même notable qu’il puisse apprécier l’impact d’un tel certificat sous le prisme des droits fondamentaux, de l’ordre public et de la sûreté des personnes au sein de la collectivité. Dans le cadre de la présente affaire, M. K a fugué. Autrement dit, ce patient, admis en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement de santé mentale, est parti dudit établissement sans destination connue. Il s’est évadé de son établissement de suivi sanitaire et erre. De prime à bord, cette situation semble être une manifestation de la liberté d’aller et venir du patient. Mais, après une analyse approfondie, la situation de ce patient constituerait plutôt une menace à la sûreté des personnes au sein de la collectivité. Très concrètement, en raison de l’état dégradé de la santé mentale de M. K, sa fugue constituerait aussi bien une menace pour sa propre sûreté que celle d’autrui au sein de la collectivité. Atteint de troubles mentaux, ce patient en fugue met simultanément en danger sa propre personne et la personne d’autrui.

11. La décision portant maintien de la mesure des soins psychiatriques sans consentement d’un patient ayant fugué est pertinente dans la mesure où elle privilégie la sûreté des personnes voire l’ordre public au sein de la collectivité. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux dispositions de l’article R. 3213-3 du Code de la santé publique ; les certificats médicaux doivent être motivés en fonction des soins nécessités par les troubles mentaux et les incidences de ceux-ci sur la « sûreté des personnes ». Ainsi, afin de préserver la sûreté des personnes voire l’ordre public au sein de la collectivité, le maintien d’une hospitalisation sous contrainte d’un individu souffrant des soins psychiatriques est justifié.

12. En définitive, il est convenable de souligner que l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 19 mars 2025 est juridiquement fondé. C’est à ce titre qu’il emporte notre adhésion. En effet, tel que le relève un auteur12, il est injustifié « qu’un patient qui fugue puisse bénéficier d’une mainlevée automatique de la mesure de soins psychiatriques sans consentement ». Au demeurant, cet arrêt suscite une réserve. La décision de maintien de soins psychiatriques ne pourra recevoir une bonne application pratique que si le patient ayant fugué est retrouvé d’une part et, d’autre part, consent ou est contraint de retourner au sein de l’établissement de santé mentale.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CSP, art. L. 3211-2-1.
  • 2.
    C. Hélaine, « Fugue du patient et soins psychiatriques sans consentement, Cass. 1re civ., 19 mars 2025 », Dalloz actualité, 27 mars 2025 ; J.-J. Lemouland, « Soins psychiatriques sans consentement : précisions sur la teneur du second certificat médical obligeant le préfet à lever la mesure », LEFP mai 2025, n° DFP202y8.
  • 3.
    Certificat médical établi par le psychiatre.
  • 4.
    C. Jonas, « Le certificat médical en psychiatrie », Médecine et droit 2002, n° 52, p. 1.
  • 5.
    Arrêté provisoire du maire confirmé par un arrêté du préfet de l’Aisne du 16 mars 2022.
  • 6.
    L’avis médical s’est réduit à mentionner la fugue du patient.
  • 7.
    D’après l’article L. 3213-9-1 du Code de la santé publique, II – Lorsque le représentant de l’État décide de ne pas suivre l’avis du psychiatre participant à la prise en charge du patient, il en informe sans délai le directeur de l’établissement d’accueil, qui demande immédiatement l’examen du patient par un deuxième psychiatre. Celui-ci rend, dans un délai maximal de 72 heures à compter de la décision du représentant de l’État, un avis sur la nécessité de l’hospitalisation complète. III – Lorsque l’avis du deuxième psychiatre prévu au II du présent article confirme l’absence de nécessité de l’hospitalisation complète, le représentant de l’État ordonne la levée de la mesure de soins sans consentement ou décide d’une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1, conformément à la proposition figurant dans le certificat médical mentionné au I du présent article.
  • 8.
    CSP, art. R. 3213-3, Les certificats et avis médicaux établis en application des dispositions du présent chapitre sont précis et motivés. Ils sont dactylographiés. Lorsqu’ils concluent à la nécessité de lever une mesure d’hospitalisation complète, ils sont motivés au regard des soins nécessités par les troubles mentaux de la personne intéressée et des incidences éventuelles de ces troubles sur la sûreté des personnes.
  • 9.
    Cris, hallucinations, délires, violence verbale voire physique, tentative de suicide.
  • 10.
    Cass. 1re civ., 17 mars 2021, n° 19-23.567 : RTD civ. 2021, p. 380, obs A.-M. Leroyer ; Dalloz actualité, 30 mars 2021, obs. C Hélaine.
  • 11.
    Cass. 1re civ., 8 févr. 2023, n° 22-10.852 : C. Berlaud, « Hospitalisation sans consentement : condition du maintien », GPL 21 févr. 2023, n° GPL445x8.
  • 12.
    C. Hélaine, « Fugue du patient et soins psychiatriques sans consentement, Cass. 1re civ., 19 mars 2025 », Dalloz actualité, 27 mars 2025.
Plan