À l’occasion du second confinement, les DRH toujours mobilisés

Publié le 06/01/2021

Depuis le début de la crise sanitaire, les DRH ne chôment pas. Le mois d’octobre a marqué l’entrée dans le second confinement, et le télétravail pour tous les métiers qui le permettent se poursuit. Alors que, d’après une étude menée sur 8 000 Français lors de la semaine du 2 novembre, 45 % des salariés du privé sont réellement concernés, quelles sont les priorités des DRH ? Comment accompagner le télétravail pour éviter les abus et conserver l’esprit collectif des entreprises ? Audrey Richard, présidente de l’ANDRH, réitère l’engagement des directions des ressources humaines par rapport à cette évolution du monde entrepreneurial, qui va s’ancrer dans la durée.

Les Petites Affiches : Que dire de ce second confinement ? A-t-il été respecté par le monde du travail ?

Audrey Richard : Ces derniers jours, nous avons vu pas mal d’écrits qui semblaient dire que le confinement n’était pas respecté par les entreprises. Alors, du côté de l’ANDRH, nous avons voulu voir par nous-mêmes si cela était vrai. De ce fait, nous avons interrogé les DRH membres, puisque nous en comptons tout de même 5 000, exerçant dans des entreprises de toute taille, et répartis sur tout le territoire national. Or ils ne délivraient pas le même message : eux affirmaient au contraire respecter toutes les restrictions, notamment les 5 jours sur 5 à la maison, mais en expliquant aussi avoir appris du premier confinement, par exemple les conséquences sur la santé mentale. Donc à l’occasion de ce confinement, le télétravail est respecté, sauf pour des personnes plus fragiles ou qui rencontrent une problématique d’isolement, mais cela se passe au cas par cas, et si cela est autorisé, ce n’est pas le manager qui est décisionnaire, mais la direction des ressources humaines. S’il y a un besoin, il est analysé et donne lieu à une décision de la DRH, qui décide du retour sur site ou non. Mais encore une fois, cela ne concerne que des cas assez peu nombreux.

LPA : Néanmoins, une certaine flexibilité a été montrée du doigt…

A.R. : Il s’agissait de certains secteurs seulement et de certaines zones géographiques, où effectivement les consignes pouvaient ne pas être respectées. Par exemple, certains bureaux d’études ont pris au pied de la lettre des déclarations expliquant que, les bureaux d’études, dans certaines situations seulement, pourront rester ouverts. En interrogeant nos membres, nous avons voulu traduire ce qui était notre réalité. De plus, les DRH sont responsables de la santé et de la sécurité au travail, donc ces consignes, nous les suivons.

LPA : Pouvez-vous revenir sur ces situations où les consignes n’ont pas été appliquées à la lettre ?

A.R. : Ce sont par exemple de petites sociétés en province, dont les salariés viennent en voiture, ce qui évite la question des transports en commun et de leur contamination potentielle ou encore des salariés qui rentrent chez eux pour déjeuner le midi, réduisant ainsi les contacts lors de la pause déjeuner ou bien qui viennent sur site, alors que le télétravail est fortement appliqué, et qui se retrouvent quasiment seuls dans leurs locaux. C’est donc une question de bon sens.

LPA : Quels sont les critères pour autoriser un retour sur site ?

A.R. : Dans certains cas, et pour une journée par semaine, le salarié peut revenir sur site. Il n’y a pas besoin d’un certificat médical prouvant la fragilité de la personne en question. Le « H » de RH prend alors tout son sens : en discutant avec le manager, peut apparaître une problématique d’isolement ou même une autre problématique personnelle. C’est là que nous devons faire preuve d’écoute, d’attention. C’est le « care », qui est la base de notre métier.

LPA : Sur la question des conséquences mentales du confinement, avez-vous des données précises ?

A.R. : Non, nous n’avons pas collecté de données spécifiques sur cette question. Mais en revanche, nous en avons sur l’impact du confinement sur la notion de « collectif » en entreprise. Comment conserver ce collectif dans son travail au sein de l’entreprise ? Comment réagissent les entreprises ?

Elles forment leurs managers. C’est un investissement, quoique limité, puisqu’il s’agit de formations digitales. Ainsi, les managers acquièrent de nouvelles compétences, pour mieux diriger des équipes à distance, comprendre l’importance de garder le lien, en appelant, en prenant des nouvelles ou en mettant en place des projets communs sur lesquels travailler. Nous ne sommes plus sur du management directif, mais davantage sur des valeurs d’autonomie et de confiance.

En France, nous sommes en retard et avons du mal à rompre avec une vision hiérarchique et de contrôle du management. Ce changement est en train de s’opérer, et les entreprises s’y mettent. Désormais, ces changements de paradigmes me semblent inévitables. Le télétravail fonctionne. Nous avons prouvé que l’activité business pouvait continuer, et au niveau des DRH et des entreprises, des accords ont été signés avec les partenaires sociaux. C’est bien que sur la question, le dialogue social a fonctionné lui aussi. Tout le monde s’est adapté : les managers, les organisations syndicales et les salariés, mais ce sont les RH qui ont guidé le mouvement. Tout le monde a joué le jeu. Avant cette crise, il y avait des jeux de posture des uns et des autres. Aujourd’hui, il faut justement dépasser ces postures et de ne pas y revenir. Tout s’est fait en accéléré, en raccourci.

LPA : Auriez-vous pu imaginer une telle épreuve ?

A.R. : Personne n’aurait pu prévoir cette crise ! Mais en termes de modernisation de nos outils de travail, c’est passionnant d’être au cœur de ces changements et d’y contribuer. Beaucoup d’entreprises nous font savoir qu’avec la mise en place du télétravail généralisé, elles ont gagné deux ans de maturité numérique digitale.

À l’occasion du second confinement, les DRH toujours mobilisés

LPA : Quelles sont les priorités aujourd’hui ?

A.R. : Plusieurs points sont importants : tout d’abord, gérer la fin de la crise et le confinement. Ensuite, il ne faut pas oublier que les DRH se battent pour sauver l’emploi dans leur entreprise en utilisant les dispositifs de restructuration mis en place par le gouvernement mais qui permettent de ne pas procéder à des réductions d’emploi. Par exemple, avec les accords de performance collective, qui permettent de réduire la masse salariale en renonçant à certains acquis, pour garder l’activité business. En somme, il nous faut travailler sur cette évolution et poursuivre l’accompagnement du management dans cette transformation ; nous devons conserver, dans l’organisation du travail, le sens du collectif, et enfin, nous pencher sérieusement sur la question des lieux de travail. En effet, de façon assez significative, nos membres sont en train d’envisager des fermetures de sites, partant du principe que les lieux sont utilisés différemment, soit en étendant le coworking, soit en remplaçant des lieux physiques par le recours au digital. Cet aspect « multifacettes » nécessite de renforcer le volet collectif.

LPA : Vous insistez sur les bienfaits du télétravail…

A.R. : En effet, on parle beaucoup des conséquences négatives du confinement, mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi l’on ne parle jamais du positif. J’ai également des collaborateurs qui partagent leur joie de rester davantage chez eux. Ce sont d’ailleurs surtout des femmes, qui peuvent enfin déposer leurs enfants à l’école, peuvent s’éviter du temps dans les transports. Ainsi elles gagnent du temps, dorment davantage, et en sont heureuses. Il y a donc des salariés qui sont contents du télétravail. Pour les familles monoparentales, il s’avère que ce dispositif simplifie le quotidien.

LPA : Les frontières entre vie profesionnelle et vie personelle étant plus flexibles, on peut aussi légitimement s’inquiéter. Que répondez-vous à ceux qui sont préoccupés par la généralisation du télétravail ?

A.R. : Il existe en effet ce risque : celui de ne pas arrêter de travailler. Et c’est précisément la raison pour laquelle nous rappelons aux managers et aux salariés, la nécessité de faire des pauses, de faire du sport et de s’aérer. Parfois, nous mettons en ligne des cours de sport à une certaine heure pour être sûrs que les salariés ont bien cessé leur travail. La majorité des DRH jouent le jeu, mais il y aura toujours des entreprises déviantes. À l’ANDRH, nous voulons aider ces DRH éthiques, qui prennent soin de leurs collaborateurs.

LPA : Quels changements durables envisagez-vous ?

A.R. : Cette crise donne une autre vision des DRH, les montrant davantage en première ligne, montrant également qu’ils s’ouvrent à de nouveaux sujets, en dehors des purs sujets organisationnels ou relatifs au droit du travail. C’est bien pour notre fonction, elle se diversifie. Il existe de nombreux sujets que nous n’abordions pas avant comme le bien-être, le sommeil, l’alimentation, etc. Or ces sujets arrivent sur la table et nous sommes là pour trouver des solutions.

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