Insolite : Quand la diététicienne se moque des « petits gros »

Publié le 03/10/2024

Les plaisanteries sur le lieu de travail sont courantes et contribuent à développer une bonne ambiance. Sauf quand elles dépassent les bornes et deviennent sources de souffrance pour les victimes. Raphaël Costa, notre spécialiste de l’insolite, s’est penché sur les cas de grossophobie. 

Insolite : Quand la diététicienne se moque des « petits gros »
Photo : ©AdobeStock/Lazy-Bear

Si vous êtes victime ou témoin de grossophobie au travail, alors la jurisprudence en la matière devrait vous intéresser…

La grossophobie, un harcèlement moral systématique

Avant d’en venir à notre fameuse diététicienne, un rappel général s’impose : chaque fois qu’un salarié se voit injurié à cause de son poids, les juges l’estimeront victime de harcèlement moral, quand bien même l’employeur estime qu’il ne s’agit que de « taquinerie ». En 2018, les prud’hommes de Paris[1] ont qualifié de harcèlement en raison de l’apparence physique l’accusation sans aucune preuve directement lancée par l’employeur à l’encontre de la salariée obèse, suite à la disparition de nourriture dans les frigos communs !

La cour d’appel de Paris[2] s’était déjà prononcée en ce sens en allouant 25 000 € à la salariée victime de nombreuses remarques de son employeur sur son poids : « qu’il la désignait aux clients ou à ses collègues en mimant sa forte poitrine, puis se délectait de la gêne que son comportement occasionnait chez la salariée ; qu’il lui disait qu’elle avait “un gros cul ou une grosse poitrine”, “bientôt vous ne pourrez plus prendre l’ascenseur, il vous faudra un monte-charge”, ou la surnommer “gros seins” ». L’employeur expliquant qu’il s’agissait de « simples taquinerie » n’a pas convaincu la Cour…

De même, le salarié injurieux qui se moque du poids de ses collègues, en expliquant à l’un d’eux qu’il est « tellement gros qu’il ne voit pas sa bite », verra son licenciement sans doute confirmé jusqu’en Cour de cassation[3] s’il s’y aventure !

La diététicienne qui se moquait de ses patients

Mais qu’en est-il lorsque le salarié se moque du public avec qui elle est en contact ? La cour d’appel de Poitiers[4] s’est prononcée sur un cas plus qu’improbable… Le 16 octobre 2006, une certaine « Mme C. », engagée comme « aide médico-psychologique » dans un établissement « d’accueil en moyen séjour des enfants atteints d’obésité », reçoit sa lettre de licenciement. Le courrier lui indique « votre maintien dans l’établissement s’avère impossible… Votre attitude porte atteinte non seulement à l’équilibre de nos jeunes pensionnaires, mais également à la cohésion de tout l’établissement, et en particulier de l’équipe éducative ». L’employeur poursuit en rapportant les faits remarques suivantes, faites à des enfants :

« Vous avez conseillé aux jeunes d’éliminer du jeu un de leur camarade au motif qu’il était “tellement gros qu’il ne peut se déplacer rapidement”»,

« Bouge ton cul grosse pouf’»,

« Une obèse de plus dans le minibus»,

« Le camion touche par terre, (sous-entendu quand la victime est assise dedans),

« Je n’aime pas les gros».

Contestant son licenciement, Mme C. perdit aussi bien devant les prud’hommes que devant la Cour d’appel, les juges n’appréciant pas non plus ses blagues…lourdes.

Bonsoir !

 

[1] 5 juillet 2018, n° 17/09907.

[2] 16 janvier 2014, n° 12/01734.

[3] Chambre sociale, 13 février 2013, n° 11-25.673.

[4] 7 décembre 2010, n° 08/03486.

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