La loi J21 et le contentieux judiciaire en matière de sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale

Publié le 25/02/2019

Depuis le 1er janvier 2019, l’organisation de la justice a évolué de manière importante avec la suppression de trois juridictions (TASS, TCI et CDAS) et le transfert de compétences à des TGI désignés. L’envergure de la réforme a d’ailleurs pu faire émerger la notion de pôle social au sein de ces juridictions. Au niveau précontentieux, la place du recours préalable obligatoire est renforcée en particulier avec la création d’une commission médicale de recours amiable.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle1, dite loi J21, issue d’un projet de loi inspiré du rapport remis le 16 décembre 2013 par le groupe de travail conduit par Didier Marshal, regroupe plusieurs mesures devant permettre d’atteindre une justice plus efficace, simple, accessible et indépendante, selon la présentation qui en a été faite par la chancellerie. Au titre de la simplicité, la loi a prévu notamment de regrouper des contentieux sociaux en les transférant principalement à des tribunaux de grande instance (TGI) désignés, entraînant ainsi la disparition de trois juridictions : le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), le tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI) et la commission départementale d’aide sociale (CDAS).

L’échéance d’entrée en vigueur de cette réforme fixée au 1er janvier 2019 a été respectée. Elle a nécessité quelques ajustements de nature législative avec l’ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018 relative au traitement juridictionnel du contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale2 et des décrets d’application, en particulier le décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018 désignant les TGI et cours d’appel compétents3 et le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale4.

Pour synthétiser au mieux cette réforme, en ce qu’elle intéresse le juge judiciaire, il convient de distinguer les compétences transférées aux juridictions judiciaires désignées (I), l’organisation juridictionnelle territoriale qui en découle (II), ainsi que des adaptations de la procédure pour le recours préalable (III) et en phase contentieuse (IV).

I – Les compétences transférées aux juridictions judiciaires

La loi J21 a ajouté un article L. 211-16 au Code de l’organisation judiciaire (COJ) dans sa section consacrée à la compétence matérielle du TGI. Cet article prévoit que des TGI spécialement désignés connaissent certains litiges définis par des dispositions législatives, auxquelles il est renvoyé dans le Code de la sécurité sociale (CSS) et, de manière limitée, dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF) et dans le Code du travail.

En appel, la loi J21 a prévu la désignation de cours d’appel dont la compétence matérielle suit celle du premier juge5.

1. Au titre des contentieux prévus dans le CSS, on retrouve en premier lieu le contentieux général de la sécurité sociale défini à l’article L. 142-1. Ce contentieux, qui correspond aux litiges les plus nombreux, est celui qui était attribué au TASS. Son importance tient à ses larges potentialités, l’article L. 142-1 prévoyant qu’il concerne l’application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole (MSA). Les domaines de ce contentieux sont donc aussi divers que les nombreuses prestations sociales prévues dans le CSS, ainsi que les cotisations et contributions sociales, ce dans le cadre d’une pluralité d’organismes sociaux relevant aussi bien de régimes de base que de régimes spéciaux, à condition toutefois qu’il s’agisse de litiges de caractère individuel, c’est-à-dire concernant un assuré ou, le cas échéant, ses ayants-droit, ou encore les cotisants tenus au paiement des prélèvements sociaux (employeurs ou travailleurs indépendants).

Malgré l’étendue du contentieux lié à l’application des législations et réglementations de sécurité sociale, il faut souligner que cela ne permet pas aux TGI désignés d’appréhender tout le contentieux civil pouvant présenter un lien avec des règles de sécurité sociale, dès lors que les prétentions ne relèvent pas directement du droit d’un assuré ou d’une entreprise en relation avec un organisme de sécurité sociale. Ainsi le contentieux civil de droit commun continue de relever de la compétence de tous les TGI statuant en matière civile, dans leur composition ordinaire et selon les règles générales régissant leur compétence territoriale. C’est le cas par exemple pour le recours de l’employeur dont la faute inexcusable lors d’un accident du travail a été reconnue à l’encontre de son assureur qui lui refuse la garantie contractuelle.

Enfin, on rappellera que certains contentieux, mettant en cause des règles de sécurité sociale, relèvent de la compétence du juge administratif de droit commun lorsqu’il s’agit notamment de la contestation des décisions réglementaires des autorités de l’État ou des organismes sociaux, ainsi que des litiges se rapportant aux prestations et avantages que les agents publics tirent de leur statut ou encore de juridictions administratives spécialisées pour des contentieux avec des professionnels de santé.6

2. Le deuxième transfert opéré par l’article L. 211-16, 2° du COJ aux TGI désignés concerne les litiges énumérés à l’article L. 142-2 du CSS, lesquels relèvent jusqu’au 31 décembre 2018 de la compétence du TCI et demeurent qualifiés de contentieux technique de la sécurité sociale. À cet égard, en raison du regroupement juridictionnel, on peut considérer que la notion de contentieux technique a perdu de sa pertinence. Beaucoup de litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale présentent aussi des aspects « techniques », notamment médicaux à l’égard d’assurés ou de victimes (par ex. en matière de contentieux de la prise en charge des maladies professionnelles). En l’état, le contentieux dit technique de la sécurité sociale concerne :

  • l’état ou le degré d’invalidité, en cas d’accident ou de maladie non régie par le livre IV du CSS et d’inaptitude au travail ;

  • l’état d’incapacité permanente de travail, notamment le taux de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;

  • l’état d’incapacité de travail au titre de l’application des dispositions du livre VII du Code rural et de la pêche maritime autres que celles relevant du contentieux général de la sécurité sociale ;

  • les décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnées au premier alinéa de l’article L. 241-9 du CASF ;

  • les décisions du président du conseil départemental mentionnées à l’article L. 241-3 du CASF relatives aux mentions « invalidité » et « priorité ».

En revanche, s’agissant du contentieux des décisions des caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) et des caisses de MSA en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles (lorsqu’elles fixent le taux de cotisation, celles-ci octroient des ristournes ou encore imposent des cotisations supplémentaires), qui est formellement rattaché au contentieux technique selon l’article L. 142-2 4° du CSS et que les praticiens nomment contentieux de la tarification des AT/MP, il échappe au transfert de compétences juridictionnelles aux TGI désignés. Ce contentieux reste confié à une seule juridiction nationale, la cour d’appel d’Amiens7, compétente en premier et dernier ressort, là où se trouve le siège de la cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT), maintenue jusqu’au 31 décembre 2020 (voire jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard par décret) selon l’article 114 de la loi J21 modifiée par l’article 7 de l’ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018, pour juger les recours introduits jusqu’au 31 décembre 2018. Ce maintien est justifié par le fait que cette juridiction est aussi juridiction d’appel des décisions des TCI, ce qui lui permettra de continuer à juger les affaires en cours au 31 décembre 2018.

3. Le troisième transfert de compétences réalisé par l’article L. 211-16 3° du COJ est celui concernant la CDAS, dont l’appel est examiné par la commission centrale d’aide sociale et la cassation par le Conseil d’État.

Le transfert du contentieux de la CDAS est opéré au profit des TGI et en appel des cours d’appel désignées, ainsi que des juridictions administratives de droit commun.

Ce qui revient au juge judiciaire concerne les contentieux suivants liés à des renvois spécifiques :

  • l’allocation différentielle aux adultes handicapés de l’article L. 241-2 du CASF ;

  • la prestation de compensation accordée aux personnes handicapées de l’article L. 245-2 du CASF et l’allocation compensatrice de l’article L. 245-1 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 ;

  • les recours exercés par l’État ou le département en présence d’obligés alimentaires pour les bénéficiaires de l’aide sociale en application de l’article L. 132-6 du CASF ou en récupération de l’aide en application de l’article L. 132-8 du même code ;

  • la protection complémentaire en matière de santé (CMUC) et l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé (ACS) des articles L. 861-5 et L. 863-3 du CSS.

Concernant le juge administratif (tribunal administratif au premier degré puis cour administrative d’appel) sa compétence de droit commun lui permet de connaître du contentieux des autres décisions prises en matière d’admission à l’aide sociale à la charge de l’État ou du département.

II – Une nouvelle organisation juridictionnelle judiciaire

Les principaux changements liés à l’organisation judiciaire du contentieux en matière de sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale passent par la désignation de TGI pour en connaître. Leur désignation est intervenue par le décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018, qui a inséré un tableau VIII-III au COJ en application de l’article L. 211-16 du COJ.

Les TGI désignés, au nombre de 116, correspondent pour la plupart à ceux dont le ressort correspondait à un TASS. Ainsi, si chaque département dispose au moins d’un TGI désigné en matière sociale, ils sont 14 à en disposer d’au moins 2, l’un d’eux, celui de Nord en disposant de 3. 43 TGI désignés ont un ressort qui excède territorialement leur ressort ordinaire. Ces extensions de ressort ne confèrent pas toujours à la juridiction désignée une compétence départementale, c’est le cas dans les départements de l’Aisne, de l’Isère, du Nord, du Pas-de-Calais, de la Seine-Maritime et de la Seine-et-Marne.

Ainsi, pour les juridictions supprimées qui disposaient d’une compétence territoriale généralement différente et plus étendue (TCI et CDAS), le contentieux qui leur revenait va être traité dans un cadre territorial présentant une meilleure proximité, sauf le contentieux de la CDAS non transféré au juge judiciaire relevant du tribunal administratif.

Depuis le 1er janvier 2019, c’est la compétence territoriale en vigueur auprès des TGI désignés et des tribunaux administratifs qui doit être respectée.

Concernant les procédures des TASS, TCI et CDAS en cours au 31 décembre 2018, l’article 16 du décret n° 2018-928 prévoit qu’elles sont transférées aux TGI désignés ou aux tribunaux administratifs dans le ressort duquel était le siège de ces juridictions supprimées.

S’agissant de la composition des TGI désignés en matière sociale, elle reprend le modèle apprécié de l’échevinage, celui des TASS et TCI, avec une formation collégiale présidée par un magistrat professionnel du tribunal (président ou magistrat délégué par lui) ou un magistrat honoraire8, et deux assesseurs désignés par le premier président de la cour d’appel pour une durée de 3 ans renouvelable, l’un représentant les travailleurs salariés, l’autre les travailleurs indépendants et les employeurs, tant pour les professions agricoles que pour les professions non agricoles9. Le tribunal doit être composé d’assesseurs qui appartiennent aux professions agricoles lorsque le litige intéresse un membre de ces professions et aux professions non agricoles dans le cas contraire selon l’article L. 218-2 du COJ. Tous les assesseurs sont choisis sur une liste de candidats désormais établie par le préfet du département. Les candidats sont proposés par les organisations professionnelles les plus représentatives du ressort du tribunal, la représentativité des organisations étant déterminée par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi pour les professions non agricoles et par le directeur régional de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt pour les professions agricoles.

La place du magistrat professionnel se trouve renforcée, dans la mesure où il dispose des pouvoirs reconnus au juge de la mise en état prévus par les articles 763 à 781 du Code de procédure civile (CPC)10, devant s’articuler avec une procédure demeurant orale dans laquelle il pourra continuer à être fait application des dispositions du second alinéa de l’article 446-1 du CPC11. Le président de la formation de jugement se voit désormais reconnaître la possibilité de rejeter par ordonnance motivée les requêtes manifestement irrecevables.12 Pour autant, on soulignera que la collégialité demeure le fondement essentiel de la juridiction dans son fonctionnement, ce d’autant que le président de la formation de jugement ne pourra plus statuer seul avec l’accord des parties lorsque la juridiction ne peut pas siéger dans sa formation complète13.

En ce qui concerne les secrétariats des juridictions de premier degré qui ont été supprimés, leurs personnels qui pouvaient dépendre du ministère des Solidarités et de la Santé et/ou d’organismes sociaux se sont vus proposer des possibilités de mise à disposition avec des perspectives à terme d’intégrer les greffes des services judiciaires.

Enfin, pour l’appel, les décisions des TGI désignés vont toutes dépendre des cours d’appel ordinaires désignées, conformément à l’article L. 311-15 du COJ introduit par la loi J21. La CNITAAT, juridiction nationale d’appel des TCI, continuera d’examiner les seules affaires en cours au 31 décembre 2018, cette juridiction étant maintenue temporairement à partir du 1er janvier 201914. En revanche, pour la commission centrale d’aide sociale, juridiction nationale d’appel des CDAS, ses dossiers en cours au 31 décembre 2018, découlant de l’application de l’article L. 134-2 du CASF dans sa rédaction applicable jusqu’à cette date, devront être transférés à la cour administrative d’appel de Paris ou à la cour d’appel désignée du ressort de la CDAS qui avait statué, lorsque le litige relève de la compétence du juge judiciaire selon les nouvelles règles applicables à compter de janvier 2019. S’agissant des procédures pendantes devant la commission centrale d’aide sociale relevant de l’article L. 134-3 du CASF dans sa rédaction applicable jusqu’au 31 décembre 2018 (affaires spécifiques de premier et dernier ressort), elles seront transmises au tribunal administratif de Paris15.

Quant à la désignation proprement dite des cours d’appel compétentes pour connaître du contentieux des TGI statuant en matière de sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale (28), elle est intervenue par le décret n° 2018-772 du 4 septembre 2018. Six cours d’appel sur 35 voient leur ressort s’élargir à celui d’une cour d’appel voisine à compter du 1er janvier 2019 y compris pour les affaires en cours, c’est le cas d’Amiens sur Douai, de Grenoble sur Chambéry, de Nancy sur Reims, d’Orléans sur Bourges, de Poitiers sur Limoges et de Toulouse sur Agen, les autres cours d’appel conservant leur compétence territoriale habituelle.

III – Le renforcement du recours préalable obligatoire

Le recours préalable obligatoire, qui n’a pas d’effet suspensif, est formé devant la commission de recours amiable de l’organisme de sécurité sociale concerné, laquelle est en principe une émanation de son conseil d’administration16. Avec le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, une section II est spécialement consacrée au « recours préalable obligatoire » dans le CSS, qui comprend deux sous-sections distinguant en fonction des matières concernées : d’une part, le « recours administratif préalable obligatoire mentionné à l’article L. 142-4 », lequel renvoie aux articles L. 142-1 et L. 142-3, et d’autre part, le « recours préalable obligatoire mentionné à l’article L. 142-5 ».

Dans la première sous-section, les articles R. 142-1 à R. 142-7 du CSS ont été repris avec pour modification essentielle l’extension d’1 mois à 2 mois du délai conduisant à une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, après qu’elle ait été saisie du recours préalable obligatoire.

Dans la seconde sous-section, les changements sont plus importants puisqu’il y a introduction du recours préalable obligatoire dans le domaine du contentieux technique de la sécurité sociale17 à l’exception du contentieux dit de la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles18 qui n’en connaît pas.

Pour les recours préalables qui sont institués à l’égard des décisions de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées visées à l’article L. 241-9, alinéa 1, du CASF et les décisions du président du conseil départemental de l’article L. 241-3 du CASF relatives aux mentions « invalidité » et « priorité »19, ils devront être formés respectivement devant les mêmes autorités en application du nouvel article R. 142-9 du CSS.

Ainsi les principaux changements passent par la création d’une commission médicale de recours amiable chargée d’examiner le recours préalable obligatoire pour le contentieux technique de l’article L. 142-2, 1°, 2° et 3°, du CSS20. Le ressort territorial de cette commission est en principe celui de l’échelon régional du contrôle médical du régime social intéressé. Elle est composée de trois médecins désignés par le responsable du service médical territorialement compétent (deux médecins sont désignés parmi les experts figurant sur la liste des experts judiciaires, le troisième étant un praticien-conseil). La commission est assistée d’un secrétariat. Elle peut être saisie par l’assuré ou le cas échéant par l’employeur par tous moyens lui conférant date certaine, dans les 2 mois de la décision contestée sous peine de forclusion. Dès la réception du recours, le secrétariat en adresse copie au praticien-conseil de la caisse dont l’avis repris par la décision de l’organisme social est contesté. En retour, ce praticien-conseil devra transmettre à la commission dans les 10 jours le rapport médical mentionné à l’article L. 142-6, accompagné de l’avis transmis à la caisse de sécurité sociale sur l’état et le degré d’invalidité ou sur le taux d’incapacité permanente. À la réception de ces pièces, le secrétariat devra les notifier sans délai à l’assuré ayant formé le recours, ainsi qu’au médecin mandaté par l’employeur, si ce dernier est l’auteur du recours. L’assuré ou l’employeur dispose alors de 20 jours pour faire valoir ses observations à la commission par tout moyen conférant date certaine. Si la commission statue en principe sur dossier, il est prévu qu’elle peut décider de procéder à l’examen de l’assuré lorsqu’il est l’auteur du recours préalable. En cas d’examen, l’assuré pourra être accompagné d’un médecin de son choix. À cet égard, la pratique suivie sera certainement déterminante pour compter voire diminuer le nombre de recours contentieux. Si la commission médicale de recours amiable ne s’est pas prononcée dans le délai de 4 mois à compter de l’introduction du recours, une décision implicite de rejet en résulte, ouvrant la voie du recours juridictionnel qui devra être formé dans le délai de 2 mois.

IV – La procédure devant le juge

Les transferts de contentieux opérés aux TGI désignés conduisent à unifier les différentes procédures suivies devant les juridictions supprimées. Pour autant la procédure suivie devant le TGI statuant en matière de contentieux de la sécurité sociale et d’admission à l’aide sociale sera différente de celle du TGI statuant en matière civile de droit commun. La procédure prévue reprend pour l’essentiel celle du TASS21 et demeure régie par les dispositions du livre I du CPC en l’absence de dispositions particulières. Le nouvel article R. 142-1, A, II, du CSS, introduit par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 dispose « sous réserve des dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les demandes portées devant les juridictions spécialement désignées en application des articles L. 211-16, L. 311-15 et L. 311-16 du [COJ] sont formées, instruites et jugées, au fond comme en référé, selon les dispositions du [CPC] ». Ainsi il est important de revenir sur les principaux traits de la procédure devant le TGI désigné, en se référant aux nouveaux textes applicables au 1er janvier 2019, à savoir :

  • la compétence territoriale fondée sur le domicile du défendeur avec de nombreuses exceptions prévues à l’article R. 142-10 du CSS (par ex. : le lieu de l’accident ou de la résidence de la victime à son choix, l’établissement de l’employeur pour l’affiliation et les cotisations sociales, la résidence du bénéficiaire en cas de différend avec l’employeur, etc.) ;

  • la saisine de la juridiction par requête remise ou adressée au greffe par lettre RAR22, dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la décision contestée ou du rejet implicite. Soulignons que la forclusion tirée de l’expiration du délai de recours ne peut être opposée que s’il a été mentionné, ainsi que la voie de recours, dans la notification de la décision contestée, ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande23. La requête doit comprendre les mentions prescrites à l’article 58 du CPC, ainsi qu’un exposé sommaire des motifs de la demande. Elle doit aussi être accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer, ainsi que la copie de la décision contestée ou du recours préalable en cas de décision implicite de rejet. La nullité de l’acte de saisine n’est pas expressément prévue en cas de défaut, de telle sorte que la partie qui l’invoque doit justifier d’un grief, sous réserve également que le motif de la nullité ne soit pas régularisé ;

  • le greffe avise le demandeur par tous moyens de l’audience et convoque le défendeur par lettre simple, 15 jours au moins avant sa date, là où toutes les parties étaient en principe convoquées par lettre RAR et par lettre simple. Le nouveau texte prévoit que si la partie convoquée par lettre simple ne comparaît pas, elle sera convoquée à nouveau par lettre RAR24, sans pour autant que soit envisagée l’hypothèse de la lettre qui n’a pas pu être remise à son destinataire, ce que le précédent texte, applicable jusqu’au 31 décembre 2018, prévoyait par le recours à la voie de l’assignation faite par le demandeur. Cela permettait de réduire au mieux les délais, en particulier pour l’examen des contraintes, où, dès la première audience, l’organisme de recouvrement était autorisé à assigner pour l’audience suivante l’opposant à la contrainte (rappelons en effet qu’une jurisprudence bien établie considère que l’opposant à la contrainte a la position de défendeur même s’il a effectivement introduit l’instance) ;

  • les parties peuvent se défendre elles-mêmes, être assistées ou représentées par un avocat, ainsi que notamment, selon l’énumération étendue de l’article L. 142-9 du CSS, par le conjoint, le concubin ou la personne à laquelle elles sont liées par un Pacs, ou encore un ascendant ou un descendant en ligne directe, ainsi qu’un salarié ou un employeur ou un travailleur indépendant exerçant la même profession, un représentant qualifié des organisations professionnelles, un délégué des associations de mutilés et invalides les plus représentatives ou des associations œuvrant depuis plus de 5 ans dans les domaines des droits économiques et sociaux des usagers ainsi que dans ceux de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté ;

  • le TGI désigné statue en dernier ressort lorsque la demande est inférieure ou égale à 4 000 €, selon le taux de ressort de droit commun25 ;

  • l’abrogation du principe de gratuité de la procédure qui était prévu à l’article R. 144-10 du CSS par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, s’inscrivant dans la logique de l’abrogation de l’article L. 144-5 du CSS sur la prise en charge des dépenses contentieuses par les organismes sociaux. La suppression du principe de gratuité amènera la juridiction à devoir statuer sur les dépens ;

  • la notification de la décision du tribunal qui continue à être faite par le greffe, n’est plus encadrée par le délai de 15 jours, ce que l’on peut regretter, ni par la forme de la lettre RAR à laquelle il n’est plus fait référence.

Concernant la procédure applicable au jugement des litiges du contentieux de la tarification des AT/MP26, devant la juridiction nationale visée à l’article L. 311-16 du COJ (cour d’appel d’Amiens pour les recours introduit à compter du 1er janvier 2019), compétente en premier et dernier ressort, elle est définie par les nouveaux articles R. 142-13 à R. 142-13-5 du CSS.

Enfin, en appel, la procédure suivie devant les cours d’appel désignées est prévue sans représentation obligatoire selon le nouvel article R. 142-11 du CSS, ce qui renvoie aux prescriptions des articles 931 et suivants du CPC.

Notes de bas de pages

  • 1.
    JO n° 0269, 19 nov. 2016, texte n° 1.
  • 2.
    JO n° 0112, 17 mai 2018, texte n° 6. Pour une analyse v. Bléry C. et Tamion E., « Réorganisation du contentieux de la sécurité sociale et de l’action sociale” », Dalloz actualité, 25 mai 2018.
  • 3.
    JO n° 0205, 6 sept. 2018, texte n° 8. Pour une analyse v. Bléry C., « Réforme du contentieux de la sécurité sociale et de l'action sociale : le décret « compétence » », Dalloz actualité, 13 sept. 2018.
  • 4.
    JO n° 0251, 30 oct. 2018, texte n° 11. Pour une analyse v. Bléry C. et Tamion E., « Réforme du contentieux de la sécurité sociale et de l’action sociale », Dalloz actualité, 9 nov. 2018.
  • 5.
    COJ, art. L. 311-15.
  • 6.
    V. CSS, art. L. 145-1 à CSS, art. L. 146-9.
  • 7.
    COJ, art. L. 311-16 et pour l’application COJ, art. D. 311-12 issu du D. n° 2017-13, 5 janv. 2017 : JO n° 0006, 7 janv 2017, texte n° 11.
  • 8.
    Ord. n° 58-1270, 22 déc. 1958, relative au statut de la magistrature, art. 41-25.
  • 9.
    COJ, art. L. 218-1 à COJ, art. L. 218-12 nouv. et COJ, art. R. 218-1 à COJ, art. R. 218-12 nouv.
  • 10.
    CSS, art. R. 142-10-5 nouv.
  • 11.
    CSS, art. R. 142-10-4 nouv.
  • 12.
    CSS, art. R. 142-10-2 nouv.
  • 13.
    Abrogation de l’article L. 142-7 du CSS à compter du 1er janvier 2019. Signalons cependant une adaptation transitoire de la règle supprimée jusqu’au 1er septembre 2019 avec l’article 17, VIII, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.
  • 14.
    V. supra.
  • 15.
    D. n° 2018-928, 29 oct. 2018, art. 16, I.
  • 16.
    CSS, art. R. 142-1.
  • 17.
    CSS, art. L. 142-2.
  • 18.
    CSS, art. L. 142-2, 4°.
  • 19.
    CSS, art. L. 142-2, 5° et 6°.
  • 20.
    CSS, art. R. 142-8 à CSS, art. R. 142-8-7 nouv.
  • 21.
    V. CSS, art. R. 142-10 à CSS, art. R. 142-10-8.
  • 22.
    CSS, art. R. 142-10-1.
  • 23.
    V. CSS, art. R. 142-1, A, III.
  • 24.
    CSS, art. R. 142-10-3.
  • 25.
    COJ, art. R. 211-3.
  • 26.
    CSS, art. L. 142-2, 4°.
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