Majoration de retraite pour avoir élevé un enfant handicapé

Publié le 16/01/2025
Majoration de retraite pour avoir élevé un enfant handicapé
Valery/AdobeStock

Il existe des prestations sociales dont certaines sont spécifiques aux personnes handicapées et à leurs familles, qui peuvent ainsi bénéficier d’une majoration de la durée d’assurance vieillesse au titre de l’éducation d’un enfant handicapé.

Il existe bon nombre de prestations sociales, dont l’inventaire a été fait1 ; certaines sont spécifiques aux personnes handicapées et à leurs familles2 qui, dans certains cas, peuvent bénéficier d’une majoration de la durée d’assurance vieillesse au titre de l’éducation d’un enfant handicapé, ce qui était au cœur de la présente espèce.

La caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par une cour d’appel (chambre des affaires de sécurité sociale), dans le litige l’opposant à la défenderesse à la cassation qui, à la suite de la réception de son relevé de carrière, a sollicité auprès de la Carsat, qui le lui a refusé, le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance vieillesse au titre de l’éducation d’un enfant handicapé.

L’assurée a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

La caisse fait grief à l’arrêt d’accueillir le recours, alors que, selon elle, la majoration de la durée d’assurance pour avoir élevé un enfant handicapé implique l’ouverture du droit, à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, que l’appréciation de l’ouverture de ce droit ne relève pas de la compétence de la Carsat et du juge chargé de contrôler ses décisions, mais d’une commission d’éducation spéciale : la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées compétente, sous réserve de recours3, dont certains sont à porter devant le pôle social de certains tribunaux judiciaires4 spécialement désignés, pour apprécier, entre autres, si l’état ou le taux d’incapacité de la personne handicapée justifie l’attribution, pour l’enfant ou l’adolescent, de l’allocation et, éventuellement, de son complément5, et de la majoration6.

Si les besoins de compensation de l’enfant ou de l’adulte handicapé justifient l’attribution de la prestation de compensation du handicap (PCH) dans les conditions prévues7, la Carsat ne peut s’y substituer lorsque la commission compétente n’a pas été saisie.

Pour la Cour de cassation, les assurés sociaux élevant un enfant dont la situation ouvrait droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) et à son complément ou, en lieu et place de ce dernier8, de la PCH9 bénéficient, le cas échéant, d’une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre par période d’éducation de 30 mois dans la limite de 8 trimestres10. Ce texte ne subordonnant le bénéfice de la majoration de la durée d’assurance au titre de l’enfant handicapé ni à l’obtention d’une décision d’ouverture du droit aux prestations concernées, ni au versement effectif de ces prestations, il appartient au juge de la sécurité sociale saisi d’un litige relatif à l’attribution de cette majoration de rechercher si l’enfant handicapé était éligible à ces prestations. C’est donc sans encourir les griefs du moyen que l’arrêt a décidé que les dispositions du texte applicable11 n’exigent pas le versement effectif des prestations mais imposent de vérifier, nonobstant l’absence de demande du parent, si le handicap de l’enfant ouvrait droit aux prestations prévues.

De plus, la Carsat a cherché à faire valoir que « l’ouverture du droit au complément d’allocation d’éducation spéciale implique que l’enfant handicapé soit atteint d’un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours effectif à l’aide d’une tierce personne ou conduise l’un des parents à réduire son activité professionnelle », qu’en ne caractérisant pas le fait que l’assuré avait exposé des dépenses particulièrement coûteuses, ou avait effectivement eu recours à une tierce personne, ou avait réduit son activité professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale12.

Toute personne qui assume la charge d’un enfant handicapé a droit à une AEEH13, si l’incapacité permanente de l’enfant est au moins égale à un taux fixé à 80 %14. Un complément de l’AEEH est accordé15 pour l’enfant atteint d’un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses ou nécessite le recours fréquent à l’aide d’une tierce personne, la condition de contraintes permanentes de surveillance et de soins pour le bénéfice du complément de l’AEEH est une condition que le texte applicable ne prévoit pas16.

Il en résulte que les personnes handicapées remplissant certaines conditions tenant à leur âge et à leur handicap ont droit à une PCH qui peut être affectée à des charges liées à un besoin d’aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux.

Ayant constaté que l’assurée a bénéficié de l’AEEH pour son fils atteint d’une incapacité permanente dont le taux avait été fixé à 80 %, que l’assurée a bénéficié de la PCH au titre de l’aide aux transports en considération du coût, d’une part, des nombreux déplacements en taxi, assumés par celle-ci, et d’autre part, que l’assurée a obtenu la PCH au titre de l’aide humaine, l’arrêt retient que les éléments versés aux débats établissent que l’assurée a élevé un enfant ouvrant droit à l’AEEH et à la PCH, de sorte qu’elle peut bénéficier de la majoration de la durée d’assurance.

En se déterminant par des motifs tirés exclusivement de la situation de l’enfant handicapé, insuffisants à caractériser la nature ou la gravité du handicap dont il est atteint, la cour d’appel a privé sa décision de base légale par ces motifs, cette décision est cassée et annulée.

Il en ressort que l’attribution de cette majoration impose de vérifier si, nonobstant l’absence de demande du parent à bénéficier de la PCH ou du complément à l’AEEH, la situation de l’enfant handicapé y ouvre droit, même si l’aide n’a pas été demandée, ce qui implique de vérifier ses conditions d’attribution.

La durée, de droit commun, d’assurance retraite du salarié du secteur privé est fixée en fonction de principes (I) qui admettent des exceptions permettant notamment de bénéficier de majoration en fonction du handicap, spécialement pour les assurés sociaux élevant un enfant handicapé17, car des spécificités sont liées au handicap (II).

I – Durée d’assurance retraite du salarié du secteur privé : principes

Les principes généraux concernant le droit commun de la durée d’assurance retraite du salarié du secteur privé méritent d’être brièvement rappelés (A). Durée d’autant plus importante que ces principes admettent de nombreuses exceptions (B). Ils sont basés sur les périodes cotisées et certaines assimilations.

A – Périodes cotisées

Le montant de la retraite d’un assuré dépend notamment de sa durée d’assurance retraite, qui comprend principalement les périodes travaillées et cotisées. Mais elle inclut aussi certaines périodes non cotisées.

La durée d’assurance retraite désigne les périodes de sa vie professionnelle au cours desquelles l’assuré se constitue des droits à la retraite. La durée d’assurance retraite est comptabilisée en trimestres.

Le nombre de trimestres d’assurance retraite est un des éléments pris en compte pour calculer le montant de la retraite.

Pour avoir droit à une retraite à taux plein il faut :

• soit avoir un nombre déterminé de trimestres d’assurance retraite qui dépend de l’année de naissance18 ;

• soit partir à la retraite à 67 ans quel que soit le nombre de trimestres cotisés.

Pour l’assuré qui part à la retraite avant 67 ans sans avoir le nombre de trimestres exigé, le montant de sa retraite est réduit en fonction du nombre de trimestres qui lui manquent, à l’inverse celui qui part à la retraite en ayant cotisé plus que ce qui est demandé bénéficie d’une majoration.

Si l’assuré a travaillé et cotisé à plusieurs caisses de retraite, c’est sa durée d’assurance totale, tous régimes confondus, qui est prise en compte pour déterminer s’il a droit ou non à des pensions de retraite à taux plein.

La durée d’assurance retraite comprend les périodes au cours desquelles l’assuré a travaillé et cotisé sur un salaire minimum. Depuis 2014, un revenu, au moins égal au montant du smic horaire en vigueur au 1er janvier de l’année, au cours de chaque période travaillée, multiplié par 150 heures (soit, pour 2024, 1 747,50 €).

B – Exceptions pour les périodes non cotisées

Ces règles connaissent des exceptions dues à des circonstances professionnelles ou de vie particulières.

La durée d’assurance retraite comprend aussi des périodes non cotisées, par exemple un congé de formation non rémunéré est considéré comme ayant donné lieu à cotisations égales à celles prélevées au cours de la période de travail de même durée immédiatement antérieure.

Les périodes d’arrêt de travail pour maladie ou accident du travail au cours desquelles l’assuré a perçu des indemnités journalières (un trimestre est validé pour chaque période d’indemnisation de 60 jours) :

• congé de maternité au cours duquel des indemnités journalières ont été perçues ;

• périodes au cours desquelles l’assuré a perçu une rente d’accident du travail pour une incapacité permanente au moins égale à 66 % : un trimestre est validé pour chaque trimestre civil : période de 3 mois consécutifs débutant soit le 1er janvier, soit le 1er avril, soit le 1er juillet, soit le 1er octobre qui comprend 3 mensualités de sa pension d’invalidité ;

• périodes au cours desquelles l’assuré a perçu une pension d’invalidité : un trimestre est validé pour chaque trimestre civil : période de 3 mois consécutifs débutant soit le 1er janvier, soit le 1er avril, soit le 1er juillet, soit le 1er octobre qui comprend 3 mensualités de sa pension d’invalidité ;

• périodes de chômage, sous conditions ;

• service national ;

• périodes de chômage partiel intervenues à partir du 1er mars 2020 : il est validé un trimestre pour 220 heures indemnisées ;

• périodes de stage : les stages suivis en tant demandeur d’emploi et les stages suivants sont pris en compte : travaux d’utilité collective, stages pratiques en entreprise, stages jeunes volontaires, programmes d’insertion locale, stages d’initiation à la vie professionnelle. Un trimestre est validé pour chaque période de 50 jours de stage ;

• trimestres accordés pour enfants ;

• trimestres accordés grâce à un compte professionnel de prévention.

D’autres situations peuvent être prises en compte (périodes de détention provisoire, période d’inscription sur la liste des sportifs de haut niveau, période de volontariat, etc.).

Le nombre de trimestres d’assurance est limité à 4 par année civile du 1er janvier au 31 décembre.

Toutefois, les trimestres accordés gratuitement (appelés majorations de durée d’assurance), pour enfants notamment, ne sont pas imputés sur une année en particulier.

L’année du départ en retraite, le nombre de trimestres retenu est la combinaison du nombre de trimestres validés par le salaire limité au nombre de trimestres à la date de départ.

II – Spécificités du handicap

Des trimestres sont accordés en tant qu’aidant assumant, à son foyer familial, la prise en charge permanente d’un adulte handicapé dont l’incapacité permanente est supérieure à un taux fixé par décret, qui est son conjoint (mariage, pacs ou concubinage (union libre)) ou ascendant, descendant ou collatéral ou l’ascendant, descendant ou collatéral de son conjoint. Dans ces cas, l’assuré bénéficie d’un trimestre supplémentaire par période de 30 mois, dans la limite de 8 trimestres.

La même règle est appliquée au parent qui a élevé un enfant handicapé bénéficiaire des prestations spécifiques destinées à compenser le handicap, même si, comme ici, elles n’ont pas été demandées. L’absence de demande d’une prestation à laquelle l’enfant handicapé ouvrait droit ne fait pas perdre le droit à la majoration de durée d’assurance retraite.

Conclusion. Par cette décision, la Cour de cassation rejette une demande de la Carsat qui, si elle avait été acceptée, aurait été parfaitement injuste pour des personnes suffisamment pénalisées par la situation qu’elles vivent.

Notes de bas de pages

  • 1.
    M. Richevaux, « CAF : établissement et récupération des indus de prestations sociales, fond et formes », Actu-Juridique.fr 9 mars 2022, n° AJU003c9.
  • 2.
    M. Richevaux, « Une loi visant à renforcer la protection des familles d’enfants malades ou handicapés la loi n° 2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d’enfants atteints d’une maladie ou d’un handicap », Actu-Juridique.fr 25 janv. 2024, n° AJU011x8.
  • 3.
    S. Hennebelle, « Comment contester une décision de la MDPH ? », Village de la Justice, 14 juin 2021.
  • 4.
    CASF, art. L. 241-9 – COJ, art. L. 211-16.
  • 5.
    CSS, art. L. 541-1.
  • 6.
    CSS, art. L. 541-4.
  • 7.
    CASF, art. L. 245-1.
  • 8.
    CSS, art. L. 541-1, al. 1 et 2.
  • 9.
    CASF, art. L. 245-1.
  • 10.
    CSS, art. L. 351-4.
  • 11.
    CSS, art. L. 351-4-1.
  • 12.
    CSS, art. L. 351-4-1 – CSS, art. L. 541-1 – CSS, art. R. 541-2, version applicable au litige.
  • 13.
    CSS, art. L. 541-1 – CASF, art. L. 245-1 – CASF, art. L. 245-3, 1°.
  • 14.
    CSS, art. R. 541-1, al. 1.
  • 15.
    CSS, art. R. 541-2, al. 2.
  • 16.
    C. Berlaud, « Condition de l’attribution du complément d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé », obs. ss Cass. 2e civ., 21 mars 2024, n° 22-17.006, F-B, GPL 2 avr. 2024, n° GPL461f4.
  • 17.
    CASF, art. L. 245-1.
  • 18.
    V. tableau CASF, art. L. 241-6, mod. par L. n° 2023-1196, 18 déc. 2023, art. 14, V.
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