Peut-on toucher sa retraite en résidant à l’étranger ?
Alors que la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 réformant pour partie la retraite vient d’être promulguée il n’est pas inintéressant de se demander s’il est possible de prendre sa retraite à l’étranger. Toucher sa pension de retraite alors qu’on réside à l’étranger est-il possible ? Quelles sont les démarches à effectuer ? Quelle est la fiscalité appliquée ? Samya Felhine, avocate directeur au sein du Cabinet Kopper fait le point sur la question.
Actu-juridique : Doit-on résider en France pour toucher sa retraite ?
Samya Felhine : Il convient de distinguer les personnes bénéficiant d’une pension de retraite des personnes bénéficiant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) qui entre dans la catégorie des minimas sociaux.
L’ASPA est une prestation mensuelle accordée aux retraités ayant de faibles ressources, vivant en France. Elle est versée par votre caisse de retraite (Carsat : Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, MSA, …). Son montant dépend notamment de votre situation familiale (vie de couple ou non).
Parmi les conditions pour bénéficier de l’ASPA, il existe une condition de résidence. Pour bénéficier de l’ASPA, il faut résider en France de manière stable (métropole, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Saint-Barthélemy, Saint Martin).
Si on est bénéficiaire de l’ASPA, on ne doit pas résider à l’étranger plus de 6 mois dans l’année, c’est cette condition que Gabriel Attal entend faire évoluer pour la faire passer de 6 à 9 mois, il faudrait alors ne pas être absent du territoire français pendant plus de 3 mois dans l’année civile de versement de l’allocation.
AJ : Comment justifier de cette condition de résidence ?
Samya Felhine : Apporter la preuve que l’on a sa résidence en France, ou au contraire, que l’on n’a pas sa résidence en France, peut se faire par tout moyen, bien souvent par la production d’un justificatif de domicile (production d’un bail d’habitation à son nom et quittances de loyer, factures d’eau et d’électricité, avis d’imposition, etc.).
AJ : Est-il possible en revanche de toucher sa pension de retraite en résidant à l’étranger ?
Samya Felhine : Si on est bénéficiaire d’une pension de retraite « classique », il n’y a pas de condition de résidence. On peut donc vivre à l’étranger toute l’année, tout en continuant à percevoir sa pension de retraite française. Nous recommandons, toutefois, de contacter sa caisse de retraite pour s’assurer des modalités de versement de sa retraite. En effet, il sera vivement recommandé à la personne retraitée, qui vit à l’étranger, de vérifier la possibilité de transfert de sa pension en euros sur un compte bancaire étranger, ainsi que les questions de transfert de devises. Rappelons, à cette occasion, que certains pays appliquent un régime fiscal très attractif pour les personnes retraitées qui « consomment » leur pension de retraite localement (exemple : Maroc, Portugal), imposant souvent le transfert sur un compte bancaire local.
AJ : Quelles sont les démarches à effectuer ?
Samya Felhine : Afin de toucher votre pension à l’étranger, il convient d’effectuer une demande à votre caisse de retraite française (CNAV, par exemple) accompagnée d’un certificat de résidence et des coordonnées bancaires à l’étranger.
Ensuite, tant que vous résiderez dans un autre pays que la France, vous serez tenu, pour continuer à percevoir votre pension de retraite, de remplir, chaque année, un certificat de vie qui devra être authentifié par une autorité locale (consulat par exemple) et envoyer à votre caisse de retraite française.
AJ : Les retraités vivant à l’étranger sont-ils soumis à des prélèvements sociaux ?
Samya Felhine : Rappelons que les pensions de retraite françaises sont en principe soumises aux prélèvements sociaux suivants :
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CSG (contribution sociale généralisée) au taux de 3,8 %, 6,6 % ou 8,3 % selon son revenu fiscal de référence, et CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale), au taux de 0,5 %, si le retraité reste résident fiscal de France et relève d’un régime obligatoire français d’assurance maladie ;
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CASA (contribution de solidarité pour l’autonomie) au taux de 0,30 %.
En cas de transfert de résidence fiscale à l’étranger, la CSG et la CRDS ne sont pas dues. En revanche, si le retraité relève d’un régime français d’assurance maladie à titre obligatoire, une cotisation d’assurance maladie au taux actuel de 3,20 % (sur la retraite de base) et 4,2 % (sur la retraite complémentaire pour le régime général des salariés) est due.
AJ : Quelle est la couverture maladie appliquée ?
Samya Felhine : La couverture maladie d’une personne pensionnée française (qui ne perçoit pas de pensions d’un autre État) dépend du lieu de résidence :
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si vous partez pour vivre votre retraite dans un pays de l’Union européenne (UE), de l’Epace économique européen (EEE) ou en Suisse la situation est la suivante : n’ayant pas de droits au regard du régime de sécurité sociale de l’État de résidence, vous devez demander le document portage S1 « Inscription en vue de bénéficier de l’assurance maladie » auprès de votre caisse d’assurance retraite de base et le transmettre à la caisse d’assurance maladie du lieu de votre nouvelle résidence. Ce document permettra la prise en charge, par le régime de sécurité sociale local de vos frais de santé, pour le compte de la sécurité sociale française. En cas de séjour en France, en tant que pensionné du régime français, vous bénéficierez de la prise en charge de tous les soins (soins médicalement nécessaires ou programmés) selon la réglementation française ;
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Si vous partez pour vivre votre retraite dans un état lié à la France par un accord bilatéral de Sécurité sociale, il vous faut alors se référer à l’accord bilatéral de sécurité sociale. La liste des accords en vigueur est disponible sur le site du CLEISS (https://www.cleiss.fr/docs/textes/index.html). À titre d’exemple, si vous décidez de partir vivre votre retraite au Maroc, vous devrez obtenir auprès de votre caisse de retraite un formulaire SE 350-07 qui vous permettra de vous inscrire auprès de la caisse nationale de sécurité sociale du Maroc. Vous pourrez bénéficier d’une prise en charge de vos soins de santé lors de vos séjours temporaires en France. En ce qui concerne l’hospitalisation au-delà d’un mois, une reconnaissance préalable de la nécessité de poursuite des soins pourra être requise ;
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Si enfin vous partez dans un autre pays, et si vous souhaitez bénéficier d’une couverture maladie dans votre nouveau pays de résidence, il vous appartient de vérifier auprès des institutions compétentes de ce pays dans quelle mesure vos soins peuvent être pris en charge par le régime local, ou d’adhérer volontairement à l’assurance maladie de la Caisse des Français de l’étranger (CFE) si vous avez la nationalité française, ou de souscrire une assurance auprès d’une compagnie privée. Renseignez-vous auprès du Centre des liaisons européennes et internationales de Sécurité sociale CLEISS pour connaître vos droits de couverture maladie lors de vos séjours temporaires en France.
AJ : Quelle fiscalité est appliquée ? Comment déclarer ses revenus ?
Samya Felhine : La déclaration de ses pensions de retraite dépend du lieu de résidence fiscale du contribuable.
En principe, un retraité qui décide de vivre à l’étranger transfère sa résidence fiscale dans son nouveau pays de résidence. Le transfert ne se fait pas nécessairement selon la règle des 6 mois à l’étranger mais peut résulter du simple déménagement de son domicile, avec son conjoint, par exemple, à l’étranger. La résidence fiscale implique, en principe, dans un État, de déclarer l’ensemble de ses revenus (y compris pension de retraite française) dans cet État.
Cette déclaration n’implique pas nécessairement une imposition effective à l’étranger : il convient toujours de se référer à la convention fiscale signée entre la France et le pays de résidence à l’étranger pour savoir quel pays a le droit d’imposer votre retraite. Par exemple, l’Espagne impose les pensions de retraite (même françaises) de ses résidents fiscaux. En revanche, les États-Unis n’imposent pas les pensions françaises de leurs résidents (celles-ci restent imposées par la France).
Lorsque la retraite est imposée à l’étranger, il convient de contacter, dès que possible sa caisse de retraite pour faire cesser le prélèvement à la source éventuelle d’impôt français.
Attention : Certains pensionnés continuent de déclarer leur retraite en France, même lorsqu’ils ne sont plus résidents et alors que leur pension devrait être imposée à l’étranger. Dans ce cas, même si la visibilité d’une pension versée sur un compte bancaire français est moindre pour l’administration fiscale étrangère, un contrôle de l’administration fiscale du pays étranger (accentué par les échanges interétatiques de plus en plus courant) peut aboutir à un redressement fiscal, assorti à des pénalités. Mieux vaut donc s’informer, au préalable, de l’imposition dans le pays de résidence, d’autant que plusieurs pays proposent une imposition favorable des retraités étrangers pour encourager l’attractivité de leur pays.
Référence : AJU008q2