Quels sont les frais de transport pris en charge par votre employeur ?
L’employeur est tenu de rembourser la moitié des frais de transport de ses salariés. Mais avec la pandémie du Covid-19 et la généralisation du télétravail pour les salariés qui le peuvent, certains salariés notamment des grandes villes télétravaillent dans une résidence secondaire, parfois très éloignée de leur lieu de travail. Dans cette hypothèse l’employeur est-il toujours tenu de rembourser 50 % des frais de transport de ses salariés ? Tous les salariés en bénéficient-ils ? Le point avec Diane Buisson, avocats associée au sein du Cabinet Redlink.
Actu-Juridique : L’employeur est-il tenu de rembourser les trajets domicile-travail ?
Diane Buisson : L’employeur est tenu au remboursement des trajets domicile-travail uniquement concernant les frais d’abonnement aux transports publics ou aux services de location de vélos. Pour les autres moyens de transport comme l’utilisation d’une voiture ou d’un deux-roues l’employeur n’a aucune obligation de remboursement.
AJ : Quels sont les salariés concernés ?
Diane Buisson : Pour bénéficier de cette prise en charge, il résulte des dispositions de l’article L. 3261-2 du Code du travail que les salariés doivent remplir les conditions cumulatives suivantes :
• utiliser les transports en commun (ou les services publics de location de vélo) pour se rendre de leur résidence habituelle à leur lieu de travail ;
• acheter des titres d’abonnement.
Tous les salariés sont concernés qu’ils soient en CDI ou en CDD, ainsi que les stagiaires. Le remboursement s’applique aux salariés à temps complet mais également aux salariés à temps partiel. Pour ces derniers s’ils travaillent plus de la moitié de la durée collective de travail (17 h 30 par semaine pour une entreprise ayant une durée collective de travail de 35 heures) ils bénéficient de la même prise en charge que les salariés à temps complet. En deçà, la prise en charge est calculée au prorata temporis du nombre d’heures travaillées.
AJ : Quels types de transport sont remboursés à 50 % par l’employeur ?
Diane Buisson : Il s’agit uniquement des transports publics (donc train, RER, métro, bus) et les services de location de vélos.
AJ : Qu’en est-il lorsque le salarié déménage loin de son lieu de travail ?
Diane Buisson : Dès lors que le salarié revient sur son lieu de travail en utilisant les transports publics et qu’il achète pour cela des titres d’abonnement il doit bénéficier du remboursement, peu important qu’il ait choisi par convenance personnelle de vivre loin de son lieu de travail. En effet, la jurisprudence a précisé qu’aucune distinction ne doit être réalisée selon la situation géographique de la résidence (Cass. soc., 12 déc. 2012, n° 11-25089).
AJ : Quelles sont les conditions de remboursement ?
Diane Buisson : Le remboursement doit être subordonné en pratique à la présentation par le salarié du titre d’abonnement permettant de l’identifier (facture ou attestation). Pour les services de location de vélos une attestation sur l’honneur du salarié suffit pour ouvrir droit à la prise en charge.
AJ : Quelle est la base du remboursement ?
Diane Buisson : Le texte vise uniquement les abonnements. Il peut s’agir des abonnements multimodaux (permettant d’emprunter divers moyens de transport) émis par la SNCF permettant des voyages illimités ainsi que les abonnements annuels, mensuels ou hebdomadaires. Il s’agit également des abonnements servis par la RATP ou les régies de transports en province. Ainsi ne sont pas concernés par l’obligation de remboursement les billets ou tickets achetés à l’unité.
L’employeur doit rembourser au moins 50 % de l’abonnement. Ces 50 % sont calculés sur la base d’un tarif de deuxième classe (même si le salarié souscrit un abonnement en première classe).
Le Bulletin officiel de la sécurité sociale précise sur ce point que la notion d’abonnement devant être interprétée strictement, le coût des réservations exposées à chaque voyage par les salariés bénéficiaires d’un abonnement TGV est exclu du dispositif de prises en charge obligatoire de 50 %.
AJ : L’employeur peut-il imposer un critère d’éloignement ?
Diane Buisson : L’employeur ne peut imposer aucun critère qui reviendrait à remettre en cause l’obligation de remboursement en fonction du lieu de domicile du salarié. En effet, la libre fixation du domicile est considérée comme une liberté fondamentale que l’employeur n’a pas le droit d’entraver.
Dans un arrêt récent, la cour d’appel de Versailles a validé le licenciement d’un salarié ayant fixé son domicile à 500 kilomètres de son lieu de travail. Outre que cette décision est isolée, le licenciement était fondé sur le danger pour la santé du salarié de réaliser autant de déplacements. Cet éloignement n’aurait pas pu remettre en cause l’obligation de remboursement de l’employeur si le salarié utilisait les transports en commun (CA Versailles, 10 mars 2022, n° 20/02208).
AJ : Cette obligation s’étend-elle au salarié qui télétravaille loin de son lieu de travail ?
Diane Buisson : Oui, si le télétravailleur a droit au remboursement de ses frais de transports, peu important le lieu de son domicile et son éloignement, l’employeur sera soumis à l’obligation de remboursement.
AJ : L’employeur peut-il décider de ne rembourser que les frais de transport liés aux jours travaillés en présentiel, excluant ainsi les transports liés aux allers-retours dans la résidence de télétravail ?
Diane Buisson : Il n’y a pas de position claire des textes ni de la jurisprudence sur cette question.
Dans le question-réponse diffusé par ministère du Travail pendant la crise sanitaire, le gouvernement avait considéré que lorsque le télétravail s’effectue en alternance, par exemple un ou deux jours par semaine, l’employeur devait prendre en charge dans les conditions habituelles les titres d’abonnement qui ont été utilisés au moins une fois pour le trajet entre le lieu de travail et le domicile, sans abattement des jours de télétravail.
Il semblerait qu’il convienne toujours d’appliquer cette pratique. Toutefois, cette position avait été prise dans un contexte particulier où le télétravail était amené à être temporaire. Dès lors que le télétravail est mis en œuvre de façon pérenne, peut-être que l’employeur pourrait appliquer une logique similaire à celle des salariés à temps partiel : si le salarié vient travailler sur site au moins la moitié de la semaine il bénéficie de la même prise en charge que les salariés travaillant sur site à 100 %, en deçà la prise en charge se ferait au prorata temporis.
Pour les salariés en télétravail de façon continu l’employeur n’est en revanche tenu à aucune obligation de remboursement et prend même à notre sens un risque de redressement URSSAF s’il continue à rembourser des frais de transport à des salariés qui ne les utilisent pas.
En revanche, il pourrait être considéré dans ce cas que les déplacements ponctuels sont professionnels et entraînent une obligation de remboursement à 100 % par l’employeur.
AJ : Sur quels critères se base-t-on pour déterminer la résidence habituelle ?
Diane Buisson : Le Bulletin officiel de la sécurité sociale définie la notion de résidence habituelle comme le « lieu où réside le salarié pendant les jours travaillés ». Par conséquent, un salarié ayant une double résidence, par exemple la semaine à Paris proche du lieu de travail, le week-end dans une résidence secondaire éloignée en province, doit être considéré comme ayant sa résidence habituelle au regard des obligations de prises en charge de l’employeur à Paris. Dans cet exemple, l’employeur n’aura donc l’obligation de prendre en charge que les frais d’abonnement de transport parisien et non les frais de transport pour rejoindre le domicile en province.
Au contraire, si le salarié n’a qu’une seule et unique résidence en province, l’employeur aura l’obligation de prendre en charge 50 % de l’abonnement permettant de retourner en province.
Référence : AJU011j8