Recrutement : la solution 100 % digitale et ses limites
À l’heure du redémarrage de l’économie, les entreprises qui recrutent adoptent leur process en la matière et se tournent désormais vers une solution entièrement digitalisée. Une évolution qu’analyse Cécile Perrier, la fondatrice de CP Recrutement, un cabinet spécialisé, installé à Ville-d’Avray dans les Hauts-de-Seine (92).
Les Petites Affiches : Dans quelle mesure la crise du Covid-19 a-t-elle changé la manière de recruter des collaborateurs pour les entreprises ?
Cécile Perrier : Tant que le virus sera là et que nous n’aurons pas de vaccin, employeurs et demandeurs d’emploi seront prêts, d’après moi, à poursuivre le processus de recrutement à distance. J’ai beaucoup de clients qui me demandent encore de ne pas avoir d’entretiens physiques avec les candidats. Néanmoins, le jour où un vaccin sera trouvé contre la Covid-19, nous reviendrons à une situation plus classique avec un mix entre digital et physique. Recruter reste tout de même une histoire de feeling, le besoin de rencontrer la personne restera prédominant à plus long terme. Il y a des choses qui sont très difficiles à retranscrire par n’importe quel canal de visioconférence.
LPA : Que représente un recrutement 100 % digital ? Cela signifie-t-il qu’il n’y a vraiment aucun contact ?
C.P. : Lorsqu’il y a un recrutement 100 % digital, le premier contact qui existe entre l’entreprise ou l’employeur et le nouveau salarié se réalise quand ce dernier va chercher son outil de travail, c’est-à-dire son PC pour travailler chez lui. De ce fait, l’intégration au sein de l’entreprise se fait aussi à distance. C’est assez incroyable à imaginer, mais cela se passe ainsi dans beaucoup d’entreprises actuellement.
Je viens d’aider récemment des clients à recruter trois personnes de façon totalement digitalisée, je suis de très près leur intégration car c’est totalement inédit pour tout le monde. Pour des nouveaux embauchés, notamment, cela peut être très déstabilisant. Rencontrer des équipes depuis chez soi, en visio, ça n’a rien à voir avec le présentiel. Le premier contact s’en trouve profondément changé.
LPA : Quels sont les avantages d’un recrutement entièrement digitalisé ?
C.P. : C’est un procédé principalement intéressant pour les entreprises qui peuvent favoriser le télétravail. Recruter à distance pour un métier qui est exercé à distance, c’est finalement logique. Les candidats, quant à eux, doivent désormais mettre en avant leurs capacités à télétravailler car les attentes des entreprises s’en trouvent modifiées. Les recruteurs n’attendent pas les mêmes qualités d’un salarié qui fait son travail en présentiel que d’un candidat qui travaille depuis chez lui.
LPA : Est-ce la fin du présentiel dans certains secteurs d’activité ? Est-ce souhaitable ?
C.P. : Tout dépend des métiers dont on parle. Aujourd’hui, je constate que beaucoup de commerciaux sont très attentifs à ce sujet car le digital ne leur convient pas. Ils ont besoin de rencontrer les personnes et les entreprises physiquement sinon ils ont l’impression d’être des commerciaux « sédentaires », ce qui ne leur correspond absolument pas. Ainsi les entreprises qui ont tourné toute leur organisation sur le digital vont avoir du mal désormais à recruter dans ces métiers où le contact est essentiel. Elles vont devoir revenir en arrière et miser sur l’ancien fonctionnement.
Quant aux fonctions supports, le télétravail est logiquement plus simple à mettre en place, mais il a besoin d’être bordé. Pendant le confinement, des personnes se sont retrouvées avec des journées extrêmement chargées et ce de manière disproportionnée par rapport aux tâches habituellement accomplies. C’est là que l’on voit l’importance de la fameuse « pause café » parfois moquée. Elle permet certes de faire une pause mais aussi de créer des liens avec ses collègues. Or avec la distance ces liens n’existent plus et cela déshumanise le travail.
Enfin, de nombreuses études montrent que 100 % de télétravail a des conséquences néfastes sur la créativité des salariés. Sans contacts, sans échanges avec les collègues ou les clients, on est très peu stimulé. Et cela a des répercussions négatives aussi bien sur le salarié directement concerné que l’entreprise.