Insolite : Quand peut-on comparer son collègue à Gollum ?
Affubler un collègue de travail d’un sobriquet, pourquoi pas ? Mais attention à ne pas aller trop loin. Notre spécialiste de l’insolite, Raphaël Costa, s’est penché sur le sujet. Si votre voisin de bureau vous fait penser à Gollum, ne lui dites pas. Ça vaut mieux…On vous explique pourquoi.

Si vous avez déjà vu les films du Seigneur des anneaux, alors le personnage de Gollum vous a peut-être fait penser à quelqu’un de votre famille, à un responsable politique ou encore à un collègue. Prenez garde toutefois avant d’exprimer publiquement votre avis sur ce sujet. Les tribunaux n’apprécient pas forcément la blague.
Une question de dignité
À plusieurs reprises, les juridictions françaises ont eu à juger de salariés licenciés après avoir comparé leurs congénères au fameux Gollum. C’est la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion[1] qui, la première, a considéré comme justifié le licenciement d’un chef cuisinier qui affublait le plongeur de sa cuisine du surnom de de Gollum. Si d’autres faits rapportés semblent plus graves et plus susceptibles de dire le bien fondé du licenciement, la Cour écrit : « Les autres griefs ne sont pas corroborés par les pièces produites. Mais le seul fait d’affubler le plongeur du surnom de Gollum (personnage du Seigneurs des Anneaux) constitue un manquement à la dignité du salarié concerné et justifie, à ce titre, la rupture de la relation salariale. »
Un raisonnement repris en 2018 par la Cour d’appel de Douai : « S’agissant du nom Gollum attribué à son supérieur hiérarchique, celui-là correspondrait à un personnage issu du roman Le Seigneur des anneaux dont l’apparence n’est pas flatteuse puisqu’il est de très petite taille, doté de six dents aigües, de grands pieds dont il se sert pour pagayer et diriger sa barque et de longs doigts gluants… un tel comportement étant en soit fautif ».[2]
Gare à Gimli aussi !
D’autres salariés ont osé la comparaison avec Gimli, le nain roux. Eh bien, elle n’est pas possible non plus ! Pour résumer simplement cet arrêt, la Cour d’appel de Paris considère comme justifié le licenciement pour faute grave de celui qui, dans ses mails professionnels, dénigre constamment ses collègues notamment en envoyant une image représentant le fameux nain du Seigneur des anneaux, avec une légende indiquant qu’il s’agit en fait d’une collègue pas très grande : « tu m’étonnes, pas facile de courir à 50 cm du sol… »[3]
Mais la soeur de Gollum, ça peut passer ?
Revenons à notre héros du jour. Il arrive que les juridictions admettent la comparaison. La Cour d’appel de Paris[4] s’est appuyée sur celle-ci pour faire droit à une demande de reconnaissance d’heures supplémentaires non prises en compte par l’employeur. L’un des témoignages relevait en effet :
« Mme B confirme les faits suivants : “Ma présence régulière au magasin m’a permis de constater de façon régulière la présence prolongée, voire même exagérée de Mme X. La présence de Mme X était telle que nous avons commencé en plaisantant à s’interroger sur le fait qu’elle vivait dans la boutique où elle aurait creusé une grotte comme Gollum du Seigneur des Agneaux. Tout cela pour dire que la présence de Mme X à la boutique était impressionnante“. »
Enfin, la même Cour d’appel de Douai qui avait qualifié de fautif le fait de surnommer un plongeur Gollum d’un plongeur, a dès l’année suivante[5] affiné cette jurisprudence en estimant à l’inverse disproportionné le licenciement de celui qui, dans un mail, compare une collègue non pas à Gollum, mais à « la sœur de Gollum »…
Bonsoir !
Raphaël Costa
[1] 13 décembre 2011, n° 09/01030.
[2] 31 mars 2018, n° 16/03988.
[3] 20 septembre 2018, n° 16/11051.
[4] 22 juin 2016, n° 13/08002.
[5] 26 avril 2019, n° 17/00876.
Référence : AJU393395
