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Conséquences du non-respect de la procédure : reconnaissance implicite d’une maladie professionnelle « hors tableau »

Publié le 10/02/2023
Carte vitale, arrêt maladie, santé, travail, assurance maladie
Pixavril/AdobeStock

Les maladies professionnelles sont celles qui ont un lien avec l’activité professionnelle du salarié concerné. Leur reconnaissance peut se faire de manière simple lorsqu’elles figurent dans un des tableaux de maladies professionnelles reconnues, moins simple lorsqu’elles n’y figurent pas, les caisses primaires d’assurance maladie ne faisant pas toujours preuve de bonne volonté vis-à-vis des victimes.

Cass. 2e civ., 17 févr. 2022, no 20-15251, F–B

L’intérêt de cette décision est d’attirer l’attention sur le problème des maladies professionnelles et des conditions de leur reconnaissance qui, avec l’actualité relative à la pandémie due à la Covid-191, pourrait bien prendre de plus en plus d’ampleur.

La caisse primaire d’assurance maladie a refusé de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par la victime, salariée, aux motifs que la maladie n’était pas inscrite dans l’un des tableaux des maladies professionnelles et que la victime ne présentait pas un taux d’incapacité permanente au moins égal à 25 %.

À la suite de la décision de la commission de recours amiable, la victime a saisi une juridiction de sécurité sociale. Puis, après avis d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, la caisse a pris une seconde décision de refus de prise en charge de la maladie déclarée par la victime.

La caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel. La CPAM, demanderesse, invoque deux moyens : sur le premier moyen, la caisse fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de déclarer recevable le recours de la victime, alors que, en l’absence de contestation dans les conditions posées2, la décision par laquelle une CPAM refuse la prise en charge d’une affection au titre de la législation professionnelle s’impose à l’assuré et rend irrecevable la demande, formée devant le juge, visant à la prise en charge de la même affection au titre de la législation professionnelle ; le moyen évoque le fait qu’en retenant, pour déclarer la demande de l’assuré recevable, que la reconnaissance implicite de l’affection déclarée rendait sans objet la décision explicite de refus, la cour d’appel a violé les textes et principes applicables3, que le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut être saisi d’une réclamation contre une décision d’un organisme de sécurité sociale qu’après que celle-ci a été soumise à la commission de recours amiable de cet organisme ; que l’assuré qui sollicite devant le juge la reconnaissance implicite d’une affection au titre de la législation professionnelle doit, au préalable, contester la décision explicite de refus qui lui a été opposée devant la commission de recours amiable ; qu’en retenant, pour déclarer la demande recevable, que la reconnaissance implicite de l’affection déclarée rendait sans objet la décision explicite de refus, la cour d’appel a violé les textes applicables4 ; que le juge ne peut se prononcer sur le bien-fondé d’une demande qu’après avoir établi, au préalable, sa recevabilité ; que les juges ont considéré que la demande de prise en charge de l’affection était fondée, puis en ont déduit qu’elle était recevable, que dès lors, la cour d’appel a violé les textes applicables5.

La caisse invoque aussi un second moyen par lequel la caisse fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de dire que la pathologie déclarée par la victime devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle, alors « que la prise en charge, par la caisse, d’une maladie hors tableau, ne peut faire l’objet d’une reconnaissance implicite, qu’en retenant que l’assuré pouvait se prévaloir d’une décision implicite de prise en charge quand elle constatait que l’affection déclarée n’était pas inscrite dans un tableau des maladies professionnelles, la cour d’appel a violé les textes applicables »6.

Selon la Cour de cassation, il résulte des textes, dans leur rédaction applicable au litige, que le juge du contentieux de la sécurité sociale ne peut être saisi d’un recours qu’après que le litige a fait l’objet d’une réclamation soumise à la commission de recours amiable de l’organisme de sécurité sociale compétent7.

Lorsque le recours exercé à l’encontre d’une décision de rejet de la demande de prise en charge d’une maladie au titre de la législation professionnelle est recevable, la juridiction, régulièrement saisie, doit statuer sur la demande, et la victime n’est pas tenue de former un nouveau recours à l’encontre d’une seconde décision de rejet notifiée par l’organisme de sécurité sociale.

Pour déclarer recevable le recours de la victime dirigé contre la décision de rejet, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que la caisse ne justifie pas que la décision de la commission de recours amiable avait été notifiée à la victime, de sorte que celle-ci devait être considérée comme n’ayant pas été informée des délais de recours, et en déduit que le délai de forclusion n’avait pas commencé à courir.

Il s’ensuit que, régulièrement saisie d’une contestation contre la décision de rejet, il appartenait à la cour d’appel de se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie, de sorte que la victime n’était pas tenue de former un nouveau recours à l’encontre de la seconde décision de rejet, notifiée en cours de procédure.

Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision attaquée se trouve légalement justifiée8.

Sur le second moyen selon lequel la CPAM invoque que la prise en charge, par la caisse, d’une maladie hors tableau, ne peut faire l’objet d’une reconnaissance implicite. La victime, qui n’a pas été informée avant l’expiration des délais prévus de la nécessité d’examen ou d’enquête complémentaire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, peut invoquer une décision de prise en charge implicite. Ayant souverainement apprécié que la caisse n’apporte pas la preuve que le courrier, par lequel la caisse informait la victime du recours à un délai complémentaire, avait été envoyé à celle-ci, de sorte que le délai d’instruction de la demande avait été dépassé, l’arrêt en a exactement déduit la reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie non inscrite dans un tableau des maladies professionnelles. La Cour de cassation rejette le pourvoi.

Se posait donc la question de savoir si la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles permet une reconnaissance implicite.

Il y a lieu de se pencher sur la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles (I) et la possibilité de reconnaissance implicite (II).

En cas d’absence de la maladie dans les tableaux des maladies professionnelles, après une procédure judiciaire, devant le pôle social du tribunal judiciaire, les victimes pourront éventuellement obtenir sa reconnaissance comme telle9, mais le risque d’un échec n’est pas négligeable.

Les maladies professionnelles sont celles qui ont un lien avec l’activité professionnelle du salarié concerné. Leur reconnaissance peut se faire de manière simple lorsqu’elles figurent dans un des tableaux de maladies professionnelles reconnues, moins simple lorsqu’elles n’y figurent pas, les CPAM ne faisant pas toujours preuve de bonne volonté vis-à-vis des victimes.

Pour les maladies hors tableaux ou pour lesquelles les conditions des tableaux ne sont pas totalement remplies, la reconnaissance de leur caractère professionnel est possible à la suite de la mise en œuvre d’une procédure.

I – Procédure de reconnaissance des maladies professionnelles

Même si cela ne permet pas de les appréhender toutes10, notamment celles non couvertes par la présomption d’imputabilité, il est possible de faire reconnaître une maladie comme professionnelle : soit parce qu’elle est prévue dans des tableaux de maladies professionnelles11 et que les conditions prévues sont remplies (A) ; soit par une procédure permettant de faire déclarer comme professionnelle une maladie qui, lorsque celle-ci n’est pas inscrite dans un des tableaux des maladies professionnelles reconnues, ou lorsque cette maladie figure dans les tableaux des maladies professionnelles mais que les conditions prévues ne sont pas totalement réunies (B).

A – Maladies dans le tableau

Dès lors qu’une maladie est prévue dans les tableaux des maladies professionnelles et que la victime remplit les conditions exigées par ceux-ci, elle sera reconnue comme maladie professionnelle, ce qui a récemment été le cas pour le cancer de la prostate dû aux pesticides et aux chlordécones reconnu comme maladie professionnelle12, ou la Covid-1913.

B – Maladies ne remplissant pas totalement les conditions des tableaux et maladies hors tableaux

Si les conditions exigées par les tableaux ne sont pas totalement (1) remplies ou si les maladies ne sont pas prévues dans les tableaux (2), leur reconnaissance comme maladie professionnelle est néanmoins possible.

Le fait que les conditions des tableaux ne sont pas totalement remplies n’aboutit pas forcément à la non-reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie, mais celle-ci passe alors par une procédure, souvent longue, applicable aussi pour les maladies hors tableaux, et appelée « système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles »14.

1 – Insuffisance des conditions des tableaux

Depuis que le système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles fonctionne, il n’est plus indispensable qu’une maladie corresponde strictement à la description d’un tableau pour être considérée comme d’origine professionnelle. Les CPAM, sur avis conforme du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), peuvent reconnaître le caractère professionnel d’une maladie même si les conditions des tableaux ne sont pas totalement remplies.

2 – Maladies hors tableaux

La situation est à peu près identique pour les maladies hors tableaux. Il appartient alors au salarié de démontrer que son activité professionnelle est « directement » causée par son travail. Cette preuve ne peut pas être apportée par de simples allégations du salarié mais requiert des éléments plus probants. Le caractère professionnel de la maladie est alors reconnu à condition qu’elle entraîne soit le décès, soit une incapacité permanente d’au moins 25 %, et qu’en outre elle soit directement et essentiellement causée par le travail habituel de la victime et que le CRRMP ait donné un avis favorable dans le cadre de la procédure prévue. La CPAM saisit alors le CRRMP après avoir recueilli le rapport du service du contrôle médical. Il n’est pas permis de se fonder exclusivement sur une expertise ordonnée judiciairement.

Si elles figurent rarement dans les tableaux, les maladies professionnelles psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle.

C – La procédure

La procédure de reconnaissance des maladies professionnelles s’appuie sur des principes (1) et permet des moyens de défense15 (2).

Les règles déjà connues relatives à la procédure de reconnaissance des maladies professionnelles ont fait l’objet d’une refonte16 des modalités d’examen des demandes de prise en charge, en vue de sa simplification. La procédure d’instruction reste d’une extrême complexité, avec une multiplicité de délais17.

La reforme a allégé le formalisme relatif aux envois et réceptions des documents, mis en place un nouvel encadrement des procédures de reconnaissance des maladies professionnelles. Elle cherche aussi à tenir compte du fait qu’employeur et salarié ont des intérêts opposés, qu’ils vont faire valoir devant les caisses dans le cadre d’une procédure contradictoire.

1 – La procédure : principes

Si un salarié est atteint d’une maladie professionnelle, il doit effectuer une demande de reconnaissance de maladie professionnelle18 auprès de son organisme de sécurité sociale (CPAM, mutualité sociale agricole (MSA)…). Cette déclaration19 doit être faite dans les 15 jours suivant le début de l’arrêt de travail en utilisant un formulaire de déclaration de maladie professionnelle20 ou demande de reconnaissance de maladie professionnelle21, par tout moyen conférant date certaine de sa réception22.

L’intéressé doit y joindre les deux premiers volets du certificat médical initial établi par le médecin traitant ou le médecin du travail, qui précise la maladie et la date de sa première constatation médicale (le salarié doit conserver le troisième volet) et l’attestation de salaire établie par son employeur (sauf si l’employeur l’adresse directement à la CPAM ou à la MSA).

Le salarié n’a pas de démarche à faire auprès de l’employeur, qui est informé par l’organisme de sécurité sociale des différentes étapes de la procédure qui permettent de reconnaître, ou non, le caractère professionnel de la maladie. À ce moment-là, l’employeur pourra émettre des réserves sur le caractère professionnel ou non de la maladie. Après examen du dossier, l’organisme informe de sa décision.

Le dossier complet doit comporter la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires, s’ils ont été prescrits.

Si les délais ne sont pas respectés, la déclaration reste recevable si elle est effectuée dans les deux ans qui suivent :

• soit la date de l’arrêt du travail lié à la maladie ou, si elle est postérieure, la date à laquelle le salarié a été informé par certificat médical du lien possible entre la maladie et l’activité professionnelle ;

• soit la date de cessation du paiement des indemnités pour maladie ;

• soit la date de l’inscription de la maladie aux tableaux des maladies professionnelles.

La CPAM ou la MSA accuse réception de la déclaration de maladie professionnelle et se charge ensuite d’étudier le dossier et de se prononcer sur le caractère professionnel ou non de la maladie. La caisse doit informer la victime, ses ayants droit et l’employeur sur la procédure d’instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief, avant de transmettre le dossier au CRRMP.

Pour le mode de preuve des dates d’envoi et de réception des documents, si l’exigence systématique d’une lettre recommandée avec avis de réception a été abandonnée23, il reste néanmoins utile d’y recourir, les autres moyens envisageables étant sources de difficultés24.

La réforme encadre les différentes phases de la procédure d’instruction des dossiers en soumettant chaque phase à de nouveaux délais et aménage la consultation par l’ajout d’observations par les parties. L’objectif est de renforcer le principe du contradictoire afin de limiter le contentieux.

Durant cette période d’investigation, la caisse enverra également un questionnaire25 aux parties (salarié et employeur) qui sera à retourner dans un délai de 30 jours francs à compter de sa réception. Ce questionnaire est prévu et conçu pour permettre à la CPAM de connaître les conditions de travail au quotidien (situation professionnelle, métier, tâches…), éléments nécessaires pour permettre à la CPAM de statuer sur le caractère professionnel ou non de la maladie invoquée. Le salarié dispose de 30 jours maximum pour renvoyer le questionnaire. En complément du questionnaire, la CPAM peut interroger le médecin du travail, procéder à des auditions, des observations de poste… L’ensemble de ces recherches doit être réalisé dans un délai de 100 jours maximum.

Simultanément à l’envoi des questionnaires, la CPAM informe des dates clés de la procédure :

• date à laquelle le salarié et son employeur pourront consulter le dossier et faire d’éventuelles observations ;

• date à laquelle la CPAM devra, au plus tard, avoir notifié sa décision.

Tout au long de l’instruction, l’employeur et le salarié bénéficient de rappels sur les échéances et sont informés le jour même de toute nouvelle observation faite sur le dossier.

Procédure de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie. Pour les maladies professionnelles, à partir de la déclaration de la victime potentielle, la caisse disposera d’un délai de 120 jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le CRRMP26. Le dossier sur lequel le CRRMP fondera son analyse comprendra les éléments d’investigation recueillis par la caisse pendant la phase de consultation ainsi que les observations et éléments produits pendant cette même phase par les parties27. L’avis motivé du médecin du travail et un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime devront être fournis au CRRMP dans un délai d’un mois lorsqu’ils auront été demandés par la caisse28.

Une fois l’avis motivé du CRRMP transmis à la caisse, celle-ci notifie immédiatement la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme audit avis29. La décision de la caisse est motivée. Lorsque le caractère professionnel de la maladie, de la rechute ou de la nouvelle lésion n’est pas reconnu, la notification de cette décision, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à la victime ou ses représentants par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans le cas de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, la notification, qui comporte la mention des voies et délais de recours, est adressée à l’employeur par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Dans l’un comme l’autre cas, la décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. L’absence de notification dans les délais prévus vaut reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, de la rechute ou de la nouvelle lésion.

La caisse informe le médecin traitant de cette décision30.

Le délai d’instruction court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial31 et du résultat des examens médicaux complémentaires32. Il se voit ainsi étendu de trois à quatre mois.

Ce délai est plus court que précédemment (quatre mois au lieu de six mois), mais sa deuxième issue ouvre sur un nouveau délai de 120 jours francs car il est maintenant prévu que lorsque la caisse saisit le CRRMP, elle dispose d’un nouveau délai de 120 jours à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie33. Cette évolution se traduit par un allongement procédural à huit mois, au lieu de six précédemment, en présence du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles. De plus, la réforme a prévu la mise en place d’un nouveau délai de 120 jours francs à compter de la saisine d’un CRRMP34.

Après avoir informé la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de cette saisine et des dates d’échéance des différentes phases, la caisse met le dossier qu’elle a constitué35 à leur disposition pendant 40 jours francs. Pendant les 30 premiers jours, ils peuvent le consulter, la caisse n’est nullement tenue de communiquer par voie postale ou dématérialisée le dossier ce qui fait que la consultation se fait dans ses locaux36. Le salarié et l’employeur peuvent faire connaître leurs observations et, à l’instar de la caisse et du service de contrôle médical, ils peuvent le compléter. Au cours des 10 jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes aux parties37.

Cette mise à disposition intervient à l’issue des investigations de la caisse et au plus tard 100 jours francs38 à compter de l’ouverture de la période de 120 jours39. Les parties peuvent consulter leurs dossiers et y ajouter leurs observations pendant une période de 10 jours francs. Toutefois, rien n’est prévu quant aux modalités d’accès des parties aux nouvelles informations transmises ou recueillies par la caisse.

Un délai supplémentaire est prévu en cas de saisine du CRRMP par la caisse. Dans ce cas, le dossier sera tenu à la disposition des parties pendant une période de 40 jours francs avec une possibilité de le compléter et d’émettre des observations pendant les 30 premiers jours uniquement. Dans le cadre d’une telle saisine, l’avis du médecin du travail ne figurera plus systématiquement dans le dossier soumis à l’examen du comité puisque, dans un souci de simplification, ce dernier n’interviendra qu’à la demande de la caisse.

À réception du certificat médical, la caisse devra transférer à l’employeur une copie du certificat par tout moyen conférant date certaine de sa réception. Dès réception, l’employeur disposera d’un délai de 10 jours francs pour émettre des réserves motivées que la caisse devra ensuite transmettre sans délai à son médecin-conseil. S’il l’estime nécessaire, ou au regard des réserves, celui-ci enverra au seul salarié un questionnaire médical qui devra être retourné dans un délai de 20 jours francs. Il est même envisageable que de la part des employeurs ces réserves deviennent systématiques car elles leur ouvrent des possibilités de contestation des décisions de la caisse.

La CPAM ou la MSA dispose d’un délai de trois mois, qui commence à courir à partir de la date à laquelle l’organisme de sécurité sociale a reçu le dossier complet, pour se prononcer.

La CPAM ou la MSA procède, sous forme de questionnaire, à un examen sur les circonstances ou la cause de la maladie, ou à une enquête, obligatoire en cas de décès du salarié, dans l’un des cas suivants :

• présence de réserves motivées de l’employeur sur le caractère professionnel de la maladie ;

• la CPAM ou la MSA elle-même l’estime nécessaire.

L’organisme de sécurité sociale informe le salarié et l’employeur de cette démarche avant l’expiration du délai d’instruction.

La CPAM ou la MSA peut aussi soumettre l’intéressé à un examen médical par un médecin-conseil.

La reconnaissance de la maladie professionnelle est soumise à l’avis du CRRMP dans les cas suivants :

• la maladie figure au tableau des maladies professionnelles mais n’a pas été contractée dans les conditions précisées dans le tableau, et il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel du demandeur. La CPAM doit alors consulter le CRRMP. Elle est alors liée à l’avis du CRRMP40 ;

• la maladie ne figure pas au tableau des maladies professionnelles mais il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail et qu’elle a entraîné une incapacité permanente d’au moins 25 % (ou le décès).

Le CRRMP dispose alors de quatre mois pour rendre son avis argumenté (ainsi que deux mois supplémentaires lorsqu’un examen ou une enquête complémentaire est nécessaire)41. Le délai d’instruction de la CPAM ou de la MSA n’est pas prolongé du fait que le CRRMP a été saisi. Le délai est juste suspendu le temps que le CRRMP rende son avis.

À la fin de l’examen du dossier, la CPAM ou la MSA adresse sa décision avec les explications qui la justifient à l’intéressé ou à ses ayants droit en cas de décès. L’organisme adresse également sa décision à l’employeur et au médecin traitant.

Si la caisse ne répond pas à une demande de reconnaissance de maladie professionnelle dans le délai imparti, la demande est réputée acceptée42.

2 – Contentieux et voies de recours

Si le caractère professionnel de la maladie professionnelle n’est pas reconnu, la décision précise les voies et délais de recours. Dans l’hypothèse où le caractère professionnel est reconnu, l’employeur peut contester cette décision. L’étude du dossier est faite par le CRRMP. Afin de respecter le principe du contradictoire, l’information des parties est préalable.

La caisse doit informer la victime, ses ayants droit et l’employeur sur la procédure d’instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief, cela avant de transmettre le dossier au CRRMP.

Une procédure d’instruction de 120 jours débute pour permettre au CRRMP de rendre un avis sur le lien entre la maladie et le travail. Le collège d’experts du CRRMP peut étudier l’ensemble de la carrière professionnelle du salarié concerné. Il devra établir si la pathologie a un lien suffisant avec le travail.

Lorsque la CPAM informe de la transmission du dossier au CRRMP, elle précise les dates d’ouverture de la période d’enrichissement du dossier. Cette période permet à chacun de compléter le dossier qui sera examiné par le CRRMP de tout élément qu’il souhaite porter à sa connaissance. Elle est constituée de deux étapes :

• un premier délai de 30 jours permettant au salarié et à l’employeur de consulter le dossier et d’y ajouter tout élément qui n’y figurerait pas encore et qu’ils souhaiteraient porter à la connaissance du CRRMP. La CPAM pourra également ajouter, dans ce même laps de temps, tout élément nécessaire au CRRMP pour prendre sa décision ;

• un second délai de 10 jours durant lequel le dossier reste accessible en consultation avec la possibilité pour le salarié et l’employeur de formuler de simples observations (sans ajout de nouvelles pièces).

Cette phase contradictoire ne concerne pas les pièces médicales du dossier destiné au CRRMP qui sont :

• le rapport médical du médecin-conseil à destination du CRRMP ;

• l’avis motivé adressé par le médecin du travail au médecin-conseil de l’Assurance maladie.

Ces éléments d’ordre médical ne sont pas consultables. Ils sont communiqués au salarié et à l’employeur après demande expresse, uniquement par l’intermédiaire d’un médecin désigné par l’intéressé et avec l’accord de ce dernier.

Quatre mois environ après avoir reçu le dossier, le CRRMP rend sa décision et la caisse d’assurance maladie informe de la décision le salarié et l’employeur.

Si le CRRMP a conclu à la reconnaissance de la maladie professionnelle, il est possible d’interjeter appel. L’avis du comité s’impose à la caisse43 et aux juges44. En effet, Il a été jugé qu’il n’est pas possible d’admettre l’origine professionnelle de la pathologie du salarié sans au préalable recueillir l’avis d’un CRRMP45. Ainsi les juges sont soumis aux obligations procédurales qui gouvernent normalement l’instruction des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles par les caisses de sécurité sociale.

La décision de la caisse, qui doit être motivée en cas de refus de prise en charge au titre de la maladie professionnelle, précise les voies formelles et les délais de recours, notamment l’obligation de le motiver si le caractère professionnel de la maladie professionnelle n’est pas reconnu.

Le recours contentieux se fait devant le pôle social du tribunal judiciaire46. La voie contentieuse implique la saisine d’un autre CRRMP que celui initialement saisi47. Les juges du fond n’ont pas l’opportunité de déroger à cette règle et ne peuvent statuer sur le caractère professionnel de la pathologie sans requérir cet avis. Cette obligation vaut pour la cour d’appel lorsque les premiers juges ont méconnu cette exigence. En cas d’irrégularité des avis, celui demandé par le pôle social du tribunal judiciaire dans le cadre du recours contentieux de l’employeur oblige la cour d’appel à saisir un nouveau comité régional. En effet, elle ne peut statuer sur la reconnaissance de la pathologie qu’au vu d’un avis conforme.

II – Reconnaissance implicite

Les règles de procédure sont loin d’être neutre et sans intérêt.

Si les règles de procédure, notamment le respect par la caisse de son obligation d’information (A), ne sont pas respectées, elles peuvent entraîner diverses conséquences dont une reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie (B). La présente espèce en est une application.

A – Obligation d’information de la CPAM

Les juges du fond sont invités à apprécier la correcte information concernant le délai de consultation du dossier par les parties lors de la procédure d’instruction, mais aussi l’étendue de l’information (par exemple les différentes phases de consultation/observations ou consultation/sans observations48) et à en tirer les conséquences qui s’imposent49. La question se pose de savoir si cela peut avoir comme conséquence une reconnaissance implicite de la maladie professionnelle de la victime : c’est à cette conclusion qu’est arrivée la présente décision.

B – Application

En cas de refus de prise en charge de la maladie, la décision motivée de la caisse est notifiée avec mention des voies et délais de recours. La décision revêt, dès sa notification à la personne concernée, un caractère définitif à son égard. Il ressort de l’étude de la chronologie des événements ayant donné lieu à la présente affaire que les règles relatives aux notifications des décisions de la CPAM n’ont pas été respectées. Les juges en ont induit une reconnaissance implicite du caractère professionnel de la maladie.

Notes de bas de pages

  • 1.
    M. Richevaux, « Coronavirus et maladies professionnelles », LPA 30 avr. 2021, n° LPA154f7 ; « Covid-19 : Le monde d’après », Cah. CEDIMES HS/2020 ; « Covid-19 : le monde d’après (suite) », Cah. CEDIMES HS/2021.
  • 2.
    CSS, art. R. 142-1 et CSS, art. R. 142-18.
  • 3.
    CSS, art. R. 142-1 et CSS, art. R. 142-18, ensemble les règles gouvernant l’autorité de la chose décidée.
  • 4.
    CSS, art. R. 142-1 et CSS, art. R. 142-18.
  • 5.
    CPC, art. 31 ; ensemble CSS, art. R. 142-1 et CSS, art. R. 142-18.
  • 6.
    CSS, art. L. 461-1, CSS, art. R. 441-10, CSS, art. R. 441-14, dans leur rédaction applicable au litige ; CSS, art. R. 461-9, alors applicable.
  • 7.
    CSS, art. R. 142-1, al. 1er et 2 ; CSS, art. R. 142-18, al. 1er.
  • 8.
    CPC, art. 620, al. 1er ; CPC, art. 1015.
  • 9.
    M. Caron, « Maladie professionnelle reconnue par le CRRMP », BJT juin 2019, n° BJT111s0, p. 34 ; J. Bourdeoiseau, « Du droit des risques professionnels », GPL 12 janv. 2016, n° GPL253w4 ; D. Ménal, « La reconnaissance des maladies professionnelles », RFAS 2008/2-3, p. 205 à 212.
  • 10.
    M. Keim-Bagot, « Faut-il élargir le champ des maladies professionnelles », Dr. soc. 2017, p. 929.
  • 11.
    CSS, art. R. 461-3.
  • 12.
    M. Richevaux, « Le cancer de la prostate dû aux pesticides et aux chlordécones reconnu comme maladie professionnelle : peut mieux faire », Actu-Juridique.fr, à paraître, n° AJU004l4.
  • 13.
    CSS, art. R. 461-3, ann., tableau n° 100.
  • 14.
    D. Ménal, « La reconnaissance des maladies professionnelles », RFAS 2008/2-3, p. 205 à 212.
  • 15.
    É. Tamion, « La contestation par l’employeur de la prise en charge des accidents du travail et maladies professionnelles », LPA 10 févr. 2017, n° LPA123y1.
  • 16.
    D. n° 2019-356, 23 avr. 2019, relatif à la procédure d’instruction des déclarations d’accidents du travail et de maladies professionnelles du régime général : JO, 25 avr. 2019 ; « L’instruction des déclarations d’AT/MP du régime général », GPL 28 mai 2019, n° GPL353f9 ; BJT juin 2021, n° BJT200d8, note D. Ronet-Yague ; D. Ronet-Yague, « La reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles : nouveautés procédurales », GPL 17 sept. 2019, n° GPL359k2.
  • 17.
    M.-A. Godefroy et M. Courtois d’Arcollières, « Les nouveaux délais de la procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles », SSL, n° 1863.
  • 18.
    CSS, art. R. 461-1 à CSS, art. R. 461-8.
  • 19.
    CSS, art. L. 461-1 à CSS, art. L. 461-8.
  • 20.
    CSS, art. R. 441-10 à CSS, art. R. 441-17.
  • 21.
    CERFA n° 16130*01 – Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM).
  • 22.
    CSS, art. R. 441-2, al. 2 nouv.
  • 23.
    CSS, art R. 441-3 nouv.
  • 24.
    É. Vergès, G. Vial et O. Leclerc, Droit de la preuve, 2015, PUF.
  • 25.
    CSS, art. R. 461-9, II, al. 2 nouv.
  • 26.
    CSS, art. R. 461-9 nouv.
  • 27.
    CSS, art. R. 441-14.
  • 28.
    CSS, art. R. 461-9, II, nouv.
  • 29.
    CSS, art. R. 461-10, der. al., nouv.
  • 30.
    CSS, art. R. 441-18 nouv.
  • 31.
    CSS, art. L. 461-5.
  • 32.
    CSS, art. R. 461-9, I, al. 2.
  • 33.
    CSS, art. R. 461-10 nouv.
  • 34.
    CSS, art. R. 461-10 nouv.
  • 35.
    CSS, art. R. 441-14.
  • 36.
    Cass. 2e civ., 5 avr. 2007, n° 06-13663.
  • 37.
    CSS, art. R. 441-8, II, al. 2 nouv. ; CSS, art. R. 461-9, III, al. 3 nouv.
  • 38.
    CSS, art. R. 461-9, III, al. 1er nouv.
  • 39.
    CSS, art. R. 461-9, I, al. 2 nouv.
  • 40.
    CSS, art. L. 461-1, al. 5.
  • 41.
    CSS, art. D. 461-3.
  • 42.
    CSS, art. R. 441-10 et CSS, art. R. 441-14.
  • 43.
    CSS, art. L. 461-1, al. 5.
  • 44.
    M. Keim-Bagot, « CRRMP : le juge de la sécurité sociale soumis aux mêmes obligations qu’une caisse primaire d’assurance maladie », obs. sous Cass. 2e civ., 21 sept. 2017, n° 16-18088, F-PB : Cah. soc. déc. 2017, n° CSB121z3.
  • 45.
    M. Michalletz, « Appréciation juridictionnelle du caractère professionnel de la maladie lors d’une action en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur : procédure applicable », JCP S 2017, 1360.
  • 46.
    CSS, art. L. 211-16 ; CSS, art. L. 311-15 ; CSS, art. R. 142-17-2 ; COJ, art. D. 211-10-3 ; COJ, art. D. 311-12-1 ; L. n° 2019-222, 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice : C. Bléry, « Réforme du contentieux de la sécurité sociale et de l’action sociale », Dalloz actualité, 7 sept. 2018.
  • 47.
    CSS, art. R. 142-17-2.
  • 48.
    Cass. 2e civ., 13 mars 2014, n° 13-12509 : JCP S 2014, 1291, note M. Michalletz – Cass. 2e civ., 9 mars 2017, n° 15-29070 : JCP S 2017, 1121, note T. Tauran – Cass. 2e civ., 21 sept. 2017, n° 16-26842 : JCP S 2017, 1373, note D. Asquinazi-Bailleux.
  • 49.
    Cass. 2e civ., 25 nov. 2021, n° 20-15574, P.
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