Gérer les congés payés à l’approche de l’été
La loi d’adaptation au droit de l’Union européenne n° 2024-364 du 22 avril 2024 a mis en conformité le droit français avec le droit européen sur l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie. L’occasion de rappeler, à l’approche de l’été, les règles applicables en matière de gestion des congés payés…
L’année de référence (ou période d’acquisition), qui sert à déterminer les droits à congés payés (CP), est fixée par un accord d’entreprise ou par la convention collective1.
Elle s’étend généralement du 1er juin de l’année précédente au 31 mai de l’année en cours. Certaines conventions collectives prévoient des périodes différentes. Tel est le cas par exemple des secteurs du BTP ou des spectacles qui fixent une période du 1er avril au 31 mars.
La période de prise des CP
La période de prise des congés désigne la période au cours de laquelle le salarié peut poser ses congés. Elle peut être fixée par un accord d’entreprise ou par la convention collective. À défaut, elle est fixée par l’employeur après avis du CSE (comité social et économique) s’il existe dans l’entreprise.
Les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.
L’ordre des départs en congé est déterminé par l’employeur, généralement après avoir recueilli les souhaits des salariés, en tenant compte de :
• la situation de famille des bénéficiaires, notamment les possibilités de congé – dans le secteur privé ou la fonction publique – du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ainsi que la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie ;
• les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané ;
• leur ancienneté au sein de l’entreprise ;
• leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs.
L’employeur doit informer les salariés de leurs dates de congés deux mois au moins avant la date de départ.
Il peut refuser une demande de départ en congé d’un salarié, mais ce refus ne doit pas être abusif. Il peut être justifié, par exemple, par la continuité du service, une forte activité ou des circonstances exceptionnelles.
L’employeur ne peut pas modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue, sauf circonstances exceptionnelles : commandes imprévues de nature à sauver l’entreprise et/ou des emplois, remplacement d’un salarié décédé, etc2.
Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur doit organiser les départs en congé afin que tous les congés payés soient pris en fin de période, hors absences imprévues.
Les congés non pris en fin de période sont donc en principe perdus sauf en cas de :
• décompte de la durée du travail sur l’année ;
• congés non pris pour cause d’accident ou de maladie ;
• congés non pris pour cause de congé parental total ;
• congés non pris en raison d’un congé pour création d’entreprise ou congé sabbatique ;
• congés affectés sur un compte épargne-temps3.
Il incombe toutefois à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. Ce n’est pas au salarié de démontrer que son employeur lui a refusé tout congé pour une année ou qu’il n’a pas pris ses congés payés, mais à l’employeur de prouver qu’il a accompli les diligences pour que le salarié prenne ses congés. En outre, en cas de litige, la preuve de la prise effective des congés par le salarié incombe à l’employeur, le fait que ces congés soient mentionnés sur le bulletin de paie ne suffisant pas à prouver qu’ils ont été réellement pris4.
L’acquisition des CP
Le salarié a droit à un congé de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif dans la même entreprise, quel que soit son contrat de travail (CDI, CDD, contrat d’intérim) et qu’il travaille à temps plein ou à temps partiel.
Pour une année complète de travail, la durée totale du congé acquis est donc de 30 jours ouvrables soit 5 semaines5.
Lorsque le calcul des congés n’aboutit pas à un nombre entier, la durée des congés doit être arrondie au chiffre supérieur6.
Certaines périodes d’absences sont prises en compte pour le calcul du nombre de jours de congés payés7. Il s’agit :
• des périodes de congés payés ;
• des périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption ;
• des contreparties obligatoires sous forme de repos compensateur ;
• des jours de repos accordés dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine ;
• des périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail, de maladie professionnelle, ou de maladie non professionnelle ;
• des périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national.
Depuis le 24 avril 2024, l’ensemble des arrêts maladie constitue donc des périodes assimilées à du temps de travail effectif, quelle que soit leur durée. Autrement dit, ces absences doivent être prises en compte pour calculer les droits à congé annuel du salarié.
Toutefois, selon le motif de l’arrêt maladie (professionnel ou non professionnel), les droits à congés payés annuels sont calculés différemment.
Si la maladie est non professionnelle, le salarié acquiert 2 jours ouvrables (et non pas 2,5 jours) de congé par mois d’absence, soit 24 jours ouvrables s’il a été absent toute la période d’acquisition8.
Si la maladie est professionnelle ou si le salarié est arrêté à cause d’un accident du travail, celui-ci acquiert 2,5 jours ouvrables de congé par mois d’absence, dans la limite de 30 jours ouvrables par période d’acquisition9.
Ce nouveau système de décompte impose donc désormais aux entreprises la mise en place d’un double compteur de congés payés : un compteur « classique » et un compteur « arrêt de travail pour maladie non professionnelle ».
Par ailleurs, les salariés de moins de 21 ans au 30 avril de l’année précédente peuvent demander à bénéficier d’un congé annuel de 30 jours ouvrables. Ils peuvent ainsi prendre 30 jours ouvrables de congés payés par an, même s’ils n’ont pas travaillé suffisamment pour tous les acquérir. L’employeur est tenu de leur donner ces jours de congé supplémentaires à leur demande, mais il n’a pas à les rémunérer, sauf usage, disposition contractuelle ou conventionnelle plus favorable. En effet, aucune indemnité n’est due pour les jours supplémentaires complétant les jours acquis10.
Les salariés de moins de 21 ans au 30 avril de l’année précédente, jeunes parents, bénéficient de 2 jours de congé supplémentaires par enfant à charge (enfant de moins de 15 ans ou enfant handicapé vivant au foyer), ces 2 jours s’ajoutant aux 30 jours ouvrables légaux. Ce congé est réduit à 1 jour si le droit à congé légal n’excède pas 6 jours.
Les salariés âgés de 21 ans ou plus au 30 avril de l’année précédente bénéficient également de 2 jours de congé supplémentaires par enfant à charge mais sans que le cumul du nombre des jours de congé supplémentaires et des jours de congé annuel puisse excéder 30 jours ouvrables. En pratique, seuls les salariés n’ayant pas acquis les 30 jours de congé annuels bénéficient donc de ces 2 jours supplémentaires11.
Sachez également que les apprentis ont droit à un congé supplémentaire de 5 jours ouvrables rémunérés pour la préparation directe des épreuves, pendant le mois qui précède les épreuves12.
Enfin, les étudiants salariés justifiant d’une inscription valide et en cours au sein d’un établissement préparant à l’obtention d’un diplôme d’enseignement supérieur ont droit à un congé supplémentaire non rémunéré de 5 jours ouvrables par tranche de 60 jours ouvrables travaillés prévus par leur contrat de travail. Ce congé est à prendre dans le mois qui précède les examens13.
La prise des CP
La durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut pas en principe excéder 24 jours ouvrables. Il peut être dérogé individuellement à cette limite pour les salariés qui justifient de contraintes géographiques particulières ou de la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie.
Les congés payés sont donc en principe répartis sur au moins 2 périodes au cours de l’année :
• le congé principal de 4 semaines ;
• une cinquième semaine.
Lorsque le congé principal ne dépasse pas 12 jours ouvrables, il doit être continu.
Lorsque le congé principal est d’une durée supérieure à 12 jours ouvrables, il peut être fractionné avec l’accord du salarié. Cet accord n’est pas nécessaire lorsque le congé a lieu pendant la période de fermeture de l’établissement.
Une des fractions doit alors être au moins égale à 12 jours ouvrables continus compris entre 2 jours de repos hebdomadaire.
À défaut d’accord d’entreprise ou de convention collective prévoyant le fractionnement des congés, la fraction continue d’au moins 12 jours ouvrables est fixée pendant la période du 1er mai au 31 octobre, les autres jours pouvant être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre.
Deux jours ouvrables de congé supplémentaires (dits congés de fractionnement) sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est au moins égal à 6 et 1 jour ouvrable de congé supplémentaire est attribué lorsque ce nombre est compris entre 3 et 5 jours14.
Les reports des CP non pris en raison d’un arrêt maladie et l’obligation d’information de l’employeur
Si le salarié n’a pas pu prendre tout ou partie de ses congés au cours de la période de prise de congés en raison de sa maladie, professionnelle ou non, il bénéficie d’un report.
Le délai de report est de 15 mois maximum (sauf si un accord d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe une durée de report supérieure).
Les congés payés non pris par le salarié à l’issue de ce délai de 15 mois sont perdus.
Depuis le 24 avril 2024, après un arrêt de travail pour maladie ou accident, l’employeur doit désormais informer le salarié du nombre de jours de congé dont il dispose (soit le nombre de jours acquis) ainsi que de la date jusqu’à laquelle ces jours de congé peuvent être pris (soit le délai dont le salarié dispose pour les poser).
Cette information doit être réalisée par tout moyen qui permet d’assurer sa bonne réception par le salarié (lettre recommandée avec accusé de réception, lettre remise en main propre contre décharge, mail ou bulletin de paie), dans le délai d’un mois qui suit la reprise du travail, et après chaque arrêt.
Cette information conditionne le point de départ du délai de report.
Lorsque le salarié reprend son travail, la période de report débute au moment où l’employeur informe le salarié de ses droits à congés, acquis avant et pendant sa maladie, et du délai de report.
Pour les congés acquis pendant l’absence pour maladie, le délai de report de 15 mois commence, non pas à la reprise du travail, mais à la fin de la période d’acquisition des congés. Cela concerne les salariés en arrêt maladie depuis plus d’un an et qui n’ont pas repris le travail au moment où la période d’acquisition se termine.
Ainsi, si le salarié revient dans l’entreprise après la fin de la période d’acquisition, mais avant l’expiration de la période de report de 15 mois, le point de départ de la fraction restante de cette période de report sera la date à laquelle l’employeur lui a donné l’information sur ses droits à congés.
Si le salarié ne reprend pas son travail à l’issue du délai de report, les congés payés sont perdus à l’issue de celui-ci, sans que l’employeur n’ait été obligé d’en informer le salarié15.
Les demandes de régularisation des congés acquis durant un arrêt maladie
Pour les contrats de travail en cours, les salariés ayant été placés en arrêt maladie entre le 1er décembre 2009 et le 23 avril 2024 peuvent, jusqu’au 24 avril 2026, demander à leur employeur la régularisation et la prise des congés payés qui auraient dû être acquis pendant leur(s) arrêt(s).
Pour les contrats de travail rompus avant le 24 avril 2024, le salarié peut uniquement demander le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés pour les congés qui auraient dû être acquis durant un ou plusieurs arrêt(s) maladie au cours des trois dernières années16.
L’incidence de l’arrêt maladie avant le départ en congés
Lorsqu’un salarié est en arrêt maladie (maladie non professionnelle, maladie professionnelle ou accident du travail) avant son départ prévu en congé, il a droit au report de ses congés payés après la date de reprise du travail à la suite de sa maladie.
Les congés payés acquis non pris ne sont donc pas perdus.
Une nouvelle période de congés doit lui être accordée, que ce soit durant la période de prise de congés en cours dans l’entreprise ou au-delà.
L’employeur qui refuserait à un salarié de reporter les congés acquis mais non pris en raison d’un arrêt de travail peut être condamné à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi17.
L’incidence de l’arrêt maladie pendant les congés
Le salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés payés ne peut pas bénéficier du report ou de la prolongation de ses vacances.
Si son arrêt maladie se termine avant la fin de ses congés, il reprend son travail à la date prévue de fin de ses congés. Son congé n’est pas prolongé de la durée de l’arrêt maladie.
Si son arrêt maladie se termine après la fin de ses congés, il convient de se référer à la convention collective applicable dans l’entreprise qui peut prévoir le report des jours de congé du salarié ou le versement d’une indemnité compensatrice18.
Notez que le droit européen considère que l’employeur est tenu de procéder au report des congés du salarié malade durant ses congés payés. Cette position n’est toutefois pas confirmée par le droit français. Mais il est possible que, dans les mois ou les années à venir, la Cour de cassation demande au législateur français de se mettre en conformité sur ce point avec le droit européen, comme elle a été amenée à le faire s’agissant de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie19.
L’incidence d’un jour férié pendant les congés
L’incidence d’un jour férié sur les congés payés dépend du décompte en jours ouvrables ou en jours ouvrés des congés payés.
Si le décompte se fait en jours ouvrables :
Le jour férié chômé dans l’entreprise n’étant pas considéré comme un jour ouvrable, il prolonge les congés payés de 1 jour lorsqu’il est compris pendant une période de congés payés. En pratique, l’employeur neutralise le jour férié dans le calcul du nombre de jours de congé pris par le salarié.
Il en est de même lorsque le jour férié coïncide avec un jour non travaillé en raison de la répartition de l’horaire de travail (un samedi ou un lundi).
En revanche, quand un jour férié tombe un dimanche (c’est le cas du 14 juillet cette année), il n’y a pas d’incidence sur le décompte des jours de congés payés.
Si le décompte se fait en jours ouvrés :
Lorsqu’un jour férié tombe un jour habituellement non travaillé, cela n’a pas d’incidence sur le nombre de jours de congés payés à décompter, dès lors que les salariés ont droit, en application de dispositions conventionnelles, à un nombre de jours de congés payés supérieur à celui prévu par la loi.
En revanche, lorsque le décompte en jours ouvrés est une simple transposition du décompte légal en jours ouvrables, le congé doit alors être prolongé d’une journée lorsque le jour férié coïncide avec un jour ouvrable non travaillé dans l’entreprise.
L’incidence de la rupture du contrat de travail sur les congés
Un salarié peut prendre des congés payés pendant son préavis (licenciement, démission ou départ en retraite). Dans ce cas, les congés payés et le préavis ne se confondent pas.
Les conséquences sur le préavis changent si les congés payés ont été prévus avant ou après la notification de rupture du contrat.
Les congés payés prévus et validés par l’employeur avant la notification de la rupture du contrat de travail reportent le préavis. Le préavis est suspendu pendant la durée des congés payés. Il est ensuite prolongé d’une durée équivalente au nombre de jours de congés payés pris.
Les congés payés pris après la notification de la rupture ne reportent pas le préavis. Le salarié ou l’employeur ne peuvent pas imposer la prise de congés pendant le préavis. Ils peuvent toutefois convenir d’un commun accord de fixer une période de congés payés pendant le préavis. Le préavis n’est alors pas suspendu par les congés payés. Cependant, l’employeur et le salarié peuvent décider que le préavis soit suspendu20.
Notes de bas de pages
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1.
C. trav., art. L. 3141-10.
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2.
C. trav., art. L. 3141-12 à L. 3141-16.
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3.
C. trav., art. L. 1225-54 et C. trav., art. L. 3141-22 – Cass. soc., 10 oct. 2018, n° 17-23650 – Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-14043.
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4.
Cass. soc., 13 juin 2012, n° 11-10929 – Cass. soc., 31 mai 2018, n° 17-14107 – Cass. soc., 29 sept. 2021, n° 19-19223 – Cass. soc., 6 juill. 2022, n° 21-12223.
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5.
C. trav., art. L. 3141-3.
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6.
C. trav., art. L. 3141-7.
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7.
C. trav., art. L. 3141-5.
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8.
C. trav., art. L. 3141-5-1.
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9.
C. trav., art. L. 3141-3.
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10.
C. trav., art. L. 3164-9.
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11.
C. trav., art. L. 3141-8 – Cass. soc., 15 mars 2023, n° 20-20995.
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12.
C. trav., art. L. 6222-35.
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13.
L. n° 2015-990 du 6 août 2015, art. 96.
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14.
C. trav., art. L. 3141-17 à L. 3141-19 et C. trav., art. L. 3141-23 à L. 3141-24.
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15.
L. n° 2024-364, 22 avr. 2024, art. 37 – C. trav., art. L. 3141-19-1 à L. 3141-19-3.
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16.
L. n° 2024-364, 22 avr. 2024, art. 37 – C. trav., art. L. 3245-1.
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17.
Cass. soc., 27 sept. 2007, n° 05-42293 – Cass. soc., 28 févr. 2024, n° 22-19156.
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18.
Cass. soc., 13 mars 1991, n° 87-41918.
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19.
CJUE, 21 juin 2012, n° C-78/1.
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20.
C. trav., art. D. 3141-3.
Référence : AJU013o4