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La Cour de cassation apporte des précisions sur les délais de prescription en matière sociale

Publié le 02/10/2024
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Par plusieurs arrêts en date du 4 septembre 2024, la Cour de cassation a apporté des précisions sur les délais de prescription applicables en droit social.

Selon l’article L. 1471-1 du Code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Lorsque l’action porte sur la rupture du contrat de travail, le délai de prescription est de douze mois à compter de la notification de la rupture.

Ces délais ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire, et aux actions exercées en réparation d’un préjudice résultant d’une discrimination, d’un harcèlement moral ou d’un harcèlement sexuel.

L’article L. 1134-5 du Code du travail précise que l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

De son côté, l’article L. 3245-1 du Code du travail pose le principe d’un délai de prescription triennal pour le paiement des salaires : l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Enfin, le délai de prescription de droit commun prévu par l’article 2224 du Code civil est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Ce délai s’applique à toutes les actions qui ne relèvent d’aucun texte spécial.

Les apports jurisprudentiels du 4 septembre 2024

Le paiement du salaire relevant de l’exécution du contrat de travail, les juges doivent faire la distinction entre les actions relevant du délai biennal de l’article L. 1471-1 du Code du travail et celles relevant du délai triennal de l’article L. 3245-1 du même code.

Par plusieurs arrêts en date du 30 juin 2021, la Cour de cassation avait déjà posé le principe selon lequel le délai de prescription est déterminé par la nature de la créance invoquée.

Elle avait ainsi jugé que l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale1, de même que la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet2, ainsi que la demande de rappel de salaire fondée sur une atteinte au principe d’égalité de traitement3.

En revanche, la demande de requalification d’un contrat de mission intérimaire en contrat à durée indéterminée, se rattachant à une action portant sur l’exécution du contrat de travail à titre principal, se voit appliquer la prescription biennale4.

Quant à la demande de versement de gratification afférente à la médaille du travail, fondée sur des faits de discrimination à raison de l’âge, elle relève de la prescription quinquennale de l’article L. 1134-5 du Code du travail dans la mesure où cette action a pour objet de réparer un préjudice né de ces faits5.

Le 4 septembre 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a apporté des précisions complémentaires intéressantes sur les délais de prescription dans plusieurs arrêts.

Dans une première affaire, les demandes du salarié portaient sur le transfert, refusé par l’employeur, de jours de RTT (réduction du temps de travail) non pris sur un PERCO (plan d’épargne pour la retraite collectif) prévu par un accord collectif de la branche du BTP (bâtiment et travaux publics) auquel le salarié estimait pouvoir adhérer directement6.

Les juges ont considéré que l’action en paiement de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et pour préjudice moral, qui porte sur l’exécution du contrat de travail, se prescrit par deux ans.

En revanche, la demande relative au versement sur le plan d’épargne pour la retraite collectif de sommes correspondant à des jours de RTT a une nature salariale et se prescrit par trois ans.

De même, l’indemnité pour jours de RTT non pris, qui correspond au montant de la rémunération légalement due en raison de l’exécution d’un travail, a une nature salariale et se prescrit par trois ans.

Dans une seconde affaire, une salariée, qui contestait son licenciement, sollicitait le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaires et d’indemnités7.

La Cour juge que l’action en paiement d’une indemnité pour repos compensateur de remplacement non pris, en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation d’information du salarié sur le nombre d’heures de repos compensateur portées à son crédit, qui se rattache à l’exécution du contrat de travail, relève de la prescription biennale prévue à l’article L. 1471-1 du Code du travail. Lorsque l’employeur n’a pas respecté cette obligation, la prescription a pour point de départ le jour où le salarié a eu connaissance de ses droits et, au plus tard, celui de la rupture du contrat de travail.

Dans une troisième affaire, soutenant avoir été victime de travail dissimulé caractérisé par le non-paiement volontaire par l’employeur d’heures supplémentaires et avoir également subi un harcèlement moral, le salarié avait saisi la juridiction prud’homale afin que son licenciement soit dit nul et que son employeur soit condamné à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. Le litige portait sur le délai de prescription applicable à chaque demande8.

La Cour de cassation considère que l’action en paiement d’une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, qui naît lors de la rupture du contrat en raison de l’inexécution par l’employeur de ses obligations, porte sur l’exécution du contrat et est donc soumise à la prescription biennale prévue par l’article L. 1471-1 du Code du travail.

Elle rappelle par ailleurs, que, conformément aux dispositions de l’article L. 1471-1 du Code du travail, lorsque le fondement de l’action du salarié repose sur un harcèlement moral dont il est victime, la prescription de deux ans est exclue. Dès lors, la Cour affirme, pour la première fois à notre connaissance, que l’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par cinq ans lorsqu’elle est fondée sur le harcèlement moral.

Précisons enfin que, dans un autre arrêt rendu le même jour9, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure sur l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours en rappelant qu’elle est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du Code du travail.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. soc., 30 juin 2021, n° 18-23932.
  • 2.
    Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-10161.
  • 3.
    Cass. soc., 30 juin 2021, n° 20-12960.
  • 4.
    Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-16655.
  • 5.
    Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-14543.
  • 6.
    Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 23-13931.
  • 7.
    Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 22-20976.
  • 8.
    Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 22-22860.
  • 9.
    Cass. soc., 4 sept. 2024, n° 23-10710.
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