Licenciement et dénonciation de harcèlement moral

Publié le 17/08/2023
Licenciement et dénonciation de harcèlement moral
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Une décision de la Cour de cassation tend à renforcer la position du salarié en tant que victime du harcèlement qu’il dénonce.

Cass. soc., 19 avr. 2023, no 21-21053

Sauf mauvaise foi de sa part, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits de harcèlement moral qu’il dénonce, le salarié ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation. Ayant constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée d’avoir adressé aux membres du conseil d’administration de l’association qui l’employait une lettre pour dénoncer le comportement de son supérieur hiérarchique en l’illustrant de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, de sorte que l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que, par cette lettre, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral, la cour d’appel a pu retenir que le grief énoncé dans la lettre de licenciement était pris de la relation d’agissements de harcèlement moral. Dès lors, ayant estimé que la mauvaise foi de la salariée n’était pas démontrée, la cour d’appel en a déduit à bon droit que le grief tiré de la relation par l’intéressée d’agissements de harcèlement moral emportait à lui seul la nullité du licenciement.

Il s’agit là d’un important arrêt sur le licenciement suivant une dénonciation de harcèlement moral1 qui, après un rappel de la législation y afférente2, pose la question de la qualification de harcèlement moral mais surtout celle de la protection, contre le licenciement ou autre sanction, du salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral (I) et de ses limites en cas de mauvaise foi (II) qui est de nature à supprimer la protection.

Le salarié est protégé contre le harcèlement moral3 mais on sait aussi que, le salarié – qui n’a pas la charge de la preuve – doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement4 ; la preuve est néanmoins particulièrement difficile à fournir.

I – Dénonciation de harcèlement moral

La preuve du harcèlement provient le plus souvent de témoignages de collègues de la victime, d’où l’intérêt de protéger ceux qui, sauf mauvaise foi, témoignent en faveur d’une victime de harcèlement moral5 ou qui en sont eux-mêmes victimes, justifiant la nullité des licenciements ou autres mesures prises à leur égard par l’employeur6.

Pour pouvoir bénéficier de la protection contre le licenciement (A), le salarié qui dénonce des faits de harcèlement doit les qualifier juridiquement (B), ce qui exclut du champ envisagé certaines formes, pourtant nombreuses et parfois graves, de souffrances au travail7, non prises en compte par le droit du travail8.

A – Protection contre le licenciement de celui qui dénonce un harcèlement moral

Le salarié bénéficie du droit de dénoncer les agissements de harcèlement dont il a été lui-même victime ou ceux concernant d’autres salariés, dont il a été témoin9, ce qui était au cœur de la présente décision. Il en découle la possibilité de témoigner ou de relater des agissements de harcèlement moral, sans que cela soit susceptible d’une quelconque sanction. Le principe est celui de la nullité des mesures patronales fondées sur le harcèlement et ses conséquences10. La rupture du contrat de travail en raison du harcèlement ou du témoignage relatif au harcèlement produit les effets d’un licenciement nul11.

La nullité de la mesure prononcée pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est prévue, la présente décision en est une application.

Les juges rappellent régulièrement que, sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées12 et que le licenciement prononcé par l’employeur pour un motif lié à l’exercice non abusif par le salarié de sa liberté d’expression est nul13. Cela s’applique aussi en matière de dénonciation de harcèlement moral14.

B – Qualification de harcèlement moral des faits dénoncés

Pour permettre la protection du salarié qui les a dénoncés, les faits doivent être qualifiés expressément (1) ou tacitement (2).

La qualification de harcèlement repose sur la combinaison de différents critères15 de nature à caractériser l’existence d’une situation de harcèlement moral16 : l’atteinte à la dignité du salarié17, les droits de la victime, qui sont ceux de la personne au travail18, dans une approche très large, l’impact sur la carrière professionnelle du salarié. Ces critères sont alternatifs et non cumulatifs19 et doivent être invoqués expressément ou implicitement.

1 – Harcèlement moral et qualification expresse

La qualification expresse du harcèlement moral est possible et dépend largement des conditions de travail qui peuvent être génératrices de souffrance, envisagées au travers des expressions telles que risques psychosociaux, stress, violences internes…

L’identification du harcèlement au travail20 est nécessaire, de même pour ses protagonistes, ce qui ne vise que des relations professionnelles21, et comprend les harcèlements entre salariés22. En ce qui concerne la victime du harcèlement moral : le salarié est le seul visé, ce qui exclut l’employeur23 mais pas les supérieurs hiérarchiques dès lors qu’ils sont salariés24. Tout salarié bénéficie de la protection contre le harcèlement, quelles que soient son ancienneté, l’effectif de l’entreprise et la nature de son contrat de travail25.

Le harcèlement moral nécessite un comportement répétitif qui porte atteinte aux droits de la victime, au sens de ceux de la personne au travail26, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique, pouvant prendre la forme d’une atteinte à la santé27 d’une personne mettant en péril son emploi, dégradant le climat de travail28.

La reconnaissance du harcèlement moral suppose une dégradation des conditions de travail29 qui doit être subie personnellement par le salarié victime30.

L’impact sur la carrière professionnelle du salarié est un autre effet possible du harcèlement moral qui pourra se manifester de façons très diverses31. Il ne fait aucun doute que la volonté de harceler n’est pas un élément constitutif du harcèlement32.

La diversité de ses manifestations est une des caractéristiques du harcèlement moral, qui peut être un comportement stratégique visant à écarter un salarié, un contexte de management instaurant la compétitivité et promouvant l’individualisme ou le fait d’une équipe isolant, en son sein, un bouc émissaire : aucune liste exhaustive des comportements constitutifs de harcèlement n’étant véritablement envisageable, cela amène à se limiter à des exemples d’agissements potentiellement harcelants que l’on peut catégoriser en les regroupant en tant que pratiques relationnelles contestables33, ou pratiques d’isolement34, persécution35, mise en scène de la disparition36, au titre de diverses sanctions. Mais le harcèlement managérial, s’il concerne en fait de nombreux salariés, n’est retenu comme constitutif du délit de harcèlement que sous réserve que ces méthodes se manifestent pour un salarié déterminé37… L’environnement de travail peut avoir une influence sur l’exposition des personnes au harcèlement et à la violence38.

La jurisprudence a d’abord eu, un temps, une exigence stricte de qualification expresse des faits qu’elle a par la suite atténuée.

La Cour de cassation a jugé que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s’il avait lui-même qualifié les faits d’agissements de harcèlement moral39, avec une stricte exigence au niveau du vocabulaire employé puisque l’absence des mots « harcèlement moral » dans la demande du salarié conduisait à la rejeter40.

La protection du salarié contre un licenciement en raison de faits de harcèlement moral ou de leur dénonciation est tributaire de la qualification par le salarié des faits dénoncés comme constitutifs de harcèlement moral. La Cour exigeait que le salarié qualifie les faits dénoncés de harcèlement moral. Il devait assimiler les faits à la catégorie juridique de harcèlement moral, y faire expressément référence41. Puis cette position des juges a été assouplie jusqu’à l’admission de l’implicite.

2 – Qualification implicite admise

Par la suite, il a été énoncé que l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge42 ce qui paraît plus réaliste et plus imprégné des réalités de bien des entreprises. Ce qui ouvre la porte à l’admission du caractère implicite de la qualification des faits dénoncés, comme cela a été fait dans la présente décision.

Il a été jugé, dans la présente espèce, que par la lettre de licenciement qui reprochait à la salariée d’avoir adressé à des membres du conseil d’administration de l’association employeuse une lettre pour dénoncer le comportement du directeur et de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral43.

Estimant, ensuite, que la mauvaise foi de la salariée n’est pas démontrée, la cour d’appel en déduit à bon droit que le grief tiré de la relation par l’intéressée d’agissements de harcèlement moral emporte à lui seul la nullité du licenciement44.

II – Mauvaise foi

La mauvaise foi est strictement entendue par les juges, elle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis45. Des dénonciations mensongères peuvent donner lieu à un licenciement pour faute grave46. Quoique cette preuve soit complexe, il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié connaissait clairement la fausseté de son propos lorsqu’il l’a énoncé ou qu’il a agi avec une extrême légèreté ou avec excès. La Cour ayant constaté, hors de toute dénaturation, que dans la lettre de licenciement il était reproché au salarié d’avoir accusé son employeur de harcèlement à son égard et que l’employeur n’établissait pas que cette dénonciation avait été faite de mauvaise foi, la sanction du salarié n’est pas justifiée47.

La mauvaise foi ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce48.

L’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge49. Cependant, en l’espèce, cette mauvaise foi de la salariée n’a pas été retenue, ce qui a permis de prononcer la nullité du licenciement.

Il y a donc lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’a pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation.

La dénonciation du harcèlement moral par un salarié est possible et entraîne des conséquences qui pourront lui être favorables telles que la nullité de son licenciement ainsi que des mesures disciplinaires prises à son encontre en raison de cette dénonciation, du moins en l’absence de mauvaise foi de sa part, ce qui donne un intérêt au rappel des règles applicables50 en la matière.

Les décisions qui se prononcent sur la mauvaise foi du salarié ayant dénoncé des agissements constitutifs, selon lui, de harcèlement moral sont rares, ceci s’expliquant sans doute, au moins partiellement, par l’existence d’une présomption de bonne foi51, même si ces derniers temps celle du salarié est malmenée, avec des tentatives d’instauration de présomption de fraude des salariés52.

Un salarié a soutenu que le simple fait d’évoquer la dénonciation du harcèlement moral dans la lettre de licenciement, sans explicitement alléguer de sa mauvaise foi, suffisait à faire juger nul son licenciement. Il lui a été répondu tout d’abord que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce. Il lui a également été répondu que l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge, ouvrant ainsi à l’employeur la possibilité de se prévaloir, pour la première fois devant le juge, de la mauvaise foi du salarié ayant dénoncé des faits qualifiés par lui d’actes de harcèlement moral.

Il est de principe que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n’était pas alléguée, emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement53.

Si l’employeur peut chercher à se prévaloir de la mauvaise foi du salarié en la soutenant pour la première fois devant les juges du fond, encore faut-il rapporter la preuve de cette mauvaise foi. Sur ce point, il incombe aux juridictions du fond de la caractériser, un raisonnement in abstracto ne pouvant y suffire54.

Dans une affaire, le salarié avait reproché mensongèrement à l’employeur de ne pas lui avoir donné « pendant plusieurs mois » les motifs de sa sortie de mission alors qu’ils avaient été portés à sa connaissance par écrit. Ainsi, il dénonçait des faits de harcèlement moral qu’il savait inexistants.

La protection d’un salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral l’autorise à saisir le juge des référés pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de son licenciement.

Une salariée engagée par une société et y exerçant en dernier lieu les fonctions de directrice juridique ayant été licenciée pour faute, elle avait saisi la formation de référé du conseil des prud’hommes pour obtenir l’annulation de son licenciement et sa réintégration55 puisque le licenciement est en relation avec des faits de harcèlement moral dont la salariée se prétendait victime.

La Cour de cassation énonce que le juge des référés doit se prononcer sur la mauvaise foi de la salariée lorsqu’elle avait dénoncé le harcèlement moral, ce contrôle est nécessaire pour déterminer si le licenciement de la salariée est constitutif d’un trouble manifestement illicite.

La Cour de cassation vérifie la bonne application, par les juges du fond, de la notion de trouble manifestement illicite qui permet à la formation de référé, même en présence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour le faire cesser56. Un trouble est manifestement illicite lorsque la violation d’un droit est évidente, incontestable et certaine aux yeux des juges57.

Le juge des référés ne peut prescrire que les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent. Ses pouvoirs sont donc restreints. Sauf disposition expresse l’y autorisant, le juge des référés ne peut pas prononcer la nullité d’un contrat58. De même, il n’a ni le pouvoir d’ordonner la résiliation d’un contrat de travail ni celui de prendre une mesure entraînant sa rupture59. Pour la Cour de cassation, le licenciement de la salariée est susceptible de constituer un trouble manifestement illicite.

Sauf mauvaise foi de la part du salarié, le licenciement de celui-ci dénonçant des faits de harcèlement moral est nul60. L’employeur doit prouver que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce61.

Il n’y aura pas de conséquences pour l’employeur si les faits sont majoritairement infondés62. Le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié dont la mauvaise foi n’est pas établie63 emporte à lui seul la nullité de plein droit du licenciement.

La jurisprudence retient une acception stricte de la notion de mauvaise foi, qui limite la liberté d’expression du salarié. Cependant la mauvaise foi n’est pas caractérisée pour la seule raison que les faits dénoncés ne sont pas établis64 ou bien en cas de simple diffusion d’accusations auprès d’autorités et organismes65.

Seule la dénonciation de façon mensongère de faits inexistants de harcèlement moral caractérise la mauvaise foi du salarié66. Il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié connaissait clairement la fausseté de son propos lorsqu’il l’a énoncé ou qu’il a agi avec une extrême légèreté ou avec excès, la dénonciation de mauvaise foi d’actes de harcèlement moral constitue pour le salarié une faute grave rendant impossible son maintien au sein de l’entreprise67.

Dans une espèce, un salarié a été licencié pour faute grave, semble-t-il, pour avoir dénoncé le harcèlement moral de son employeur. Or le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi68.

La dénonciation d’un harcèlement moral ne peut être prise en considération dans l’appréciation des éventuelles fautes du salarié.

Faire état de faits de harcèlement moral ne peut pas être pris en compte dans l’appréciation de la faute du salarié sauf mauvaise foi du salarié69, et la mauvaise foi est qualifiée restrictivement.

Des arguments invoqués par l’employeur posent la question de la distinction nécessaire entre la dénonciation réelle d’une situation de harcèlement moral et la réaction d’opposition par le salarié à l’exercice de ses pouvoirs par l’employeur70, et questionnent l’exercice des prérogatives managériales dans la relation employeur-employé.

Un salarié victime de harcèlement moral, ou considérant l’être, ne peut pas être sanctionné pour avoir dénoncé les agissements qu’il subit. Il appartient au juge de déterminer si la dénonciation des faits de harcèlement moral ne constituait pas la cause véritable de la sanction71, point qui fait l’objet du contrôle. Les juges du fond ont bien fait ressortir dans la motivation de leur décision que le licenciement était sans rapport avec la prétendue dénonciation de faits de harcèlement subis par un subordonné72.

Les relations employeur-employé imposent au juge de tenir compte de la façon dont l’employeur conçoit et exerce ses pouvoirs au sein de l’entreprise, et de la manière dont l’exercice de ces prérogatives est perçu par le salarié73. Il n’est pas toujours facile de distinguer s’il s’agit de l’exercice normal des pouvoirs de direction, d’un manque d’égards, d’une susceptibilité excessive du salarié74 ou encore d’une attitude hostile aux directives de l’employeur75.

Les juges du fond ne peuvent se contenter de retenir une déloyauté inacceptable de la part d’un cadre de haut niveau qui a dénoncé des faits de harcèlement moral effectués par son supérieur hiérarchique pour le débouter de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse76. Le seul fait que le licenciement soit fondé sur la dénonciation du harcèlement moral suffit à emporter de plein droit la nullité du licenciement dès lors que la mauvaise foi du salarié n’est pas constatée77, peu importe que les propos aient été diffusés78 ou non79.

La dénonciation des faits de harcèlement est parfois concomitante à la décision de rupture et à la dégradation des conditions de travail alléguées par le salarié. La jurisprudence impose aux juges du fond de caractériser la mauvaise foi du salarié. La victime peut avoir à tort estimé que les faits caractérisaient un harcèlement moral80, ou formulé des accusations, mais sans mauvaise foi de sa part81.

La rupture du contrat de travail ne peut être fondée sur la relation d’actes de harcèlement moral par le salarié dont la mauvaise foi n’est pas alléguée82, établie83 ou retenue84.

La mauvaise foi doit être rigoureusement caractérisée. La qualification de la mauvaise foi relève de l’appréciation souveraine des juges du fond85.

Le juge ne peut pas imposer à la victime d’établir le harcèlement moral pour écarter la mauvaise foi qui ne se présume pas86, mais qui peut résulter d’une déclaration mensongère87.

Il ne suffit pas de relever un comportement d’obstruction pour caractériser la mauvaise foi du salarié. La jurisprudence consacre une interprétation restrictive de la notion de « fausseté » qui se compose de deux éléments : un élément objectif (les faits dénoncés ne correspondent pas à la réalité88) et un élément subjectif (la connaissance de la fausseté des faits dénoncés89).

Toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des textes protégeant les salariés contre le harcèlement moral et les conséquences de sa dénonciation90, toute disposition contraire ou tout acte contraire est nul.

Les juges qui, constatant, hors de toute dénaturation, que dans la lettre de licenciement il était reproché au salarié d’avoir accusé son employeur de harcèlement à son égard et, que celui-ci n’établissait pas que cette dénonciation avait été faite de mauvaise foi, en déduisent exactement que ce grief emporte à lui seul la nullité du licenciement91.

Le juge des référés est compétent, en cas de licenciement à la suite de dénonciation d’un harcèlement, pour se prononcer sur la mauvaise foi de la salariée et pour déterminer si son licenciement constituait un trouble manifestement illicite92.

La présente décision paraît bien être un revirement d’une jurisprudence qui avait suscité quelques craintes en ce domaine et qui est de nature à aller dans le sens de la protection du salarié victime de harcèlement moral.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. Berlaud, « Important arrêt sur le licenciement suivant une dénonciation de harcèlement moral », obs. ss Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-21053, Actu-Juridique.fr, 9 mai 2023.
  • 2.
    C. trav., art. L. 1151-1 à L. 1155-2 – C. trav., art. L. 1152-1 à L. 1152-6.
  • 3.
    C. trav., art L. 1152-1.
  • 4.
    C. trav., art L. 1154-1.
  • 5.
    C. trav., art L. 1152-2, al. 1.
  • 6.
    C. trav., art L. 1152-3.
  • 7.
    M. Pezé, R. Saada et N. Sandret, Travailler à armes égales - souffrance au travail : comment réagir, 2011, Pearson.
  • 8.
    G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail 2023, 36e éd., 2022, Dalloz.
  • 9.
    C. trav., art. L. 1152-2.
  • 10.
    C. trav., art. L. 1152-3.
  • 11.
    Cass. soc., 20 févr. 2013, n° 11-26560 : JCP S 2013, 1250, note C. Leborgne-Ingelaere.
  • 12.
    C. trav., art. L. 1121-1 – Conv. EDH, art. 10, § 1.
  • 13.
    Cass. soc., 16 févr. 2022, n° 19-17871.
  • 14.
    C. trav., art. L. 1152-2.
  • 15.
    H. Masse-Dessen, « Une qualification en voie de clarification », RDT 2006, p. 10 – Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43152 : JCP S 2010, 1330, note C. Leborgne-Ingelaere ; JCP G 2010, act. 664, note C. Lefranc-Hamoniaux ; D. 2010, p. 1988, note G. Dedessus-Le-Moustier – Cass. soc., 16 juin 2011, n° 09-40922 : JCP S 2011, 1482, note C. Leborgne-Ingelaere.
  • 16.
    C. trav., art. L. 1152-1 : C. André, « Éléments caractéristiques du délit de harcèlement moral », JCP S 2008, 158.
  • 17.
    Cass. soc., 16 déc. 1993, n° 90-43039 – Charte sociale européenne, 3 mai 1996, art. 26-2 par L. n° 99-174, 10 mars 1999, de ratification : JO, 11 mars 1999 – D. n° 2000-110, 4 févr. 2000 : JO, 12 févr. 2000 ; S. Grévisse, « Le renouveau de la Charte sociale européenne », Dr. soc. 2000, p. 884.
  • 18.
    C. trav., art. L. 1121-1 – Cons. const., DC, 12 janv. 2002, n° 2001-455, cons. 83.
  • 19.
    Cass. soc., 10 mars 2010, n° 08-44393.
  • 20.
    C. trav., art. L. 1151-1.
  • 21.
    Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 09-41495.
  • 22.
    A. Mazeaud, « Harcèlement entre salariés : apport de la loi de modernisation », Dr. soc. 2002, p. 322.
  • 23.
    C. trav., art. L. 1152-1, l, et s.
  • 24.
    Cass. crim., 6 déc. 2011, n° 10-82266 : JCP S 2011, act. 33.
  • 25.
    Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 04-41008.
  • 26.
    C. trav., art. L. 1121-1 – Cons. const., DC, 12 janv. 2002, n° 2001-455, cons. 83.
  • 27.
    Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43152 : JCP S 2010, 1330, note C. Leborgne-Ingelaere.
  • 28.
    M.-F. Hirigoyen, Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien, 1998, Syros.
  • 29.
    Cass. soc., 16 déc. 1993, n° 90-43039 : P. Bouaziz, « Harcèlement moral dans les relations de travail. Essai d’approche juridique », Dr. ouvrier 2000, p. 192.
  • 30.
    Cass. soc., 20 oct. 2010, n° 08-19748 : JCP S 2011, 1025, note C. Leborgne-Ingelaere.
  • 31.
    Cass. soc., 16 avr. 2008, n° 06-41999.
  • 32.
    Cass. soc., 7 juin 2011, n° 09-69903.
  • 33.
    Cass. soc., 24 juin 2009, n° 07-45208 – Cass. soc., 10 févr. 2009, n° 07-44953 – Cass. soc., 16 sept. 2009, n° 08-42624 – Cass. soc., 30 juin 2009, n° 08-42959 – Cass. crim., 12 déc. 2006, n° 05-87658 – Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 07-45321.
  • 34.
    Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-69444 – Cass. soc., 24 mars 2010, n° 07-45414.
  • 35.
    Cass. soc., 23 mars 2011, n° 08-45140 – Cass. soc., 7 juill. 2009, n° 08-40034 – Cass. soc., 28 janv. 2010, n° 08-42616 : Bull. civ. V, n° 27 ; JCP S 2010, 1139, note P.-Y. Verkindt – Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 04-41008 : Bull. civ. V, n° 267 – Cass. soc., 4 avr. 2006, n° 04-43929 – Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 09-41495 – Cass. soc., 19 juin 2012, n° 11-87963 : JCP S 2013, 1093, note C. Ingelaere-Leborgne.
  • 36.
    Cass. soc., 16 juin 2011, n° 09-40922 : JCP S 2011, 1482, note C. Leborgne-Ingelaere – Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-41583 – Cass. soc., 27 oct. 2004, n° 04-41008 : Bull. civ. V, n° 267.
  • 37.
    Cass. soc., 19 janv. 2011, n° 09-67463.
  • 38.
    ANI, 26 mars 2010, sur le harcèlement et la violence au travail, art. 2 : JCP S 2010, act. 191.
  • 39.
    Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23045 : J. Icard, « La protection du salarié dénonçant le harcèlement moral est subordonnée à la dénonciation de faits qualifiés par le salarié comme du harcèlement moral », obs. ss Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23045, FP-PB, Cah. soc. oct. 2017, n° 121r0, p. 469.
  • 40.
    C. Katz, « Dénoncer ou témoigner de faits de harcèlement moral : quels risques encourus ? », AJ pénal 2010, p. 527 – J. Jardonnet, « Protection des salariés contre le harcèlement moral : mettre les (bons) mots sur les maux », obs. ss Cass. soc., 13 sept 2017, n° 15-23045, Dr. ouvrier 2017, p. 751 ; M. Keim-Bagot, « Des mots pour des maux », Dr. ouvrier 2021, p. 257.
  • 41.
    Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 15-23045.
  • 42.
    Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 18-26696.
  • 43.
    Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-21053.
  • 44.
    Cass. soc., 19 avr. 2023, n° 21-21053.
  • 45.
    Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092 : JCP S 2009, 122, note C. Leborgne-Ingelaere.
  • 46.
    Cass. soc., 18 févr. 2003, n° 01-11734.
  • 47.
    Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25554.
  • 48.
    Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035 : JCP S 2012, 1195, note D. Corrignan-Carsin.
  • 49.
    Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 18-26696.
  • 50.
    H. de Brier, « Dénonciation du harcèlement moral et mauvaise foi du salarié : rappel des règles applicables », obs. ss Cass. soc., 16 sept. 2020, n° 18-26696, GPL 1er déc. 2020, n° GPL391m1.
  • 51.
    B. Steinmetz, De la présomption de bonne foi : essai critique sur la preuve de la bonne et de la mauvaise foi, thèse, 2022, université Robert Schuman ; F.-S. Rifaï, La présomption de bonne foi, thèse, 2010, Montpellier 1.
  • 52.
    M. Richevaux, « CPF : une loi pour lutter contre la fraude », Actu-Juridique.fr 30 mai 2023, n° AJU008k2.
  • 53.
    Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092.
  • 54.
    Cass. soc., 17 avr. 2019, n° 17-20892.
  • 55.
    C. trav., art. L. 1152-3.
  • 56.
    C. trav., art R. 1455-6 – CPC, art. 808, al. 1.
  • 57.
    S. Guinchard, F. Ferrand et C. Chainais, Procédure civile, Droit interne et droit de l’Union européenne, 32e éd., 2014, Dalloz, p. 1395.
  • 58.
    Cass. soc., 14 mars 2006, n° 04-48322 : Bull. civ. V, n° 100.
  • 59.
    Cass. soc., 15 mai 2007, n° 06-43110.
  • 60.
    Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092 : Bull. civ. V, n° 66 ; CSBP juill. 2009, n° A33, p. 171, obs. H. Gillier.
  • 61.
    Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035 : Bull. civ. V, n° 55 ; CSBP avr. 2012, n° S110, p. 140, obs. F.-J. Pansier.
  • 62.
    Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44675 : JCP S 2010, 1333.
  • 63.
    Cass. soc., 13 juill. 2010, n° 09-41528.
  • 64.
    Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092.
  • 65.
    Cass. soc., 13 juill. 2010, n° 09-41528.
  • 66.
    Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28199.
  • 67.
    Cass. soc., 6 juin 2012, n° 10-28199 : JCP G 2012, 966.
  • 68.
    C. trav., art. L. 1152-3 – C. trav., art. L. 1152-1 – C. trav., art. L. 1152-2.
  • 69.
    Cass. soc., 25 sept. 2015, n° 11-18352 – Cass. soc., 14 mars 2012, n° 10-28335 – Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035 – Cass. soc., 17 mai 2011, n° 09-71882.
  • 70.
    Cass. soc., 10 juin 2015, n° 14-25554.
  • 71.
    Cass. soc., 5 juin 2012, n° 11-10953 – Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 07-42353.
  • 72.
    Cass. soc., 2 juill. 2014, n° 13-19990.
  • 73.
    Cass. soc., 24 sept. 2014, n° 13-15629.
  • 74.
    Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035.
  • 75.
    Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 11-27856.
  • 76.
    Cass. soc., 10 mai 2012, n° 11-11916.
  • 77.
    Cass. soc., 27 oct. 2010, n° 08-44446 – Cass. soc., 29 sept. 2010, n° 09-42057 – Cass. soc., 13 juill. 2010, n° 09-41528 – Cass. soc., 16 juin 2010, n° 09-40065.
  • 78.
    Cass. soc., 31 mars 2010, n° 07-44675.
  • 79.
    Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25554.
  • 80.
    Cass. soc., 27 janv. 2009, n° 07-43257.
  • 81.
    Cass. soc., 2 avr. 2008, n° 06-42714.
  • 82.
    Cass. soc., 25 sept. 2015, n° 11-18352 – Cass. soc., 12 juin 2014, n° 12-28944 – Cass. soc., 14 mars 2012, n° 10-28335 – Cass. soc., 10 mars 2009, n° 07-44092 – Cass. soc., 7 mai 2014, n° 13-10552.
  • 83.
    Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 11-28339.
  • 84.
    Cass. soc., 29 févr. 2012, n° 10-23710.
  • 85.
    Cass. soc., 18 déc. 2013, n° 12-24460.
  • 86.
    Cass. soc., 7 févr. 2012, n° 10-18035.
  • 87.
    Cass. soc., 22 janv. 2014, n° 12-28711.
  • 88.
    Cass. soc., 24 sept. 2008, n° 07-42353 – Cass. soc., 13 févr. 2013, n° 11-27856.
  • 89.
    Cass. soc., 14 janv. 2014, n° 12-25658.
  • 90.
    C. trav., art. L. 1152-3 – C. trav., art. L. 1152-1 – C. trav., art. L. 1152-2.
  • 91.
    C. Berlaud, « Nullité de plein droit du licenciement pour dénonciation de harcèlement », obs. ss Cass. soc., 10 juin 2015, n° 13-25554, Sté ABI c/ M. X et a., FS-PB, GPL 2 juill. 2015, n° GPL231p3.
  • 92.
    J. Icard, « Compétence du juge des référés pour apprécier l’éventuelle mauvaise foi du salarié dénonciateur de harcèlement moral », obs. ss Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-17551, FS-PB, Cah. soc. janv. 2016, n° 117r2, p. 22.
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