L’indemnisation d’un arrêt de travail par l’assurance maladie exclut l’exercice de toute activité non autorisée !

Publié le 10/12/2024
L’indemnisation d’un arrêt de travail par l’assurance maladie exclut l’exercice de toute activité non autorisée !
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L’arrêt maladie suspend le contrat de travail et interdit le cumul des indemnités journalières de sécurité sociale avec l’exercice d’une activité non autorisée par le médecin, que ce soit pour son propre compte ou pour le compte d’autrui. Mais qu’en est-il côté employeur ? Celui-ci peut-il licencier un salarié qui exercerait une autre activité durant son arrêt de travail ?

Côté Assurance Maladie. L’article L. 323-6 du Code de la sécurité sociale prévoit que le versement des indemnités journalières de sécurité sociale est subordonné, notamment, à l’obligation pour le salarié de s’abstenir de toute activité non autorisée.

Un salarié en arrêt de travail, qui perçoit des indemnités journalières de sécurité sociale car se trouvant dans l’incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail, ne peut donc pas exercer une activité sans autorisation préalable du médecin prescripteur de l’arrêt de travail.

Pour que l’activité en cause soit considérée comme autorisée, le médecin doit le préciser expressément dans l’arrêt de travail1. L’activité doit alors concourir à la guérison accélérée du salarié et être médicalement motivée dans un but thérapeutique. À défaut, elle est interdite. Ni le régime de sorties libres ni l’autorisation d’activité délivrée a posteriori par le médecin traitant ne permettent de déroger à cette interdiction2.

En cas d’exercice d’une activité non autorisée durant l’arrêt, le salarié peut être condamné à restituer les indemnités indûment versées depuis la date de manquement, la caisse primaire d’assurance maladie peut suspendre le versement des indemnités journalières et l’employeur peut également suspendre le versement des indemnités complémentaires. Par ailleurs, si l’activité en cause a donné lieu à des revenus d’activité, une sanction financière peut être prononcée par le directeur de la caisse locale d’assurance maladie.

L’interdiction de toute activité non autorisée fait l’objet d’une conception très large par la jurisprudence : il s’agit de toute activité rémunérée, bénévole, syndicale, associative, domestique, sportive ou ludique et ce, même pendant les heures de sortie autorisées, sans qu’il soit nécessaire d’établir la volonté de fraude de l’assuré.

Il en est ainsi par exemple de l’exercice d’une activité physique et sportive pendant un arrêt de travail, même si le salarié remet a posteriori une attestation médicale établie par le médecin prescripteur recommandant la pratique de l’activité pour le traitement de la pathologie présentée par l’assuré3, ou de la participation à une compétition sportive sans autorisation alors même que l’arrêt de travail avait été prescrit en raison d’un état dépressif justifiant la prescription de sorties libres pour éviter le repli sur soi4.

De même, une activité de vente de matériel de pêche en tant qu’auto-entrepreneur non expressément et préalablement autorisée par le médecin prescripteur de l’arrêt est également interdite pendant l’arrêt de travail litigieux. En l’espèce, l’assuré a été condamné à rembourser 24 197 € au titre des indemnités journalières indûment versées5.

Un gérant ne peut pas non plus, pendant un arrêt, venir régulièrement sur son lieu de travail pour donner des directives et organiser le travail pendant son absence même s’il ne travaille pas. Le seul exercice de ses fonctions de gérant est incompatible avec son arrêt de travail6.

La poursuite d’une activité de conseiller municipal et la participation à des activités en milieu associatif ne sont également pas compatibles avec le versement d’indemnités journalières sans autorisation expresse et préalable du médecin7.

La Cour de cassation considère aussi que l’exercice de son activité de représentation par un représentant du personnel ou d’un syndicat, dont le mandat n’est pas suspendu par l’arrêt de travail, ne peut ouvrir droit à indemnisation que s’il a été préalablement autorisé par le médecin traitant8.

L’exercice non autorisé préalablement d’une activité ludique bénévole telle que le chant lors de représentations publiques d’un spectacle musical est également interdit pendant un arrêt de travail, même si le médecin traitant estime par la suite que cette activité de sociabilisation puisse participer à l’action thérapeutique9.

Même les travaux de jardinage comme la taille d’une vigne dans un jardin personnel10 ou les travaux de peinture dans la maison de famille ne sont pas autorisés11 !

Côté employeur. Si l’exercice d’une activité non autorisée pendant un arrêt de travail constitue une infraction aux règles de sécurité sociale sanctionnée par la caisse d’assurance maladie, l’inobservation par le salarié de ses obligations tenant aux heures de sortie autorisées ou à l’exercice d’une activité non autorisée préalablement ne peut pas justifier son licenciement.

Côté employeur, la jurisprudence admet en effet le droit pour un salarié d’exercer une activité, même rémunérée, durant son arrêt, sauf manquement à son obligation de loyauté.

L’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt12.

Tout dépend donc de l’espèce soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond…

Ainsi par exemple, il a été admis qu’une salariée en arrêt maladie puisse aider très temporairement et à titre bénévole, en sa qualité d’associée et de concubine, le gérant d’un bar dans une activité au sujet de laquelle il n’était pas démontré qu’elle impliquait un acte de déloyauté13.

La Cour de cassation a également jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié qui avait remplacé, temporairement et à titre bénévole, le gérant d’une station-service dans une activité n’impliquant aucun acte de déloyauté, ce comportement ne constituant pas une faute grave14.

L’entraide familiale est pareillement autorisée, un salarié pouvant par exemple être présent sur le stand de marché de son épouse avec l’attitude d’un vendeur, et en dehors des heures de sorties autorisées, sans commettre un manquement à son obligation de loyauté15.

En outre, une activité professionnelle rémunérée dès lors qu’elle n’est pas concurrente de celle de son employeur et qu’elle n’est pas de nature à lui porter préjudice, est également admise. Pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit ainsi nécessairement causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise16.

L’exercice d’une activité professionnelle dans un commerce non concurrentiel ou de fonctions similaires chez un autre employeur pendant un arrêt de travail ne justifie toutefois pas le licenciement pour faute grave du salarié dès lors que le préjudice invoqué par l’employeur ne résulte que du seul paiement par l’employeur, en conséquence de l’arrêt de travail, des indemnités complémentaires aux allocations journalières17.

Dans un arrêt du 1er février 2023, la Cour de cassation s’est prononcée pour la première fois sur le fait de savoir si le préjudice économique et financier causé à l’employeur résultant du paiement intégral du salaire par ce dernier durant l’arrêt maladie peut justifier le licenciement, question à laquelle la Cour répond par la négative. En l’espèce, l’employeur faisait également valoir que l’activité sportive pratiquée par le salarié pendant son arrêt, susceptible d’aggraver son état de santé ou laissant présumer qu’il avait en réalité recouvert la santé, constituait un acte de déloyauté du salarié. Mais la Cour n’a pas été davantage convaincue par cet argument. Il n’était pas prouvé que les 14 compétitions sportives auxquelles le salarié avait participé au cours de cinq arrêts de travail avaient aggravé son état de santé ou prolongé ses arrêts de travail. Le salarié n’avait dès lors pas manqué à son obligation de loyauté18.

En revanche, il est de jurisprudence constante que travailler pour un concurrent de son employeur constitue un comportement déloyal pouvant justifier un licenciement pour faute.

Tel est le cas par exemple de la directrice d’une résidence hôtelière exerçant des fonctions similaires dans un établissement voisin concurrent19, de la salariée qui a détourné la clientèle de son employeur ambulancier pendant son arrêt maladie, au profit de la société de taxi de son mari20, ou encore du mécanicien qui, durant un arrêt, répare un véhicule pour son compte en faisant appel à un autre salarié de la société qui l’employait21.

Seul le manquement à l’obligation de loyauté causant un préjudice à l’employeur justifie donc un licenciement disciplinaire.

Notes de bas de pages

  • 1.
    CSS, art. R. 323-11-1.
  • 2.
    Cass. 2e civ., 28 mai 2020, n° 19-15520.
  • 3.
    Cass. 2e civ., 16 mai 2024, n° 22-14402.
  • 4.
    Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, n° 09-17449.
  • 5.
    Cass. 2e civ., 27 juin 2024, n° 22-17468.
  • 6.
    Cass. 2e civ., 25 juin 2009, n° 08-17594.
  • 7.
    Cass. 2e civ., 15 juin 2017, n° 16-17567.
  • 8.
    Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, nos 12-20002 et 12-20003 – Cass. 2e civ., 9 déc. 2010, n° 09-17449.
  • 9.
    Cass. 2e civ., 9 avr. 2009, n° 07-18294.
  • 10.
    Cass. soc., 19 oct. 1988, n° 86-14256.
  • 11.
    Cass. soc., 6 nov. 1985, n° 84-11543.
  • 12.
    Cass. soc., 11 juin 2003, n° 02-42818.
  • 13.
    Cass. soc., 11 juin 2003, n° 02-42818.
  • 14.
    Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40894.
  • 15.
    Cass. soc., 12 oct. 2011, n° 10-16649.
  • 16.
    Cass. soc., 12 oct. 2011, n° 10-16649 – Cass. soc., 21 nov. 2018, n° 16-28513.
  • 17.
    Cass. soc., 26 févr. 2020, n° 18-10017 – Cass. soc., 7 déc. 2022, n° 21-19132.
  • 18.
    Cass. soc., 1er févr. 2023, n° 21-20526.
  • 19.
    Cass. soc., 28 janv. 2015, n° 13-18354.
  • 20.
    Cass. soc., 23 nov. 2010, n° 09-67249.
  • 21.
    Cass. soc., 21 oct. 2003, n° 01-43943.
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