Autorités administratives indépendantes et libertés fondamentales (Second semestre 2016 et un peu plus…)

Publié le 19/06/2017

En même temps que la refonte législative d’un statut commun des AAI et API, les autorités indépendantes se trouvent toujours plus confrontées aux défis des technologies de la communication et généralement à la protection de la vie privée et des données personnelles. Elles veillent à la lutte contre les discriminations. Les autorités dédiées à la protection des droits fondamentaux font assaut d’innovations pour accroître leur rôle.

Le législateur, qui vient de réorganiser le champ institutionnel des AAI, n’avait pas nécessairement en tête de servir les droits et libertés, mais la clarification en cours permet de mesurer la place qu’elles ont pris dans le paysage institutionnel et les pouvoirs qui leur permettent, si nécessaire de mieux protéger les libertés. Leur propre transparence et les vertus de leur organisation y contribuent. On fera donc, exceptionnellement, une part importante à la réforme du 20 janvier dernier et, plus généralement de l’évolution institutionnelle des AAI (I), avant d’examiner au fond de nombreuses actions que l’on peut regrouper autour du droit à la vie privée (II) et de la lutte contre les discriminations (III).

I – L’évolution institutionnelle des AAI : une opportunité pour la protection des libertés ?

A – Les deux lois du 20 janvier 2017 : une avancée pour les autorités indépendantes ?

Dans le sillage d’un rapport d’enquête sénatorial1, dont il ne reprend que partiellement les préconisations, l’objectif poursuivi par le législateur organique et ordinaire est de rationaliser le nombre d’autorités administratives indépendantes (AAI) et d’autorités publiques indépendantes (API) afin de leur appliquer un statut commun.

Sur les 41 autorités indépendantes (AI) recensées par le site Légifrance, il n’en subsiste que 26. Parmi ces 26 AI, à l’exception de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le législateur a retenu les 22 AI qu’il avait déjà qualifiées ainsi. La liste est complétée par l’ARCEP et la CRE (Commission de régulation de l’énergie), qualifiées jusqu’alors d’AI par le Conseil constitutionnel2 et le Conseil d’État3, ainsi que le médiateur national de l’énergie, qualifiée d’API par le rapport public du Conseil d’État de 2001. Pour remédier aux désordres passés, l’article 1 de la loi organique du 20 janvier 2017 prévoit que toute AAI ou API devra à l’avenir être « instituée par la loi ». Cet effort de rationalisation engagé par le législateur devrait prochainement aboutir au regroupement de certaines AI4.

Après avoir déterminé le périmètre des AI, le législateur a établi un « statut général » applicable à l’ensemble de ces autorités afin de garantir leur indépendance statutaire et fonctionnelle et permettre un contrôle accru du Parlement.

1 – La garantie statutaire de l’indépendance des membres et agents des AI

Pour garantir leur indépendance et limiter les conflits d’intérêts, le « statut général » établi par le législateur contient des dispositions relatives à l’exercice des mandats des membres des AI et à la déontologie de ces derniers et du personnel.

La réglementation des mandats des membres des AI

Le titre I de la loi ordinaire du 20 janvier 2017 est relatif à l’organisation des AAI et des API. Notons d’emblée que la proposition n° 3 du rapport d’enquête sénatorial préconisant d’ouvrir la composition des collèges des AAI, occupés très largement par des membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation, et de la Cour des comptes, est restée lettre morte. Une telle situation ne saurait être pleinement satisfaisante en raison de la charge de travail que cela implique pour les membres concernés. Très présents de surcroît dans les organes quasi juridictionnels des AI, certains membres peuvent se trouver en situation de conflit d’intérêts dès lors que leur juridiction est compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions d’une AI.

Sans pour autant ignorer les propositions du rapport d’enquête, le législateur s’est parfois contenté d’adopter un dispositif plus permissif. Alors que ledit rapport préconisait d’interdire le renouvellement des mandats – l’idée étant d’éviter qu’un membre, en adoptant un comportement docile, nourrisse l’espoir d’être renouvelé dans ses fonctions – l’article 7 de la loi ordinaire prévoit au contraire que le mandat, dont la durée est comprise entre trois et six ans, peut être renouvelé une fois.

Dans la même optique et conformément au rapport d’enquête sénatorial cette fois, l’article 8 de la loi interdit expressément l’exercice concomitant de mandats au sein de plusieurs autorités administratives indépendantes. L’incompatibilité s’étend également aux fonctions pouvant être exercées « au sein des services d’une de ces autorités ». De plus, dans une logique d’impartialité, « le mandat de membre du collège est incompatible avec celui de membre d’une commission des sanctions ou de règlement des différends et des sanctions ».

L’indépendance suppose évidemment que le mandat ne puisse pas être révocable, ce que prévoit opportunément l’article 6. Pour remédier à « un étrange procédé consistant à ne pas renouveler les membres de certaines AAI »5 – le gouvernement s’est par exemple abstenu de nommer le président et le secrétaire général de la Commission de sécurité des consommateurs – l’article 5 de la loi dispose qu’il « est pourvu au remplacement des membres huit jours au moins avant l’expiration de leur mandat », ou, dans les soixante jours, en cas de « décès ou de démission volontaire ou d’office d’un membre ». Dans le cas où il n’aurait pas été procédé à la nomination d’un nouveau membre à l’expiration de ces délais, il revient au collège de l’autorité, convoqué à l’initiative de son président, de proposer par délibération un candidat à l’autorité de nomination dans un délai de trente jours.

L’établissement de règles de déontologie

Le législateur, dans le titre II, a ensuite institué un socle commun de règles relatif à la déontologie des membres (chapitre I) et du personnel (chapitre II) des AI.

Un premier jalon en ce sens avait été posé par la loi n° 2013-907, du 11 octobre 2013, relative à la transparence de la vie publique qui interdit à un parlementaire de présider une AI, oblige chacun des membres à déposer auprès de la HATVP une déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale et pose une obligation de déport pour les membres estimant être en situation de conflit d’intérêts. Ces deux dernières obligations sont respectivement rappelées par les articles 11 (déclaration d’intérêt), 9 et 12 (obligation de déport) de la loi ordinaire. Ce dernier article vient d’ailleurs utilement préciser les situations dans lesquelles un membre doit s’abstenir de siéger.

Afin, là encore, de limiter les conflits d’intérêts, l’article 10 institue de nouvelles incompatibilités, qui, contrairement à celles instituées dans le titre Ier, concernent des fonctions exercées hors de l’AI. Outre l’interdiction d’exercer un mandat exécutif local, l’article 10 interdit à ces membres d’exercer des fonctions dans le secteur privé si la personne morale concernée « a fait l’objet d’une délibération, d’une vérification ou d’un contrôle auquel il a participé au cours des deux années précédentes ».

L’incompatibilité ne concerne toutefois pas les parlementaires (v. art. 10, I). Or, après avoir émis des doutes sur la pertinence de leur présence dans ces collèges – leur présence peut s’avérer délicate dès lors que le Parlement doit contrôler ces institutions –, la proposition n° 4 du rapport d’enquête sénatorial invitait, a minima, le législateur à modifier leurs modalités de désignation afin de favoriser le pluralisme politique.

De manière peu surprenante compte tenu de leur nature, l’article 9 précise que les membres de ces institutions « ne reçoivent ni ne sollicitent d’instructions d’aucune autorité ». À l’instar des membres du Conseil constitutionnel, ils ne doivent prendre « à titre personnel, aucune position publique préjudiciable au bon fonctionnement de l’autorité à laquelle ils appartiennent », et sont « tenus de respecter le secret des délibérations ».

Dans le prolongement des règles applicables aux membres, chaque collège est habilité à fixer les règles déontologiques qui s’imposent aux agents, collaborateurs ou experts auxquels l’autorité recourt (art. 13).

Alors qu’il y était invité en ce sens par le rapport de la commission d’enquête sénatoriale6, le législateur n’a pas été jusqu’à encadrer la sortie de fonctions d’un membre ou d’un agent d’une AI. Il aurait pu en effet être opportun d’étendre l’obligation faite aux membres du gouvernement ou d’un exécutif local de s’assurer auprès de la HATVP, durant le délai de trois ans après leur mandat, de la compatibilité de leur ancienne fonction avec celles envisagées dans le secteur privé.

Au-delà de l’aspect organique, le statut général des autorités indépendantes posé par la loi du 20 janvier 2017 passe également par une harmonisation au niveau du fonctionnement et des contrôles.

Frédéric Balaguer

2 – Les limites du statut général quant à l’autonomie fonctionnelle des autorités indépendantes

Les parlementaires, craignant que les autorités indépendantes ne leur échappent, ont instauré de nouvelles règles de fonctionnement, doublées d’un contrôle largement renforcé, le tout tendant dangereusement à limiter leur autonomie fonctionnelle et, de surcroît, leur autonomie de décision et d’action.

Des règles de fonctionnement peu novatrices et limitées

La mise en place d’un statut général des AI n’a pas eu l’ambition et l’ampleur escomptées en matière de fonctionnement. En effet, la majorité des textes antérieurs7 contenait déjà les dispositions de la nouvelle loi du 20 janvier 2017.

Le titre III relatif au fonctionnement des autorités indépendantes prévoit tout d’abord l’adoption d’un règlement intérieur par l’autorité (art. 4) ; or les AI adoptaient déjà un tel règlement avant l’existence de cette loi. Par ailleurs, l’article 15 prévoit seulement la possibilité pour une AI d’en consulter une autre dans son domaine de compétence ; or rien n’interdisait auparavant cette procédure de demande d’avis.

Concernant le personnel des autorités indépendantes, l’œuvre législative n’est pas davantage novatrice. Les articles 16 et 17 de la loi prévoient que les services des AI sont placés sous l’autorité de leur président, qui nomme d’ailleurs le secrétaire général ou le directeur général. Les services peuvent être composés, soit de fonctionnaires, soit d’agents contractuels. Or, si les autorités indépendantes avaient, à l’origine de leur création, une autonomie de recrutement limitée8, tel n’est plus le cas depuis bien longtemps. Les AI bénéficiaient bien avant l’adoption de la loi de 2017 d’une autonomie de recrutement pleine et entière leur permettant de recruter des fonctionnaires détachés9 et des agents contractuels, en CDD comme en CDI (depuis 2012).

Les seules limites à l’autonomie de recrutement des AI se trouvent d’une part, dans le plafond d’emplois fixé par la loi de finances et d’autre part, dans l’éventuelle insuffisance de l’enveloppe budgétaire bénéficiant à chaque AI. Or, sur la suffisance des moyens, la nouvelle loi de 2017 ne formule aucune recommandation ou obligation, alors que la proposition initiale du Sénat contenait une disposition essentielle et innovante prévoyant que les AAI et les API « disposent des moyens humains et techniques nécessaires à l’accomplissement de leurs missions ainsi que les crédits correspondants ». Cette disposition était primordiale pour permettre aux AI de disposer d’une autonomie financière, par la détention de moyens suffisants, permettant une autonomie de gestion plus grande et par conséquent une autonomie de décision et d’action. Le maintien de cet article aurait donc été bénéfique car il aurait permis de lier le gouvernement dans l’attribution des ressources aux AI (via la préparation du projet de loi de finances).

Les carences les plus regrettables de la loi concernent donc l’autonomie financière. Le chapitre relatif aux finances des AI est d’ailleurs limité en ce qu’il prévoit des dispositions préexistantes telles que la qualité d’ordonnateur du président de chaque API10 ou encore l’inapplication de la loi du 10 août 192211 impliquant l’absence de contrôle financier a priori sur les AI. Par ailleurs, la loi a abandonné la proposition initiale prévoyant que « toute [API] dispose de l’autonomie financière ». Il faut donc constater que les dispositions les plus novatrices et autonomisantes de la loi ont été écartées, ce qui est dommageable pour la liberté d’action des AI. En effet, chaque diminution de leur autonomie financière représente une atteinte portée à leur autonomie de décision et d’action.

Un contrôle parlementaire renforcé

Concernant le contrôle des AI, les parlementaires ont véritablement rénové le régime juridique éclaté antérieur. Tout d’abord, l’article 21 vient généraliser la transmission des rapports annuels d’activité par les autorités indépendantes, à la fois au gouvernement et au Parlement, afin de pallier les carences qui existaient auparavant du fait de l’absence d’obligation légale de dépôt d’un rapport ou de sa transmission au Parlement. L’idée est donc ici de permettre « une réelle reddition de compte devant chaque assemblée parlementaire »12. Ensuite, l’article 22 de la loi étend cette reddition des comptes annuelle devant les commissions permanentes compétentes qui le demandent.

Par ailleurs, pour augmenter le contrôle parlementaire des AI, la loi organique du 20 janvier 2017 a soumis la nomination de certains présidents d’AI à l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution, prévoyant une nomination par le président de la République subordonnée toutefois à l’absence d’opposition du Parlement pour garantir soit les droits et libertés soit la vie économique et sociale de la nation. Six autorités13 ont été ajoutées aux seize qui se voyaient déjà appliquer ce dispositif alors que le rapport sénatorial14 préconisait que ce système s’applique à l’ensemble des AI.

Enfin, l’article 23 est l’apport le plus significatif en matière de contrôle parlementaire. Il prévoit que le gouvernement devra rédiger annuellement un rapport sur la gestion des AI annexé au projet de loi de finances. Cet article vient donc transformer l’ancien « jaune budgétaire » sur les API en nouveau document concernant toutes les autorités indépendantes. Il a vocation à apporter davantage de transparence sur les finances de ces autorités et notamment leurs dépenses, leurs recettes, les emplois qu’elles rémunèrent, leurs loyers, ou encore les rémunérations et avantages des présidents et des membres des AI. Grâce à ce document, l’information du Parlement sera accrue et il pourra ainsi davantage agir (en faveur ou à l’encontre) de ces autorités.

Finalement, il aurait été opportun que ce renforcement du contrôle parlementaire des AI se fasse en contrepartie d’une augmentation de leur autonomie financière ; or tel n’a pas été le cas. Si le contrôle a effectivement été conforté et consolidé, l’autonomie financière n’a pas connu le même sort. Elle n’a certes pas diminué, mais elle demeure comme elle était auparavant : relative et sans définition législative précise, ce qui peut contribuer à diminuer la liberté d’action des AI en présence de moyens insuffisants…

Valérie Palma-Amalric

B – Commission nationale consultative des droits de l’Homme – Avis sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Assemblée plénière – 26 mai 2016)

Alors que la tendance observée ces derniers temps va dans le sens d’une diminution du nombre des AAI, tendance dont la CNCDH a elle-même fait les frais en en perdant le statut, elle a, dans un avis du 26 mai 2016, relatif au projet de loi Sapin 2 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, regretté que l’Agence française anticorruption ait été conçue comme un « service à compétence nationale » et non comme une AAI. Une telle option eût permis une réelle indépendance. La CNCDH ne manque pas d’ailleurs de conseiller le pouvoir réglementaire en lui suggérant une composition qui comprendrait notamment un membre de la CNCDH comme étant « garant de l’État de droit ». Dans la même veine, la CNCDH n’hésite pas à énumérer les quatre missions (avis, sanction, suivi de l’exécution des sanctions, rapport) qui devraient relever de cette AAI qu’elle appelle de ses vœux…

Pour ce qui est des représentants d’intérêt (ou lobbies) pour lesquels la loi a imposé l’inscription dans un registre national unique, la CNCDH souhaiterait voir entérinée une définition très extensive, tant dans les représentants, en incluant les associations cultuelles et les organisations syndicales et patronales, que dans les acteurs publics cibles, en intégrant les parlementaires, les élus locaux et même les fonctionnaires territoriaux.

Enfin, quant au statut de lanceur d’alerte créé par la loi, la CNCDH exigerait un statut bien plus protecteur, comprenant, entre autres, le droit d’asile et l’indemnisation des préjudices subis par le lanceur d’alerte, par la création d’un fonds spécifique. Bien que rarement consultée par le gouvernement, la CNCDH n’en est pas moins proactive et si elle n’hésite pas à prendre quelques libertés, c’est toujours au profit des libertés.

Romain Vaillant

C – Défenseur des droits – Loi organique n° 2016-1690, du 9 décembre 2016

Le 9 décembre 2016 est entrée en vigueur la loi n° 2016-1691, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Elle contient un chapitre II qui vient définir le cadre juridique du lanceur d’alerte. L’article 6 de cette loi dispose qu’« un lanceur d’alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

Ce statut général du lanceur d’alerte fait suite à un rapport du Conseil d’État de février 2016 affirmant que les protections sectorielles existantes en ce domaine sont d’une « faible lisibilité », qu’il existe « des différences génératrices d’insécurité juridique » entre ces protections sectorielles et que l’articulation entre les dispositions relatives à la protection des lanceurs d’alerte et les obligations de secret et de discrétion professionnels « n’est, en l’état, pas satisfaisante »15. Dans la foulée de cette harmonisation du statut du lanceur d’alerte, le Conseil d’État a proposé d’étendre la compétence du défenseur des droits à « la protection, dès le lancement de l’alerte, des lanceurs d’alerte s’estimant victimes de mesures de représailles » (prop. n° 15). Par le biais de cette démarche, il s’agit de « mettre en place, en amont et en aval de l’alerte, des structures et des procédures afin que le juge ne soit plus le seul garant de l’effectivité de la protection accordée aux lanceurs d’alerte »16.

Le législateur organique s’est alors saisi de cette question et a renforcé les compétences du défenseur des droits par l’entremise de la loi organique du 9 décembre 201617. Cette loi organique comporte un article unique qui modifie les articles 4, 10, 11 et 20 de la loi organique du 29 mars 201118. Cet article unique confiait initialement trois missions supplémentaires au défenseur des droits. Ce dernier devait orienter les lanceurs d’alerte, veiller au respect de leurs droits et libertés et leur attribuer une aide financière ou un secours financier nécessaire. Si le Conseil constitutionnel a validé les deux premières missions en estimant qu’il ne s’agissait que d’une extension de la mission déjà dévolue au défenseur des droits par la loi organique de 2011, il déclara que l’attribution d’une aide financière n’était pas conforme à l’article 71-1 de la Constitution19.

Au mieux, le Conseil constitutionnel a alors opéré une lecture restrictive de l’article 71-1 de la Constitution qui dispose que : « Le défenseur des droits veille au respect des droits et libertés (…) ». Il a entendu le terme « veille » comme conférant au défenseur des droits une compétence limitée. Néanmoins, une lecture tout autre aurait pu être faite de la Constitution. Veiller au respect des droits et des libertés, c’est aussi s’assurer du respect de ces droits et libertés. Or, s’assurer du respect des droits et libertés, impliquait peut-être de reconnaître que la capacité effective de lancer une alerte est aussi conditionnée par un certain nombre de contraintes matérielles, au premier rang desquelles figure la contrainte financière. Avoir la capacité juridique de révéler, c’est bien ; avoir la capacité matérielle de le faire, c’est encore mieux. En accordant une aide financière, le législateur organique ne souhaitait pas rétribuer les lanceurs d’alerte, il souhaitait juste prémunir chaque lanceur d’alerte potentiel des difficultés financières (dues à un licenciement par exemple) qu’il ne manquerait pas de subir en guise de représailles. Assurément, il s’agit là d’une réalité : il est très difficile de garder un niveau de vie identique après avoir porté en place publique certaines dérives de notre système.

L’impact sur la vie professionnelle et, in fine, familiale, d’une personne ayant fait le choix de porter à la connaissance du public et de la justice « une menace ou un préjudice graves » pour la communauté peut être désastreux. Dans ce cas, n’y avait-il pas quelque chose à faire avec l’alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel « La nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » ? N’était-ce pas là une donnée juridique pertinente qu’il fallait prendre en compte dans le cadre de ce contrôle de constitutionnalité ?

Marc Cottereau

D – Commission nationale du débat public : L’ordonnance du 3 août 2016 et la CNDP : nouvelles missions et élargissement de la saisine au profit du public

L’implication de la CNDP dans la promotion d’une démocratisation du débat public se remarque dans les innovations apportées par l’ordonnance du 3 août 201620, dont un grand nombre est issu de propositions formulées par la Commission elle-même. Ainsi, l’ordonnance introduit-elle le titre II du Code de l’environnement par un chapitre préliminaire aux fins de rappeler et de clarifier les principes et dispositions générales en matière d’information et de participation.

On remarque tout d’abord le rappel des principales nécessités et donc justifications21 du débat public, dont le fil conducteur demeure la démocratisation de la prise de décision en matière environnementale. S’ensuit l’énonciation des garanties fondamentales encadrant les droits du public dans sa participation au débat. Il s’agit essentiellement de garantir une « participation effective » (par un meilleur accès aux « informations pertinentes » relatives au débat), un « délai raisonnable » afin de formuler des observations et propositions (pour optimiser l’implication du public lors de la discussion) et un droit d’information relatif à la prise en compte desdites observations et propositions à l’issue de la procédure. La dialectique est simple : information – expression – prise en considération. On note ainsi un effort de rationalisation et de clarification des objets et du rôle du débat public comme concrétisation du principe général de participation.

Plus concrètement, l’ordonnance vise à non seulement à élargir les objets du débat public mais encore à multiplier les sujets pouvant saisir la CNDP. Essentiellement, la CNDP peut être dorénavant saisie de trois types d’objets. Il s’agit de projets d’aménagement ou d’équipement (C. envir., art. L. 121-8, I et II), de plans ou programmes (C. envir., art. L. 121-8, IV) et de projets de réforme (C. envir., art. L. 121-10).

Concernant d’abord les projets (pour lesquels le maître d’ouvrage ou la personne publique responsable a décidé de ne pas saisir la Commission), la saisine est désormais ouverte à dix mille ressortissants majeurs de l’Union européenne résidant en France.

Ensuite, l’ordonnance crée un nouvel objet du débat avec la catégorie des « projets de réforme ». À son initiative, le gouvernement va pouvoir saisir la Commission afin d’organiser un débat public national sur un projet de réforme relatif à une politique publique ayant un effet important sur l’environnement ou l’aménagement du territoire. De même, cette saisine est ouverte à soixante députés ou soixante sénateurs, ou encore à cinq cent mille ressortissants majeurs de l’Union européenne résidant en France.

En outre, l’ordonnance crée un droit d’initiative du public en matière de concertation préalable, confie un dispositif de conciliation à la CNDP en cas de conflit et développe des expertises complémentaires indépendantes financées par la CNDP, etc. Par où l’on voit que le débat est toujours une opportunité de perfectionnement des droits du public à travers son implication dans la prise de décision.

Thomas Bertrand et Julien Marguin

E – Haute autorité pour la transparence de la vie publique – Loi n° 2016-1691, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a vu non seulement son statut d’autorité administrative indépendante confirmé mais aussi sa mission étoffée. L’article 25 de la loi n° 2016-1691 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique confie désormais à la HATVP le soin de gérer et rendre public un répertoire numérique des représentants d’intérêts. Les lobbyistes exerçant leurs fonctions auprès des parlementaires et des membres de l’exécutif devront lui transmettre, sous peine de sanctions pénales, un certain nombre d’informations sur leurs activités.

Ce dispositif, validé dans l’ensemble par le Conseil constitutionnel sous réserve du respect de l’autonomie des assemblées parlementaires22, étend la compétence de la HATVP aux acteurs privés. La HATVP s’occupait jusque-là du contrôle des déclarations individuelles d’intérêts remplies par les acteurs publics. Mais, parce qu’ils promeuvent des intérêts privés auprès de ces acteurs publics, les lobbyistes sont régulièrement à l’origine de conflits d’intérêts. Avec la gestion de ce répertoire, la HATVP est donc dorénavant compétente pour appréhender les deux faces d’un même problème.

Si son champ de compétence a été étendu aux acteurs privés, ses pouvoirs n’ont pas été substantiellement modifiés. La HATVP demeure une institution d’acculturation. Elle pourra se faire communiquer toute information ou tout document et sera en mesure d’effectuer des contrôles. Mais elle ne pourra qu’adresser une mise en demeure pour manquement aux obligations. La HATVP ne pourra pas prononcer elle-même une sanction, ni prendre elle-même les mesures nécessaires à la prévention du risque de conflit d’intérêts. Concrétisant a minima une proposition du rapport Nadal23, le législateur ancre ainsi le rôle de prévention des conflits d’intérêts de la HATVP dans le paysage institutionnel français.

Émilie Debaets

F – Contrôleur général des lieux de privation de liberté – Évolution des compétences et auto-saisine

Le 24 octobre 2016, en réaction à la décision prise par le gouvernement de démanteler le camp de « la lande de Calais » visant à déplacer les migrants dans des centres d’accueil répartis sur l’ensemble du territoire français, la Contrôleure générale a décidé d’envoyer une équipe d’enquête sur place afin de vérifier le respect des droits et libertés fondamentales des migrants qui se trouveraient éventuellement dans une situation de privation de liberté au cours des transferts.

Par ailleurs, le 14 décembre 2016, le CGLPL a adopté une série de recommandations relatives à la prison de Fresnes, sur le fondement de l’article 9 de la loi du 30 octobre 2017 lui permettant, dans le cas de constatations de violations graves des droits et libertés fondamentaux, de s’autosaisir dans le cadre d’une procédure d’urgence24. Les contrôleurs qui ont visité cet établissement ont constaté une surpopulation incompatible avec les droits et libertés fondamentaux et notamment avec les prescriptions du Comité européen de prévention de la torture, avec un taux d’occupation record allant de 159 % à 201 %. Par ailleurs, les rapporteurs mettent en évidence de graves problèmes d’hygiène (accumulation de salpêtre, rats, punaises de lit, etc.) ainsi qu’un manque de moyens humains (un surveillant d’étage pour 120 personnes) entraînant malheureusement un usage démesuré de la violence tant verbale que physique, non seulement des surveillants vis-à-vis des détenus, mais aussi des détenus entre eux.

À ces deux problèmes principaux s’ajoute un recours à la fouille intégrale jugée trop systématique par les rapporteurs, ainsi qu’un usage détourné des « salles d’attente ». Le CGLPL adresse ainsi au garde des Sceaux une série de recommandations en vue de rétablir la situation : une diminution des contingents avec suppression immédiate des cellules à trois détenus, la rénovation du centre et notamment une dératisation immédiate et efficace, un renforcement des personnels encadrants, la mise en place de comptes rendus d’incidents dans les hypothèses d’affrontement entre les encadrants et les détenus, une limitation des fouilles au corps, une réappropriation « normale » des salles d’attente, et enfin un contrôle approfondi de la prison de Fresnes opéré par le ministre de la Justice.

Le garde de Sceaux a répondu au CGLPL, apportant des éléments de réponse et rappelant l’attachement du ministère au respect des droits et libertés fondamentaux ainsi que l’engagement du fonds pour la rénovation des prisons voté dans la loi de finance pour 2017, dont Fresnes devrait prioritairement bénéficier, sans toutefois préciser quelles seront les mesures prises.

On constate ainsi une volonté du CGLPL de mettre en œuvre tous les moyens mis à la disposition de l’AAI, par le biais d’auto-saisines symboliquement fortes. Rappelons que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 20 oct. 2016, n° 7334/13, Muršic c/ Croatie), ainsi que le Conseil d’État (CE, 13 janv. 2017, n° 389709), régulièrement saisis sur le fondement de la dignité des personnes détenues, s’attachent de plus en plus à protéger leurs droits et libertés fondamentaux, mettant en exergue la situation particulière des détenus ainsi que leur potentielle vulnérabilité.

Gaëlle Lichardos

Le CGLPL a également rendu deux rapports spécifiques, révélant une conception évolutive de ses compétences. Le premier rapport de la nouvelle collection d’analyses thématiques, consacré aux mesures d’isolement et de contention dans les établissements de santé mentale a été publié en juillet 201625. Il témoigne de la volonté du CGLPL de se saisir de la problématique de l’hospitalisation psychiatrique qui peut donner lieu à une double privation de liberté : les patients peuvent y être admis sans consentement et être soumis à des mesures coercitives.

Faisant le constat d’un recours généralisé à ces mesures, utilisées de manière parfois systématique ou à des fins disciplinaires, il relève également une absence d’uniformité de leurs modalités de mise en œuvre. Si la loi n° 2016-41, du 26 janvier 2016, de modernisation du système de santé, a fixé un cadre plus protecteur pour les patients, le CGLPL fait état d’une insuffisance de garanties le conduisant à dénoncer plusieurs manquements.

Sont ainsi dénoncées des atteintes au droit à la prise en charge médicale (absence d’examen médical, de mesure de surveillance et d’information du médecin), au droit à l’intimité (mesures de surveillance à distance), à recevoir des visites, à participer aux activités thérapeutiques ou occupationnelles, ou au respect des besoins physiologiques de mobilité. Enfin, ces mesures peuvent porter atteinte au droit au respect de la dignité du patient, en le privant d’un accès aux sanitaires ou en lui imposant le port du pyjama.

Des constats réalisés depuis huit années de visite, le CGLPL tire plusieurs recommandations. Tout comme le rappelle la loi de 2016, les mesures coercitives doivent être de dernier recours, garantir le respect des droits du patient et être justifiées. Le dispositif de traçabilité des mesures par un registre spécifique (CSP, art. L. 3222-5-1) doit, selon le rapport, faire l’objet d’une vigilance particulière et d’un suivi intégré au niveau régional et national. L’amélioration de l’information du patient concernant ses droits et les modalités de sa prise en charge est également recommandée. Enfin, le rapport précise les modalités d’encadrement de la décision médicale (examen médical psychiatrique effectif, avis des membres de l’équipe soignante, justification du caractère « adapté, nécessaire et proportionné »), de sa mise en œuvre (durée limitée à 24 heures pour l’isolement et 12 heures pour la contention, examen médical biquotidien, accès à l’extérieur, aménagement des chambres d’isolement, présence soignante adaptée) et de la formation du personnel.

Le CGLPL a également publié un rapport d’enquête sur les unités de prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral26. Expérimentées depuis octobre 2014, généralisées en janvier 2015 et officialisées par la loi n° 2016-731, du 3 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, ces unités constituent de nouveaux lieux de privation de liberté pour lesquels le Contrôleur a créé une nouvelle mission spécifique. Dans la continuité de son avis de 201527, il a souhaité mettre en place un contrôle immédiat de ce dispositif, dans une volonté de prévention et de suivi de l’action gouvernementale et législative.

Le rapport dénonce le principe même du regroupement des personnes radicalisées en raison de l’insuffisance du critère d’affectation, du risque de prosélytisme par la concentration des personnes, de l’impact négatif de ce placement sur le parcours judiciaire et d’une atteinte aux droits de la défense. Si la loi du 3 juin 2016 a institué un recours spécifique contre ces mesures d’affectation (CPP, art. 726-2), l’adhésion de la personne détenue à ce dispositif de détention ne semble plus recherchée.

Sont également dénoncées la disparité des programmes de déradicalisation et l’insuffisance de l’information des personnes concernées ainsi que l’absence de clarification du rôle des intervenants (éducateurs, psychologues) due à la précipitation gouvernementale. Enfin, le CGLPL met en cause l’inadaptation des capacités de ce dispositif face aux enjeux de la radicalisation.

Julia Schmitz

G – Commission d’accès aux documents administratifs – rapport d’activité et Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

La loi renforce les pouvoirs de la CADA (art. 5 et s.) et créée des modalités de collaboration plus étroites entre la Cnil et la CADA28. Le texte étend aux administrations l’accès aux documents administratifs qui bénéficient actuellement aux personnes physiques et aux entreprises (art. 1)29. Il étend également le droit d’accès prévu pour les documents administratifs aux traitements algorithmiques intervenant dans un processus de décisions administratives individuelles (art. 2), reprenant ainsi la doctrine de la CADA concernant les codes sources. Selon la commission, « les algorithmes utilisés par l’Administration sont d’ores et déjà communicables à toute personne qui le demande », elle « estime donc que, pour présenter un effet utile, ces dispositions devront être comprises comme ouvrant, en outre, à ces personnes, le droit d’obtenir de l’Administration, en complément de la communication éventuelle du code source, dont la compréhension nécessite des compétences techniques en codage informatique, des explications complémentaires, explicitant les règles de traitement mises en œuvre et les principales caractéristiques de celle-ci30 ». Le texte accroît par ailleurs considérablement le champ des documents administratifs disponibles en ligne, non seulement en créant une obligation de diffusion publique des documents communiqués par les administrations (art. 6) mais en prévoyant également la mise en ligne automatique de nombreuses catégories de documents administratifs (art. 3).

Marie-Pierre Lapeyre

H – Conseil supérieur de l’audiovisuel – publication du rapport de la commission d’enquête sur l’affaire numéro 23

La commission d’enquête sur les conditions d’octroi d’une autorisation d’émettre à la chaîne numéro 23 et de sa vente a rendu son rapport le 8 décembre dernier. Le document, particulièrement sévère, pointe les multiples défaillances du CSA. En accordant une autorisation d’émettre à la chaîne numéro 23, le CSA aurait étudié avec une inquiétante bienveillance le projet et la structure financière de la société exploitant la chaîne TNT. Le régulateur se serait également montré complaisant dans le contrôle des engagements de la chaîne. Le rapport souligne par ailleurs les approximations du CSA lors de la procédure de sanction l’amenant à abroger l’autorisation d’émettre de la chaîne numéro 23, décision que le Conseil d’État a par la suite annulée sans difficulté31. Le rapport se termine par une liste de neuf propositions visant à pallier les dysfonctionnements d’un régulateur qui, dans cette affaire numéro 23 aux forts enjeux politico-financiers, n’a pas su remplir son office.

Sebastiaan van Ouwerkerk

I – Conseil supérieur de l’audiovisuel – Conseil d’État, 10 novembre 2016, n° 384691 : recours pour excès de pouvoir contre les actes de droit souple du CSA

Dans le cadre de sa jurisprudence récente32, le Conseil d’État accepte de statuer sur la recevabilité d’un recours en annulation formé contre la recommandation, prise par une autorité de régulation et qui ne produit aucun effet juridique, dès lors qu’elle a pour objet « d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ».

Par une délibération et deux communiqués de presse, le CSA avait fait part à M6, D8 et Canal + du caractère inapproprié de la diffusion au sein d’écrans publicitaires d’un message relatif à la sensibilisation de la société sur la trisomie 21. Le juge administratif considère que ces actes, qui ne font pas grief, ont influé sur le comportement des responsables des chaînes, en les dissuadant de procéder à la diffusion de ce message. Le Conseil d’État rejette, en considérant que le CSA n’a commis aucune erreur d’appréciation car si l’objet du message était d’intérêt général son support de diffusion, lui, ne l’était pas.

Anthony Falgas

II – La protection de la vie privée

A – Commission nationale informatique et libertés – deux délibérations du 21 juillet 2016, la Cnil simplifie le lancement des recherches dans le domaine de la santé

Par deux délibérations en date du 21 juillet 201633, la Cnil a profondément modifié le régime du traitement des données personnelles utilisées pour des recherches dans le domaine de la santé. Tenant compte des nouvelles catégories de recherches impliquant la personne humaine établies par la loi Jardé34, la Cnil a étendu le champ d’application de la méthodologie de référence (MR-001) à toutes les recherches nécessitant le recueil du consentement exprès ou écrit du patient. Elle a également homologué et publié une nouvelle méthodologie de référence (MR-003) applicable aux recherches pour lesquelles la non-opposition du patient après information est demandée. Les promoteurs de recherches concernés ne sont désormais soumis qu’à un engagement de conformité à ces méthodologies et peuvent débuter leur projet après réception d’un récépissé délivré par la Cnil dans les 48 heures après la soumission d’une demande en ligne. Espérons que l’absorption des anciens CCTIRS par des Comités de protection des personnes aux compétences élargies, combinée à l’absence de moyens matériels pour contrôler le respect de tels engagements de conformité, ne constitue pas un nouveau « chèque en blanc » fait aux chercheurs au détriment de la protection des personnes.

Thibaut Coussens

B – Commission nationale informatique et libertés – sanctions de sites de rencontre

L’existence de consentement est, pour la Cnil aussi, à la base d’une relation amoureuse. Dans deux délibérations (nos 2016-405 et 2016-406), la première des autorités indépendantes a « condamné », respectivement à 10 000 et 20 000 € d’amende, les sociétés SAMADHI (site Attractive world) et MEETIC SAS.

Cette sanction, prise le 15 décembre 2016, intervient après une mise en demeure de juin 2015, dans laquelle la Cnil montre un certain nombre d’atteintes à la loi Informatique et libertés lors de l’inscription sur ces sites de rencontre.

En formation restreinte, elle a considéré que les dispositions relatives à la collecte des données sensibles des personnes physiques (orientations sexuelles, majorité) devaient donner lieu à un consentement distinct pour chaque catégorie de données sur la base d’une information spécifique.

Ainsi, la mise en place d’une « case à cocher » valant acceptation des traitements des données spéciales et normales (conditions générales d’utilisation) ne peut être regardée comme satisfaisant les prescriptions de l’article 8 de la loi Informatique et libertés. Cette confusion des consentements a entraîné le prononcé des sanctions pécuniaires et la publicité des délibérations au regard de la gravité des atteintes constatées à la loi Informatique et libertés.

Marc Sztulman

C – Commission nationale informatique et libertés et Commission nationale consultative des droits de l’Homme – fichier TES

Face aux dangers pour les droits et libertés qui résultent de la mise en place du fichier TES (titres électroniques sécurisés), la Cnil et la CNCDH ont contribué au développement d’un débat public et à l’interruption momentanée du projet.

Le fichier TES vise à réunir dans une seule base centralisée les données biométriques recueillies à des fins d’authentification des personnes dans le cadre de l’établissement des cartes nationales d’identité et des passeports. Ce fichier regroupera deux fichiers existants, celui relatif aux passeports et celui relatif aux cartes d’identité, et comportera des informations personnelles très sensibles sur la quasi-totalité des citoyens français. À des titres divers et selon des modalités distinctes, la Cnil et la CNCDH ont cherché, de manière complémentaire, à alerter l’opinion et les pouvoirs publics sur les dangers en termes de piratage du fichier mais aussi de détournement de ses finalités.

Saisie pour avis du projet de décret autorisant la création de ce fichier en vertu de l’article 27, l, 2°, de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, la Cnil a rendu, le 29 septembre 2016, un avis n° 2016-292 favorable mais assorti de réserves de fond et de forme. Sur le fond, la Cnil invite à étudier d’autres mécanismes présentant moins de risques (tels que l’enregistrement des données biométriques sur le titre d’identité) et à enregistrer des gabarits plutôt que les empreintes biométriques elles-mêmes. Sur la forme, si le gouvernement pouvait bien agir par décret, la Cnil invite les pouvoirs publics, en particulier le législateur, à se saisir de cette question afin que des études d’impact soient réalisées et qu’un débat public ait lieu. Concomitamment à la publication du décret autorisant la création de ce fichier le 28 octobre35, le Parlement a répondu à cet appel en organisant des auditions et des discussions en commission et en séance publique.

Inquiète de cette situation, la CNCDH s’est également saisie de la question et a demandé, dans une déclaration du 15 décembre 2016, la suspension pure et simple du décret. À cet effet, elle prend expressément appui sur l’avis de la Cnil appelant à une concertation préalable. Elle se fait ainsi le relais des réserves émises et prolonge les critiques, notamment sur les garanties entourant l’exploitation des données (destruction des données, durée de conservation, consultation de la base de données dans le cadre de la lutte contre le terrorisme).

Face à cette mobilisation conjointe de la Cnil, du Parlement et de la CNCDH, la mise en œuvre du fichier a été reportée dans l’attente d’un audit de l’Anssi (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) et de la Dinsic (Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État). Rendu le 17 janvier dernier, le rapport d’audit confirme les craintes sur les risques de piratage du fichier et surtout de détournement de ses finalités. Si, dans l’attente des prochaines élections présidentielles, la mise en œuvre du fichier ne paraît plus d’actualité, ces institutions devront redoubler de vigilance lorsque le gouvernement décidera d’appliquer le décret qui n’a pas été retiré.

Émilie Debaets

D – Commission nationale informatique et libertés – Fichier TAJ

Dans son avis n° 2016-291, du 29 septembre 2016, sur le projet de décret modifiant l’article R. 40-29 du Code de procédure pénale et relatif au traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), la Cnil a eu à examiner les modifications apportées à la consultation de ce fichier dans le cadre des enquêtes administratives. La consultation du TAJ n’est pas cantonnée à des objectifs strictement policiers. Il peut aussi être consulté à des fins d’enquêtes administratives notamment pour l’accès à l’emploi et à la nationalité.

Les modifications envisagées visent à permettre la communication de données enregistrées dans le TAJ aux organismes de coopération internationale et aux services de police étrangers dans le cadre d’enquêtes administratives. Malgré les dysfonctionnements persistants sur la mise à jour des données enregistrées dans le TAJ et l’élargissement très important des consultations administratives que le projet envisage, la Cnil ne s’y est pas opposée, le principe de telles consultations administratives étant admis par le législateur et validé par le Conseil constitutionnel36. Elle a donc cherché à rassurer et à se rassurer elle-même en réclamant un certain nombre de garanties complémentaires. En premier lieu, elle a demandé de restreindre les services destinataires en les limitant aux seuls services de police étrangers. En deuxième lieu, elle a exigé que les demandes formulées par les services de police étrangers soient davantage encadrées (pour les seuls besoins d’enquêtes administratives, par des agents habilités…). En troisième et dernier lieu, elle a souhaité que les services de police français procèdent à des contrôles préalables des demandes de consultation (contrôle des habilitations, contrôle des motifs). Mais, en tout état de cause, le gouvernement n’est pas lié par ces demandes comme en atteste la publication du décret37.

Émilie Debaets

E – Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) : Conseil d’État, arrêts du 19 octobre 2016.

Le 19 octobre 201638, la section spécialisée du Conseil d’État, créée par la loi du 24 juillet 2015, a rendu ses premiers arrêts visant à contrôler la légalité des techniques de renseignement. L’objectif de la loi était non seulement de doter les services de renseignement français d’un fondement légal, mais aussi d’en renforcer le contrôle. Le choix du pouvoir législatif a été de contrebalancer l’augmentation considérable des pouvoirs de l’exécutif par l’instauration d’un double contrôle, administratif et juridictionnel. La protection de la sûreté de l’État, au centre de ces questions, a conduit à la mise en place d’une procédure particulière. Celle-ci découle des nouvelles compétences du Conseil d’État afin que celui-ci puisse effectuer un contrôle suffisant des mesures tout en prenant en compte leurs spécificités. Elles ont été confiées à une formation spécialisée dont les membres sont habilités au secret de la défense nationale. Par ce biais, le juge ne peut se voir opposer le secret comme limite pour accéder à certaines informations nécessaires à une appréciation autonome de la légalité des mesures prises. De plus, la loi prévoit un contradictoire asymétrique dans lequel les parties sont entendues séparément lors de l’instruction lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale. Par ces aménagements procéduraux, le juge peut être en mesure d’apprécier la légalité des mesures en ayant connaissance de toutes les informations nécessaires, y compris celles pouvant mettre en jeu la sécurité de l’État, sans que les destinataires de ses mesures n’aient à en connaître. Par suite, le juge peut effectuer un contrôle approfondi de la légalité des mesures. Néanmoins, le secret produit un nouvel effet dans le rendu de la décision. Si la section spécialisée semble vérifier la régularité des actes soumis à son contrôle, la teneur de celui-ci n’est pas explicitée. Dans les décisions, le juge administratif ne rend qu’une réponse laconique laissant le requérant dans la situation de devoir lui faire une confiance aveugle pour protéger ses droits. Ces arrêts mettent en lumières la difficile protection des droits fondamentaux dans les domaines liés à la sûreté de l’État. La juridiction administrative n’a qu’une marge de manœuvre très limitée puisqu’elle ne peut rien dire, mais la lecture de ses décisions ne permet pas de rassurer sur l’étendue du contrôle opéré, autrement que par la confiance accordée au Conseil d’État pour contrôler l’Administration.

Salomé Gottot

F – Défenseur des droits – décision du 24 juin relative à la modification du sexe sur l’état civil

Le transsexualisme désigne la situation d’une personne qui a le sentiment d’appartenir au sexe opposé à son sexe biologique. Les personnes concernées sont dès lors confrontées à de nombreuses difficultés et particulièrement exposées aux risques de discrimination. Après avoir rappelé l’état des législations internationale et européenne sur le sujet, le défenseur des droits formule des observations sur les exigences françaises relatives à la modification de la mention du sexe à l’état civil.

Au niveau international, le défenseur des droits note la tendance à l’abandon de l’exigence relative à la stérilisation des personnes comme préalable au changement de la mention du sexe, ce, conformément au respect de l’intégrité physique et de la vie privée (Conv. EDH, art. 8 ). La tendance est également marquée par la volonté de faciliter cette procédure, en réduisant notamment sa durée. À l’heure actuelle en effet, une procédure de changement de sexe à l’état civil dure en moyenne (lorsqu’elle aboutit !), entre 3 et 9 ans.

Incités en ce sens par les instances internationales et européennes, certains États européens ont d’ores et déjà réformé leurs procédures dans le sens de l’allégement des conditions médicales préalables à la reconnaissance. Aujourd’hui encore, en effet, la plupart des États exigent que le diagnostic de transsexualisme soit posé par un médecin et qu’une opération ait été réalisée. L’évolution consisterait dans la mise en place de procédures déclaratives, plus fondées sur l’aspect social du changement (connaissance de la personne concernée, par sa famille, ses amis, son entourage professionnel, sous le sexe revendiqué). Déjà mises en place par l’Irlande, le Danemark, et la république de Malte, ces procédures déclaratives demeurent cependant encadrées au regard de leur importance et des risques d’abus auxquels elles peuvent donner lieu (délais de réflexion, obligation de réitérer sa volonté).

La situation de la France est particulière, en ce qu’en cette matière, il n’existait, jusqu’à peu, aucun encadrement de nature législative ou réglementaire. La procédure en place était issue de la jurisprudence de la Cour de cassation. Bien que cette procédure ait évolué dans le sens de l’assouplissement, et en dépit de l’intervention de la circulaire du 14 mai 201039, le défenseur des droits doute toutefois de la conformité de celle-ci au regard de la Convention EDH. Deux points cristallisent les critiques : il s’agit de la longueur de la procédure ainsi que de son caractère aléatoire. En effet, la condition que soit rapportée la preuve de la stérilité irréversible du demandeur n’est pas scientifiquement et médicalement possible. L’exigence des juges étant variable, cela donne lieu à une jurisprudence fluctuante ; les demandeurs allant dès lors jusqu’à se domicilier dans le ressort de tribunaux réputés plus souples dans l’appréciation de ces conditions.

La situation a désormais évolué suite à l’adoption de la loi de modernisation de la justice du XXIsiècle, le 18 novembre dernier40. Intégrant une section 2 bis relative à « la modification de la mention du sexe à l’état civil » à l’article 60 du Code civil, elle intègre les évolutions opérées par la jurisprudence. Il n’est ainsi plus fait mention de l’exigence de preuve de l’irréversibilité du changement, donc de la stérilité du demandeur (C. civ., art. 61-6). La procédure reste cependant toujours judiciaire, le demandeur devant saisir le tribunal de grande instance. À ce titre, la préconisation du défenseur des droits appelant à la mise en place d’une procédure déclarative auprès de l’officier de l’état civil placé sous l’autorité du procureur de la République n’a pas été suivie.

On constate néanmoins une évolution favorable de la reconnaissance des personnes transgenres. Dans ce sens, le Conseil constitutionnel a récemment validé l’introduction de la notion d’« identité de genre » en lieu et place de « l’identité sexuelle » dans différentes dispositions pénales réprimant notamment la diffamation ou des discriminations41. Il s’agit ce faisant d’ajouter à ces interdictions, celles liées à l’identité de genre, c’est-à-dire de viser le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état-civil. Après avoir rappelé que cette notion figurait déjà dans plusieurs textes internationaux, il a estimé que ces termes étaient suffisamment clairs et précis pour respecter le principe de légalité des délits et des peines (cons. 89).

Camille Cubaynes

III – La lutte contre les discriminations

A – Défenseur des droits – Démantèlement d’un bidonville et du camp de la lande de Calais, MLD-MSP-2016 du 25 juillet 2016 et MSP-MDE du 14 octobre 2016

Le défenseur des droits a présenté des observations devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Béthunes et celui du tribunal administratif de Lille dans deux affaires similaires sur le plan du droit (occupations sans droit ni titre de terrains) bien que dissemblables sur le plan de leurs données factuelles en raison notamment de la différence du nombre des personnes présentes sur les deux sites (250 seulement sur le terrain de la commune de Norrent-Fontes, plusieurs milliers sur le camp de la lande de Calais dont un très grand nombre de mineurs isolés). Une série de questions de droit et d’arguments furent donc identiquement exposées sur les deux dossiers d’expulsion et de démantèlement.

Le défenseur des droits rappelle d’abord que la définition du domicile donnée par la Cour EDH ne prend pas en considération la légalité de l’occupation42. Il souligne ensuite que, dans l’affaire Yordanova, la Cour a affirmé l’existence d’une obligation de fournir un abri aux personnes « particulièrement vulnérables » qui pouvait se déduire de l’article 8, alors même qu’un droit au relogement ne découlait pas de la Convention. Ainsi, aucune expulsion ne peut avoir lieu sans qu’aient été mis en balance le risque encouru par un groupe social défavorisé de se voir privé d’un abri et le respect du droit de propriété. La Cour a déjà condamné la France sur le fondement de cette jurisprudence43, initiée pour des populations roms mais transposable aux migrants, demandeurs d’asile44. Le défenseur des droits affirme également que la justification de l’expulsion par des considérations d’insalubrité ou d’insécurité n’est admise que dans de rares cas de dangerosité extrême et avérée45. Les juridictions françaises ont très souvent appliqué ces principes dans des affaires d’expulsion, certaines de ces décisions ayant été prises conformément aux observations du défenseur des droits46. À l’appui de ses recommandations, ce dernier invoque également la circulaire interministérielle du 26 août 2012 qui exige le respect de l’obligation scolaire, du suivi médical et de l’accès aux soins ainsi qu’une mise en place de solutions d’hébergement pérennes avant toute opération d’expulsion. Concernant les mineurs présents sur la lande de Calais, le défenseur des droits insiste encore sur l’absolue nécessité d’une solution « solide et claire » pour leur mise à l’abri et leur prise en charge. Les arguments de droit du défenseur des droits ne furent pas repoussés par les deux juges mais c’est l’appréciation de la crédibilité des mesures envisagées, tant de relogement des personnes que de prise en charge des mineurs qui les divisa. Le juge de Béthunes les jugea incertaines et imprécises tandis que le juge de Lille les estima globalement satisfaisantes.

Hélène Simonian

B – Commission nationale consultative des droits de l’Homme – avis du 8 novembre 2016, contrôles au faciès

Cet avis du 8 novembre 2016, rendu à l’unanimité, fait suite à la condamnation de l’État par la cour d’appel de Paris, le 24 juin 2015, pour faute lourde en raison de contrôles d’identité jugés discriminatoires, condamnation par ailleurs confirmée en cassation par quatre arrêts du 9 novembre 201647. La CNCDH étudie la pratique des contrôles d’identité effectués par la police ou la gendarmerie, notamment dans le cadre des réquisitions du parquet, et plus particulièrement sous l’angle du « profilage ethnique » ou « contrôles au faciès » discriminatoires.

L’avis analyse les différentes pratiques et conceptions du travail de police, notamment à l’appui d’études sociologiques fournies, pour aboutir à une série de douze recommandations visant d’une part à obtenir une vision chiffrée des contrôles d’identité et de leur efficacité, mais également, d’autre part, à encadrer ces contrôles afin d’en objectiver les critères, de garantir le déroulé du contrôle et enfin de faciliter d’éventuelles contestations. Sont notamment évoquées une clarification des dispositions normatives permettant les contrôles ou encore une facilitation des suivis des contrôles par exemple via des « récépissés ».

Sacha Sydoryk

C – Défenseur des droits – décision MLD n° 2016-236 – discrimination en raison de l’âge

Le défenseur des droits renouvelle son interprétation du principe de discrimination en raison de l’âge, dans le cadre de la fourniture de biens et de services. En matière de crédit, plus spécifiquement, le défenseur des droits explique que « si l’âge peut être une donnée pertinente pour l’analyse du risque financier, son utilisation ne doit pas conduire à exclure systématiquement de la procédure les clients ayant atteint un âge déterminé »48. Le défenseur des droits effectue un véritable contrôle de proportionnalité, conciliant les exigences financières, propres à la fourniture de prêts ou de crédits, et les exigences du Code pénal49, relatives à la lutte contre les discriminations.

Le défenseur des droits raisonne en deux temps afin d’identifier l’existence de pratiques discriminatoires. Dans un premier temps, il cherche au sein de la « politique commerciale » de la banque si des pratiques discriminatoires sont institutionnalisées. Il se fonde alors sur plusieurs documents, destinés au personnel des agences, fixant les règles et les pratiques d’octroi de prêts et de crédits. Le défenseur des droits rappelle que la fixation préalable d’un âge, interdisant l’octroi d’un crédit renouvelable, relève d’une discrimination, et donc d’une infraction prévue à l’article 225-2, 4°, du Code pénal. Cependant, selon le défenseur des droits, l’existence d’une procédure dérogatoire pour l’octroi d’un prêt, en raison de l’âge n’est pas une pratique discriminatoire prohibée. La procédure n’a pas pour objet d’écarter les personnes du prêt systématiquement en raison de l’âge, mais de faire de l’âge une donnée supplémentaire dans l’établissement du risque qu’encourt la banque à travers son prêt. Dès lors, la possibilité de mise en place d’une procédure dérogatoire, en raison d’un âge préalablement fixé, est justifiable et proportionnée.

Dans un second temps, le défenseur des droits s’intéresse au cas particulier du réclamant. Le simple refus de prêt était, en l’espèce, discriminatoire. Le défenseur des droits dénonce le manque d’informations, au sein de la banque, qui a conduit les conseillers financiers à refuser le prêt, sans proposer de soumettre le dossier du réclamant à une procédure dérogatoire. Peu importe que la banque ait, a posteriori de la saisine du défenseur des droits, fait une telle proposition, le refus caractérise une discrimination. L’âge devient, de facto, une limite systématique.

Jean-Philippe Suraud

D – Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – loi pour une république numérique

C’est dans le cadre de la mise en œuvre du règlement n° 2015/2120, du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert, modifiant la directive n° 2002/22/CE, relative au service universel et aux droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques ainsi que le règlement n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union, qu’est inséré, en droit national, le principe de la neutralité de l’internet par la loi pour une république numérique50. Reprenant dans ce cadre les lignes directrices de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE), l’article 40 de la loi, modifiant l’article L. 33-1 du Code des postes et des télécommunications, définit la neutralité de l’internet comme la garantie d’« accès à l’internet ouvert ». Autrement dit, la neutralité de l’internet doit permettre aux utilisateurs finaux d’accéder aux informations et aux contenus, de les diffuser, de les utiliser et de fournir les applications et les services sans discrimination ni censure, par l’intermédiaire de leurs fournisseurs d’accès à internet51. Selon les lignes directrices de l’ORECE, il s’agit de l’internet « best effort », mettant à la charge des fournisseurs d’accès une obligation de moyens pour assurer un traitement égal de tout le trafic qui transite sur internet, indifféremment des contenus, de leur provenance ou de leur destination.

Dans cette optique, la loi pour une république numérique reconnaissant officiellement à l’Arcep le statut d’« autorité administrative indépendante »52, clarifie et renforce les conditions d’enquête, notamment en matière de communication des documents et d’investigation sur place53. L’article 79, quant à lui, double les plafonds des sanctions en cas de non-respect de l’obligation de couverture de la population prévue par l’autorisation d’utilisation de fréquences attribuées. Enfin, la loi pour une république numérique permet une saisine réciproque, pour avis, entre l’Arcep et la Cnil54.

Quentin Alliez

Notes de bas de pages

  • 1.
    Des Esgaulx M.-H. (prés.), Mézard J. et a., « Commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes », Rapp. Sénat n° 126, 28 oct. 2015.
  • 2.
    Cons. const., 23 juill. 1996, n° 96-378 DC.
  • 3.
    CE, 3 mai 2011, n° 331858, SA Voltalis.
  • 4.
    Gélard P., « Autorités administratives indépendantes - 2006-2014 : un bilan », Rapp. Sénat n° 616, 1er juin 2014, p. 12 et s.
  • 5.
    Rapp. Sénat n° 126, préc., p. 35.
  • 6.
    Rapp. Sénat n° 126, préc., p. 76.
  • 7.
    L’ensemble des textes constitutifs relatifs à chaque autorité indépendante.
  • 8.
    Elles ne pouvaient bénéficier que de fonctionnaires mis à disposition gratuitement par leur ministère de rattachement. Or cette formule était contraire à la nécessaire indépendance des AI.
  • 9.
    C’est-à-dire des mises à disposition payantes, les mises à disposition gracieuses étant contraire à l’indépendance des AI par le maintien du rattachement du fonctionnaire à son ministère.
  • 10.
    La proposition de loi initiale prévoyait également cette qualité au profit du président d’AAI puis cela a été supprimé. Il faut néanmoins préciser que cette suppression n’est pas dommageable car cela est prévu dans le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique reconnaissant dans son article 75 la qualité d’ordonnateur secondaire aux présidents des AAI.
  • 11.
    Loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées.
  • 12.
    Rapp. Sénat n° 126, préc., p. 87.
  • 13.
    L’Arjel, la commission du secret de la défense nationale, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la Cnil, le Haut conseil du commissariat aux comptes et le collège du Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
  • 14.
    Rapp. Sénat n° 126, préc., p. 80 et s.
  • 15.
    CE, Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, La Documentation française, févr. 2016, p. 46 à 49.
  • 16.
    Op. cit., p. 74.
  • 17.
    L. org. n° 2016-1690, 9 déc. 2016, relative à la compétence du défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte.
  • 18.
    L. org. n° 2011-333, 29 mars 2011, relative au Défenseur des droits.
  • 19.
    Cons. const., 8 déc. 2016, n° 2016-740 DC , ; L. org. n° 2016-1690, 9 déc. 2016.
  • 20.
    Ord. n° 2016-1060, 3 août 2016, portant réforme des procédures destinées à assurer l’information et la participation du public à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
  • 21.
    Le présent article énonce à ce titre les objectifs : « D’améliorer la qualité de la décision publique et de contribuer à sa légitimité démocratique » et « De sensibiliser et d’éduquer le public à la protection de l’environnement ».
  • 22.
    Cons. const., 8 déc. 2016, n° 2016-741 DC.
  • 23.
    Nadal J.-L. (dir.), Renouer avec la confiance publique, La documentation française, 2015.
  • 24.
    « Recommandations en urgence du 18 novembre 2016 relatives à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de Marne) », JO, 14 déc. 2016, texte n° 131.
  • 25.
    CGLPL, Isolement et contention dans les établissements de santé mentale, Dalloz, rapp. thématique, juill. 2016.
  • 26.
    CGLPL, Rapport d’enquête sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral : les unités dédiées ouvertes en 2016, 7 juin 2016.
  • 27.
    CGLPL, « Avis du 11 juin 2015 sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu carcéral », JO, 30 juin 2015, texte n° 126.
  • 28.
    La loi offre la possibilité pour la Cnil et la CADA de se réunir en un collège unique sur un sujet d’intérêt commun (art. 26 et 28), et charge le gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique (art. 29).
  • 29.
    Cette disposition met en œuvre une recommandation émise par la CADA dans son rapport d’activité de 2012.
  • 30.
    CADA, Rapport d’activité 2015, La documentation française, p. 78.
  • 31.
    CE, 30 mars 2016, n° 395702, Société Diversité TV France.
  • 32.
    CE, ass., 21 mars 2016, n° 368082, Société Fairvesta ; CE, ass., 21 mars 2016, n° 390023, Société Numéricable.
  • 33.
    Cnil, délib. nos 2016-262 et 2013-263, 21 juill. 2016.
  • 34.
    L. n° 2012-300, 5 mars 2012, relative aux recherches impliquant la personne humaine, appliquée depuis D. n° 2016-1537, 16 nov. 2016 : JO, 17 nov. 2016, texte n° 27.
  • 35.
    D. n° 2016-1460, 28 oct. 2016, autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux passeports et aux cartes nationales d’identité.
  • 36.
    Cons. const., 13 mars 2003, n° 2003-467 DC.
  • 37.
    D. n° 2016-1859, 23 déc. 2016, mod. CPP, art. R. 40-29 et relatif aux destinataires du traitement d’antécédents judiciaires
  • 38.
    CE, 19 oct. 2016, nos 396503, 396505, 396512, 396518, 396521, 396524, 396558, 396561, 396635, 396958, 397623, 398354, 398356, 400688  et 401976.
  • 39.
    Circ. DACS n° CIV/07/10, 14 mai 2010, relative aux demandes de changement de sexe à l’état civil.
  • 40.
    L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle.
  • 41.
    Cons. const., 26 janv. 2017, n° 2016-745 DC ; L. n° 2017-86, 27 janv. 2017, relative à l’égalité et à la citoyenneté.
  • 42.
    CEDH, 30 nov. 2004, n° 48939/99, Öneryildiz c/ Turquie, pour une décharge publique ; CEDH, 24 avr. 2012, n° 25446/06, Yordanova et autres c/ Bulgarie, pour un campement illicite.
  • 43.
    CEDH, 2 oct. 2010, n° 23516/08, Société Cofinco c/ France ; CEDH, 25 nov. 2013, n° 27013/07, Winterstein c/ France.
  • 44.
    CEDH, gde ch., 21 janv.2011, n° 30696/09, M.S.S. c/ Belgique et Grèce.
  • 45.
    CE, 5 avr. 2011, n° 347949. Pour une interprétation moins exigeante de l’insalubrité et de la dangerosité : TGI Bobigny, 30 août 2013, n° 13/01041, obs. DDD non suivies ; TGI Lyon, 13 oct. 2013, n° 13/02192, obs. DDD non suivies.
  • 46.
    Déc. MLD n° 2012-80, 19 déc. 2012 ; TGI Bobigny, 24 janv. 2013, n° 12/13284 ; Déc. MLD n° 2013-110, 16 mai 2013 ; TI Poitiers, 28 juin 2013, n° 12-17-00077.
  • 47.
    Notons qu’à propos des contrôles sur réquisition du parquet, le Conseil constitutionnel a émis une double réserve d’interprétation dans sa décision n° 2016-606/607 QPC du 24 janvier 2017, encadrant les lieux et moments visés par ces réquisitions, qui ne peuvent aboutir à des contrôles permanents.
  • 48.
    V. § 17 ; Déc. MLD n° 2015 -166, 19 juin 2015 ; Déc. Halde n° 2010 -207, 27 sept. 2010 ; Déc. Halde n° 2010-193, 27 sept. 2010.
  • 49.
    C. pén., art. 225-1 et s.
  • 50.
  • 51.
    L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016, pour une République numérique.
  • 52.
    Règl. n° 2015/2120, 25 nov. 2015, cons. 6.
  • 53.
    Art. 46.
  • 54.
    Art. 43.
  • 55.
    Art. 61.
X