Seine-Saint-Denis (93)

Hausse des tarifs de l’électricité : un maire de Seine-Saint-Denis dénonce un racket !

Publié le 09/11/2022
Electricité, énergie
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Le jeune maire de Neuilly-sur-Marne (93), Zartoshte Bakhtiari, a dénoncé dans une vidéo postée sur Twitter la situation des maires des communes confrontés à une escalade des tarifs de l’énergie… qui font couler leurs budgets.

Sur la vidéo publiée le 1er octobre dernier, le maire de Neuilly-sur-Marne (93), 32 ans, n’a pas la voix qui tremble. Zartoshte Bakhtiari est un rhéteur : avocat de profession et vice-président de l’EPT Grand Paris – Grand Est, il expose ses arguments les uns après les autres, imparables. Les chiffres sont clairs et nets, ne souffrent aucune opposition : « vol », « extorsion », « racket », « profiteurs de guerres », les mots de l’édile contre les distributeurs d’énergie, distribués dans la presse, sont durs mais la colère est sincère : les prix de l’énergie facturés à sa collectivité de 35 000 habitants vont passer de « 15 euros/MWh à 240 euros/MWh pour le gaz et de 65 euros/MWh à 2068 euros/MWh pour l’électricité. Soit une multiplication par 16 pour le gaz et par 32 pour l’électricité ! À l’échelle de toute la ville, on passerait de 2 millions d’euros pour la facture d’énergie à 10, 12 ou 15 millions d’euros. C’est totalement inacceptable, mais malheureusement le gouvernement laisse faire », explique le maire dans la vidéo.

La commune de Seine-Saint-Denis ne bénéficie pas du tarif réglementé qui ne s’applique qu’aux villages dotés de moins de deux millions d’euros de budget annuel et qui emploient moins de 10 agents. En septembre dernier, l’Association des maires de France (AMF) demandait d’ailleurs une extension à toutes les communes du bouclier tarifaire reconduit en 2023 pour les plus petites d’entre elles. « Je me réjouis pour les 30 000 communes concernées. Mais l’essentiel de la crise énergétique est porté par les communes qui ont les équipements (sportifs, culturels, etc., NDLR). Or ce sont justement les 5 000 les plus peuplées », a expliqué à nos confrères des Échos André Laignel, premier vice-président délégué de l’Association des maires de France.

« Un hiver froid et triste »

« Quand je tourne cette vidéo, je suis en colère », nous explique, sans ambages, le maire : « cela faisait des mois que je travaillais sur des appels d’offres. J’avais volontairement indiqué un plafond plus élevé que notre budget, en prévision d’une hausse des prix de l’électricité… mais je n’avais reçu aucune réponse des entreprises. Notre responsable transition énergétique et le responsable des services luttaient avec moi pour parvenir à obtenir des réponses, en vain. Un jour on reçoit les offres d’Enedis précisant cette hausse hallucinante des tarifs, puis un email du médiateur de l’énergie qui nous rappelle les règles de ce marché sauvage : si l’on ne signe pas, on nous coupera l’électricité », nous explique-t-il. Zartoshte Bakhtiari se souvient que par sa vidéo, il espérait alerter le plus de monde possible et sortir les maires de leur isolement. « Dès l’été nous étions plusieurs maires à nous sentir seuls à devoir gérer une situation qui serait forcément très compliquée : la plupart des Français ignorent totalement la réalité de la vulnérabilité des communes par rapport à l’inflation ».

Cette vulnérabilité face à l’économie peut avoir des conséquences dramatiques sur le budget d’une commune comme Neuilly-sur-Marne. « Avec les nouveaux tarifs, les frais de fonctionnement de la patinoire passent de 90 000 à 900 000 euros ! », précise le maire. Une réalité que l’élu avait pourtant d’ores et déjà tenté d’anticiper, avant de tirer la sonnette d’alarme via sa vidéo : « la semaine précédente, j’avais reçu l’ensemble des associations sportives pour les tenir au courant de la situation : dans le gymnase, le club de volley doit partager son créneau avec le club de danse, on doit couper l’eau chaude passer le chauffage à 14 degrés. Nous sommes aussi passés d’un lampadaire sur deux et l’extinction des éclairages publics dans les rues peu fréquentées, dans les écoles le chauffage est limité à 19 degrés », détaille le maire qui regrette que cette sobriété ne soit pas payante : « ces efforts de sobriété ne permettent de réduire la facture que de 10 % » !

Une politique vertueuse qui limite la casse

Heureusement pour l’édile, la commune dont il a pris les commandes en 2020 travaille depuis plusieurs années sa résilience. Des efforts qui paient aujourd’hui. « Depuis plusieurs années la commune a lancé une politique de rénovation énergétique de grande envergure et heureusement, nos équipements se chauffent à 60 % grâce à la géothermie profonde qu’on va chercher à 2,5 km de profondeur. Cela a amorti le choc, mais cela rend les choses d’autant plus injustes : nous sommes une commune vertueuse et malgré tout on se retrouve au pied du mur avec une facture énergétique qui va représenter 25 % du budget global (avant, il s’agissait plutôt de 5 %) ». L’élu s’inquiète aussi de la perception de ses administrés « comment va-t-on expliquer aux gens qu’ils vont payer plus pour être chauffés moins ? ».

Zartoshte Bakhtiari, affilié aux Républicains, se situe plutôt à droite de l’échiquier politique mais au téléphone, sa colère pourrait aussi bien être de gauche. « Le gouvernement a pour postulat que les communes ont un trésor de guerre, ce qui n’est pas le cas pour Neuilly-sur-Marne comme pour de nombreuses communes d’Île-de-France et de France en général », s’insurge le chef de file du collectif « Stop racket énergie », créé juste avant son coup de gueule. « J’en parlais dès cet été avec des collègues de l’EPT Grand Paris – Grand Est (qui rassemble 14 villes du sud de la Seine-Saint-Denis, NDLR), on se disait que nos factures allaient exploser. Au début j’ai un peu été pris pour celui qui criait au loup, mais ils ont fini par réaliser et se sont tous affolés » !

À Aulnay-sous-Bois (93), le 21 septembre dernier, la mairie lance une grande campagne d’affichage pour interpeller le gouvernement sur les conséquences de l’inflation sur les budgets municipaux « en 5 mois +9 millions d’euros sur le budget de la ville, l’État doit soutenir les Français et leurs villes »  : l’image – un homme qui tire ses poches vides de son pantalon – interpelle. Avec 13 maires (soit tout l’EPT excepté le ministre du Logement, maire de Clichy sous Bois), Zartoshte Bakhtiari de Neuilly-sur-Marne décide lui aussi de pousser un coup de gueule en lançant un collectif et une pétition qui a réuni près de 50 000 signatures (dont plusieurs sénateurs, députés et maires de communes franciliennes et françaises). « Le bouclier tarifaire pour les communes doit être prélevé sur les superprofits, pas sur la dette. Je ne me considère pas comme un Robin des Bois, mais là on peut parler de profiteurs de guerre, qui ont acheté à 42 euros du Mwh à EDF et le revendent à des tarifs monstrueux aujourd’hui », souligne le maire exaspéré.

Le maire et ses acolytes ont-ils été écoutés ? Lors du passage en force du budget 2023 par la Première ministre, un amendement a été adopté pour permettre un dispositif de soutien à toutes les communes (pas seulement les 30 000 concernées par le bouclier tarifaire) « qui auront subi en 2023 une perte d’épargne brute supérieure ou égale à 25 % et dont la hausse des dépenses d’énergie sera supérieure à 60 % de la progression des recettes réelles de fonctionnement ».

Pour le socialiste, André Laignel, président du Comité des finances locales et premier vice-président délégué de l’AMF, ce filet de sécurité « est complètement en-dessous des besoins actuels ». Dans un communiqué, il regrette que « la logique demeure la même : un soutien limité à un nombre restreint de collectivités, dont on ne connaîtra la liste qu’à la fin de l’année prochaine, et qui ne couvre qu’une petite partie des charges supportées »…

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