La prescription de l’action en répétition de l’indu d’une prestation sociale
Le délai de la prescription biennale de l’article L. 232-25 du Code de l’action sociale et des familles n’est pas interrompu par l’ouverture du délai de prescription de 4 ans de l’action des comptables publics prévue par l’article L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales.
CE, 5 oct. 2018, no 409136
L’article L. 232-1 du Code de l’action sociale et des familles dispose que : « toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences du manque ou de la perte d’autonomie liés à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée d’autonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins ». Cette APA, qui a le caractère d’une prestation en nature1, peut être versée aussi bien à un bénéficiaire qui réside à son domicile2, qu’à celui qui est pris en charge par un accueillant familial3, qu’à celui qui est placé en établissement4 ou encore à une personne sans domicile fixe5. Comme la plupart des prestations sociales, elle est accordée sur décision du président du conseil départemental qui doit intervenir dans un délai de 2 ans sous réserve de la preuve par l’allocataire de l’effectivité de l’aide qu’il a reçue ou des frais qu’il a dû acquitter, comme cela résulte du premier alinéa de l’article L. 232-25 du Code de l’action sociale et des familles. Selon le second alinéa du même texte : « cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par le président du conseil départemental ou du représentant de l’État, pour la mise en recouvrement des sommes indûment versées ». Le point de départ du délai de cette prescription de l’action en répétition de l’indu est celle du jour du versement de la prestation litigieuse6. Ce point de départ est cependant reporté au jour de leur découverte en cas de fraude ou fausse déclaration du bénéficiaire ce qui suppose chez celui-ci l’existence d’une volonté délibérée d’obtenir le versement d’une allocation pour laquelle il est sans droit7.
C’est à cette prescription biennale qu’a trait une décision rendue par le Conseil d’État en date du 5 octobre 20188. En l’espèce, une allocataire de l’APA versée à domicile a continué à bénéficier de cette prestation alors qu’elle était depuis plusieurs mois hébergée en établissement pour personnes âgées ce qui aurait dû donner lieu à une limitation du montant de l’allocation. Dans ces conditions, le président du conseil départemental débiteur de l’APA émet un titre exécutoire en récupération de l’indu versé à l’allocataire. Celle-ci étant décédée, c’est son fils, qui a accepté sa succession, qui est poursuivi. Ce dernier invoque le fait que l’action du département est prescrite, sur le fondement de l’article L. 232-25 du Code de l’action sociale et des familles, car il s’est écoulé une période supérieure à 2 ans entre le premier et le second titre exécutoire émis par le département en vue du remboursement des sommes indûment versées. Le débiteur de l’allocation fait valoir que ce délai biennal a été interrompu à la date ou est intervenu un titre de prise en charge par le comptable public, en application de l’article L. 1617-5 du Code général des collectivités territoriales, qui ouvre un délai de prescription de 4 ans. Les décisions des commissions départementale et centrale d’aide sociale, qui avaient admis la position du président du conseil départemental, sont censurées par le Conseil d’État. Celui-ci considère en effet que : « l’ouverture du délai de 4 ans des actions des comptables publics pour le recouvrement de la créance n’a pas pour effet de proroger le délai de l’action intentée par le président du conseil général (aujourd’hui conseil départemental) pour la mise en recouvrement des sommes indûment versées ». Cette analyse semble justifiée. De fait, si le législateur a voulu limiter dans le temps l’action en recouvrement de l’indu de l’APA (2 ans au lieu des 5 ans du droit commun), c’est pour éviter que les allocataires de bonne foi soient tenus plus longtemps sous la menace de cette action. Tel aurait été le cas si l’on avait admis la position du département car elle aurait abouti à porter le délai de la prescription jusqu’à 6 ans.
La commission centrale d’aide sociale a donc commis une erreur de droit qui justifie l’annulation de sa décision par le Conseil d’État et le renvoi de l’affaire à la même commission. Cependant, celle-ci devrait avoir cessé d’exister à compter du premier janvier 2019 en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Notes de bas de pages
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1.
CASF, art. L. 232-2.
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2.
CASF, art. L. 232-3.
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3.
CE, 28 nov. 2014, n° 365733.
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4.
CASF, art. L. 232-8.
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5.
CASF, art. L.232-12, al. 1.
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6.
CE, 27 avr. 2015, n° 378880 : RDSS 2015, p. 745, obs. Dagorne-Labbe Y.
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7.
CE, 15 juin 2009, n° 320040, en matière de remise de l’indu du RMI ; Cass. 2e civ., 28 avr. 2011, n° 10-19551 : Bull. civ. II, n° 103, en matière d’AAH.
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8.
CE, 5 oct. 2018, n° 409136 : Dalloz actualité 16 oct. 2018, obs. Pastor J.-M.