Voies sur berges : la CCI du Val-de-Marne s’inquiète du projet parisien

Publié le 21/09/2016

La décision de la mairie de Paris de fermer les voies sur berges continue d’attiser les critiques, que ce soit sur le fond du projet comme sur la manière dont il a été mené. Dernier opposant en date à faire entendre sa voix, le président de la CCI du Val-de-Marne qui a profité de la signature entre la chambre régionale et la ville de Paris pour exprimer ses griefs à Anne Hidalgo.

Votée au Conseil de Paris le 1er décembre 2015, la décision de la maire de Paris de faire piétonniser les 3,3 kilomètres de voies sur berges rive droite de la Seine n’en finit pas de faire parler d’elle. Au point que le sujet soit devenu le feuilleton politique de la rentrée du Grand Paris. Le projet s’inscrit dans la logique de « rendre la capitale aux piétons », comme l’expliquait Anne Hidalgo tout en s’employant à faire baisser la pollution de l’air. Une logique que semblent approuver les Parisiens si on en croit un sondage IFOP d’avril 2016, selon lequel ils sont 67 % à vouloir une diminution du nombre de voitures dans la capitale.

Si la gauche et les écologistes se réjouissent de l’application future de cette décision, de nombreuses voix se sont en revanche levées chez les maires des villes de banlieue. Les territoires voisins de la capitale s’inquiètent que leur population soit privée du seul grand axe qui autorise la traversée rapide d’ouest en est. Éric Berdoati, maire LR de Saint-Cloud, manifestait ainsi récemment ses craintes sur l’augmentation du temps de trajet des Franciliens : « Au minimum, vous allez augmenter votre trajet de plus de 20 minutes. C’est colossal ». Mais malgré les nombreuses oppositions, pétitions, et l’avis défavorable de la commission d’enquête publique le 22 août, la maire de Paris reste vent debout et compte bien mener son projet jusqu’au bout. Le préfet de police de la ville, Michel Cadot, s’est d’ailleurs prononcé en faveur d’une période d’essai de six mois pour le projet de piétonisation. L’interdiction de circulation des voitures sur les voies sur berges rive droite sera examinée une dernière fois au Conseil de Paris le 26 septembre prochain et, sauf coup de théâtre, y sera définitivement approuvé.

Gérard Delmas, président de la CCI du Val-de-Marne, revient pour les Petites Affiches sur ce que cette décision va engendrer comme risques pour la vie économique du Grand Paris.

Petites Affiches – Quel est votre avis sur le projet de piétonisation des voies sur berges ?

Gérard Delmas – Je comprends la vision de la maire qui souhaite bien faire pour sa ville, mais il y a un véritable problème lorsque ce type de décision a des impacts majeurs sur les territoires voisins. Je ne suis pas là pour être dans la contestation pure, mais comme tout le monde je pars d’un constat simple : les axes de circulation sont aujourd’hui arrivés à un point de saturation extrême, que ce soit dans le Val-de-Marne ou les autres départements limitrophes de Paris. La fermeture des voies sur berges de la rive droite ne va rien arranger. Cette décision a été prise très rapidement et de manière unilatérale par la ville de Paris, ce que nous déplorons.

LPA – Craignez-vous que cela ait un impact économique sur votre territoire ?

G. D. – Avec la chambre régionale de commerce (CCIR), nous avons émis des doutes importants sur ce projet, car nous pensons qu’il pourrait avoir des conséquences néfastes en affectant directement le tissu économique local. Je pense au MIN de Rungis par exemple, cela va créer des difficultés dans les livraisons et les restaurateurs de Rungis vont se retrouver pénalisés. Ce n’est évidemment pas le seul exemple, de nombreuses entreprises du Val-de-Marne ont des clients qui sont dans Paris. Cette décision risque d’affecter la vie économique du Grand Paris au sens large du terme.

LPA – Avez-vous des contre-propositions à faire ?

G. D. – Je pense qu’il est temps de repenser à l’organisation des grands axes de circulation. On voit bien que si chacun prend des décisions dans son coin, cela ne fait qu’empirer la situation. Il faut avoir une vision plus large et plus collective qui permette de surmonter les problèmes. Nous sommes capables de trouver des solutions intermédiaires pour fluidifier une circulation qui continue chaque jour de se densifier.

LPA – Valérie Pécresse a exprimé son souhait de plutôt voir une solution décidée au niveau régional. Qu’en pensez-vous ?

G. D. – Pourquoi pas oui, la région est un périmètre envisageable. Dans tous les cas il est certain que ce sont des décisions qui ne concernent pas uniquement Paris. Anne Hidalgo a réalisé beaucoup de belles choses dans sa ville, mais sur ce cas précis il n’est pas possible de réfléchir uniquement avec un prisme parisiano-parisien. La fermeture des voies sur berges aurait dû être étudiée dans le détail avec ceux qui sont eux aussi touchés directement par la décision, c’est-à-dire les voisins de Paris. Vouloir agir pour faire baisser la pollution est très respectable, ce n’est cependant pas une raison pour ne pas consulter les territoires concernés. Ce n’est pas en se refermant sur elle-même que Paris va continuer à se développer.

LPA – Anne Hidalgo semble faire preuve d’une détermination sans faille, pensez-vous que les voix dissonantes suffiront à lui faire faire marche arrière ?

G. D. – Je n’ai pas la prétention d’être la personne qui fera reculer Anne Hidalgo sur sa décision. J’aimerais simplement souligner le fait que cette décision a été prise trop rapidement et de manière unilatérale.

La proposition du préfet de police de Paris, prêt à un test de six mois, me paraît aussi risquée. On imagine très bien qu’à l’issue de cette période, il sera très difficile de faire machine arrière. Il faut sortir de son pré carré pour réfléchir aux plans de circulation du Grand Paris et les repenser entièrement. Redonner Paris aux Parisiens est une jolie idée, mais Paris a toujours vécu de ses flux. Même dans le Val-de-Marne, on peut voir certains maires qui mettent des sens interdits pour empêcher les flux de circulation causés par les bouchons de l’A86 et de l’A4 totalement saturées dès 7h du matin. Cela montre bien l’ampleur du problème.

LPA – Le jeudi 15 septembre, le CCIR signait un partenariat économique avec la mairie de Paris, c’était l’occasion de lui faire part de vos griefs ?

G. D. – Ce n’est pas parce que l’on signe un partenariat avec Paris que l’on doit être d’accord sur tout. Là il y a quand même une problématique épineuse pour nous. La chambre régionale a fait savoir à Anne Hidalgo qu’elle doit prendre en compte ses voisins. La maire sait que nous ne sommes pas d’accord et nous lui avons rappelé notre point de vue. Il est déplorable qu’elle refuse de prendre plus de temps sur ce sujet…

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