Panorama de droit administratif (décembre 2020)

Publié le 28/05/2021
Droit administratif
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Les arrêts figurant dans cette sélection de la fin de l’année 2020 ajustent le contrôle du juge sur les ordonnances de l’article 38 de la Constitution non ratifiées, précisent les règles de procédure applicables devant la commission du stationnement payant et au forfait de stationnement. L’état d’urgence sanitaire donne au Conseil d’État l’occasion de préciser les règles du concours de la police nationale générale et d’une police nationale spéciale. Le régime de la responsabilité pour faute simple est étendu à l’hypothèse de manquement de l’inspection du travail à ses obligations de contrôle. Le Tribunal des conflits précise la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique, en matière contractuelle et de relations entre un service public industriel et commercial et ses usagers.

Réparation de dommages du fait de fautes commises dans la phase administrative de la procédure d’expropriation : compétence administrative

T. confl., 7 déc. 2020, n° 4199, Mme C. Il résulte des articles L. 223-2 et R. 223-6 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique qu’il appartient au juge de l’expropriation, chargé de constater l’absence de base légale de l’ordonnance d’expropriation, de connaître des actions engagées par l’exproprié contre l’expropriant pour obtenir la réparation de tous les préjudices qui sont en lien avec le transfert irrégulier de propriété1.

En revanche, il appartient au juge administratif de connaître de l’action en responsabilité dirigée par l’exproprié contre l’État à raison de fautes qui ont été commises dans la phase administrative de la procédure d’expropriation et qui sont susceptibles de lui avoir directement causé un dommage indépendant de ceux qui trouvent leur origine dans le transfert irrégulier de propriété2.

Contrat établissant une servitude conventionnelle d’écoulement des eaux : compétence judiciaire

T. confl., 7 déc. 2020, n° 4198, SA du canal de la Brillanne. Le contrat établissant une servitude conventionnelle d’écoulement des eaux au profit de l’association syndicale autorisée du canal de Manosque, établissement public administratif, ne comporte aucune clause, qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquerait dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs. Il n’a pas non plus pour objet de faire participer le cocontractant de l’établissement public, personne de droit privé, à une opération de travaux publics, ni à l’exécution du service public de distribution d’eau.

Le contrat invoqué est dès lors de droit privé et la demande de la société anonyme contre l’association syndicale autorisée relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

Contestation d’une redevance par l’usager d’un SPIC : compétence judiciaire

T. confl., 7 déc. 2020, n° 4200, Cté de communes de l’île de Noirmoutier. Le règlement du service public d’assainissement collectif de la communauté de communes dispose que les propriétaires doivent supporter une majoration de la redevance d’assainissement en cas de non-réalisation des travaux nécessaires pour remédier aux anomalies décelées, à l’occasion d’un contrôle, dans leur raccordement au réseau public d’assainissement collectif. Cette redevance majorée est distincte de la somme que l’article L. 1331-8 du Code de la santé publique impose aux propriétaires d’immeubles d’acquitter quand ils n’ont pas respecté les obligations prévues par les articles L. 1331-1 à L. 1331-7-1 du même code, c’est-à-dire quand ils n’ont pas réalisé de raccordement au réseau public d’assainissement et ne sont donc pas usagers du service public de l’assainissement collectif.

Le litige né de la contestation, par un usager du service public de l’assainissement collectif, de la redevance majorée mise à sa charge en application des dispositions du règlement du service, relatif à la redevance réclamée à un usager d’un service public industriel et commercial, ressortit, sous réserve d’éventuelles questions préjudicielles sur la légalité du règlement du service, à la juridiction judiciaire3.

Cantine scolaire : les menus de substitution sont une faculté

CE, 11 déc. 2020, n° 426483, Commune de Chalon-sur-Saône. S’il n’existe aucune obligation pour les collectivités territoriales gestionnaires d’un service public de restauration scolaire de distribuer à ses usagers des repas différenciés leur permettant de ne pas consommer des aliments proscrits par leurs convictions religieuses, et aucun droit pour les usagers qu’il en soit ainsi, dès lors que les dispositions de l’article 1er de la Constitution interdisent à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers, ni les principes de laïcité et de neutralité du service public, ni le principe d’égalité des usagers devant le service public, ne font, par eux-mêmes, obstacle à ce que ces mêmes collectivités territoriales puissent proposer de tels repas.

Lorsque les collectivités ayant fait le choix d’assurer le service public de restauration scolaire définissent ou redéfinissent les règles d’organisation de ce service public, il leur appartient de prendre en compte l’intérêt général qui s’attache à ce que tous les enfants puissent bénéficier de ce service public, au regard des exigences du bon fonctionnement du service et des moyens humains et financiers dont disposent ces collectivités.

Une faute simple de l’inspection du travail en matière d’hygiène et de sécurité engage la responsabilité de l’État

CE, 18 déc. 2020, n° 437314, ministère du Travail. Il appartient aux membres de l’inspection du travail, qui disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix des moyens juridiques qui leur apparaissent les plus appropriés pour assurer l’application effective des dispositions légales par les entreprises soumises à leur contrôle, d’adapter le type et la fréquence de leurs contrôles à la nature et à la gravité des risques que présentent les activités exercées et à la taille des entreprises. Il leur revient de tenir compte, dans l’exercice de leur mission de contrôle, des priorités définies par l’autorité centrale ainsi que des indications dont ils disposent sur la situation particulière de chaque entreprise, au regard notamment de la survenance d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ou de l’existence de signalements effectués notamment par les représentants du personnel.

Une faute commise par l’inspection du travail dans l’exercice des pouvoirs qui sont les siens pour veiller à l’application des dispositions légales relative à l’hygiène et à la sécurité au travail est de nature à engager la responsabilité de l’État s’il en résulte pour celui qui s’en plaint un préjudice direct et certain.

L’inspection du travail n’a mené aucun contrôle pendant la période de dix ans en litige. Cette négligence revêt un caractère fautif.

En retenant la responsabilité de l’État à raison d’une carence dans le contrôle du respect de la réglementation destinée à prévenir les risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante sans exiger que soit caractérisée l’existence d’une faute lourde, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.

Désistement d’office devant la commission du contentieux du stationnement payant

CE, 18 déc. 2020, n° 436605, B. Il résulte des dispositions des articles R. 2333-120-31, R. 2333-120-32 octies, R. 2333-120-38 et R. 2333-120-39 du Code général des collectivités territoriales que lorsque, en application de l’article R. 2333-120-39 du même code, le greffe de la commission du contentieux du stationnement payant notifie à un requérant que sa requête ne peut, en l’état, qu’être rejetée comme irrecevable, faute de comporter une ou plusieurs des pièces mentionnées à l’article R. 2333-120-31 du même code, il appartient à l’intéressé, s’il ne conteste pas qu’une régularisation est nécessaire, de produire les pièces requises dans le délai d’un mois qui lui est imparti.

Si, dans ce délai d’un mois, le requérant conteste qu’une régularisation soit nécessaire, il ne peut être regardé comme ayant renoncé à son action. Il ne peut non plus être regardé comme y ayant renoncé si, dans ce même délai, il adresse à la commission les pièces qui lui ont été demandées. Enfin, il ne peut davantage être regardé comme ayant renoncé à son action s’il produit une partie seulement des pièces demandées par le greffe ou s’il fait valoir qu’il est dans l’impossibilité de les produire. Dans toutes ces hypothèses, il appartient à la commission de statuer sur sa requête.

La commission ne peut statuer sur la requête avant l’expiration du délai d’un mois. Si le requérant a fourni, dans ce délai, les éléments justifiant qu’il est dans l’impossibilité de procéder à la régularisation demandée dans le délai imparti, la commission ne peut statuer qu’après qu’un nouveau délai de régularisation lui a été fixé.

Si le requérant n’adresse aucune réponse à la commission dans le délai d’un mois, il résulte de l’article R. 2333-120-39 du Code général des collectivités territoriales que l’expiration du délai met fin à l’instance, sans qu’une décision de la commission soit nécessaire.

Si la commission reçoit, après l’expiration du délai d’un mois, une réponse du requérant comportant tout ou partie des pièces demandées ou contestant la nécessité d’une régularisation, l’intéressé doit être regardé comme contestant avoir renoncé à son action. Dans ce cas, l’instance est rouverte et la commission statue sur sa requête. Toutefois, dès lors que la réponse du requérant a été reçue après l’expiration du délai d’un mois, la commission ne peut, sauf à ce qu’il fasse état de circonstances de nature à justifier qu’il n’ait pas respecté ce délai, que lui donner acte de sa renonciation.

Contrôle sur un refus de la HAS d’abroger ou modifier une de ses recommandations

CE, 23 déc. 2020, n° 428284, Association Autisme Espoir vers l’école. Les recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute autorité de santé sur la base du 2° de l’article L. 161-37 du Code de la sécurité sociale ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édition4. Elles participent, à ce titre, à la réunion et à la mise à disposition de ces professionnels des données acquises de la science, y compris au niveau international, sur lesquelles doivent être fondés les soins qu’ils assurent aux patients, conformément à l’obligation déontologique qui leur incombe en vertu des dispositions du Code de la santé publique qui leur sont applicables. Elles ne dispensent pas le professionnel de santé d’entretenir et perfectionner ses connaissances par d’autres moyens et de rechercher, pour chaque patient, la prise en charge qui lui paraît la plus appropriée, en fonction de ses propres constatations et des préférences du patient.

Il appartient à la Haute autorité de santé de veiller à l’actualisation des recommandations qu’elle a élaborées, en engageant les travaux nécessaires à leur réexamen au vu notamment des données nouvelles publiées dans la littérature scientifique et des évolutions intervenues dans les pratiques professionnelles. À défaut, si leur obsolescence peut être source d’erreurs pour les professionnels auxquels elle s’adresse, il lui incombe, selon les cas, d’accompagner leur publication des avertissements appropriés voire de les abroger en en tirant les conséquences pertinentes quant à la publicité qui leur est donnée. En outre, dans l’hypothèse où une recommandation de bonne pratique comporterait, sur un point précis, une recommandation manifestement erronée au regard des données acquises de la science, il lui incombe, alors même que l’engagement de travaux de refonte de l’ensemble de la recommandation ne serait pas justifié, d’en tirer les conséquences, à tout le moins en accompagnant sa publication d’un avertissement sur ce point.

Le président de la Haute autorité de santé a compétence pour rejeter une demande tendant à la modification ou à l’abrogation d’une recommandation de bonne pratique, par une décision qui ne peut toutefois intervenir légalement qu’à la condition que le contenu de cette recommandation n’appelle pas une décision d’engager les travaux nécessaires à son réexamen, de l’abroger en tout ou partie ou d’accompagner sa publication d’un avertissement approprié.

Eu égard au caractère prudent de la recommandation de bonne pratique adoptée par le collège de la Haute autorité de santé, les études produites par l’association requérante ne sont pas de nature à faire regarder la façon dont elle mentionne la méthode des « 3i » comme revêtant un caractère manifestement erroné au regard des données actuellement acquises de la science. Il appartient cependant à la Haute autorité de santé de déterminer un cadre et d’élaborer un référentiel méthodologique permettant d’assurer une évaluation indépendante des méthodes telles que celle des « 3i » pour préparer les travaux nécessaires au réexamen de la recommandation de bonne pratique de mars 2012 à bref délai.

Adaptation du contrôle des ordonnances de l’article 38 de la Constitution non ratifiées

CE, ass., 16 déc. 2020, n° 440258, Fédération CFDT des finances et autres. Alors même que les mesures ainsi adoptées ont la même portée que si elles avaient été prises par la loi, les ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution conservent le caractère d’actes administratifs aussi longtemps qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une ratification, qui ne peut être qu’expresse, par le Parlement. À ce titre, elles doivent respecter, outre les règles de compétence, de forme et de procédure qui leur sont applicables, les règles et principes de valeur constitutionnelle et les engagements internationaux de la France, elles ne peuvent intervenir dans le domaine de la loi, abroger ou modifier des lois ou y déroger que dans la limite de l’habilitation conférée par le législateur et, sauf à ce que cette habilitation ait permis d’y déroger, elles sont soumises au respect des principes généraux du droit s’imposant à toute autorité administrative. Leur légalité peut être contestée par voie d’action, au moyen d’un recours pour excès de pouvoir formé dans le délai de recours contentieux devant le Conseil d’État, compétent pour en connaître en premier et dernier ressort, qui peut en prononcer l’annulation rétroactive, ou par la voie de l’exception, à l’occasion de la contestation d’un acte ultérieur pris sur leur fondement, devant toute juridiction, qui peut en écarter l’application, sous réserve, le cas échéant, d’une question préjudicielle.

Lorsque le délai d’habilitation est expiré, la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, des dispositions d’une ordonnance relevant du domaine de la loi n’est recevable qu’au travers d’une question prioritaire de constitutionnalité5.

La circonstance qu’une question prioritaire de constitutionnalité puisse, dans une telle hypothèse, être soulevée, ne saurait cependant faire obstacle à ce que le juge annule l’ordonnance dont il est saisi par voie d’action ou écarte son application au litige dont il est saisi, si elle est illégale pour d’autres motifs, y compris du fait de sa contrariété avec d’autres règles de valeur constitutionnelle que les droits et libertés que la Constitution garantit.

À ce titre, en premier lieu, le requérant a le choix des moyens qu’il entend soulever, en particulier lorsque des principes voisins peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans des engagements internationaux ou dans des principes généraux du droit. À défaut de précision quant à la source du principe invoqué, il appartient au juge d’opérer son contrôle au regard de la norme de référence la plus conforme à l’argumentation dont il est saisi et à la forme de sa présentation.

En deuxième lieu, lorsqu’il est saisi, par voie d’action, d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une ordonnance, le Conseil d’État peut, alors même que le délai d’habilitation est expiré et qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée, annuler cette ordonnance, avant l’expiration du délai de trois mois à compter de la présentation de la question, sans se prononcer sur son renvoi au Conseil constitutionnel, si un motif autre que la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution ou les engagements internationaux de la France est de nature à fonder cette annulation et que l’intérêt d’une bonne administration de la justice commande qu’il ne soit pas sursis à statuer.

En troisième lieu, si le Conseil constitutionnel déclare inconstitutionnelle une disposition d’une ordonnance dont le Conseil d’État est saisi par voie d’action, il appartient à ce dernier de tirer les conséquences, sur les conclusions de la requête, de la décision du Conseil constitutionnel, puis d’accueillir ou de rejeter le surplus des conclusions, en fonction du bien-fondé des moyens autres que ceux tirés de la méconnaissance des droits et libertés garantis par la Constitution.

Enfin, la loi par laquelle le Parlement ratifie une ordonnance lui donne rétroactivement valeur législative.

L’ordonnance du 15 avril 2020 se borne à imposer aux agents placés en autorisation spéciale d’absence pendant le confinement du printemps 2020 de prendre un congé au cours de la période d’état d’urgence sanitaire. Elle vise à tenir compte des besoins du service au cours de la période d’état d’urgence sanitaire et à diminuer le nombre de jours susceptibles d’être pris au moment de la reprise. Elle n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

IVG durant l’état d’urgence sanitaire, titulaires de la police de la santé et absence de clause de conscience des pharmaciens

CE, 16 déc. 2020, n° 440214, Association Alliance Vita et Association Juristes pour l’enfance. Par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, adoptée dans le contexte d’urgence sanitaire, et ainsi qu’il ressort des travaux parlementaires préalables à son adoption, le législateur a entendu permettre l’adoption par le pouvoir exécutif de mesures plus contraignantes que celles susceptibles d’être adoptées en cas de « menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence » sur le fondement de l’article L. 3131-1 du Code de la santé publique. À cette fin, il a entendu, d’une part, permettre au Premier ministre de prendre certaines mesures limitant la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre et la liberté de réunion ou procédant à des réquisitions et, d’autre part, permettre au ministre de la Santé de prendre les mesures générales touchant au dispositif de santé, notamment aux établissements et services, aux professionnels, aux actes et aux produits de santé, qui ne relèvent pas de la compétence du Premier ministre, ainsi que les mesures individuelles d’application des mesures prescrites par ce dernier, sous réserve, dans tous les cas, que ces mesures soient nécessaires pour garantir la santé publique dans la situation de catastrophe sanitaire, strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

Les dispositions du 9° de l’article L. 3131-15 du Code de la santé publique et celles de l’article L. 3131-16 du même code doivent être interprétées, en ce qui concerne les mesures susceptibles d’être adoptées en matière de médicaments, comme réservant au Premier ministre les mesures restreignant la liberté d’entreprendre ou le droit de propriété pour assurer la disponibilité des médicaments nécessaires pour faire face à la catastrophe sanitaire et comme habilitant le ministre chargé de la Santé à prendre les autres mesures générales nécessaires pour que les patients puissent bénéficier des soins dont ils ont besoin pendant la catastrophe sanitaire, sous réserve qu’elles soient strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu, le cas échéant en dérogeant sur des points limités à des dispositions législatives.

Ces dispositions, qui visent à permettre la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse au domicile de la femme jusqu’à la fin de la septième semaine de grossesse, à un moment où, du fait de la catastrophe sanitaire, de nombreuses femmes pouvaient avoir des difficultés à se rendre, en temps utile pour respecter les délais légaux, à une consultation médicale et à bénéficier d’une prise en charge en établissement de santé, relèvent ainsi des mesures que le ministre chargé de la Santé était habilité à prendre sur le fondement de l’article L. 3131-16 du Code de la santé publique, alors même qu’elles permettent à cette fin la prescription de spécialités pharmaceutiques en dehors du cadre de leur autorisation de mise sur le marché, par dérogation à l’article L. 5121-8 du Code de la santé publique.

Si ces dispositions ne prévoient pas de « clause de conscience » permettant aux pharmaciens de ne pas délivrer des médicaments destinés à provoquer une interruption volontaire de grossesse, elles se bornent à prévoir la délivrance directe à la femme enceinte, sur prescription du médecin ou de la sage-femme, de spécialités ordinairement délivrées par la pharmacie d’officine à d’autres professionnels de santé. Les pharmaciens étant placés, au regard de ces dispositions, dans une situation différente, le principe d’égalité ne peut être utilement invoqué en faisant valoir que l’article L. 2212-8 du Code de la santé publique reconnaît à d’autres professionnels le droit de refuser de concourir à une interruption volontaire de grossesse.

Un forfait payé, plusieurs véhicules peuvent stationner, sauf interdiction

CE, 18 déc. 2020, n° 440935, Commission du contentieux du stationnement payant, avis. Ni le I de l’article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales, ni ses textes réglementaires d’application qui sont applicables sur l’ensemble du territoire national n’interdisent au conducteur qui a réglé, dès le début de son stationnement sur un emplacement de la voirie, la totalité de la somme correspondant à sa période de stationnement, de faire stationner successivement sur ce même emplacement et pendant cette période, plusieurs véhicules.

Une telle interdiction est toutefois susceptible de résulter d’une délibération en ce sens du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétent pour prendre la délibération institutive de la redevance de stationnement mentionnée au I de l’article L. 2333-87 du Code général des collectivités territoriales, notamment dans l’objectif, mentionné au sixième alinéa du même I, de favoriser la rotation du stationnement des véhicules sur la voirie. Par ailleurs, lorsqu’une telle interdiction n’est pas expressément mentionnée dans le règlement fixant les dispositions relatives au stationnement payant sur la voirie, elle doit néanmoins être regardée comme résultant des dispositions d’un règlement qui prescrivent au conducteur de renseigner le numéro d’immatriculation de son véhicule au moment de s’acquitter, au début du stationnement, de la redevance au barème de paiement immédiat.

Dès lors, le conducteur qui s’est acquitté, au titre d’un emplacement sur la voirie, d’une redevance de stationnement correspondant à une certaine durée, peut en principe faire stationner successivement, à cet emplacement et pendant cette durée, différents véhicules dont les caractéristiques correspondent au barème tarifaire choisi, qu’il soit ou non titulaire de leur certificat d’immatriculation, sauf si le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou du syndicat mixte compétent en a disposé autrement dans les conditions mentionnées au point précédent.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Rappr. Cass. 3e civ., 16 déc. 2009, n° 08-14932, Épx Taffoureau : Bull. civ. III, n° 284.
  • 2.
    Rappr. CE, sect., 14 mars 1975, n° 93217, SCI de la Vallée de Chevreuse : Lebon 1975, p. 197.
  • 3.
    V. T. confl., 22 janv. 1921, Sté commerciale de l’Ouest Africain (dit du Bac d’Eloka) : Lebon 1921, p. 91 – T. confl., 12 janv. 1987, n° 02432, Cie des Eaux et de l’Ozone : Lebon 1987, p. 442 – CE, 20 janv. 1988, n° 70719, SCI La Colline : Lebon 1988, p. 21 – T. confl., 8 oct. 2018, n° 4135, Cne de Malroy : Lebon 2018, p. 581, 609 et 610.
  • 4.
    V. CE, 27 avr. 2011, n° 334396, Association pour une formation médicale indépendante (Formindep) : Lebon 2011, p. 168.
  • 5.
    Cons. const., 3 juill. 2020, n° 2020-851/852 QPC : RFDA 2020, p. 887.
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