Paris (75)

Une nouvelle étape franchie pour le PLU bioclimatique de Paris

Publié le 12/07/2023
Une nouvelle étape franchie pour le PLU bioclimatique de Paris
TensorSpark/AdobeStock

Annoncé, espéré ou redouté, le plan local d’urbanisme bioclimatique a été arrêté par le Conseil de Paris du 5 juin 2023. Les enjeux démographiques, sociaux et écologiques sont énormes. Le but était de clarifier les règles, de rationaliser mais aussi de transformer l’urbain et les façons de faire. Pour ce faire, un groupe juridique de la ville de Paris, créé en 2021, s’est appuyé sur une équipe pluridisciplinaire pour réadapter le PLU existant, répondre à toutes les commandes politiques et relire l’ensemble de la production de la ville. Malgré l’enthousiasme, des inquiétudes persistent.

Sobriété, solidarité, mixité, respect de l’environnement et adaptation au changement climatique : tels étaient les leitmotivs pour le nouveau document-cadre pour la capitale à l’horizon 2030. Arrêté par le Conseil de Paris du 5 juin 2023, le PLU bioclimatique sera ensuite soumis au vote du Conseil de Paris fin 2024 pour approbation.

Répondre aux urgences du climat et du logement

Plus de deux années d’études et de concertations ont été menées par les services de la Ville pour répondre à « l’adaptation face à la crise climatique et environnementale » et « loger l’ensemble des Parisiennes et des Parisiens ».

Le futur PLU bioclimatique espère ainsi faire de Paris « une ville neutre en carbone en 2050, en incitant à la sobriété carbone du bâti, au développement des énergies renouvelables et à une démarche zéro déchet » et atteindre 10 m2 d’espaces verts par habitant.

L’objectif est d’atteindre 40 % de logements publics à Paris en 2035, dont 30 % de logements sociaux et 10 % de logements abordables. Face aux promesses nombreuses, des préoccupations se font entendre.

« L’Urbascore a légitimement de quoi inquiéter »

L’urbascore est une nouveauté pour le PLU bioclimatique. Il définit un nouveau cadre d’attribution d’un permis de construire, prenant en compte de nombreux critères comme le taux de végétalisation, le confort d’été ou la diversité des fonctions urbaines. Ce dispositif souhaite inciter à la « valorisation des externalités positives ». Ce mécanisme est traduit par un dispositif réglementaire dans le PLU conditionnant la délivrance des autorisations d’urbanisme au même titre que les autres dispositions du règlement du PLU. Un label sera aussi annexé au PLU et permettra d’établir une note globale aux projets.

« Les projets seront évalués sur trois thématiques (biodiversité et environnement ; programmation ; efficacité et mobilités) lesquelles contiennent chacune trois critères quantitatifs et qualitatifs, explique Hélène Cloëz, avocate associée, LPA-CGR dans une interview accordée à Cadre de Ville. Pour obtenir l’autorisation d’urbanisme, les projets devront « surperformer », c’est-à-dire atteindre un seuil de performance majoré – sur trois des neuf critères, dans au moins deux thématiques. » Mais pour la spécialiste, « l’Urbascore a légitimement de quoi inquiéter compte tenu de la part de subjectivité qu’il va apporter. Au-delà du principe même « d’ajouter des règles aux règles du PLU », qui interroge, c’est la sécurité juridique des permis de construire en cas de recours qui risque d’être mise à mal, car on ne sait pas comment sera appréciée la surperformance. »

L’extension du système des « emplacements réservés » interroge

Hélène Cloëz soulève également la question des « emplacements réservés ». Les communes ont depuis longtemps la possibilité d’en instituer au sein de leur PLU, pour par exemple la réalisation d’équipements publics. Mais, dit l’avocate, « si ce mécanisme n’est pas nouveau, c’est l’utilisation qui en est faite dans le cadre de la révision du PLU de Paris, qui interroge et suscite beaucoup d’inquiétudes. »

Avec le PLU, la Ville de Paris souhaite modifier la liste actuelle des emplacements réservés pour des logements. « Ces emplacements contiendraient un pourcentage minimal de logements à réaliser et un pourcentage minimal de logements sociaux ou intermédiaires, c’est le fameux « pastillage », bien connu des opérateurs, détaille-t-elle. Pour localiser les nouveaux immeubles pouvant accueillir la réalisation d’un programme de logements, plusieurs critères sont pris en compte comme : la mono-propriété de l’immeuble ou du foncier, la taille minimale de la parcelle ou de l’immeuble, qui rend pertinent une transformation en logements, le potentiel de densification qui subsiste sur une parcelle (surélévation, épaississement, etc.), les contraintes techniques (disposition du bâti, etc.), certaines parcelles se prêtant mieux à une transformation ou encore, la possibilité de créer de la pleine terre sur la parcelle. Ces critères étant toutefois alternatifs sans être exhaustifs. Aujourd’hui, des sièges sociaux d’entreprises « établies » sont, par exemple, pastillés » !

Anne Petitjean, avocate associée en immobilier et urbanisme chez Herbert Smith Freehills, était, quant à elle, interrogée en janvier 2023 par L’Agefi. À la question « Ce PLU porte-t-il atteinte au droit de propriété ? », l’avocate répond que « d’une certaine manière, oui, dans la mesure où les emplacements réservés proposés à l’issue de la concertation du PLU viennent grever des propriétés privées, c’est‑à‑dire qu’ils empêcheront une utilisation totalement libre d’un bien qui a été acheté précédemment. Sur un plan juridique, l’emplacement réservé est une servitude d’intérêt général permettant de geler une emprise dans le cadre d’un plan local d’urbanisme, poursuit-elle. Il s’imposera au propriétaire de l’immeuble en cas de travaux de démolition/reconstruction ou de réhabilitation lourde, dans la mesure où ce propriétaire devra respecter l’objet de l’emplacement réservé. Le propriétaire a, conformément aux articles L. 230‑1 et suivants du Code de l’urbanisme, la faculté d’exercer à tout moment son « droit de délaissement » au profit de la Ville de Paris, c’est-à-dire de demander à la mairie d’acquérir son bien désormais pastillé ». Pour l’avocate, il s’agira alors pour les propriétaires de s’interroger sur le prix de cession de l’actif : « Quel prix sera alors retenu, celui de l’immeuble de bureaux délaissé ou celui que Paris entend réaliser ? À défaut d’accord entre les parties sur le prix, la valeur sera fixée par le juge de l’expropriation ».

Les prochaines étapes ?

À la suite du vote de juin 2023, de nouvelles consultations sont prévues par le Code de l’urbanisme. « À ce titre, le PLU sera soumis à l’Autorité environnementale, à l’État et aux autres personnes publiques associées (Région Île-de-France, Métropole du Grand Paris, chambres consulaires, Île-de-France Mobilités, SNCF) ainsi qu’aux communes limitrophes qui en feront la demande, précise la Mairie de Paris. Ces différentes entités disposeront d’un délai de trois mois pour communiquer leur avis ».

Une enquête publique sous l’égide d’une commission d’enquête ou d’un commissaire enquêteur indépendant suivra et permettra des ajustements avant l’approbation définitive du PLU par un vote au Conseil de Paris en 2024. Son entrée en vigueur devrait alors être prévue pour le début de l’année 2025.

Plan
X