La mobilité bancaire : contenu et premiers effets

Publié le 16/05/2017

La « bataille de la mobilité bancaire », c’est-à-dire la possibilité de clôturer facilement son compte en banque et en transférer les opérations récurrentes à un autre, a été annoncée. Le nouvel encadrement juridique de cette question venant d’entrer en vigueur, cette contribution en présente le contenu et les premières incidences concrètes, après un mois d’application.

1. La clientèle des établissements de crédit est par nature très peu mobile. Le client lambda est attaché à sa banque « habituelle », qui est souvent celle de ses parents, et ne fait guère jouer la concurrence, qui n’existe alors que de manière théorique. Ce phénomène est particulièrement net en France. Annuellement par exemple, moins de 6 % des clients français opéreraient un changement d’établissement, contre 9 % en moyenne dans les autres pays de l’Union européenne1. De même, plus d’un français sur deux aurait plus de 20 ans d’ancienneté dans sa banque.

2. Comment expliquer ce phénomène ? Changer de banque suscite un certain nombre de craintes chez les usagers : lourdeur du formalisme, perte des ordres de paiements, oubli des encaissements, paiements effectués deux fois, frais conséquents, incidences sur les abonnements, longueur de l’opération, etc.

3. Il était donc attendu que le droit s’intéresse à cette opération. C’est désormais chose faite. En effet, depuis trois ans, le législateur a cherché à améliorer la mobilité bancaire dans notre pays et ainsi, d’une part, faire disparaître les craintes mentionnées plus haut, et surtout, d’autre part, renforcer la concurrence entre les établissements de crédit.

4. Cette évolution s’est faite en plusieurs temps. Tout d’abord, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, est venue créer dans notre Code monétaire et financier un article L. 312-1-7 encadrant, et donc encourageant, la mobilité bancaire en France2. Par la suite, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économique, dite loi Macron, est allée encore plus loin en la matière en facilitant considérablement pour le client le processus envisagé3. Plus près de nous encore, le décret n° 2016-73 du 29 janvier 20164 et l’ordonnance n° 2016-1808 du 22 décembre 2016 relative à l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base ont précisé et complété ce régime juridique. Les « nouveautés » postérieures à la loi Hamon sont entrées en vigueur le 6 février 2017. Elles ont d’ores et déjà quelques conséquences.

5. Observons alors ce que prévoit, aujourd’hui, le droit en la matière (I), mais aussi les premières incidences en découlant (II).

I – L’encadrement juridique de la mobilité bancaire

6. Le droit régissant la mobilité figure donc à l’article L. 312-1-7. Celui-ci est riche d’enseignements. Outre quelques dispositions générales relatives à cette mobilité (A), l’article en question impose un certain nombre d’obligations tant à l’établissement de crédit de départ (B) qu’à l’établissement d’arrivée (C).

A – Dispositions générales

7. L’article L. 312-1-7, I, du Code monétaire et financier commence par affirmer la gratuité de la clôture des comptes de dépôt et des comptes sur livret (livret A, livret jeune, livret développement durable, etc.).

8. De plus, le même article prend soin de préciser que le service d’aide à la mobilité bancaire développé à son III s’applique aux « comptes de paiement ouverts auprès de tous les prestataires de services de paiement et détenus par les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels »5. Pour mémoire, le compte de paiement est défini à l’article L. 314-1 du Code monétaire et financier comme « un compte détenu au nom d’une ou de plusieurs personnes, utilisé pour l’exécution d’opérations de paiement ». Cette notion permet alors de couvrir à la fois les comptes de dépôt et les comptes courants ouverts auprès des établissements de crédit, mais aussi les comptes uniquement dédiés à l’exécution d’opérations de paiement6 ouverts auprès des établissements de paiement7. Faute d’ailleurs, pour ces derniers, d’être expressément mentionnés au I de l’article L. 312-1-7, on peut penser que leur clôture n’est pas, en l’état des textes, gratuite. Une modification de ce dernier article pourrait alors être heureuse.

9. Par ailleurs, le même article dispose que les établissements de crédit (les établissements de paiement sont ici encore oubliés) doivent mettre à la disposition de leurs clients, gratuitement et sans conditions, une documentation relative à la mobilité bancaire. Cette documentation, qui peut figurer sur papier ou sur un autre support durable, est mise à la disposition dans les locaux des établissements, mais aussi sous forme électronique sur leur site internet. Depuis le décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016, l’article R. 312-4-4, II, précise quelles sont les informations devant, de la sorte, être communiquées : le rôle des établissements de crédit concernés à chacune des étapes de la procédure de mobilité bancaire ; les délais d’accomplissement des différentes étapes ; les informations que le titulaire de compte devra éventuellement communiquer ; les modalités de saisine du service de relations avec la clientèle aux fins de recevoir d’éventuelles réclamations ; et enfin la possibilité de recourir au processus de médiation mentionné à l’article L. 316-1 du Code monétaire et financier.

B – Obligations pesant sur l’établissement de crédit de départ

10. Concernant le service d’aide à la mobilité bancaire, l’établissement de départ doit tout d’abord transférer à l’établissement d’arrivée, lorsque celui-ci lui en fait la demande, les informations relatives aux mandats de prélèvements valides, aux « virements récurrents » ayant transité sur le compte au cours des 13 derniers mois, mais aussi concernant les chèques non débités sur les chéquiers utilisés au cours du même délai. Ces informations doivent être transmises dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la réception de la demande qui lui a été faite par l’établissement d’arrivée8. Notons que l’article R. 312-4-4, I, du Code monétaire et financier entend les notions de virement récurrent ou de virement régulier comme « toute opération présentée au moins deux fois, par le même émetteur, au crédit du compte du client au cours des treize mois précédent l’accord formel » mentionné à l’article L. 312-1-7, c’est-à-dire le mandat du client.

11. De plus, l’article R. 312-4-4, VI, déclare que, dès réception de ce même mandat9 et aux dates indiquées dans ce document, l’établissement de départ : annule les ordres de virement permanent ; transfère, en cas de demande de clôture de compte, sur le compte détenu auprès de l’établissement d’arrivée le solde positif éventuel du compte d’origine10 ; clôture, en cas de demande en ce sens, ce compte, une fois le solde positif éventuel transféré sur le nouveau compte. Le cas échéant, l’établissement de départ informe, par courrier ou autre support durable, le titulaire de compte « des obligations en suspens ou de toute autre circonstance de nature à empêcher le transfert du solde et la clôture de son compte ». L’article précise encore que, sauf demande expresse du client, l’établissement de départ ne résilie pas les instruments de paiement avant la date de clôture donnée par le titulaire du compte.

12. En outre, si la loi Hamon avait simplement prévu qu’en cas de présentation d’un chèque au paiement au cours des 13 mois suivant la clôture du compte, l’établissement devait informer, par tout moyen approprié, l’ancien titulaire du compte qu’il avait l’obligation de refuser le paiement du chèque et des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions dans lesquelles il pouvait régulariser sa situation, la loi Macron a étendu cette obligation. Désormais, l’article L. 312-1-7, IV, dispose qu’en cas de clôture du compte, cet établissement informe gratuitement, durant une période de 13 mois à compter de la date de clôture, « par tout moyen approprié et dans un délai de trois jours ouvrés », le titulaire du compte ayant bénéficié du service d’aide à la mobilité : d’une part, de la présentation de toute opération de virement ou prélèvement sur compte clos11 ; d’autre part, de la présentation d’un chèque sur compte clos. Sur ce dernier point, l’ancien titulaire du compte clôturé est toujours informé par l’établissement de départ qu’il a l’obligation de refuser le paiement, des conséquences de ce refus, ainsi que des conditions à respecter pour régulariser la situation12. Le bénéfice de cette information sur les opérations de virement et de prélèvement se présentant sur compte clos s’applique, selon l’article R. 312-4-4, VIII, « aux clôtures de compte intervenant, au plus tard, dans les six mois à compter de la date de l’accord formel » visé par l’article L. 312-1-7.

13. Par ailleurs, depuis la loi Macron, l’article donne un certain nombre de précisions en cas d’ouverture d’un compte auprès d’un établissement situé dans un autre État membre de l’Union européenne. Dans ce cas, en effet, l’établissement de départ français, teneur de compte que le client souhaite clôturer, est tenu de proposer gratuitement, dans les 6 jours ouvrés qui suivent la demande de clôture, un récapitulatif des opérations automatiques et récurrentes ayant transité sur ce compte au cours des 13 derniers mois. De même, cet établissement de départ doit transférer tout solde positif éventuel du compte, sous réserve de disposer des informations permettant d’identifier l’établissement d’arrivée et le nouveau compte du client. Ce transfert est ici opéré à la date sollicitée par le client, « au plus tôt six jours ouvrés après la réception de la demande de clôture du compte ».

14. Bien évidemment l’établissement de départ ne saurait manquer à ses obligations. Tout d’abord, l’article R. 312-4-4, IV, prévoit que si cette banque ne respecte pas les obligations qui lui incombent dans le cadre de la procédure de mobilité bancaire, aucun frais en résultant ni aucune pénalité de ce chef ne peuvent être mis à la charge du client13. Surtout, l’article L. 312-1-7, VI, prévoit que l’établissement de départ indemnise sans délai le titulaire de compte de tout préjudice subi, résultant directement du non-respect des obligations lui incombant dans le cadre de la procédure de mobilité bancaire. En revanche, cet établissement est exonéré de cette obligation d’indemnisation « en cas de circonstances anormales et imprévisibles échappant à son contrôle, dont les suites auraient été inévitables malgré tous les efforts déployés, lorsqu’il est lié par d’autres obligations légales spécifiques »14.

C – Obligations pesant sur l’établissement de crédit d’arrivée

15. À l’instar de l’établissement de départ, l’établissement d’arrivée voit peser sur lui différentes obligations prévues par l’encadrement juridique de la mobilité bancaire. Son rôle est d’ailleurs particulièrement étendu aujourd’hui. Cet établissement d’arrivée doit ainsi proposer au client, gratuitement et sans condition, un service d’aide à la mobilité bancaire permettant un changement automatisé des domiciliations bancaires, vers le nouveau compte, des prélèvements valides et virements récurrents du compte d’origine. Si le client souhaite bénéficier de ce service, l’établissement d’arrivée recueille son accord formel pour effectuer en son nom les formalités liées au changement de compte, afin que les virements et prélèvements réguliers se présentent sur le nouveau compte15.

16. Une précision s’impose à propos de cet accord formel, que l’on peut qualifier de mandat. En effet, selon l’article R. 312-4-4, III, du Code monétaire et financier, celui-ci doit présenter un certain nombre de mentions : l’annulation de tous les ordres de virement permanent présents sur son compte d’origine ainsi que la date de fins d’émission des virements permanents par l’établissement de départ ; s’il demande ou non la clôture du compte ouvert dans l’établissement de départ ; en cas de demande de clôture du compte d’origine, la date à compter de laquelle il souhaite que le solde positif éventuel de ce compte soit transféré sur le nouveau compte ouvert auprès de l’établissement d’arrivée.

17. Cette procédure, qui est de nature à éviter les risques d’incidents de paiement, a connu une évolution notable suite à la loi Macron. Précédemment, la loi Hamon prévoyait que l’établissement d’arrivée était tenu, sur la base des informations qui lui étaient fournies par le client, de communiquer, dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de l’ouverture d’un nouveau compte, les coordonnées de ce dernier aux émetteurs de prélèvements et de virements réguliers. Le client devait donc jouer un rôle actif en la matière : d’une part, rechercher qui étaient les émetteurs de prélèvements et de virements réguliers, et, d’autre part, en avertir l’établissement d’arrivée. Tel n’est plus le cas aujourd’hui. La loi Macron est allée encore plus loin en la matière en mettant à la charge de cet établissement d’arrivée une charge de travail supplémentaire. Désormais, il doit lui-même recueillir les coordonnées bancaires de l’établissement de départ afin de procéder à la « reconnexion » des virements et des prélèvements avec les références du nouveau compte.

18. Concrètement, dans un délai de 2 jours ouvrés à compter de la réception de cet accord du client et des coordonnées bancaires de l’établissement de départ (en l’occurrence un RIB), l’établissement d’arrivée sollicite de ce même établissement de départ le transfert des informations relatives aux mandats de prélèvements valides, aux virements récurrents ayant transité sur le compte au cours des 13 derniers mois, mais aussi aux chèques non débités sur les chéquiers utilisés au cours du même délai. L’établissement de départ a alors un délai de 5 jours ouvrés à compter de la réception de la demande qui lui a été faite pour transmettre ces informations16. La suite de la procédure correspond à celle déjà instituée par la loi Hamon. L’établissement d’arrivée communique, dans un délai de 5 jours ouvrés à compter de la réception des informations demandées à l’établissement de départ, les coordonnées du nouveau compte aux émetteurs de prélèvements valides et de virements récurrents17. Enfin, la banque d’arrivée informe son client de la liste des opérations pour lesquelles le changement de domiciliation a été envoyé à ses créanciers et à ses débiteurs et lui adresse la liste des formules de chèques non débitées transmises par l’établissement de départ18.

19. Outre la procédure précitée, plusieurs obligations d’information pèsent sur l’établissement de crédit d’arrivée. Tout d’abord, il doit informer le client des conséquences associées à un incident de paiement en cas d’approvisionnement insuffisant de son compte dans l’établissement de départ, s’il fait le choix de ne pas le clôturer. De plus, si le titulaire du compte choisit de fournir lui-même ses nouvelles coordonnées bancaires aux émetteurs de prélèvement et de virement récurrents, l’établissement d’arrivée doit lui fournir sur papier ou autre support durable dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réception de sa demande, des modèles de lettre indiquant les coordonnées du compte19. Enfin, ce même établissement est tenu d’informer le client de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés au changement de domiciliation bancaire. Notons que du temps de la loi Hamon, cette obligation pesait sur l’établissement de départ. Cela est différent désormais.

20. Dans tous les cas, l’établissement d’arrivée, comme celui de départ, ne saurait méconnaître ses obligations. Tout d’abord, l’article R. 312-4-4, IV, prévoit que si cette banque ne respecte pas les obligations qui lui incombent dans le cadre de la procédure de mobilité bancaire, aucun frais en résultant ni aucune pénalité de ce chef ne saurait être mis à la charge du client20. Ensuite, et surtout, l’article L. 312-1-7, VI, prévoit que l’établissement d’arrivée doit indemniser sans délai le titulaire de compte de tout préjudice subi, résultant directement du non-respect des obligations prévues par la procédure étudiée21.

II – Les premières incidences au nouvel encadrement de la mobilité bancaire

21. Le régime juridique précité, résultant de la loi Macron, est entré en vigueur le 6 février dernier. Un mois après, plusieurs constats peuvent déjà être effectués : si les premiers résultats de la mobilité bancaire sont pour l’heure encourageants (A), des tensions entre des banques « classiques » et des banques en ligne apparaissent (B). Surtout, nous assistons à l’apparition d’offres attractives et de nouveaux acteurs, ce qui devrait avoir des conséquences positives pour les usagers des banques (C).

A – Des résultats encourageants

22. La « révolution bancaire » par la mobilité a-t-elle eu lieu ? Un mois après l’entrée en vigueur de l’encadrement issu de la loi Macron, une réponse négative s’impose à la vue des quelques résultats déjà rendus publics par les établissements de crédit. Néanmoins, l’évolution constatée est loin d’être négligeable et devrait s’intensifier.

23. Illustrons nos propos. Selon une lettre d’information interne du Crédit Agricole, relayée par le journal Le Monde dans un article de presse, la banque aurait gagné 4 500 comptes en trois semaines, les nouveaux clients provenant essentiellement de la Caisse d’épargne, de la Banque postale et enfin de la Société Générale22. De même, chez Axa banque, le nombre d’ouvertures de comptes depuis le 1er janvier 2017 aurait progressé de 57 % par rapport à la même période de 2016. Surtout, depuis un mois, 4 nouveaux clients sur 10 désireraient bénéficier du service de mobilité bancaire dans ce dernier établissement de crédit.

24. Mais bien évidemment les « grandes gagnantes » de la mise en œuvre des nouvelles règles relatives à la mobilité bancaire devraient être les banques en lignes (Boursorama, Fortuneo, BforBank, etc.), dont les frais et commissions sont traditionnellement inférieurs à ceux des banques « classiques ». On peut ainsi déjà noter que Boursorama a indiqué, le 23 février 2017, que près de 16 000 clients avaient signé un mandat de mobilité en sa faveur (contre moins de 200 sortants). Précisons cependant qu’un tel chiffre ne veut pas dire que 16 000 nouveaux comptes ont été ouverts au sein de cet établissement : ces mandats peuvent, parfois, simplement porter sur des opérations d’un consommateur déjà client de Boursorama23. Celle-ci a, en effet, mis en place un produit « à la carte »24. De même, Fortuneo a annoncé recevoir 20 fois plus de mandats entrants que sortants. Les mandats ici encore proviennent principalement des banques traditionnelles.

25. Ces résultats devraient, selon nous, s’améliorer dans les mois qui viennent, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, même si les banques ont cherché depuis quelques mois à communiquer sur cette mobilité25, beaucoup d’usagers ne la connaissent toujours pas, ou du moins n’ont pas encore perçu tous ses avantages. Les résultats devraient par conséquent encore progresser avec cette prise de connaissance. Le « bouche-à-oreille » devrait également jouer un rôle important en la matière. De plus, la mise en œuvre pratique de cette procédure, qui connaît encore quelques imperfections, devrait s’améliorer avec le temps. Les clients encore craintifs pourraient être rapidement rassurés à son propos. Une période de « rodage » doit nécessairement avoir lieu. Enfin, le développement des offres attractives émanant des différents acteurs bancaires devrait également encourager un certain nombre de clients à « franchir le pas » et changer de banque26.

B – Des débuts de tensions entre les banques « classiques » et les banques en ligne

26. En France, les banques en ligne ne le sont pas à 100 %. En effet, elles appartiennent toutes à des banques « classiques ». Par exemple, Boursorama est une filiale de la Société Générale, BforBank appartient au Crédit Agricole, Fortunéo au Crédit mutuel ou encore Monabanq à Cofidis.

27. Malgré ce lien, des tensions non négligeables commencent à apparaître entre certaines banques « classiques » et banques en ligne suite aux premiers chiffres rendus publics en matière de mobilité bancaire. C’est ainsi que, depuis le 6 février 2017, LCL a pu constater un grand nombre de mandats en provenance de Boursorama. Dit autrement, beaucoup de clients de cet établissement de crédit « classique » ont décidé de rejoindre la banque en ligne27. Le premier a alors a lancé une contre-attaque en demandant à ses conseillers de bien vérifier que pour chaque mandat en provenance de Boursorama, le client est bien à l’origine de la demande de mobilité. Surtout, la presse évoque l’envoi par LCL à ses agences d’un « argumentaire Boursorama » destiné à contrer, auprès de ses clients, l’offensive commerciale de la banque en ligne28.

28. La réaction de LCL pourrait être symptomatique du nouveau contexte concurrentiel post-loi Macron, et des tensions qu’il induit. Selon Boursorama, plusieurs établissements de crédit ralentiraient ainsi les transferts de compte en évoquant des motifs de refus qui n’ont pas lieu d’être, ou expliqueraient à leurs clients que le processus de mobilité en ligne peut être dangereux car non sécurisé.

C – L’apparition d’offres attractives et de nouveaux acteurs

29. Depuis quelques mois, une guerre commerciale a vu le jour entre les établissements de crédit prenant la forme d’offres promotionnelles sur les forfaits bancaires et de primes pour l’ouverture de comptes. Les établissements de crédit doivent défendre leurs parts de marché par de nouvelles stratégies de développement.

30. Si de longue date, les banques en ligne proposent des primes pour attirer les nouveaux clients, généralement autour de 80 €, des offres comparables commencent à apparaître chez certains établissements « classiques ». Il devrait en être de même prochainement concernant les frais et commissions bancaires. En effet, après plusieurs années d’augmentation continue29, ceux-ci devraient logiquement connaître une baisse dans les établissements « classiques » qui imposent des tarifs nettement plus élevés que les banques en ligne. D’ores et déjà, certaines banques ont « pris les devants ». Par exemple, la Société Générale propose la gratuité de son bouquet de services complet Jazz pendant un an. Cette situation rappelle celle de la téléphonie mobile, il y a 5 ans, au moment de l’arrivée de Free Mobile. Les clients des banques devraient donc être, finalement, les véritables bénéficiaires de la mobilité bancaire.

31. Enfin, cette procédure devrait encourager la création de nouveaux acteurs en matière bancaire parfaitement « calibrés » pour accueillir des clients d’autres établissements par des offres « alléchantes ». C’est ainsi, plus particulièrement, qu’est sur le point d’être lancée Orange Bank30, qui devrait proposer une tarification bancaire relativement basse31. Cette banque en ligne sera-t-elle au monde de la banque ce que Free Mobile a été pour la téléphonie ? Nous n’allons pas tarder à le savoir.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Éréséo N. et Lasserre Capdeville J., « La rémunération de la banque par les frais et commissions », RD bancaire et fin. mars-avr. 2015, étude 17, p. 66, n° 21. Ce chiffre est relativement faible par rapport au marché de la téléphonie qui connaît une mobilité annuelle se situant entre 17 et 20 %.
  • 2.
    Mathey N. et Werner J., « La loi relative à la consommation. Aspects de droit bancaire », RD bancaire et fin. 2012, étude 6, nos 5 et s. ; Lasserre Capdeville J., « L’encadrement de la mobilité bancaire par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation », JCP E 2014, 500.
  • 3.
    Lasserre Capdeville J., « Le renforcement des dispositions facilitant la mobilité bancaire », JCP E 2015, 823.
  • 4.
    JCP G 2016, 195, obs. Lasserre Capdeville J.
  • 5.
    C. mon. fin., art. L. 312-1-7, VII.
  • 6.
    Pour mémoire, constitue une opération de paiement, au sens de l’article L. 133-3, I, du Code monétaire et financier, l’action consistant « à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, ordonnée par le payeur ou le bénéficiaire ».
  • 7.
    C. mon. fin., art. L. 522-1 et s.
  • 8.
    C. mon. fin., art. L. 312-1-7, III.
  • 9.
    V. infra, n° 16.
  • 10.
    Ce transfert a lieu à la date indiquée dans l’accord formel du client.
  • 11.
    Cette information est faite au moins une fois par émetteur impliqué.
  • 12.
    C. mon. fin., art. L. 312-1-7, IV.
  • 13.
    C. mon. fin., art. R. 312-4-4, IV.
  • 14.
    Cette disposition est issue de l’ordonnance n° 2016-1808 du 22 décembre 2016 relative à l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base qui a transposé en droit interne la directive n° 2014/92/UE du 23 juillet 2014 sur la comparabilité des frais liés aux comptes de paiement, le changement de compte de paiement et l’accès à un compte de paiement assorti de prestations de base.
  • 15.
    Rappelons que, depuis le décret n° 2016-73 du 29 janvier 2016, l’article R. 312-4-4, I précise que les notions de virement récurrent ou de virement régulier s’entendent « de toute opération présentée au moins deux fois, par le même émetteur, au crédit du compte du client au cours des treize mois précédant l’accord formel » envisagé plus haut.
  • 16.
    V. supra, n° 10.
  • 17.
    Ces émetteurs disposeront, quant à eux, d’un délai de 10 jours ouvrés (C. mon. fin., art. R. 312-4-4, IX pour les émetteurs de prélèvement et X pour les émetteurs de virements) pour prendre en compte ces modifications et informer le client (C. mon. fin., art. R. 312-4-4, IX et X.). Par exemple, concernant les émetteurs de prélèvements, cette information concerne la prise en compte des coordonnées du nouveau compte, et la date, le cas échéant, de la dernière échéance présentée sur l’ancien compte et la date de l’échéance suivante présentée sur le nouveau compte.
  • 18.
    Sur ce point, l’article R. 312-4-4, VII, précise que lors de cette information, l’établissement d’arrivée doit alerter le client sur la nécessité de s’assurer du caractère exhaustif de la liste des opérations pour lesquelles le changement de domiciliation a été envoyé à ses créanciers et débiteurs.
  • 19.
    C. mon. fin., art. R. 312-4-4, V.
  • 20.
    C. mon. fin., art. R. 312-4-4, IV.
  • 21.
    Néanmoins, comme l’établissement de départ (v. supra, n° 14), cet établissement d’arrivée demeure exonéré de cette obligation d’indemnisation « en cas de circonstances anormales et imprévisibles échappant à son contrôle, dont les suites auraient été inévitables malgré tous les efforts déployés, lorsqu’il est lié par d’autres obligations légales spécifiques ».
  • 22.
    Chocron V., « Mobilité bancaire : les débuts prometteurs de la loi Macron », Le Monde économie, 7 mars 2017.
  • 23.
    La mobilité bancaire pourrait également accélérer un autre phénomène : celui de la « principalisation » des comptes de dépôts détenus par les banques en lignes. Ceux-ci sont en effet souvent des comptes secondaires, utilisés en appoint ; ils pourraient donc devenir prochainement des comptes principaux où l’on domicilie ses revenus.
  • 24.
    Ceux qui ouvrent un compte chez Boursorama peuvent en effet choisir de transférer la domiciliation d’un seul prélèvement ou bien de toutes leurs opérations, mais dans les deux cas, la banque demande à l’établissement de départ de lui transmettre la liste de toutes les opérations sur les 13 derniers mois. Les clients doivent alors cocher celles qu’ils veulent rapatrier. Il est vrai que, légalement, la fermeture du compte d’origine demeure optionnelle.
  • 25.
    Citons également le guide pratique réalisé par la fédération bancaire française, www.fbf.fr.
  • 26.
    V. infra, nos 29 et s.
  • 27.
    Mignot V., « Mobilité Macron : un premier couac entre les banques », CBanque, 20 févr. 2017.
  • 28.
    Chocron V., « Mobilité bancaire : la guerre commerciale est déclarée », Le Monde, 16 févr. 2017.
  • 29.
    Lasserre Capdeville J., « L’augmentation des commissions bancaires en 2016 », JCP E 2016, 176.
  • 30.
    Mignot V., « Orange Bank : une arrivée qui se précise », CBanque, 16 janv. 2016.
  • 31.
    Mignot V., « Tarifs bancaires : la loi Macron et Orange Bank vont-elles faire baisser les prix ? », CBanque, 13 mars 2017.
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