Les fonds d’investissement alternatifs (FIA), une complexité juridique nécessaire

Publié le 24/12/2019

La directive européenne n° 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2013-676 publiée au Journal officiel du 27 juillet 2013. Elle vise à créer un cadre harmonisé pour les gestionnaires de tels fonds en Europe tout en renforçant la protection des investisseurs et des épargnants. Une certaine complexité juridique en découle nécessairement.

1. À l’heure où des économistes commencent à tirer la sonnette d’alarme quant à l’approche d’une nouvelle crise financière plus rude que celle survenue en 2007, cette fois-ci due, selon eux, aux dettes obligataires1, on ne peut que s’intéresser de nouveau aux règles entourant les fonds d’investissement alternatifs. La crise dite des subprimes a eu pour conséquence la mise en place d’un cadre juridique strict à leur égard. Toutefois, une certaine complexité juridique demeure malgré les efforts du législateur.

2. Avant tout, précisons que les organismes de placement collectif se divisent en deux catégories. Il y a d’un côté les organismes de placement collectif en valeurs mobilières et d’un autre côté les fonds d’investissement alternatifs. Les premiers se définissent comme étant des fonds d’investissement strictement régis au niveau européen par la directive n° 2014/91/UE du 23 juillet 2014, dite OPCVM V2. Ils sont constitués exclusivement sous forme d’une société d’investissement à capital variable ou sous forme de fonds commun de placement. Les fonds d’investissement alternatifs bénéficient d’une définition négative. Ce sont les différents types de fonds qui ne sont pas qualifiés d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières. Ils sont quant à eux régis par la directive européenne n° 2011/61/UE du 8 juin 2011, dite AIFM3. Il s’agit donc d’une « catégorie fourre-tout »4.

3. En pratique, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières sont détenus par des banques qui commercialisent auprès de leurs clients particuliers des produits classiques de placement d’épargne5. On retrouve donc des fonds offrant des actions ou des obligations. Les fonds d’investissement alternatifs proposent quant à eux des stratégies d’investissement spécialisées dans certains domaines tels que le capital-risque ou le capital-retournement. Leurs produits sont destinés à des particuliers, mais dans une plus grande mesure à des investisseurs professionnels et institutionnels. En tout état de cause, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières ainsi que les fonds d’investissement alternatifs concourent ensemble à la création d’une Europe financière strictement encadrée6. Ces règles entraînent un faible contentieux, d’où une faible jurisprudence disponible7.

4. Les textes touchant à la régulation financière se montrent bienveillants à l’égard des membres de fonds d’investissement alternatifs. Le but est de leur assurer une sécurité financière maximale tout en stabilisant l’économie européenne et éviter ainsi une nouvelle crise globalisée issue de la détention d’actifs toxiques. Nous sommes pourtant en mesure de nous demander si l’objectif poursuivi est atteint du fait de la complexité engendrée par les textes. Ceux-ci enferment les marchés financiers dans un carcan juridique accessible uniquement à de hauts techniciens de la finance et du droit.

5. Effectivement, le Code monétaire et financier crée une subdivision entre les fonds alternatifs qui ne plaide pas en faveur d’une compréhension limpide mais reste pourtant nécessaire à la sécurisation de l’investissement (I). Le droit de la gestion collective de fonds alternatifs se montre désormais incontournable au sein du droit des affaires. Mais il reste empreint lui aussi d’une complexité nécessaire à la construction d’une meilleure Europe financière (II).

I – Une classification complexe et nécessaire des fonds alternatifs

6. Pour éviter la survenance d’une autre crise financière de même nature que celle de 2007, le droit financier tel que voulu par l’Union européenne pose désormais une stricte subdivision au sein même des fonds d’investissement alternatifs. Cohabitent alors ceux qualifiés comme tels du fait de leur nature (A) et ceux en revanche qui le sont du fait de leur objet (B).

A – Les fonds d’investissement alternatifs par nature

7. Depuis la transposition de la directive relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs dans notre droit interne8, deux catégories de ces fonds coexistent afin d’offrir des structures d’investissement aux investisseurs. Il y a d’abord les fonds alternatifs par nature, régis par le Code monétaire et financier. Les textes les définissent comme étant ceux levant « des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent ; et (qui) ne sont pas des OPCVM »9.

8. Parmi ceux-ci, deux catégories coexistent. La première est composée des fonds réservés à des investisseurs non professionnels. Il s’agit notamment des fonds d’épargne salariale10 ou encore des organismes de placement collectif en immobilier11. Ceux-ci, à l’instar de tous les fonds réservés à une clientèle non professionnelle, ne peuvent être constitués que sous la forme d’un fonds commun de placement ou d’une société d’investissement à capital variable. Dans le cas des fonds d’épargne salariale, on parlera alors de fonds commun de placement d’entreprise12 et de société d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié13. S’il est possible d’établir une liste exhaustive de ces fonds14, nous nous contenterons en revanche d’en préciser les règles générales leur étant applicables.

9. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers dresse la liste des fonds ouverts aux investisseurs non professionnels devant adopter un document d’information clé pour l’investisseur comme c’est le cas pour tout organisme de placement collectif en valeurs mobilières15. Il s’agit d’une mesure de sécurité envers les investisseurs leur permettant de mieux prendre connaissance du type de fonds dans lequel ils s’apprêtent à placer de l’argent. Quant aux fonds qui sont dispensés d’établir ce document, ils doivent quant à eux fournir à leurs investisseurs non professionnels un document d’informations clés rendu obligatoire depuis le 1er janvier 201816. Par ailleurs, lorsqu’un fonds alternatif par nature fait une offre de ses parts au public, son gestionnaire doit alors établir un prospectus conformément aux exigences de l’Autorité des marchés financiers17.

10. Pour ce qui relève de la seconde catégorie de fonds d’investissement alternatifs par nature, il s’agit de ceux réservés à des investisseurs professionnels ou assimilés18. Parmi ceux-ci, on trouve les fonds agréés par l’Autorité des marchés financiers : ce sont les fonds professionnels à vocation générale19 et les organismes professionnels de placement collectif immobilier20. On trouve également les fonds uniquement déclarés auprès du régulateur21. Il s’agit des fonds professionnels spécialisés (dont les sociétés de libre partenariat)22, des fonds professionnels de capital investissement23, et des organismes de financement spécialisés. Ces derniers « ont pour objet, d’une part, d’investir directement ou indirectement dans un ou plusieurs des actifs mentionnés à l’article L. 214-190-1 (CMF) et, d’autre part, d’en assurer le financement, dans les conditions prévues à cet article »24.

11. Autre source de complexité, les fonds d’investissement par nature doivent disposer d’un gestionnaire agréé par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective de tels fonds ainsi que d’un dépositaire de fonds. Toutefois, certains fonds peuvent bénéficier d’allégement de leurs obligations sous certaines conditions de montant d’actifs détenus par leur gestionnaire25. Mais leur gestionnaire reste pleinement soumis à ses propres obligations. Son agrément lui permet d’obtenir, là encore sous certaines conditions, un « passeport gestion et/ou commercialisation » lui permettant d’exporter ses services de gestion dans l’Union européenne et aussi d’y commercialiser les parts des fonds alternatifs par nature qu’il gère26. Les textes régissant chaque type de fonds alternatif par nature doivent donc être scrupuleusement étudiés afin d’éviter toute erreur qui apparaîtrait comme une fraude aux yeux du régulateur.

12. Mais la complexité ne s’arrête pas ici, bien au contraire, puisqu’un autre type de fonds d’investissement alternatifs existe dans le Code monétaire et financier.

B – Les fonds d’investissement alternatifs par objet

13. La seconde catégorie de fonds alternatifs est constituée des fonds alternatifs par objet également appelée par les textes « autres FIA »27. Il s’agit de toutes les sociétés civiles et commerciales définies respectivement par le Code civil et le Code de commerce menant une activité d’investissement propre à celle d’un fonds alternatif28. Comme les fonds alternatifs par nature, les fonds qualifiés « d’autres FIA » répondent eux aussi à la définition commune posée par le premier alinéa de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier précité.

14. Toutefois, l’article L. 532-9, V, 7° du même code exclut les holdings de la qualification de fonds alternatifs par objet dès lors que celles-ci détiennent « des participations dans une ou plusieurs autres sociétés, dont l’objectif commercial est de mettre en œuvre une ou plusieurs stratégies d’entreprise par l’intermédiaire de leurs filiales, de leurs sociétés associées ou de leurs participations en vue de contribuer à la création de valeur à long terme et qui sont des sociétés opérant pour leur propre compte et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé dans l’Union européenne ; ou n’étant pas créées dans le but principal de produire une rémunération pour leurs investisseurs par la cession de ses filiales ou de leurs sociétés associées, ainsi qu’il ressort de leur rapport annuel ou d’autres documents officiels »29.

15. Ces « autres FIA » peuvent ainsi revêtir différentes formes sociales, à condition que leur objet soit celui d’un fonds alternatif défini par l’article L. 214-24, I précité. Il peut s’agir de sociétés commerciales, de personnes comme de capitaux, mais également de sociétés civiles. La société par actions simplifiée est par exemple très fréquemment utilisée afin de constituer de tels fonds du fait de sa souplesse juridique.

16. Le fait d’être qualifié de fonds d’investissement alternatif par objet entraîne l’application d’un régime conditionné. Ce type de fonds, peut, tout comme un fonds alternatif par nature, opter pour une gestion externe de son portefeuille (recours à une société de gestion de portefeuille) ou bien décider statutairement de s’autogérer. Mais à la différence de ces derniers, le gestionnaire d’un « autre FIA » n’est pas tenu d’être agréé par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective, mais seulement enregistré auprès d’elle dans certaines situations. Il n’y a parfois pas non plus d’obligation de disposer d’un dépositaire de fonds. C’est le cas lorsque le montant des actifs globaux gérés par le gestionnaire du fonds alternatif par objet « ne dépasse pas le seuil de 100 millions d’euros, y compris les actifs acquis par le recours à l’effet de levier ; ou ne dépasse pas le seuil de 500 millions d’euros lorsqu’il ne recourt pas à l’effet de levier et pour lequel aucun droit au rachat ne peut être exercé pendant une période de cinq ans à compter de la date de l’investissement initial dans chaque FIA »30. Les fonds alternatifs par objet gérés par un même gestionnaire ne doivent pas non plus présenter d’associé ou d’actionnaire non professionnel31. Dans une telle situation, les « autres FIA » gérés par un tel gestionnaire sont eux aussi dispensés de certaines obligations32. On notera d’ailleurs que le gestionnaire n’est tenu que d’un reporting allégé envers le régulateur.

17. À défaut de respect de l’une des conditions précitées, les fonds alternatifs par objet autogérés ou leurs gestionnaires personnes morales devront être agréés par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective de fonds alternatifs. Le gestionnaire et les fonds seront de ce fait pleinement soumis aux dispositions de la directive dite AIFM33 à l’instar de ce qui est prévu pour les gestionnaires de fonds alternatifs par nature. Un reporting complet envers le régulateur de la part du gestionnaire sera alors obligatoire. Devra aussi être désigné un dépositaire de fonds pour chaque « autre FIA » géré, cela sous peine de se voir infliger des sanctions par la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers.

18. Par conséquent, si une subdivision s’imposait au sein des fonds d’investissement alternatifs, le caractère complexe de celle-ci est indéniable. Mais cela est pourtant rendu nécessaire afin d’éviter le retour d’une « finance sauvage » comme ce fut le cas avant la crise dite des subprimes. C’est pour cette raison que l’Union européenne s’efforce de préciser les règles de la gestion collective de fonds alternatifs, faisant face à de sérieuses difficultés.

II – Un encadrement complexe et nécessaire de la gestion collective de fonds alternatifs

19. Le droit de la gestion collective de fonds alternatifs s’impose désormais comme une branche incontournable du droit des affaires. Son caractère complexe permet de sécuriser juridiquement l’investissement et d’éviter une nouvelle crise financière globalisée (I). Mais cette complexité est également nécessaire afin de parer les conséquences juridiques d’un brexit sans accord (II).

A – Une complexité sécurisant l’investissement

20. Le droit de la gestion collective de fonds alternatifs est encore dans une phase de construction. La directive dite AIFM34 est encore trop récente et elle répond aux problèmes soulevés par la précédente crise financière de 2007 et perçue en France un an plus tard. Les réformes se succèdent donc afin d’offrir aux investisseurs et à l’économie européenne une stabilité jusqu’ici jamais atteinte.

21. La réforme portée par la directive n° 2014/65/UE relative aux marchés d’instruments financiers35, dite MIF 2 en est le parfait exemple : elle implique des contraintes provoquant une complexité rendue nécessaire pour créer les conditions juridiques nécessaires à une construction financière sécurisée de l’Union européenne. Avec la transposition de la directive n° 2011/61/UE dite AIFM en droit français par l’ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 201336, les sociétés de gestion de portefeuille agréées pour l’activité de gestion collective de fonds alternatifs étaient des entreprises d’investissement. Elles relevaient donc de la vaste catégorie des prestataires de services d’investissement. Or, la régulation financière étant en perpétuel mouvement juridique, la directive dite MIF 2 est venue supprimer cette règle.

22. En effet, depuis le 3 janvier 2018, date d’entrée en vigueur de la directive dite précitée, toute société de gestion de portefeuille qui est agréée par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective de fonds alternatifs ne relève plus du statut d’entreprise d’investissement. Il en va de même pour tout gestionnaire agréé exerçant l’activité de gestion collective précitée et celle de gestion de portefeuille pour le compte de tiers. Celle-ci est désormais soumise à la directive dite AIFM pour la gestion de fonds alternatifs et à celle dite MIF 2 pour son activité de gestion de portefeuille pour le compte de tiers. Toutefois, le périmètre de la notion de prestataire de services d’investissement n’étant pas concerné par la réforme opérée par la directive dite MIF 2, la société de gestion de portefeuille agréée AIFM est donc devenue une catégorie de prestataire de services d’investissement à part entière, et ce, à côté des entreprises d’investissement et des établissements de crédit agréés pour l’activité de services d’investissement.

23. De plus, les sociétés de gestion de portefeuille agréées pour la gestion collective de fonds alternatifs qui s’adonnent à des activités de services d’investissement connexes que sont notamment les services de conseil en investissement, la gestion de portefeuille pour le compte de tiers, ou encore la réception et la transmission d’ordres pour le compte de tiers, sont désormais soumises à l’application des dispositions de MIF 2. En conséquence, le gestionnaire de fonds alternatifs agréé pour cette activité auprès du régulateur doit désormais se plier aux exigences de la directive dite AIFM pour son activité principale et à celles de la directive dite MIF 2 pour ses activités liées. Cependant, la société de gestion de portefeuille conserve la jouissance de ses éventuels « passeports commercialisation et/ou gestion » obtenus au titre de l’agrément dit AIFM, lesquels lui permettent de fournir ces services d’investissement connexes à travers l’Union européenne tout entière.

24. Autre règle nécessaire à la construction d’une Union européenne financière sécurisée, il s’agit du document d’informations clés pour les investisseurs entré en vigueur dès le 1er janvier 2018 et porté par le règlement dit PRIIPs37. Le but est là encore de renforcer la protection des investisseurs. Seuls certains placements financiers nécessitent la remise au potentiel investisseur d’un tel document comme nous l’avons précédemment expliqué. Le document d’informations clés contient l’ensemble des indications essentielles sur le produit financier en question. Il est à différencier d’un document publicitaire. Ce document doit être présent pour tout produit financier permettant d’investir dans des actifs présentant une valeur fluctuante et dont l’achat est indirect pour l’investisseur. Ce sont des « produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance » pour reprendre les termes du règlement38. Certaines mentions sont obligatoires pour une sécurité optimale.

25. Si la perspective d’une prochaine directive dite AIFM 2 semble avoir été nettement repoussée par l’entrée en vigueur de MIF 2, on pourrait espérer que celle-ci se soucie plus des fonds alternatifs par objet. L’institution d’un nouveau régime serait, nous semble-t-il, l’occasion de renforcer la sécurité des porteurs de parts des « autres FIA » tout en stimulant l’investissement. On pourrait imaginer que ce régime s’appelle « autre fonds d’investissement alternatif contractuel (AFIAC) ». Il se caractériserait par le bénéfice d’une translucidité fiscale accordée au fonds (exonération d’imposition). Ce sont donc ses porteurs de parts qui le seraient à sa place comme c’est le cas avec une société de libre partenariat dite « fiscale »39. Le fonds pourrait bénéficier d’un passeport commercialisation dans l’Union européenne (attention : pas son gestionnaire). Ce passeport serait nouveau, il faudrait attribuer au fonds une obligation spécifique d’information comptable à transmettre périodiquement à l’autorité régulatrice de son pays d’immatriculation. On pourrait aussi créer une liste spécifique sur laquelle tous les « AFIAC » de chaque pays de l’Union européenne devraient être enregistrés. Elle serait tenue par chaque autorité régulatrice nationale. On parlerait alors de fonds « enregistrés ». Le fonds alternatif par objet bénéficiaire continuerait à être régi par les dispositions encadrant la structure juridique sur lequel il est constitué comme c’est actuellement le cas. Son organisation relèverait donc de la loi mais aussi de la liberté contractuelle selon la forme utilisée. Nul doute que la société par actions simplifiée connaîtrait alors une seconde vie dans les milieux financiers. Autre condition, le fonds devrait disposer d’un montant d’actifs inférieur à 50 millions d’euros afin d’éviter une prise de risques trop conséquente. Son gestionnaire n’aurait pas besoin d’être agréé par l’Autorité des marchés financiers mais juste enregistré auprès d’elle au regard des conditions actuelles posées par l’article L. 214-24, III, 3° du Code monétaire et financier. Le régime « AFIAC » pourrait faire son entrée dans le Code monétaire et financier et être complété par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Un tel régime permettrait de stimuler l’investissement tout en lui assurant une forte sécurité grâce au caractère déclaré du fonds et des nouvelles obligations d’informations instaurées.

26. Mais nous n’en sommes pas encore là. Et malgré nos précédentes propositions40 qui laisseraient entrevoir un jour encore meilleur aux investisseurs européens, l’époque actuelle reste marquée par le brexit et le mouvement « déconstructif » qu’il engendre en droit financier.

B – Une complexité inévitable face au brexit

27. Le Parlement britannique a adopté un projet de règlement le 29 novembre 201841. Celui-ci se destine à encadrer le traitement des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs dès la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ce règlement entrera en vigueur le jour même de la sortie effective. Il permettra de qualifier tous les types de fonds d’investissement évoluant dans l’Union européenne comme étant des fonds d’investissement alternatifs (même les organismes de placement collectif en valeurs mobilières).

28. En l’absence d’accord de sortie conclu entre l’Union et le Royaume-Uni, un « titre d’autorisation temporaire » (sorte de passeport tiers) permettra aux fonds européens et à leurs gestionnaires agréés de continuer leur activité pendant encore trois ans à compter du jour de sortie de l’Union42. Le titre pourra être renouvelé par l’administration du Trésor britannique sur demande du gestionnaire avant que celui-ci n’expire43. Chaque demande approuvée prolongera la validité du titre de douze mois renouvelables. Les conditions posées par la directive dite AIFM44 avant le jour effectif du brexit devront continuer à être respectées pour prétendre à un renouvellement du titre temporaire de gestion ou commercialisation. Les fonds alternatifs et les organismes de placement collectif en valeurs mobilières européens désireux d’être commercialisés au Royaume-Uni après la sortie de celui-ci de l’Union européenne répondront alors du « régime national de placement privé » britannique45. C’est l’article 272 de la loi de sur les marchés et les services financiers (FSMA) adoptée en 2000 qui prévaudra alors46. Elle pose les conditions à observer pour un fonds commercialisé auprès des particuliers. Un gestionnaire britannique de fonds d’investissement restera tenu au respect des règles dites d’« asset stripping » ainsi que de reporting envers l’autorité régulatrice du Royaume-Uni uniquement lorsqu’il prendra le contrôle d’une société britannique47.

29. Enfin, se pose la question de la commercialisation d’un limited partnership dans l’Union européenne post brexit. Les fonds britanniques commercialisés et gérés par des gestionnaires britanniques seront dans leur ensemble qualifiés de fonds alternatifs (même les organismes de placement collectif en valeurs mobilières). Ces fonds et leurs gestionnaires existant avant le brexit devraient bénéficier d’un régime transitoire semblable à celui prévu par le Royaume-Uni pour leurs homologues européens (régime précité)48. Pour ceux d’entre eux qui arriveront sur le marché européen post brexit, ils relèveront des différents « régimes nationaux de placement privés »49. Sachant que ceux-ci n’existent pas dans tous les États membres, notamment en France. Lorsqu’ils sont prévus, comme en Allemagne, leurs conditions sont très étroites.

30. Toutefois, les fonds et gestionnaires du Royaume-Uni pourront continuer de jouir d’un passeport européen (commercialisation et/ou gestion) dès lors qu’ils disposeront d’une filiale basée dans l’Union européenne. Cette option est déjà fortement adoptée en pratique. Et enfin, un passeport dédié aux tiers devrait vraisemblablement voir le jour rapidement pour fixer des règles découlant de la directive dite AIFM50.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Herzog P., « Que doit faire l’Europe face à la nouvelle crise du capitalisme globalisé ? », Les entretiens européens, 2 sept. 2019, p. 2.
  • 2.
    Directive n° 2014/91/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 modifiant la directive n° 2009/65/CE portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions.
  • 3.
    Directive n° 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives nos 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements (CE) nos 1060/2009 et (UE) 1095/2010.
  • 4.
    Bonneau T., Droit bancaire, 11e éd, 2015, LGDJ, n° 931, p. 695.
  • 5.
    Bonneau T. et Drummond F., Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Economica, Corpus droit privé, n° 126, p. 182.
  • 6.
    Bonneau T. et Drummond F., Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Economica, Corpus droit privé, n° 53, p. 60.
  • 7.
    Bonneau T. et Drummond F., Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Economica, Corpus droit privé, n° 41, p. 43. Le dernier arrêt rendu en droit de la gestion collective de FIA : Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-15908, par lequel les juges ont rappelé que seule la société de gestion agréée par l’Autorité des marchés financiers peut transférer la gestion d’un FIA constitué sous forme de FCP à une autre société de gestion, cela sous réserve de l’agrément de cette autorité pour la gestion collective de FIA. Le promoteur du fonds n’en a pas le pouvoir. À cette occasion, la Cour de cassation est venue rappeler la définition du promoteur de FIA : « Celui qui est à l’initiative de la création du fonds et qui en a la maîtrise notamment la fixation des règles d’investissement et la rédaction des documents d’investissement ainsi que le pouvoir d’en confier la gestion à telle société qu’il choisit ». Mais pour ce qui est du transfert de la gestion d’une SGP à une autre, le promoteur n’est pas compétent malgré une convention conclue avec la SGP, laquelle prévoyait que « le gestionnaire facilitera le transfert de la gestion du fonds à un autre gérant et dépositaire au terme du mandat ».
  • 8.
    Directive n° 2011/61/UE, 8 juin 2011.
  • 9.
    C. mon. fin., art. L. 214-24, I, 1° et 2°.
  • 10.
    C. mon. fin., art. L. 214-163 et s.
  • 11.
    C. mon. fin., art. L. 214-33 et s.
  • 12.
    C. mon. fin., art. L. 214-164 et C. mon. fin., art. L. 214-165.
  • 13.
    C. mon. fin., art. L. 214-166.
  • 14.
    Les fonds d’investissement alternatifs par nature sont les fonds d’investissement à vocation générale, les fonds de fonds alternatifs, les fonds de capital investissement, les fonds d’épargne salariale, les organismes de placement collectif en immobilier, les sociétés civiles de placement immobilier, les sociétés d’épargne forestière, les sociétés d’investissement à capital fixe, les fonds professionnels à vocation générale, les fonds professionnels spécialisés (dont les sociétés de libre partenariat), les fonds professionnels de capital investissement, les organismes professionnels de placement collectif immobilier, les organismes de financement, qui regroupent les organismes de titrisation et les organismes de financement spécialisé.
  • 15.
    AMF, Règl. gén., art. 422-67 à AMF, Règl. gén., art. 422-70. Ce document est exigé pour les fonds d’investissement à vocation générale, les fonds de fonds alternatifs, les fonds de capital investissement (fonds commun de placement à risque, fonds communs de placement dans l’innovation et fonds d’investissement de proximité), les fonds d’épargne salariale (fonds commun de placement d’entreprise et société d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié), ainsi que pour les organismes de placement collectif en immobilier.
  • 16.
    Règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs), publié au JOUE le 9 décembre 2014, L 352/1 ; Règlement délégué (UE) n° 2017/653 de la Commission du 8 mars 2017 complétant le règlement (UE) n° 1286/2014 précité par des normes techniques de réglementation concernant la présentation, le contenu, le réexamen et la révision des documents d’informations clés et les conditions à remplir pour répondre à l’obligation de fournir ces documents, publié au JOUE en date du 12 avril 2017, L 100/1.
  • 17.
    AMF, Règl. gén., art. 422-71 à AMF, Règl. gén., art. 422-78.
  • 18.
    Pour la définition d’un investisseur/client professionnel, v. les dispositions de C. mon. fin., art. D. 533-11.
  • 19.
    C. mon. fin., art. L. 214-143 à C. mon. fin., art. L. 214-147.
  • 20.
    C. mon. fin., art. L. 214-148 à C. mon. fin., art. L. 214-151.
  • 21.
    C. mon. fin., art. L. 214-152 et s.
  • 22.
    C. mon. fin., art. L. 214-154 à C. mon. fin., art. L. 214-158 (pour les fonds professionnels spécialisés constitués sous forme de fonds commun de placement et les sociétés d’investissement spécialisées constituées sous forme de société d’investissement à capital variable) et C. mon. fin., art. L. 214-162-1 à C. mon. fin., art. L. 214-162-12 concernant les sociétés de libre partenariat.
  • 23.
    C. mon. fin., art. L. 214-159 à C. mon. fin., art. L. 214-162 (les fonds professionnels de capital investissement sont constitués sous forme de fonds commun de placement ou de société d’investissement à capital variable. Celle-ci est alors qualifiée de société de capital investissement).
  • 24.
    C. mon. fin., art. L. 214-168, II. Ils prennent la forme soit d’une copropriété dont le modèle reste le fonds commun de placement, on parle alors de fonds de financement spécialisé, soit d’une société anonyme ou d’une société par actions simplifiée, on parle alors d’une société de financement spécialisée : C. mon. fin., art. L. 214-190-3.
  • 25.
    C. mon. fin., art. L. 214-24, II, al. 2.
  • 26.
    Le gestionnaire agréé de fonds alternatifs par nature peut également commercialiser les parts des « autres FIA » qu’il gère grâce à ce « passeport » comme nous le verrons plus loin.
  • 27.
    C. mon. fin., art. L. 214-24, III.
  • 28.
    C. mon. fin., art. L. 214-24, I et III.
  • 29.
    C. mon. fin., art. L. 532-9, V, 7°.
  • 30.
    C. mon. fin., art. R. 532-12-1 sur renvoi direct de l’article L. 532-9, IV et sur renvoi indirect de l’article L. 214-24, III, 3° du même code.
  • 31.
    C. mon. fin., art. L. 214-24, III, 3°.
  • 32.
    C. mon. fin., art. L. 214-24, III, 3°, lequel dispose que ces fonds n’appliquent alors pas les dispositions du VI du présent article et des paragraphes 1 à 5 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre VI du titre 1er du livre II de la partie législative du Code monétaire et financier. De plus, si la personne morale qui gère ces « autres FIA » est enregistrée auprès de l’Autorité des marchés financiers et reste soumise aux obligations d’information prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers elle peut choisir de soumettre ces fonds alternatifs par objet au régime décrit au 1° du présent article.
  • 33.
    Directive n° 2011/61/UE, 8 juin 2011.
  • 34.
    Directive n° 2011/61/UE, 8 juin 2011.
  • 35.
    Directive n° 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant les directives nos 2002/92/CE et 2011/61/UE, publiée au JOUE le 12 juin 2014, L 173/349 ; laquelle fut complétée par le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 (avec une date d’entrée en application au 3 janvier 2017), dit MIFIR. Transposition par l’ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017 relative aux marchés d’instruments financiers et à la séparation du régime juridique des sociétés de gestion de portefeuille de celui des entreprises d’investissement.
  • 36.
    Ordonnance n° 2013-676 du 25 juillet 2013 modifiant le cadre juridique de la gestion d’actifs.
  • 37.
    Règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs), publié au JOUE le 9 décembre 2014, L 352/1. Celui-ci fut complété par le règlement délégué (UE) n° 2017/653 de la Commission du 8 mars 2017 complétant le règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (PRIIPs) par des normes techniques de réglementation concernant la présentation, le contenu, le réexamen et la révision des documents d’informations clés et les conditions à remplir pour répondre à l’obligation de fournir ces documents, publié au JOUE le 12 avril 2017, L 100/1. V. également les lignes directrices sur l’application du règlement (UE) n° 1286/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les documents d’informations clés relatifs aux produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance, publiées au JOUE le 7 juillet 2017, n° C 218/11.
  • 38.
    Règlement (UE) n° 1286/2014, 26 nov. 2014.
  • 39.
    Feydel R., Le refinancement d’entreprises en difficulté, Thèse, Bayle M. et Léobon T., (dir.), 2019, Université de Limoges, n° 194, p. 155.
  • 40.
    V. supra., n° 25.
  • 41.
    Pour le texte à l’état de projet mais tel qu’il fut adopté, voir : HM Treasury, « Explanatory memorandum to the alternative investment fund managers (amendment, etc.) regulations 2018 », 8th oct. 2018.
  • 42.
    Pour le texte à l’état de projet mais tel qu’il fut adopté, voir : HM Treasury, « Explanatory memorandum to the alternative investment fund managers (amendment, etc.) regulations 2018 », 8th oct. 2018.
  • 43.
    Pour le texte à l’état de projet mais tel qu’il fut adopté, voir : HM Treasury, « Explanatory memorandum to the alternative investment fund managers (amendment, etc.) regulations 2018 », 8th oct. 2018.
  • 44.
    Directive n° 2011/61/UE, 8 juin 2011.
  • 45.
    Spy A., « Brexit : quel impact pour les gérants ? », Option Finance, 5 juill. 2018.
  • 46.
    HM Treasury, « Explanatory memorandum to the alternative investment fund managers (amendment, etc.) regulations 2018 », 8th oct. 2018.
  • 47.
    Rajczewski R.-K., « AIFMD framework to continue to operate in the UK after Brexit », KPMG Fund news, 29th nov. 2018.
  • 48.
    Spy A., « Brexit : quel impact pour les gérants ? », Option Finance, 5 juill. 2018.
  • 49.
    Rajczewski R.-K., « AIFMD framework to continue to operate in the UK after Brexit », KPMG Fund news, 29th nov. 2018.
  • 50.
    Rajczewski R.-K., « AIFMD framework to continue to operate in the UK after Brexit », KPMG Fund news, 29th nov. 2018.
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