Les fonds d’investissement alternatifs à la lumière de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier
L’actuelle pandémie liée au Covid-19 frappe de plein fouet l’économie française. L’ensemble des secteurs d’activité sont touchés et les entreprises ont plus que jamais besoin d’argent frais pour s’en sortir. C’est alors qu’interviennent les fonds d’investissement alternatifs dont l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier est la pierre angulaire.
1. Afin de pallier le retour d’une crise économique systémique générée par les marchés financiers et leurs dérives spéculatives, la directive européenne n° 2011/61/UE sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (FIA)1 a été transposée en droit français par l’ordonnance n° 2013-676 publiée au journal officiel du 27 juillet 2013. Elle vise à créer un cadre européen harmonisé pour les gestionnaires de tels fonds tout en renforçant la protection des investisseurs et des épargnants. L’article L. 214-24 du Code monétaire et financier fut instauré à cette occasion, donnant ainsi naissance à la notion de fonds d’investissement alternatifs en droit positif français.
2. L’article L. 214-24 susvisé contribue à poser une stricte distinction entre deux catégories de fonds d’investissement formant les organismes de placement collectif2. Ces derniers se divisent donc en deux catégories distinctes. Il y a d’un côté les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et d’un autre côté les fonds d’investissement alternatifs. Les premiers se définissent comme étant des fonds d’investissement strictement régis au niveau européen par la directive n° 2014/91/UE du 23 juillet 2014, dite OPCVM V3. Ils sont constitués exclusivement sous forme d’une société d’investissement à capital variable (SA ou SAS) ou de fonds commun de placement. Les fonds d’investissement alternatifs sont quant à eux régis par la directive européenne n° 2011/61/UE du 8 juin 2011, dite AIFM.
3. En pratique, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières sont détenus par des banques qui commercialisent auprès de leurs clients particuliers des produits classiques de placement d’épargne4. On retrouve donc des fonds offrant des actions ou des obligations. Les fonds d’investissement alternatifs proposent quant à eux des stratégies d’investissement spécialisées dans certains domaines tels que le capital-risque ou le capital-retournement. Leurs produits sont destinés à des particuliers, mais dans une plus grande mesure à des investisseurs professionnels et institutionnels. En tout état de cause, les organismes de placement collectif concourent à la création d’une Europe financière strictement encadrée5. Ces règles entraînent un faible contentieux, d’où une faible jurisprudence disponible6.
4. Actuellement, la notion même de fonds d’investissement alternatif soulève encore des interrogations dans le milieu des affaires. Comme nous allons l’analyser peu après, ces entités peuvent prendre la forme de structures d’investissement strictement définies comme telles par les textes, mais elles s’approprient également tout type de sociétés relevant du Code de commerce et du Code civil. Aussi, face à une telle ambivalence, de nombreuses confusions et interrogations demeurent. En effet, une holding peut ainsi être qualifiée de fonds d’investissement alternatif sous certaines conditions. Il en va de même pour une société civile immobilière par exemple. Dès lors, la lecture de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier se veut rassurante et permet de mieux cerner les FIA.
5. Cependant, et ce malgré la volonté du législateur via, notamment, les dernières réformes de 2017 et 20197, l’article L. 214-24 précité se contente d’attribuer un caractère équivoque à la notion de fonds d’investissement alternatif (I), alors que le fonctionnement de ces derniers est quant à lui parfaitement précisé (II).
I – Les fonds d’investissement alternatifs, une notion équivoque
6. Contrairement aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières, les fonds d’investissement alternatifs doivent se contenter d’une définition équivoque posée par l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier (A). Leur catégorisation s’inscrit dans un paradigme similaire (B).
A – Une définition équivoque
7. L’article L. 214-24 susvisé fixe la définition d’un fonds d’investissement alternatif. Celui-ci doit dans un premier temps lever des capitaux auprès d’investisseurs (1), pour ensuite être exclu des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (2).
1 – Levée de capitaux auprès d’investisseurs
8. Le premier alinéa du I de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier précise que « les fonds d’investissement relevant de la directive n° 2011/61/ UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011, dits FIA (…) lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, dans l’intérêt de ces investisseurs, conformément à une politique d’investissement que ces FIA ou leurs sociétés de gestion définissent »8.
Premier enseignement, les fonds d’investissement alternatifs lèvent des capitaux auprès d’une multitude d’investisseurs. Au moins deux, et peu importe leur qualité. Deuxième enseignement, ces fonds doivent ensuite être investis afin de favoriser les intérêts financiers de ces investisseurs. Et enfin troisième enseignement de cet alinéa, l’ensemble des opérations financières décrites doivent se dérouler dans le cadre d’une politique d’investissement décidée par le fonds lui-même ou la société en charge de la gestion de son portefeuille d’actifs.
Face aux précisions du texte, nous pouvons affirmer qu’une société dotée d’un associé ou actionnaire unique ne pourra donc pas être qualifiée de fonds d’investissement alternatif, cela même si elle mène une activité financière. Mais si ce premier indice revêt un caractère positif, il ne nous indique que peu de chose quant à différencier un FIA d’un OPCVM…
2 – Exclusion de la catégorie des OPCVM
9. Le second alinéa du I de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier vient compléter la première définition donnée en déclarant que les fonds d’investissement alternatifs ne sont pas des organismes de placement collectif en valeurs mobilières9. À défaut de pouvoir circonscrire précisément la définition d’un FIA, le législateur renvoie alors à une certaine négativité en se contentant de préciser qu’un tel fonds ne peut pas répondre de la définition d’un OPCVM. Il s’agit donc de dire que toute entité répondant au premier alinéa du I de l’article L. 214-24 précité et qui n’entre pas pour autant dans la catégorie des organismes de placement collectif en valeurs mobilières est inévitablement un fonds d’investissement alternatif. On se trouve donc en présence d’une catégorie de fonds « fourre-tout »10 générant un caractère équivoque en matière de définition…
Concernant la définition d’un OPCVM à laquelle renvoie l’article L. 214-24, le législateur se contente de déclarer que ces derniers « sont des organismes de placement collectif agréés conformément à la directive n° 2009/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 »11. Selon celle-ci, est qualifié d’OPCVM une entité dont l’objet est le placement collectif en valeurs mobilières de capitaux levés auprès du public et dont le fonctionnement est soumis au principe de la répartition des risques12. Les parts émises sont rachetées ou remboursées à la demande de leurs porteurs respectifs13. Et enfin, un OPCVM est un fonds de type ouvert ne pouvant réserver la commercialisation de ses parts au public d’un pays tiers14. Ainsi, toute entité qui ne relève pas de cette définition est un fonds d’investissement alternatif pour autant qu’il réponde aux dispositions du premier alinéa du I de l’article L. 214-24.
Cependant, le caractère équivoque de la notion de FIA ne s’arrête pas là…
B – Une catégorisation équivoque
10. La catégorisation des fonds d’investissement alternatifs présente elle aussi un caractère équivoque. Si dans un premier temps le législateur s’efforce de lister les fonds régis par les textes (1), il ne peut s’empêcher de renvoyer à ceux qui en sont exclus, s’en remettant à leur objet pour les identifier (2).
1 – Fonds régis par les textes
11. Le II de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier dresse la liste des fonds d’investissement alternatifs régis par les dispositions de la section 2 du présent code à laquelle il appartient lui-même. On parle alors de fonds par nature puisque définis comme tels par les textes. La première catégorie est composée des fonds réservés à des investisseurs non professionnels15. Il s’agit notamment des fonds d’épargne salariale16 ou encore des organismes de placement collectif en immobilier17. Ceux-ci, à l’instar de tous les fonds réservés à une clientèle non-professionnelle, ne peuvent être constitués que sous la forme d’un fonds commun de placement ou d’une société d’investissement à capital variable. Dans le cas des fonds d’épargne salariale, on parlera alors de fonds commun de placement d’entreprise18 et de société d’investissement à capital variable d’actionnariat salarié19 sans pour autant en fournir ici leur liste exhaustive20.
La seconde catégorie de fonds d’investissement alternatifs par nature est celle réservée à des investisseurs professionnels ou assimilés21. Parmi ceux-ci, on trouve les fonds agréés par l’Autorité des marchés financiers : ce sont les fonds professionnels à vocation générale22 et les organismes professionnels de placement collectif immobilier23. On a également les fonds uniquement déclarés auprès du régulateur24. Il s’agit des fonds professionnels spécialisés (dont les sociétés de libre partenariat)25, des fonds professionnels de capital investissement26, et des organismes de financement spécialisés27.
Par ailleurs, le IV de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier régit également les fonds nourriciers et les fonds maîtres28. Les premiers doivent être investis à hauteur d’au moins 85 % de leur actif dans les parts ou actions d’un ou plusieurs fonds alternatifs maîtres, ou encore y être exposés dans les mêmes proportions à un seul fonds maître29. Les seconds, quant à eux, sont les fonds d’investissement alternatifs dans lequel un autre FIA investit ou auquel ils sont exposés, et ce conformément aux règles précitées concernant les fonds nourriciers30.
Les fonds d’investissement alternatifs exclus du Code monétaire et financier ne sont pas pour autant oubliés, bien au contraire…
2 – Fonds exclus des textes
12. Le III de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier déclare que les fonds d’investissement alternatifs n’étant pas mentionnés au II sont appelés « autres FIA » ou encore fonds d’investissement alternatifs par objet31. Il s’agit de toutes les sociétés civiles et commerciales définies respectivement par le Code civil et le Code de commerce menant une activité d’investissement propre à celle d’un fonds alternatif32. Comme les fonds alternatifs par nature, les fonds qualifiés « d’autres FIA » répondent aux aussi à la définition commune posée par le premier alinéa de l’article L. 214-24 précité. Mais leur qualification relève d’une appréciation discrétionnaire, d’où un caractère équivoque…
Toutefois, l’article L. 532-9, V, 7° du même code exclut les holdings de la qualification de fonds alternatifs par objet dès lors que celles-ci détiennent « des participations dans une ou plusieurs autres sociétés, dont l’objectif commercial est de mettre en œuvre une ou plusieurs stratégies d’entreprise par l’intermédiaire de leurs filiales, de leurs sociétés associées ou de leurs participations en vue de contribuer à la création de valeur à long terme et qui sont des sociétés opérant pour leur propre compte et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé dans l’Union européenne ; ou n’étant pas créées dans le but principal de produire une rémunération pour leurs investisseurs par la cession de ses filiales ou de leurs sociétés associées, ainsi qu’il ressort de leur rapport annuel ou d’autres documents officiels »33. Ainsi donc, des holdings n’entrant pas dans cette définition peuvent être qualifiées de fonds d’investissement alternatifs par objet. Ce fut le cas des anciennes holdings dites « ISF ».
Dès lors, les « autres FIA » peuvent revêtir différentes formes sociales, à condition que leur objet soit celui d’un fonds alternatif défini par l’article L. 214-24, I, du Code monétaire et financier. Il peut s’agir de sociétés commerciales, de personnes comme de capitaux, mais également de sociétés civiles. La société par actions simplifiée est par exemple très fréquemment utilisée pour constituer de tels fonds au regard de sa souplesse contractuelle.
Si la notion de fonds d’investissement alternatif présente un caractère équivoque indéniable, son fonctionnement en est dénué à tout égard.
II – Les fonds d’investissement alternatifs, un fonctionnement sans équivoque
13. Le fonctionnement des fonds d’investissement alternatifs est strictement prévu par les dispositions du Code monétaire et financier. L’article L. 214-24 y concourt largement en fixant la valeur des actifs du fonds comme déterminante de la qualité de son gestionnaire (A). Ce texte réitère en fournissant des précisions quant au fonctionnement externe du fonds (B).
A – Une valeur des actifs déterminante du gestionnaire
14. La transposition en droit interne de la directive sur les gestionnaires de fonds impose certaines règles de fonctionnement spécifiques. L’article L. 214-24 du Code monétaire et financier se veut être au cœur de celles-ci, prévoyant les situations dans lesquelles un FIA doit recourir aux services d’un gestionnaire agréé AIFM (1) ou non (2).
1 – Gestionnaire agréé AIFM
15. Les fonds d’investissement par nature doivent disposer d’un gestionnaire agréé AIFM par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective de tels fonds. De nombreuses autres obligations en découlent. Toutefois, lorsqu’une société de gestion de portefeuille gère un ou plusieurs FIA par nature dont la valeur totale des actifs, combinée avec les autres actifs qu’elle gère est inférieure aux seuils mentionnés au IV de l’article L. 532-9 du Code monétaire et financier34, ces fonds sont uniquement tenus d’être dotés d’un dépositaire35. Les autres obligations relatives à la commercialisation, l’évaluation, l’information, la participation et le contrôle leur sont inapplicables36. Ce dernier reste soumis aux obligations d’information prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers37. Dans ce cas précis, on parle d’agrément « light », puisque le fonds reste soumis partiellement aux obligations découlant de la directive AIFM. En revanche, lorsque les seuils précités sont atteints, ou si le gestionnaire décide de soumettre pleinement les fonds à l’ensemble des obligations précitées, on parle alors d’agrément « full ».
Concernant les fonds d’investissement alternatifs par objet, lorsqu’une personne morale gère un ou plusieurs de ce type de fonds dont la valeur totale des actifs, combinée avec les autres actifs qu’elle gère est supérieure aux seuils mentionnés au IV de l’article L. 532-9 du Code monétaire et financier, ces « autres FIA » désignent un dépositaire et leur gestionnaire doit être agréé AIFM pour l’activité de gestion collective de FIA38. La règle s’applique aussi lorsque le portefeuille du gestionnaire est composé de FIA par nature et par objet39. Par ailleurs, même si la valeur des actifs des fonds alternatifs par objet gérés reste inférieure aux seuils précédemment mentionnés, ces fonds désignent un dépositaire et sont gérés par une société de gestion de portefeuille agréée AIFM lorsqu’ils ont au moins un porteur de parts ou actionnaire non professionnel40. Dans les deux situations, les mêmes possibilités d’exemptions que celles prévues pour les fonds alternatifs par nature prévalent41.
D’autres règles sont également prévues pour permettre aux fonds alternatifs les plus modestes en termes de valeur d’actifs de bénéficier de règles de gestion adaptées.
2 – Gestionnaire non agréé AIFM
16. Le fait d’être qualifié de fonds d’investissement alternatif par objet entraîne pour le gestionnaire l’application d’un régime conditionné. Ce type de fonds, peut, tout comme un fonds alternatif par nature, opter pour une gestion externe de son portefeuille (recours à une société de gestion de portefeuille) ou bien décider statutairement de s’autogérer42. Mais à la différence de ces derniers, le gestionnaire d’un « autre FIA » n’est pas systématiquement tenu d’être agréé AIFM par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective de tels fonds, mais seulement enregistré auprès d’elle dans certaines situations.
Dès lors qu’une personne morale gère un ou plusieurs fonds alternatifs par objet dont la valeur totale des actifs, combinée avec les autres actifs qu’elle gère reste inférieure aux seuils mentionnés au IV de l’article L. 532-9, ces « autres FIA » ne sont pas tenus de désigner un dépositaire et d’être gérés par une société de gestion de portefeuille lorsqu’ils n’ont que des porteurs de parts ou actionnaires professionnels43. Ces fonds ne sont pas tenus de disposer d’un capital social initial de 300 000 euros lorsqu’ils sont en partie autogérés44. Ils sont également absouts d’appliquer les règles relatives à la commercialisation, la désignation d’un dépositaire, l’évaluation, l’information, la participation et le contrôle leur sont inapplicables45. Ainsi, la personne morale qui gère ces « autres FIA » est simplement enregistrée auprès de l’Autorité des marchés financiers et reste soumise aux obligations d’information prévues par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers. Elle peut toutefois choisir de soumettre ces fonds alternatifs par objet au régime qualifié de « full agreement »46.
À défaut de respect de l’une des conditions précitées, les fonds alternatifs par objet autogérés ou leurs gestionnaires personnes morales devront être agréés AIFM par l’Autorité des marchés financiers pour l’activité de gestion collective de fonds alternatifs ; cela dans les mêmes conditions que les gestionnaires de fonds alternatifs par nature. La valeur de l’ensemble des actifs gérés déterminera donc la nécessité d’un agrément « light » ou « full ».
Le fonctionnement des fonds alternatifs est d’autant plus dénué d’équivoque que des précisions sont également fournies quant à son externalité.
B – Des précisions déterminantes du fonctionnement externe
17. L’article L. 214-24 du Code monétaire et financier apporte des précisions sans équivoque quant à la possibilité de recourir, pour tout type de fonds alternatif, aux services d’un gestionnaire européen (1). Le régime attribué au courtier principal n’est pas pour autant oublié par le législateur (2).
1 – Éventuel gestionnaire européen
18. L’article L. 214-24 du Code monétaire et financier est issu de la volonté politique de bâtir une Union européenne financière des plus sécurisées à la suite de la crise financière engendrée par les subprimes d’outre-Atlantique. Toutefois, le principe de libre établissement ne s’en trouve pas bafoué pour autant en ce qui concerne les gestionnaires de fonds alternatifs agréés AIFM. En effet, le V de l’article L. 214-24 déclare que le siège social et l’administration centrale d’un fonds alternatif ou de la société de gestion de portefeuille agréée AIFM (« full » ou « light ») qui gère un tel fonds sont situés en France47. Ceux de la société de gestion peuvent toutefois être situés dans un autre État membre de l’Union européenne ou un pays tiers lorsqu’elle exerce en France son activité en libre établissement ou en libre prestation de services en application de l’article L. 532-21-3 ou L. 532-30 du Code monétaire et financier48.
Cette liberté d’établissement du gestionnaire agréé AIFM fixée par l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier renvoie directement aux fameux passeports commercialisation et gestion. Son agrément lui permet d’obtenir, là encore sous certaines conditions, un passeport gestion et/ou commercialisation lui permettant d’exporter ses services de gestion dans l’Union européenne et aussi d’y commercialiser les parts des fonds alternatifs par nature qu’il gère49. Les textes régissant chaque type de fonds alternatif par nature doivent donc être scrupuleusement étudiés afin d’éviter toute erreur qui apparaîtrait comme une fraude aux yeux du régulateur.
Précisons ici que de telles possibilités offertes n’empêchent en rien la société de gestion de portefeuille agréée de déléguer ses fonctions dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers50.
D’autres précisions connexes viennent consolider un fonctionnement sans équivoque des fonds alternatifs.
2 – Régime du courtier principal
19. Une autre fonction ne peut qu’être rapprochée par les textes avec celles de gestionnaire et de dépositaire de fonds. Le législateur en a pris une parfaite mesure en décidant de régir strictement la fonction et le régime juridique du courtier principal de fonds d’investissement alternatifs. Le VII de l’article L. 214-24 du Code monétaire et financier définit cette fonction externe comme étant celle exercée par « un établissement de crédit, une entreprise d’investissement réglementée ou une autre entité soumise à une réglementation prudentielle et à une surveillance adéquate »51. L’activité est elle aussi clairement encadrée puisqu’un courtier principal de FIA offre des services aux investisseurs professionnels essentiellement pour financer et exécuter des transactions sur des instruments financiers à titre de contrepartie et peut également fournir d’autres services comme la compensation et le règlement de transactions, des services de conservation, le prêt de titres, les services techniques ou encore le soutien opérationnel sur mesure52.
Précisons qu’en principe, même si l’article L. 214-24 ne le précise pas, la fonction de courtier principal de fonds alternatifs ne peut être exercée simultanément avec celle de dépositaire. Les deux fonctions doivent échoir à deux entités externes différentes, à moins que chacune des deux activités soient strictement isolées l’une de l’autre sur le plan fonctionnel et hiérarchique au sein d’une seule entreprise dépositaire53. Il doit en être de même avec l’exécution des fonctions de dépositaire et les tâches de courtier principal et les conflits d’intérêts potentiels doivent être identifiés, gérés, suivis et révélés aux investisseurs du fonds alternatif de manière appropriée54.
Notes de bas de pages
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1.
PE et Cons. UE, dir. n° 2011/61/UE, 8 juin 2011, sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs et modifiant les directives nos 2003/41/CE et 2009/65/CE ainsi que les règlements nos 1060/2009/CE et 1095/2010/UE.
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2.
C. mon. fin., art. L. 214-1.
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3.
PE et Cons. UE, dir. n° 2014/91/UE, 23 juill. 2014, modifiant la directive n° 2009/65/CE, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), pour ce qui est des fonctions de dépositaire, des politiques de rémunération et des sanctions.
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4.
Bonneau T. et Drummond F., Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Economica, Corpus droit privé, p. 182, n° 126.
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5.
Bonneau T. et Drummond F., Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Economica, Corpus droit privé, p. 60, n° 53.
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6.
Bonneau T. et Drummond F., Droit des marchés financiers, 3e éd., 2010, Economica, Corpus droit privé, p. 43, n° 41. Le dernier arrêt rendu en droit de la gestion collective de FIA : Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-15908 par lequel les juges ont rappelé que seule la société de gestion agréée par l’Autorité des marchés financiers peut transférer la gestion d’un FIA constitué sous forme de FCP à une autre société de gestion, cela sous réserve de l’agrément de cette autorité pour la gestion collective de FIA. Le promoteur du fonds n’en a pas le pouvoir. À cette occasion, la Cour de cassation est venue rappeler la définition du promoteur de FIA : « Celui qui est à l’initiative de la création du fonds et qui en a la maîtrise notamment la fixation des règles d’investissement et la rédaction des documents d’investissement ainsi que le pouvoir d’en confier la gestion à telle société qu’il choisit ». Mais pour ce qui est du transfert de la gestion d’une SGP à une autre, le promoteur n’est pas compétent malgré une convention conclue avec la SGP, laquelle prévoyait que « le gestionnaire facilitera le transfert de la gestion du fonds à un autre gérant et dépositaire au terme du mandat ».
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7.
Ord. n° 2017-1432, 4 oct. 2017, portant modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par la dette : JO, 5 oct. 2017, n° 0233 – L. n° 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises : JO, 23 mai 2019, n° 0119.
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8.
C. mon. fin., art. L. 214-24, I, 1°.
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9.
C. mon. fin., art. L. 214-24, I, 2°.
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10.
Bonneau T., Droit bancaire, 11e éd, 2015, LGDJ, p. 695.
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11.
C. mon. fin., art. L. 214-2.
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12.
PE et Cons. CE, dir. n° 2009/65/CE, art. 1er, 2, a).
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13.
PE et Cons. CE, dir. n° 2009/65/CE, art. 1er, 2, b).
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14.
PE et Cons. CE, dir. n° 2009/65/CE, art. 3.
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15.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, 1°.
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16.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, 3° renvoyant indirectement à l’article L. 214-163 et s.
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17.
C. mon. fin., art. L. 214-33 et s.
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18.
C. mon. fin., art. L. 214-164 ; C. mon. fin., art. L. 214-165.
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19.
C. mon. fin., art. L. 214-166.
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20.
Les fonds d’investissement alternatifs par nature sont les fonds d’investissement à vocation générale, les fonds nourriciers de fonds alternatifs, les fonds de capital investissement, les fonds d’épargne salariale, les organismes de placement collectif en immobilier, les sociétés civiles de placement immobilier, les sociétés d’épargne forestière, les sociétés d’investissement à capital fixe, les fonds professionnels à vocation générale, les fonds professionnels spécialisés (dont les sociétés de libre partenariat), les fonds professionnels de capital investissement, les organismes professionnels de placement collectif immobilier, les organismes de financement, qui regroupent les organismes de titrisation et les organismes de financement spécialisé.
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21.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, 2° ; Pour la définition d’un investisseur/client professionnel, v. les dispositions de C. mon. fin., art. D. 533-11.
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22.
C. mon. fin., art. L. 214-143 à L. 214-147.
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23.
C. mon. fin., art. L. 214-148 à L. 214-151.
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24.
C. mon. fin., art. L. 214-152 et s.
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25.
C. mon. fin., art. L. 214-154 à L. 214-158 (pour les fonds professionnels spécialisés constitués sous forme de fonds commun de placement et les sociétés d’investissement spécialisées constituées sous forme de société d’investissement à capital variable) et C. mon. fin., art. L. 214-162-1 à L. 214-162-12 concernant les sociétés de libre partenariat.
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26.
C. mon. fin., art. L. 214-159 à L. 214-162 (les fonds professionnels de capital investissement sont constitués sous forme de fonds commun de placement ou de société d’investissement à capital variable. Celle-ci est alors qualifiée de société de capital investissement).
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27.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, 4°.
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28.
C. mon. fin., art. L. 214-24, IV.
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29.
C. mon. fin., art. L. 214-24, IV, al. 1er, 1°, 2° et 3°.
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30.
C. mon. fin., art. L. 214-24, IV, al. 2.
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31.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er.
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32.
C. mon. fin., art. L. 214-24, I et III.
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33.
C. mon. fin., art. L. 532-9, V, 7°.
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34.
C. mon. fin., art. R. 532-12-1 sur renvoi direct de l’article L. 532-9, IV et sur renvoi indirect de l’article L. 214-24, III, 3° du même code : « ne dépasse pas le seuil de 100 millions d’euros, y compris les actifs acquis par le recours à l’effet de levier ; ou ne dépasse pas le seuil de 500 millions d’euros lorsqu’il ne recourt pas à l’effet de levier et pour lequel aucun droit au rachat ne peut être exercé pendant une période de cinq ans à compter de la date de l’investissement initial dans chaque FIA ».
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35.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, al. 2.
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36.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, al. 2.
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37.
C. mon. fin., art. L. 214-24, II, al. 2.
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38.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er, 1°.
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39.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 2.
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40.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er, 2°.
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41.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er, 2°.
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42.
En effet, les FIA par objet peuvent choisir de disposer d’un gestionnaire externe ou interne. Dans la première situation, le gestionnaire est une société de gestion de portefeuille agréée ou non au regard des règles en vigueur. Dans le second cas, la société est autogérée et doit elle-même répondre des obligations propres à un gestionnaire de tels fonds. Les FIA par nature peuvent faire de même dès lors qu’ils sont constitués sous forme d’entités pourvues de la personnalité morale. Un fonds commun de placement (FCP) n’en est pas doté tandis que la SLP, la SICAV et la SICAF le sont.
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43.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er, 3°.
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44.
C. mon. fin., art. L. 214-24, VI.
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45.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er, 3°.
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46.
C. mon. fin., art. L. 214-24, III, al. 1er, 3°.
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47.
C. mon. fin., art. L. 214-24, V.
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48.
C. mon. fin., art. L. 214-24, V.
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49.
Le gestionnaire agréé de fonds alternatifs par nature peut également commercialiser les parts des « autres FIA » qu’il gère grâce à ce « passeport » comme nous le verrons plus loin.
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50.
C. mon. fin., art. L. 214-24, VIII.
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51.
C. mon. fin., art. L. 214-24, VII.
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52.
C. mon. fin., art. L. 214-24, VII.
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53.
C. mon. fin., art. L. 214-24-6, al. 1er, 2°.
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54.
C. mon. fin., art. L. 214-24-6, al. 1er, 2°.