Activité de la cour d’appel de Paris dans le domaine de la concurrence (juillet – octobre 2020)

Publié le 25/02/2021

Le présent article porte sur les arrêts rendus par la cour d’appel de Paris en droit de la concurrence, au sens du livre IV du Code de commerce, au cours de la période de juillet à octobre 2020. Les décisions suivantes ont plus particulièrement retenu notre attention : sursis à exécution de la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des titres-restaurant (I) ; annulation des ordonnances d’autorisation et des opérations de visite et de saisie dans l’affaire des OVS réalisées chez Whirlpool (II) ; irrecevabilité d’une requête en récusation d’un rapporteur de l’Autorité de la concurrence (III) ; désignation de l’Autorité de la concurrence pour statuer dans une affaire dont a été saisie l’Autorité polynésienne de la concurrence (IV) ; sanction de la tête d’un réseau de distribution exclusive ayant interdit les ventes passives (V) ; validation des mesures conservatoires prononcées à l’encontre de Google (VI) ; confirmation du non-lieu dans l’affaire de l’accès aux œuvres « de catalogue » (VII) ; confirmation de la décision de l’Autorité dans l’affaire de l’ordre des architectes (VIII) ; annulation de la première décision de mesures conservatoires prononcée par l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie (IX).

I – Sursis à exécution de la décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire des titres-restaurant

Aux termes d’une décision rendue le 17 décembre 2019, l’Autorité de la concurrence a sanctionné plusieurs émetteurs de titres-restaurant (les TR) et leur organisme commun, la Centrale de règlement des titres (la CRT), pour avoir participé à des pratiques d’ententes dans le secteur des titres-restaurant. Outre les sanctions pécuniaires infligées, l’Autorité avait enjoint aux entreprises et au CRT de mettre en conformité les statuts et le règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence, dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la décision (art. 9).

Les entités sanctionnées ont chacune formé une requête tendant au sursis à exécution de la décision du 17 décembre 2019. Les requérantes faisaient valoir une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense du fait de l’absence de tout débat contradictoire sur l’injonction visée à l’article 9 de la décision ; l’injonction violerait en outre la triple exigence de clarté, de précision et de certitude quant à son exécution ; il existerait par ailleurs un risque élevé de sanction à l’encontre des requérantes pour inexécution de l’injonction ; de plus, l’injonction revêtirait un caractère irréversible ; enfin, il était soutenu qu’aucune circonstance ne justifiait en l’espèce l’exécution immédiate de l’injonction.

Les cinq ordonnances rendues dans des termes identiques le 1er juillet 2020 accueillent ces arguments.

Le délégué du premier président de la cour d’appel rappelle d’abord la jurisprudence de la cour d’appel de Paris selon laquelle une injonction « doit être formulée en termes clairs, précis et exempts d’incertitude quant à son exécution ».

Il observe ensuite qu’il résulte de la décision du 17 décembre 2019 que l’injonction faite aux sociétés Sodexo Pass France, Up, Natixis Intertitres, Edenred France et à la CRT de mettre en conformité les statuts et le règlement intérieur de la CRT avec le droit de la concurrence est particulièrement imprécise quant à son exécution et qu’il est fait référence dans la décision à deux considérants nos 907 et 908 qui sont censés éclairer cette injonction mais qui sont rédigés en termes généraux et ne donnent aucune explication technique sur les attentes de l’Autorité. Et d’ajouter que si la décision a précisé en quoi les conditions d’adhésion à la CRT n’étaient ni transparentes, ni objectives, elle ne donne aucune information pour y remédier.

Les explications en réponse données par l’Autorité sont contenues dans des observations denses et techniques (qui renvoient à 91 paragraphes de sa décision qui concernent les conditions d’adhésion à la CRT mais aussi la fourniture de services de la CRT aux tiers). Cela démontre, selon le délégué du premier président, que l’injonction est peu compréhensible et revêt un caractère indéterminé.

Quant à la proposition de l’Autorité d’inviter les parties à se rapprocher d’elle pour clarifier le sens et la portée de l’injonction concernant son exécution de façon « informelle », en dehors de tout cadre juridique, elle confirme le caractère peu précis de l’injonction.

De plus les parties ont évoqué, à juste titre selon le délégué du premier président, une insécurité juridique du fait de la possibilité pour l’Autorité de mettre en œuvre d’autres sanctions financières si les modifications statutaires effectuées ne lui convenaient pas ; elles ont ajouté que la modification des statuts et du règlement intérieur entraînerait une situation irréversible dans la mesure où la structure et le fonctionnement de la CRT seraient irrémédiablement modifiés.

La proposition de l’Autorité dans ses écritures pour les requérantes d’inclure dans les statuts et le règlement intérieur modifiés une clause de rétablissement « automatique » de la version antérieure en cas d’annulation de l’article 9 semble, aux yeux du délégué du premier président, peu réalisable eu égard aux conséquences (modification des conditions d’adhésion à la CRT et des voies délibératives aux assemblées, modification des conditions de prestations de services aux tiers).

Pour le délégué du premier président, les éléments ci-dessus exposés caractérisent les « conséquences manifestement excessives » de l’article L. 464-8 du Code de commerce1. Il ordonne donc le sursis à l’exécution de l’injonction de l’article 9, jusqu’à ce que la cour statue sur le bien-fondé du recours au fond.

Outre le sursis à l’exécution de l’article 9, la coopérative Up a fait état d’une situation financière dégradée et s’est en outre prévalue de l’aggravation de sa situation sur le plan économique et financier découlant de la survenance de la pandémie de Covid-19 et du confinement général ordonné par le gouvernement à partir du 16 mars 2020. Le délégué du premier président y a été sensible et a ordonné le sursis à l’exécution des articles 5 et 7 de la décision du 17 décembre 2019 en ce qu’ils ont condamné Up à des sanctions pécuniaires pour sa participation aux pratiques condamnées par l’Autorité2.

Activité de la cour d’appel de Paris dans le domaine de la concurrence (juillet – octobre 2020)
Photo : ©Florence Piot/AdobeStock

II – Annulation des ordonnances d’autorisation et des opérations de visite et de saisie dans l’affaire des OVS réalisées chez Whirlpool

On se souvient que des opérations de visite et de saisie ont été menées en octobre 2013 dans les locaux des sociétés Fagor Brandt et Samsung. Statuant sur une requête du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence se fondant sur des éléments issus de ces opérations, dans le cadre d’une enquête relative à un système d’ententes dans le secteur de la distribution de produits électroménagers, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris et, sur commission rogatoire, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre ont autorisé en application de l’article L. 450-4 du Code de commerce, des opérations de visite et de saisie dans les locaux de plusieurs sociétés, dont la société Whirlpool France.

La société Whirlpool a fait valoir que dès lors que la requête présentée par l’Autorité de la concurrence au juge des libertés et de la détention était fondée sur des documents saisis lors de la visite domiciliaire dans les locaux de Fagor Brandt et Samsung, elle avait le statut de mise en cause et aurait dû être en mesure d’exercer immédiatement un recours contre les opérations de visite et saisie ayant permis d’appréhender ces documents.

Par conséquent, dès lors que les procès-verbaux et les inventaires relatifs aux opérations chez Fagor Brandt et Samsung ne lui ont pas été notifiés au début de la visite dans ses locaux, l’ordonnance d’autorisation devait être annulée pour violation de l’article L. 450-4 du Code de commerce et du principe du droit au recours effectif.

Le délégué du premier président de la cour d’appel de Paris a refusé de faire droit à ce moyen et a estimé au contraire qu’il ne pouvait être reproché à l’Autorité de la concurrence de ne pas avoir notifié à la société Whirlpool les documents issus des OVS réalisées dans les locaux des sociétés Samsung et Fagor Brandt. Il en a conclu qu’il n’y avait pas eu de violation d’un droit au recours effectif de la société Whirlpool contre les opérations de visite et de saisie d’octobre 2013.

Cette analyse a été censurée par la chambre criminelle : « Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que la société Whirlpool se trouvant mise en cause par une requête visant à obtenir l’autorisation d’effectuer des opérations de visite et de saisie dans ses locaux sur le fondement des résultats d’une opération antérieure effectuée chez des tiers, le procès-verbal et l’inventaire dressés à l’issue de cette dernière devaient être annexés à ladite requête et lui être notifiés au début de la visite autorisée, le Premier président a méconnu [l’article L. 450-4] et le [principe du droit à un recours effectif contre les opérations antérieures] »3.

Statuant sur renvoi après cassation, le délégué du premier président s’aligne sur la position de la chambre criminelle : « Ainsi que l’indique la Cour de cassation dans son arrêt du 13 juin 2019, la requête présentée par l’Autorité de la concurrence au juge des libertés et de la détention était fondée sur des documents saisis lors de la visite domiciliaire des 17 et 18 octobre 2013 dans les locaux de Fagor Brandt et Samsung. Dès lors, Whirlpool avait le statut de mise en cause et aurait dû être en mesure d’exercer immédiatement un recours contre les opérations de visite et saisie ayant permis d’appréhender ces documents. Par conséquent, dès lors que Whirlpool n’avait pas eu accès à l’ordonnance du 9 octobre 2013 ou aux procès-verbaux de visite et saisie et ne pouvait exercer aucun recours, et les procès-verbaux et les inventaires relatifs aux opérations chez Fagor Brandt et Samsung ne lui ayant pas été notifiés au début de la visite dans ses locaux, elle n’a pu exercer son droit au recours effectif ».

Les ordonnances d’autorisation encourent donc l’annulation.

Le délégué du premier président rappelle par ailleurs que par arrêt du 4 mai 2017, la Cour de cassation a annulé sans renvoi les opérations de visite et saisie autorisées dans les locaux de Samsung et donc les saisies effectuées à cette occasion.

Or il résulte d’une jurisprudence constante qu’une ordonnance autorisant des visites domiciliaires sur le fondement de documents d’origine illicite est nulle. Au cas présent, les documents saisis chez Samsung ont une origine illicite, les opérations de visite et saisies menées dans ses locaux ayant été définitivement annulées. Par conséquent, les ordonnances d’autorisation sont annulées.

Enfin, le délégué du premier président ordonne la restitution à Whirlpool France de l’ensemble des documents saisis par l’Autorité de la concurrence4.

III – Irrecevabilité d’une requête en récusation d’un rapporteur de l’Autorité de la concurrence

Le Syndicat national des fabricants d’isolants en laines minérales manufacturées (FILMM) avait, dans le cadre de l’affaire des pratiques mises en œuvre dans le secteur des isolants thermiques, déposé une requête en récusation pour défaut d’impartialité du rapporteur. Il faisait valoir que ce rapporteur avait précédemment exercé les fonctions de poursuite en tant qu’agent de la DNECCRF, avait eu connaissance de correspondances avocat-client dont l’annulation de la saisie a été prononcée, avait communiqué à la partie saisissante des pièces confidentielles et avait pris part dans le débat scientifique.

Le premier président de la cour d’appel de Paris a déclaré cette requête irrecevable. Pour parvenir à cette solution, il commence certes par rappeler que, en vertu des articles 6,§ 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et L. 111-8 du Code de l’organisation judiciaire, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial qui décidera du bien-fondé de toute accusation portée contre elle en matière pénale, matière à laquelle sont assimilées les poursuites en vue de sanctions ayant le caractère d’une punition.

Mais, s’alignant sur la jurisprudence récente de la Cour de cassation5, il rappelle que lorsqu’elle est amenée à prononcer une sanction, l’Autorité de la concurrence est une juridiction au sens des articles susvisés.

S’applique dès lors l’article 342 du Code de procédure civile qui dispose que : « La partie qui veut récuser un juge ou demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant une autre juridiction de la même nature doit, à peine d’irrecevabilité, le faire dès qu’elle a connaissance de la cause justifiant la demande ».

Or en l’espèce, le FILMM n’a pas formé sa requête dès qu’elle a eu connaissance de la cause justifiant la demande de récusation, c’est-à-dire en 2004, mais le 25 juin 20206.

Précisons que dans cette même affaire, afin de permettre au président de l’Autorité de la concurrence et au rapporteur de faire connaître leurs observations, ainsi qu’au procureur général de donner son avis sur le bien-fondé de la requête, le premier président a ordonné qu’il soit sursis à toute décision juridictionnelle jusqu’à la présente décision statuant sur la demande de récusation7.

IV – Désignation de l’Autorité de la concurrence pour statuer dans une affaire dont a été saisie l’Autorité polynésienne de la concurrence

En l’espèce, l’Autorité polynésienne de la concurrence a été saisie par l’Union des importateurs de Polynésie française (UIPF) et quatre de ses membres de pratiques prétendument abusives mises en œuvre par la société d’achat et de gestion appartenant au groupe Wane. La société d’achat et de gestion agit comme centrale de référencement pour les sociétés exploitant des magasins de commerce de détail en Polynésie française sous les enseignes Carrefour, Champion et Easy Market.

Les sociétés mises en cause ont pris connaissance, dans les pièces communiquées dans le cadre d’une procédure prud’homale, d’une attestation délivrée par le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence en faveur d’un ancien cadre dirigeant du pôle distribution du groupe Wane.

Y voyant une preuve de la partialité du président de l’Autorité polynésienne de la concurrence, elles ont demandé le renvoi de la procédure pour cause de suspicion légitime devant la cour d’appel de Paris.

Celle-ci fait droit à la requête. Son premier président commence par la déclarer recevable. Ce faisant il s’appuie sur la récente jurisprudence de la Cour de cassation (déjà mentionnée ci-dessus) selon laquelle « lorsqu’elle est amenée à prononcer une sanction, [une autorité administrative indépendante] est une juridiction »8: « Lorsqu’elle est amenée à prononcer une sanction, l’Autorité polynésienne de la concurrence est une juridiction au sens des articles 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et L. 111 8 du Code de l’organisation judiciaire, de sorte que, même en l’absence de disposition spécifique, toute personne poursuivie devant elle doit pouvoir demander le renvoi pour cause de suspicion légitime devant la juridiction ayant à connaître des recours de cette autorité ».

Le premier président énonce ensuite que la rédaction par le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence d’une attestation en faveur d’un ancien cadre dirigeant du pôle distribution du groupe Wane et sa production dans le cadre d’une procédure de conflit individuel du travail en Polynésie est de nature à porter atteinte à l’impartialité ou à tout le moins à l’apparence d’impartialité de l’Autorité polynésienne de la concurrence dans son ensemble.

Estimant cependant que rien ne justifie que les parties en cause soient privées du double degré de juridictions, il désigne l’Autorité de la concurrence siégeant à Paris aux fins de statuer sur la procédure pendante devant l’Autorité polynésienne de la concurrence9.

V – Sanction de la tête d’un réseau de distribution exclusive ayant interdit les ventes passives

La présente procédure a été initiée par le couturier Pierre Cardin et la société de gestion Pierre Cardin qui ont assigné les distributeurs Yani Lavi et Malu en contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris.

La société Malu a réagi en formant une demande reconventionnelle relative à la violation des règles du droit de la concurrence.

La cour d’appel fait droit à cette demande reconventionnelle en rappelant en premier lieu que les règles applicables à un réseau de distribution exclusive ont été précisées par le règlement n° 330/2010 du 20 avril 2010, concernant l’application de l’article 101, § 3 du TFUE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées et par les lignes directrices sur les restrictions verticales publiées par la Commission européenne le 19 mai 2010. Il ressort notamment de l’article 4. b. i) du règlement n° 330/2010 et du considérant 51 des lignes directrices que les ventes passives ne peuvent être interdites au sein d’un réseau de distribution exclusive, ce qui signifie qu’un distributeur membre d’un réseau de distribution exclusive a l’obligation de satisfaire à des commandes qu’il n’aurait pas sollicitées, émanant de clients situés en dehors du territoire qui lui a été attribué en exclusivité.

C’est donc à juste raison, souligne la cour, que le tribunal a retenu qu’en insérant des clauses contractuelles dans des contrats de licence de marque contribuant à la mise en place d’un réseau de distribution exclusive, qui ont pour effet de restreindre de manière générale les ventes passives, M. Pierre Cardin et la société de gestion Pierre Cardin ont mis en œuvre des mesures contraires aux règles de la concurrence qui ont pour effet de restreindre l’accès de cette société à ce marché, ce qui est constitutif d’une faute engageant leur responsabilité.

M. Pierre Cardin et la société de gestion Pierre Cardin sont en conséquence condamnés à payer à la société Malu la somme de 150 000 euros au titre de dommages et intérêts10

VI – Validation des mesures conservatoires prononcées à l’encontre de Google

À l’origine de cette affaire, l’Autorité de la concurrence avait été saisie notamment par le syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale et l’Agence France-Presse qui estimaient que les modalités de mise en œuvre par Google de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse constituaient un abus de position dominante.

La loi du 24 juillet 2019, qui transpose en droit français l’article 15 de la directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, a en effet pour objectif de mettre en place les conditions d’une négociation équilibrée entre éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne, afin de redéfinir le partage de la valeur entre ces acteurs et en faveur des éditeurs et agences de presse. Or Google a décidé unilatéralement qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit.

En l’état de l’instruction, l’Autorité a considéré que les pratiques dénoncées étaient susceptibles d’être qualifiées d’anticoncurrentielles et a en conséquence prononcé des mesures conservatoires permettant aux éditeurs et agences de presse, s’ils le désirent, d’entrer en négociation de bonne foi avec Google.

Google a formé un recours qui, pour l’essentiel, est rejeté par la cour d’appel de Paris.

S’agissant du moyen tiré de l’absence de pratique anticoncurrentielle probable imputable à Google, la cour estime d’abord que c’est à juste titre que l’Autorité a défini le marché pertinent comme celui de la recherche généraliste en ligne, marché sur lequel Google ne conteste pas détenir une position dominante eu égard à ses parts de marché qui sont de l’ordre de 90 % (pt 82).

En effet, Google n’est pas fondé à contester le marché pertinent retenu, aux motifs que les éditeurs et agences de presse ne seraient pas des clients, dès lors qu’une activité économique résulte des relations entretenues par Google avec les éditeurs et agences de presse, qui exploitent des sites, dont il indexe, classe et présente les contenus pour alimenter ses services de recherche généraliste en ligne (pt 81).

Sur l’abus de position dominante la cour énonce par ailleurs qu’en l’état de l’instruction, le comportement de Google sur un marché qu’il domine, consistant à priver les éditeurs et agences de presse de toute possibilité de négocier une rémunération liée à la reproduction d’extraits de publication de presse sur le moteur de recherche Google au moment précis où la loi leur reconnait ce droit, est susceptible d’être qualifié d’abus d’exploitation par l’imposition de conditions de transaction inéquitables (pt 108).

C’est en outre en raison des parts de marché qu’il détient et du caractère non substituable du trafic généré par le moteur de recherche sur les sites des éditeurs et de l’importance économique de ce trafic pour ces derniers, que Google a pu s’affranchir de toute pression concurrentielle et obtenir des éditeurs de presse des conditions équivalentes à une licence gratuite, sans négociation possible (pt 120).

La cour estime enfin que l’Autorité a fait ressortir, à juste titre, qu’en l’état de l’instruction, le fait de priver les éditeurs de toute négociation sur la rémunération et de limiter son offre de service à des conditions inéquitables, étaient susceptibles de fausser le jeu normal de la concurrence, tant à l’égard des éditeurs, dès lors que par son comportement, Google empêche le développement du marché de l’octroi de licences payantes, qu’à l’égard de ses concurrents, dès lors que Google n’a rien à craindre de ces derniers en raison de sa position ultra dominante sur le marché et placerait ceux qui souhaiteraient entrer en négociations avec les titulaires des droits voisins en situation de net désavantage, en grevant leurs recettes de charges que le leader du marché s’affranchit de régler (pt 131).

C’est également à juste titre que l’Autorité a retenu que l’atteinte identifiée (à l’économie générale ou au secteur de la presse) est grave, puisqu’elle est de nature à affecter la pérennité du secteur dans son ensemble et des sociétés saisissantes en particulier (pt 161).

L’atteinte identifiée, qui est récente en ce qu’elle est survenue à partir de la fin de l’année 2019, est par ailleurs immédiate, dès lors que par son comportement Google prive les éditeurs et agences de presse du bénéfice de la loi de 2019, avec un refus global et indifférencié de toute négociation et rémunération des contenus protégés partiellement reproduits à l’occasion de l’affichage des résultats des recherches en ligne, et les expose, s’ils ne consentent pas à l’octroi d’une licence gratuite, à un affichage dégradé ayant une incidence significative et directe sur le trafic redirigé vers leur site (pt 173).

L’atteinte relève également d’une situation d’urgence, dès lors que l’abus de position dominante reproché, en l’état de la procédure, tend, comme l’a justement retenu l’Autorité, à faire échec à un dispositif conçu par la loi de 2019 pour sauvegarder la pérennité d’un secteur en crise, au moment précis où il entre en vigueur, et ainsi à un stade décisif pour sa mise en œuvre. L’atteinte identifiée étant en lien avec un comportement qui fait obstacle à la mise en œuvre de droits destinés à rééquilibrer la répartition de la chaîne de valeur au bénéfice d’un secteur en graves difficultés et à concourir à son redressement, c’est à tort que Google invoque le caractère ancien de la crise qui frappe le secteur de la presse et prétend que la présente affaire se réduirait à de simples demandes monétaires qui pourraient être soumises ultérieurement à un tribunal. Il n’est pas non plus fondé, pour les mêmes motifs, à se prévaloir de la circonstance que les éditeurs et agences de presse n’ont jamais perçu une telle rémunération et que la mise en œuvre de la loi n’aurait par conséquent, pas aggravé leur situation (pt 174).

Enfin, la cour d’appel examine chacune des injonctions contestées par Google et rejette les moyens d’annulation et de réformation soulevés par l’entreprise. Une exception doit cependant être relevée. Elle concerne l’article 5 de la décision de l’Autorité, qui « enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de prendre les mesures nécessaires pour que l’existence et l’issue des négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services ».

Pour la cour d’appel, la formulation de cette injonction, qui est très générale, ne permet pas de circonscrire la mesure à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à l’urgence, dès lors qu’elle pourrait conduire à geler toutes innovations nécessaires aux performances du moteur de recherche au cours des négociations entreprises avec les différents partenaires concernés (pt 242).

En conséquence, elle en réforme les termes en la complétant comme suit : « Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par [Google] sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires des droits voisins concernés par les négociations prévues par l’article 1 de la présente décision »11.

VII – Confirmation du non-lieu dans l’affaire de l’accès aux œuvres « de catalogue »

Rappelons qu’un non-lieu a été prononcé à la suite de la saisine de Groupe Canal Plus visant des pratiques de TF1, France Télévisions et M6 portant sur les droits de priorité et de préemption des films d’expression originale française (EOF).

Selon la plainte, les chaînes historiques en clair restreignent l’accès des autres chaînes de la TNT gratuite aux films EOF de catalogue en faisant figurer des clauses de priorité et de préemption dans tous les contrats de préfinancement qu’elles concluent avec les producteurs des films.

Le droit de priorité garantit à la chaîne que le producteur du film s’adressera prioritairement à elle lorsqu’il vendra les droits de diffusion du film devenu film de catalogue. Le droit de préemption contraint le producteur à transmettre à la chaîne titulaire de ce droit l’offre financière d’une chaîne concurrente afin qu’elle puisse faire valoir, le cas échéant, son droit de préemption.

Pour l’Autorité, l’effet de verrouillage dénoncé par la plainte n’était pas constitué. Cette décision a fait l’objet d’un recours, qui est également rejeté par la cour d’appel de Paris. Son arrêt s’articule autour de trois points : la demande d’expertise des requérants, la délimitation du marché pertinent et les effets des pratiques litigieuses.

La cour d’appel rejette d’abord la demande d’expertise formée par les requérants. Elle estime qu’il n’est pas pertinent d’ordonner une mesure d’expertise pour déterminer la part de marché en valeur des films associés à des droits préférentiels, dès lors qu’elle dispose des éléments lui permettant d’apprécier si les chaînes de la TNT non adossées aux chaînes historiques sont en mesure, ou non, d’accéder au marché de la diffusion de films EOF de catalogue, y compris à ceux qui ont été préfinancés et pour lesquels des droits préférentiels ont été prévus (pt 86).

S’agissant du marché pertinent, la cour observe que l’examen de la pratique dénoncée doit intervenir sur le marché de l’achat des droits de diffusion télévisuelle d’œuvres cinématographiques, la question en débat étant uniquement de savoir s’il y a lieu de restreindre le marché de l’achat des droits de diffusion des films EOF aux seuls films préfinancés par les chaînes en clair (pt 114).

Selon elle, les éléments du dossier ne justifient pas une segmentation plus fine, la définition du marché retenue, qui applique une segmentation issue d’une pratique constante qui demeure toujours pertinente et qui au demeurant a été approuvée par l’autorité de régulation de l’audiovisuel en France doit être validée (pt 136).

Enfin la cour estime, comme l’Autorité avant elle, que l’effet de verrouillage n’est pas établi. En effet, elle relève que les droits préférentiels litigieux, qui ne s’exercent que sur les films préfinancés, n’étaient susceptibles d’être exercés que sur un nombre limité de films français de catalogue, représentant un chiffre de 20 % entre 1994 et 2014 (pt 176). La cour rappelle à cet égard que la communication de minimis de la Commission européenne prévoit « qu’un effet cumulatif de verrouillage n’existera vraisemblablement pas si moins de 30 % du marché en cause est couvert par des (réseaux) d’accords parallèles ayant des effets similaires ». Elle observe également que « seules 54 offres fermes d’achat de droits de diffusion de films EOF de catalogue ont été préemptés, sur la période étudiée, pour le compte des chaînes de la TNT sur les 683 offres distinctes transmises au titre de la préemption, soit moins de 8 % d’entre elles. Autrement dit, 92 % des offres formulées n’ont pas été préemptées » (pt 192)12.

VIII – Confirmation de la décision de l’Autorité dans l’affaire de l’ordre des architectes

On se souvient que l’ordre des architectes, l’association A&CP Nord-Pas-de-Calais Architecture et Commande Publique ainsi que plusieurs architectes et sociétés d’architecture ont été sanctionnés pour avoir mis en œuvre des pratiques d’entente anticoncurrentielle sur les prix dans le secteur des marchés publics de la maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics en France.

L’Autorité de la concurrence a relevé, en particulier, que l’ordre des architectes avait procédé à la diffusion de la méthode de calcul d’honoraires indiquée par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (« MIQCP ») en vue d’imposer aux architectes le respect d’un barème (d’une méthode) tarifaire. Afin d’assurer le respect de cette méthode, il a, par ailleurs, multiplié les mesures de contrainte auprès des maîtres d’ouvrages publics et des architectes. Ces mesures ont pris la forme, d’une part, d’interventions auprès des maîtres d’ouvrages visant à les alerter sur les risques, notamment contentieux, liés au montant prétendument trop faible des offres qu’ils avaient retenues. Elles ont, d’autre part, consisté en l’engagement de procédures pré-disciplinaires et disciplinaires à l’encontre d’architectes dont le taux d’honoraires était inférieur à celui résultant de l’application de la méthode de calcul élaborée par la MIQCP.

L’Autorité a également relevé que ces pratiques, visant à imposer une méthode de calcul d’honoraires se substituant à la fixation libre par les architectes du prix de leurs prestations selon leurs coûts réels, constituaient une restriction de concurrence par l’objet.

La cour d’appel de Paris confirme pour l’essentiel cette décision.

Sur la compétence de l’Autorité, elle énonce que c’est à juste titre que celle-ci a retenu que « les pratiques d’un ordre professionnel qui tendent, sous couvert d’exercer un pouvoir disciplinaire dans l’intérêt de la profession, à unifier et contrôler les prix pratiqués par ses membres, constituent un exercice manifestement inapproprié des prérogatives de puissance publique qui lui sont confiées, lui permettant de retenir sa compétence pour apprécier leur conformité au droit de la concurrence » (pt 35).

La cour approuve également l’analyse de l’Autorité à propos de l’imputabilité. L’ordre soutenait que l’Autorité avait commis une erreur manifeste d’appréciation en lui imputant directement les pratiques alors que le CNOA (conseil national de l’ordre des architectes) et les CROA (conseils régionaux de l’ordre des architectes) sont dotés de la personnalité juridique et auraient dû se voir notifier les griefs. La cour rejette l’argument en observant que « le CNOA et les CROA sont des démembrements de l’ordre et force est de constater que le législateur a entendu réserver l’attribution de la personnalité morale à l’ordre lui-même » (pt 50).

Par ailleurs, la cour estime que l’applicabilité de l’article 101 du TFUE a été justement appréciée par l’Autorité (pt 78). En effet, « il existe, s’agissant des prestations d’architectes, un flux d’échanges potentiels important grâce aux mesures de reconnaissance mutuelle des qualifications et au principe de libre circulation instaurés par le législateur européen » (pt 69). En outre, « les pratiques litigieuses, reposant sur la diffusion et l’imposition d’une méthode de calcul des honoraires pratiqués par les architectes, avaient vocation à s’appliquer aux architectes français comme aux architectes ressortissants d’autres États membres effectuant des prestations de services habituelles sur le territoire français » (pt 74).

La cour rejette également un moyen tiré de l’absence d’objet anticoncurrentiel des pratiques en cause. Elle souligne à cet égard qu’« en érigeant (la) méthode de calcul en référence, et en menaçant les membres de la profession de procédure disciplinaire en se référant au non-respect de cette méthode, l’ordre a (…) cherché à imposer aux architectes et sociétés d’architecture une fixation de leurs honoraires selon une fourchette suggérée, sans prendre en considération leurs coûts effectifs individuels » (pt 116).

En revanche, la cour critique la décision attaquée à propos de la proportionnalité de la sanction infligée à l’ordre : « elle s’est limitée à rappeler la nécessité de prononcer une sanction ayant un effet dissuasif et, à relever que l’ordre aura la possibilité de faire face à la sanction prononcée, qu’elle a fixée à 1 500 000 €, en faisant appel le cas échéant à ses membres, sans aucune appréciation concrète (pt 277). De tels motifs, selon la cour, « ne permettent pas d’établir la proportionnalité de la sanction au sens de l’article L. 464-2, I, alinéa 3 du Code de commerce en l’absence de toute précision concernant le niveau de ressources dont dispose l’ordre » (pt 278). La décision est en conséquence annulée de ce chef (pt 279).

Statuant de nouveau et tenant compte des ressources dont dispose l’ordre (le montant des cotisations professionnelles cumulées perçues par les quatre CROA impliqués dans les pratiques et le CNOA s’élève à 8 721 000 €), la cour prononce une sanction de 1 500 000 €, c’est-à-dire le même montant qu’avait retenu l’Autorité de la concurrence13.

IX – Annulation de la première décision de mesures conservatoires prononcée par l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie

Rappelons que la société calédonienne de connectivité internationale (SCCI), qui souhaite installer un câble sous-marin entre la Nouvelle-Calédonie et l’Australie pour offrir des services de capacités de connectivité internationale à des clients calédoniens, a saisi l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie de pratiques mises en œuvre par l’Office des Postes et Télécommunications de la Nouvelle-Calédonie (OPT-NC) visant à l’empêcher d’entrer sur ce marché.

Celle-ci a fait droit à la plainte en prononçant une mesure conservatoire visant à enjoindre à l’OPT-NC de proposer à la société SCCI, dans un délai maximum de 8 semaines, une offre technique et commerciale d’accès au réseau fédérateur local pour la fourniture de services de capacités de connectivité internationale à haut débit par câble sous-marin, à des conditions objectives et non discriminatoires et orientée vers les coûts, pour lui permettre l’exercice d’une concurrence effective sur ce marché.

L’OPT-NC a formé un recours contre cette décision devant la cour d’appel de Paris.

La juridiction parisienne énonce que « lorsque le marché concerné par les pratiques dénoncées dans la saisine est soumis à un monopole de droit, les principes de libre jeu de la concurrence et de fonctionnement concurrentiel des marchés, au respect desquels l’Autorité-NC doit veiller conformément à l’article Lp. 461-1 du Code de commerce applicable en Nouvelle-Calédonie, ne s’appliquent pas de sorte que cette autorité n’est pas compétente au sens de l’article Lp. 462-8 du Code de commerce. Dans une telle hypothèse, la saisine est, en vertu de ce texte, irrecevable ».

Elle observe ensuite que le marché de fourniture de service de capacités de connectivité internationale relève des activités de service public soumises au monopole de droit de l’OPT-NC. C’est donc à tort que l’Autorité-NC a retenu que les faits invoqués par la SCCI entraient dans le champ de ses compétences, qu’elle a admis la recevabilité de sa saisine et des demandes de mesures conservatoires et a adressé des injonctions à l’OPT-NC sur le fondement de l’article Lp. 464-1 (pt 74).

En conséquence, elle annule la décision attaquée et, statuant à nouveau, déclare la saisine irrecevable en application de l’article Lp. 462-814.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. com., art. L. 464-8 : « Les décisions de l’Autorité de la concurrence mentionnées aux articles L. 462-8, L. 464-2, L. 464-3, L. 464-5, L. 464-6, L. 464-6-1 et L. 752-27 sont notifiées aux parties en cause et au ministre chargé de l’Économie, qui peuvent, dans le délai d’un mois, introduire un recours en annulation ou en réformation devant la cour d’appel de Paris. Le recours n’est pas suspensif. Toutefois, le premier président de la cour d’appel de Paris peut ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de la décision si celle-ci est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives ou s’il est intervenu, postérieurement à sa notification, des faits nouveaux d’une exceptionnelle gravité ».
  • 2.
    CA Paris, 1er juill. 2020, n° 20/03760, Edenred ; CA Paris, 1er juill. 2020, n° 20/03762, CRT ; CA Paris, 1er juill. 2020, n° 20/03763, Natixis intertitres ; CA Paris, 1er juill. 2020, n° 20/03764, Sodexo ; CA Paris, 1er juill. 2020, n° 20/03765, UP.
  • 3.
    Cass. crim., 13 juin 2019, n° 17-87364.
  • 4.
    CA Paris, 8 juill. 2020, n° 19/16854.
  • 5.
    Cass. 2e civ., 4 juin 2020, n° 19-13775 ; Dumarçay M., « Le principe d’impartialité et les autorités de concurrence – l’histoire d’une garantie procédurale patiemment conquise », RLC 2020, n° 3904.
  • 6.
    CA Paris, 24 juill. 2020, n° 20/08006.
  • 7.
    CA Paris, 1er juill. 2020, n° 20/08006.
  • 8.
    Cass. 2e civ., 4 juin 2020, n° 19-13775.
  • 9.
    CA Paris, 29 juill. 2020, n° 20/08122.
  • 10.
    CA Paris, 15 sept. 2020, n° 18/06869.
  • 11.
    CA Paris, 8 oct. 2020, n° 20/08071.
  • 12.
    CA Paris, 8 oct. 2020, n° 19/11688.
  • 13.
    CA Paris, 15 oct. 2020, n° 19/18632.
  • 14.
    CA Paris, 20 oct. 2020, n° 20/08910.
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