Volet « concurrence » de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE)

Publié le 13/02/2021

La nouvelle loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE) comporte un important volet « concurrence » s’articulant notamment autour des points suivants : création d’une procédure d’astreinte pour les pratiques restrictives de concurrence, nouvelles dispositions pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans les territoires ultramarins, généralisation de la procédure simplifiée, suppression du critère de dimension locale, suppression de l’avis de clémence et extension du champ des pratiques restrictives de concurrence.

C’est devenu un rituel important du droit de la concurrence en France. Pratiquement tous les ans ou tous les 2 ans, il se dote d’un nouveau texte. La période récente en est une excellente illustration. À peine quelques mois après l’adoption, le 23 juillet 2020, par l’Autorité de la concurrence, de nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations et moins de 2 ans après la publication de l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées, le Parlement a adopté la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE ; JO, 4 déc.) qui s’inscrit dans un contexte d’activité législative européenne soutenue et comporte un important volet « concurrence » figurant aux articles 9 et 371.

Outre l’habilitation du gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive dite « ECN + », qui ne sera qu’évoquée ici2, ces dispositions prévoient plusieurs modifications visant à renforcer l’efficacité des procédures mises en œuvre par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et l’Autorité de la concurrence. Ces modifications portent notamment sur les points suivants : création d’une procédure d’astreinte pour les pratiques restrictives de concurrence, nouvelles dispositions pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles dans les territoires ultramarins, généralisation de la procédure simplifiée, suppression du critère de dimension locale, suppression de l’avis de clémence et extension du champ des pratiques restrictives de concurrence.

Avant de les examiner, précisons que l’article 37 reprend les dispositions qui figuraient initialement aux articles 60 et 61 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dont la discussion a été suspendue dans le contexte de la crise sanitaire.

Notons également que la nouvelle loi n’a pas repris le mécanisme de contrôle des concentrations applicable aux acquisitions structurantes d’entreprises innovantes à haute valeur mais faible chiffre d’affaires et n’atteignant donc pas les seuils de notification (killer acquisitions). Ce volet « concentration », adopté par le Sénat en première lecture, s’articulait autour des points suivants : (I) l’Autorité de la concurrence établit une liste des entreprises structurantes en fonction d’un certain nombre de critères énumérés par la loi ; (II) ces entreprises informent l’Autorité de la concurrence de toute opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du Code de commerce susceptible d’affecter le marché français dans un délai d’un mois avant sa réalisation ; (III) l’Autorité peut enjoindre à une entreprise structurante partie à une opération de concentration de soumettre celle-ci, avant sa réalisation, à la procédure prévue aux articles L. 430-3 à L. 430-10 du Code de commerce ; (IV) lorsque l’Autorité engage un examen approfondi d’une opération ainsi notifiée, l’entreprise structurante doit apporter la preuve que l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence.

Il semble que la réponse au problème des killer acquisitions passe plutôt par une application de l’article 22 du règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004. Précisons à cet égard que le 11 septembre 2020, la Commission a annoncé que les autorités nationales de concurrence pourront lui transmettre pour examen, sur le fondement de l’article 22, des opérations sensibles, qui n’atteignent ni les seuils européens ni les seuils nationaux. Cette nouvelle lecture de l’article 22 a été accueillie par l’Autorité de la concurrence dans un communiqué de presse du 15 septembre 2020 qui a souligné que cette évolution permettra « de mieux appréhender le phénomène des acquisitions prédatrices ou consolidantes “sous les seuils”, que l’on constate en particulier dans l’économie numérique, mais aussi dans le secteur pharmaceutique ou les biotechnologies, ainsi que dans certains secteurs industriels très concentrés ».

I – Création d’une procédure d’astreinte pour les pratiques restrictives de concurrence

Rappelons que l’article L. 470-1, issu de l’article 2-I de l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017, habilite les agents de la DGCCRF à mettre en œuvre une procédure d’injonction en cas de manquement aux obligations prévues au titre IV du livre IV du Code de commerce (transparence, pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées). Ces derniers peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.

Lorsque le professionnel concerné n’a pas déféré dans le délai imparti à une injonction qui lui a été notifiée à raison d’une infraction ou d’un manquement passible d’une amende administrative, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer à son encontre, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 470-2 du Code de commerce, une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. L’article 9, II, 2, b de la loi DDADUE a modifié l’article L. 470-1 afin d’étendre la procédure d’injonction aux cas de manquements au règlement (UE) n° 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne dit règlement « platform to business ». Précisons à cet égard, à titre d’exemple, que le règlement prévoit que les plates-formes ne peuvent suspendre ou fermer les comptes des vendeurs sans motiver leur décision ni offrir de possibilité de recours. Elles doivent fonder leur décision sur des motifs objectifs et détaillés dans leurs conditions générales. Leurs conditions générales doivent en outre être suffisamment accessibles et claires et toute modification doit être notifiée au moins 15 jours à l’avance.

Le III de l’article L. 470-1, issu de l’article 9, II, 2, a de la loi DDADUE, a par ailleurs créé une procédure d’astreinte pour l’ensemble des pratiques restrictives de concurrence : « Lorsque l’injonction est notifiée à raison d’un manquement passible d’une amende civile, les agents mentionnés au I du présent article peuvent assortir leur mesure d’une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant de 0,1 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos (…) ».

À titre d’exemple, rappelons que sont notamment concernés ici la soumission de l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif3 dans les droits et obligations des parties ou la rupture brutale d’une relation commerciale établie4.

Volet « concurrence » de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE)

II – Dispositions spécifiques aux territoires ultramarins

A – Interdiction des discriminations

Rappelons que l’article L. 420-2-1 du Code de commerce, issu de la loi Lurel n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, relative à la régulation économique outre-mer dispose que « sont prohibés, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises »5.

Le 1° du III de l’article 37 complète cette disposition en prévoyant qu’« est également prohibé dans les collectivités mentionnées au premier alinéa du présent article le fait, pour une entreprise exerçant une activité de grossiste importateur ou de commerce de détail ou pour un groupe d’entreprises dont au moins une des entités exerce une de ces activités, d’appliquer à l’encontre d’une entreprise dont elle ne détient aucune part du capital des conditions discriminatoires relatives à des produits ou services pour lesquels existe une situation d’exclusivité d’importation de fait ».

Ce faisant il répond à l’une des recommandations formulées par l’Autorité de la concurrence dans son avis n° 19-A12, relatif à la concurrence en outre-mer, qui préconisait d’introduire dans le Code de commerce une nouvelle disposition permettant de sanctionner le fait pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité de fait de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupes.

L’Autorité justifiait cette recommandation en rappelant qu’une part non négligeable des groupes de distribution ultramarins sont également présents comme grossistes-importateurs sur le marché de la vente en gros. Cette intégration verticale est susceptible, dans certaines hypothèses, notamment lorsque les marchés sont de petite taille et peu concurrentiels, de soulever des risques de concurrence, en particulier en matière d’allocation des budgets de coopération commerciale.

B – Injonctions structurelles

On se souvient que, invité à se pencher sur le pouvoir de prononcer des injonctions structurelles (par ex. cession d’actifs), le législateur a conféré un tel pouvoir en outre-mer à l’Autorité de la concurrence, même en l’absence de la constatation d’un abus, dans les cas où les entreprises ne répondraient plus aux préoccupations de concurrence exprimées par l’Autorité.

Dans un deuxième temps, l’article 39-2° de la loi Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a étendu à la métropole ce pouvoir d’injonction en l’absence de la constatation d’un abus. Par ailleurs, le critère de préoccupation de concurrence a été remplacé par celui d’atteinte effective à la concurrence. Une telle atteinte peut être difficile à démontrer économiquement dans les zones ultramarines et cette condition pourrait dès lors limiter les capacités d’action de l’Autorité de la concurrence face à des situations où les problèmes de concurrence sont récurrents. Dans son avis n° 19-A-12 relatif à la concurrence en outre-mer, l’Autorité de la concurrence a par conséquent recommandé de revenir à l’état du droit antérieur à la loi Macron sur ce point6. Le 11° du III de l’article 37 répond à cette préconisation : dans sa nouvelle rédaction, issue de cette disposition, l’article L. 752-27 du Code de commerce n’exige plus d’établir une atteinte effective à la concurrence.

Le champ de l’injonction structurelle est par ailleurs étendu aux grossistes.

III – Procédure simplifiée

La procédure ordinaire devant l’Autorité de la concurrence s’articule en un triple tour de contradictoire. D’abord, les parties disposent d’un délai de 2 mois pour formuler par écrit leurs observations en réponse à la notification de griefs. Elles disposent ensuite d’un délai de 2 mois pour présenter un mémoire en réponse au rapport du rapporteur. Enfin, elles peuvent être entendues au cours de la séance devant le collège de l’Autorité.

Certaines affaires, en raison de leur simplicité, ne justifient pas le recours à la procédure ordinaire, particulièrement lourde et longue. Elles peuvent faire l’objet d’une procédure simplifiée, à l’initiative du rapporteur général. En effet, conformément à l’article L. 463-3 du Code de commerce, celui-ci peut, « décider que l’affaire sera examinée par l’Autorité (…) sans établissement préalable d’un rapport ». Le texte précise que « cette décision est notifiée aux parties ».

L’article 37 comporte plusieurs dispositions qui visent à encourager le recours à cette procédure simplifiée tout en respectant les droits de la défense.

En premier lieu, le 6° du III de l’article 37 modifie l’article L. 463-3 du Code de commerce en prévoyant que le rapporteur général de l’Autorité doit informer les parties « préalablement à » la notification des griefs (et non plus « lors de »), de sa décision d’engager la procédure simplifiée. Il doit également les informer qu’il peut décider d’établir un rapport au vu des observations fournies par les parties à la suite de cette notification. L’article L. 463-3 prévoit également, dans sa nouvelle rédaction, qu’en cas de procédure simplifiée, la notification des griefs doit contenir les déterminants de la sanction encourue.

L’article L. 463-3 prévoit encore, dans sa nouvelle rédaction, que « lorsque l’autorité statue (…) selon la procédure simplifiée, si le chiffre d’affaires cumulé réalisé en France lors du dernier exercice clos de l’ensemble des parties dépasse 200 millions d’euros et dès lors qu’au moins une des parties intéressées en formule la demande, le délai prévu à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 463-27 est allongé de 2 mois. La demande doit être formulée dans un délai maximal de 30 jours à compter de la notification des griefs. Au vu des observations des parties destinataires des griefs, le rapporteur général peut décider d’adresser un rapport aux parties selon les modalités prévues au même article L. 463-2 ».

En deuxième lieu, le 8° du III de l’article 37 abroge le plafond (de 750 000 €) de la sanction pécuniaire pouvant être infligée dans le cadre de la procédure simplifiée (C. com., art. L. 464-5).

Ce plafond, qui n’avait été révisé qu’une fois, en 2001, était parfois critiqué, notamment par l’ancien Conseil de la concurrence : « Actuellement, nous sommes freinés dans l’utilisation des procédures simplifiées par le fait que le plafond des sanctions que l’on peut prononcer dans ce cas est fixé à 500 000 F. Autrement dit, même si l’affaire est très simple, il suffit qu’elle concerne une très grande entreprise pour que nous ne puissions pas y recourir. C’est pourquoi nous avons sollicité une augmentation du plafond des sanctions »8.

IV – Critère de dimension locale

Depuis l’ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986, l’Autorité de la concurrence exerce l’essentiel du pouvoir de décision en matière de pratiques anticoncurrentielles. L’article L. 464-9 du Code de commerce, issu de l’article 2-XII de l’ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008, portant modernisation de la régulation de la concurrence a modifié cette situation en attribuant au ministre chargé de l’Économie le pouvoir de traiter les pratiques anticoncurrentielles de dimension locale. Dans sa rédaction issue de l’article 6 de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012, l’article L. 464-9 prévoit en effet que « le ministre chargé de l’Économie peut enjoindre aux entreprises de mettre un terme aux pratiques visées aux articles L. 420-1, L. 420-2, L. 420-2-1 et L. 420-5 […] dont elles sont les auteurs lorsque ces pratiques affectent un marché de dimension locale, ne concernent pas des faits relevant des articles [101 et 102 du TFUE] et sous réserve que le chiffre d’affaires que chacune d’entre elles a réalisé en France lors du dernier exercice clos ne dépasse pas 50 millions d’euros et que leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 100 millions d’euros » (plafond porté à 200 millions d’euros par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation). Le ministre « peut également, dans les mêmes conditions, leur proposer de transiger selon les modalités fixées par le décret n° 2009-140 du 10 février 2009. Le montant de la transaction ne peut excéder 150 000 € ou 5 % du dernier chiffre d’affaires connu en France si cette valeur est plus faible ».

L’étude d’impact du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière a évoqué les difficultés auxquelles se heurtait l’application de ce dispositif : « il est parfois malaisé d’évaluer si une pratique se limite à un marché local tant dans son objet que dans ses effets. Par ailleurs, ce dispositif ne tient pas suffisamment compte des effets du développement du commerce électronique au sein des PME et des TPE ».

Le 10° du III de l’article 37 de la nouvelle loi y remédie en supprimant la condition de dimension locale du marché. Ce faisant, il étend le pouvoir d’injonction et de transaction du ministre en matière de pratiques anticoncurrentielles.

V – Procédure de clémence

L’article L. 464-2, IV du Code de commerce, créé par la loi NRE du 15 mai 2001 et modifié par la loi Macron du 6 août 2015, en s’inspirant des expériences d’autres autorités de concurrence, a introduit le système de la clémence dans le droit français de la concurrence : « Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d’autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 du Code de commerce s’il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’informations dont l’Autorité de la concurrence ou l’Administration ne disposaient pas antérieurement. À la suite de la démarche de l’entreprise ou de l’organisme, l’Autorité, à la demande du rapporteur général ou du ministre chargé de l’Économie, adopte à cette fin un avis de clémence, qui précise les conditions auxquelles est subordonnée l’exonération envisagée, après que le commissaire du gouvernement et l’entreprise ou l’organisme concerné ont présenté leurs observations ; cet avis est transmis à l’entreprise ou à l’organisme et au ministre, et n’est pas publié. Lors de la décision prise en application du I du présent article, l’Autorité peut, après avoir entendu le commissaire du gouvernement et l’entreprise ou l’organisme concerné, sans établissement préalable d’un rapport et, si les conditions de sanctions précisées dans l’avis de clémence ont été respectées, accorder une exonération de sanctions pécuniaires proportionnée à la contribution apportée à l’établissement de l’infraction ».

Ce système de dénonciation des pratiques anticoncurrentielles offre divers avantages du point de vue de l’efficacité des procédures. Il fournit notamment à l’Autorité de la concurrence un moyen très efficace de détection des ententes occultes et constitue un instrument de dissuasion à l’égard des entreprises qui pourraient être tentées de recourir à de telles pratiques.

L’étude d’impact a néanmoins mis en évidence les difficultés soulevées par la procédure d’avis de ce système de clémence : « Tout d’abord, cette procédure d’avis contribue dans les cas d’entente, notamment de cartels, à des retards dans l’instruction. En effet, elle impose aux services d’instruction de produire pour chaque demandeur de clémence un rapport qui apprécie la coopération du demandeur et la valeur ajoutée de cette coopération pour proposer une exonération conditionnelle au collège. Ce rapport fait l’objet d’observations de la part des parties et est présenté en séance devant le collège. Cette procédure d’avis préalable a pour effet de ralentir considérablement le déroulé de l’instruction. En premier lieu, si l’autorité recourt à une opération de visite et saisie à la suite d’une demande de clémence, elle doit préalablement adopter un avis de clémence à l’égard du premier demandeur qui a révélé la pratique prohibée et apporter à l’Autorité les éléments matériels nécessaires à la réalisation d’une opération de visite et saisie. Cette procédure conduit donc à retarder les opérations de visite et saisie, alors que celles-ci doivent être réalisées le plus rapidement possible pour écarter le risque de déperdition des preuves. En second lieu, lorsque des demandes de clémence de type 29 sont introduites auprès de l’Autorité, notamment après des opérations de visite et saisie, il incombe aux services d’instruction d’évaluer la valeur ajoutée des informations et pièces transmises par le demandeur de clémence. Or cette valeur ajoutée s’apprécie au regard des informations dont l’Autorité dispose déjà, et notamment des éléments que les services d’instruction ont recueillis à l’occasion des opérations de visite et saisie, souvent très nombreux. Cette comparaison de pièces est souvent très longue et retarde d’autant le début de l’instruction à proprement parler ».

La nouvelle loi devrait limiter ces difficultés, le 7° du III de l’article 37 ayant supprimé l’avis de clémence.

VI – Extension du champ des pratiques restrictives de concurrence

Le 1° du III de l’article 9 complète l’article L. 442-1 du Code de commerce qui énumère certaines pratiques restrictives de concurrence en y faisant également figurer les manquements aux obligations du règlement (UE) n° 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019.

Désormais, « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne proposant un service d’intermédiation en ligne au sens du règlement (UE) n° 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, promouvant l’équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, de ne pas respecter les obligations expressément prévues par le même règlement » (V. I ci-dessus quelques exemples de telles obligations).

VII – Autres modifications

A – Enquêtes « lourdes »

Le 2° du III de l’article 37 modifie également le troisième alinéa de l’article L. 450-4 du Code de commerce, relatif aux enquêtes comportant des visites et saisie, afin d’autoriser la présence d’un seul officier de police judiciaire par site visité.

À titre de comparaison, l’étude d’impact a observé qu’avant la nouvelle loi, il était nécessaire de recourir à plusieurs officiers de police judiciaire par site visité (c’est-à-dire à autant d’officiers de police judiciaire que d’équipes d’enquêteurs sur le site). Selon l’étude d’impact, cette contrainte impliquait la mobilisation de ressources importantes pour les services de police judiciaire sans que les droits et les intérêts de l’entreprise en soient de ce fait mieux garantis.

Les modifications permettent également de rendre optionnelle la délivrance d’une commission rogatoire. Dans la précédente version, l’article L. 450-4 prévoyait que « la visite et la saisie s’effectuent sous l’autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées (…). Lorsqu’elles ont lieu en dehors du ressort de son tribunal judiciaire, il délivre une commission rogatoire pour exercer ce contrôle au juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel s’effectue la visite ». Dans la nouvelle version, « le juge ayant autorisé les opérations de visite et de saisie “peut”, pour en exercer le contrôle, délivrer une commission rogatoire au juge (…) ».

B – Décisions adoptées par le président de l’Autorité de la concurrence

Si les décisions de l’Autorité de la concurrence sont en principe prises de manière collégiale, son président ou un vice-président désigné par lui, peut aussi adopter certaines décisions statuant seul. La liste de ces décisions figure à l’article L. 461-3 du Code de commerce. Y figurent par exemple les décisions d’irrecevabilité en raison du défaut d’intérêt ou de qualité à agir de l’auteur, de la prescription des faits ou encore pour défaut de compétence. Cette liste a été allongée par le 3° du III de l’article 37.

Ont par exemple été ajoutées les décisions prises en application d’une saisine d’office réalisée sur proposition du rapporteur général de l’Autorité.

C – Notification des évolutions des tarifs règlementés de vente

Le 4° du III de l’article 37 a abrogé le dernier alinéa de l’article L. 462-2-1 du Code de commerce qui faisait peser sur le gouvernement une obligation d’information de l’Autorité de la concurrence sur tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés, au moins 2 mois avant la révision du prix ou du tarif en cause.

Pour l’étude d’impact, cette formalité était dépourvue d’utilité : « S’agissant du calendrier prévisionnel des révisions tarifaires, l’Autorité a toute latitude pour interroger le gouvernement sur ce point si nécessaire, dans l’optique par exemple de formuler un avis dans le cadre d’une auto-saisine. En tout état de cause, dans la majorité des cas, ce calendrier prévisionnel est connu publiquement à l’avance, les révisions tarifaires étant périodiques, leurs échéances précises étant même parfois fixées par les textes ».

Notes de bas de pages

  • 1.
    On notera encore que le projet de loi d’accélération et de simplification de la vie publique (ASAP) comprend quelques dispositions relatives au droit de la concurrence.
  • 2.
    L’article 37, I, autorise le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure nécessaire « pour rendre compatibles les dispositions du livre IV du Code de commerce avec la directive (UE) n° 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018, visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur, y compris les mesures de coordination liées à cette transposition ». L’Autorité de la concurrence dispose déjà de certaines garanties prévues par la directive telles que l’indépendance, ou celles concernant les mesures d’enquêtes, de décisions ou la possibilité de prononcer des sanctions jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial des entreprises. La transposition de la directive, qui devra intervenir au plus tard le 4 février 2021, nécessitera néanmoins des évolutions substantielles du droit pour ce qui concerne notamment les mesures suivantes : l’opportunité des poursuites, le pouvoir d’ordonner des « injonctions structurelles » dans le cadre de procédures contentieuses, la saisine d’office pour les mesures conservatoires et la suppression du plafond de 3 millions d’euros applicable aux organismes ou associations d’entreprises.
  • 3.
    https://lext.so/4LCdzk.
  • 4.
    https://lext.so/UmbDJ7.
  • 5.
    Pour quelques exemples de condamnations sur ce fondement, v. Aut. conc., déc n° 16-D-15, 6 juill. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer ; Aut. conc., déc. n° 17-D-14, 27 juill. 2017, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer.
  • 6.
    À noter également que, dans son avis n° 20-A-11 du 17 novembre 2020, relatif au niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale, l’Autorité a également recommandé de « permettre d’imposer des mesures correctrices structurelles en cas de préoccupations substantielles de concurrence, y compris en l’absence de la dominance ».
  • 7.
    Délai de 2 mois pour produire des observations à la notification des griefs.
  • 8.
    M.-D. Hagelsteen, « Il est important de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles », LPA 2 janv. 2001, p. 4.
  • 9.
    Une distinction est opérée entre les demandeurs de type 1, qui peuvent prétendre à une immunité d’amende, et les demandeurs de type 2, qui peuvent prétendre à une réduction d’amende.
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