Projet de loi Elan : quelles mesures concernent les particuliers ?

Publié le 08/10/2018

Le projet portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, adopté en première lecture cet été par les deux chambres, apporte de nombreux changements en matière de rapport locatif, copropriété, urbanisme et construction. Bail mobilité, locations touristiques saisonnières, encadrement des loyers ou encore bail numérique : le point sur les mesures qui pourraient concerner les particuliers dans la gestion de leur patrimoine immobilier.

Pendant l’été, le projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a été adopté en première lecture par les députés et les sénateurs (texte n° 145, www.senat.fr) et en commission mixte paritaire le 26 juillet. Il est actuellement en discussion.

Présenté en conseil des ministres par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, le projet de loi vise notamment à lever les verrous de l’activité dans la construction et la rénovation du parc bâti. À cette fin, il simplifie les procédures et les normes d’aménagement, d’intervention foncière, d’urbanisme ou de construction. Il prévoit également des mesures destinées à lutter contre les fractures territoriales et les abus et fluidifier les parcours résidentiels des plus fragiles.

Le point sur les mesures qui concernent les particuliers, locataires comme propriétaires en matière de rapport locatifs.

Introduction du bail mobilité

Créé par l’article 34 du projet de loi, le bail mobilité devrait être disponible dès 2019. Figurant au rang des promesses électorales du candidat Emmanuel Macron, il s’agit d’un bail de courte durée et sans dépôt de garantie. Il se situe entre le bail de 3 ou 6 ans de locaux vides et le bail d’un an pour les locations meublées. La création de ce nouveau type de contrat a pour objectif de limiter la fuite des locations vers les plate-formes de location saisonnière.

Il s’adresse principalement aux locataires précaires qui ont du mal à se loger : étudiants, personnes en formation ou en mission professionnelle temporaire, en contrat d’apprentissage, en stage, en engagement volontaire dans le cadre d’un service civique ou en mission temporaire dans le cadre d’une activité professionnelle. Le locataire devra justifier de sa situation lors de la remise des clés.

Le bail pourra être conçu pour une durée d’un à dix mois, non renouvelable. Toutefois, la durée du bail pourra être modifiée une fois par avenant, sans que la durée totale du contrat ne dépasse 10 mois. Le bail mobilité portera sur les logements meublés. Le bailleur ne pourra exiger de dépôt de garantie (contrairement aux baux d’habitation pour lesquels le dépôt de garantie est de deux mois). Le loyer sera fixé librement, dans le respect des éventuelles règles d’encadrement du loyer à la relocation. En outre, le locataire pourra résilier le bail mobilité à tout moment, sans motivation, et sous réserve d’un préavis d’un mois.

De son côté, le bailleur n’aura pas à délivrer de congé pour mettre un terme au bail en raison de l’absence de tacite reconduction. Pour compenser l’absence de dépôt de garantie, le bail sera éligible à la garantie Visale (Visa pour le logement et l’emploi). Enfin, le bailleur sera libre d’exiger une caution.

Le retour de l’encadrement des loyers

L’article 49 du projet de loi fait renaître l’encadrement des loyers sous conditions et accompagné de sanctions. Rappelons que ce dispositif a été créé par la loi Alur de 2014 (L. n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) pour n’être expérimenté que par Paris et Lille, jusqu’à leur annulation par le juge administratif en 2017 (TA Lille, 17 oct. 2017 et TA Paris, 28 nov. 2017).

Pour que l’encadrement des loyers puisse s’appliquer en zone tendue le gouvernement a modifié la substance du dispositif. Il s’agira désormais d’une expérimentation pour une durée de 5 ans dans tout ou partie des zones tendues. Le projet de loi n’impose pas que la totalité de l’agglomération y soit soumise, l’initiative étant laissée aux métropoles, sur le périmètre de leur choix.

Pour que cet encadrement soit efficace, le projet de loi prévoit que le juge pourra diminuer le loyer et condamner le bailleur à reverser le trop-perçu, voire le condamner à une amende administrative : jusqu’à 25 % du trop perçu pour un particulier et 75 % pour une personne morale. En revanche, le projet de loi ne précise pas le contenu du complément de loyer, lequel permettait aux bailleurs de dépasser le loyer plafond compte tenu des caractéristiques de confort ou de localisation du logement.

Pour mieux assurer la transparence des données locatives, le texte entend développer les observatoires des loyers avec deux mesures. D’une part, les agences d’urbanisme pourront être agréées observatoires des loyers et la mise en place de ces observatoires locaux des loyers sera obligatoire dans toutes les zones tendues.

Locations touristiques : contrôle et sanctions accrus

L’article 51 du projet de loi est consacré aux locations meublées touristiques dans les grandes villes. Le texte entérine le plafond annuel de 120 jours de location de l’habitation principale à des fins touristiques (sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure) et ce, dans les communes mettant en œuvre la procédure de changement d’usage des locaux d’habitation et ayant initié une procédure de déclaration.

Sur demande de sa commune, le loueur devra lui transmettre le décompte des nuitées ayant fait l’objet d’une location touristique au cours de l’année précédente. Le refus du bailleur l’exposera à une amende pouvant atteindre 10 000 euros.

Dans l’ensemble, toutes les sanctions en cas de non-respect de la réglementation sont durcies. L’absence de déclaration d’une location touristique sera sanctionnée d’une amende civile allant jusqu’à 5 000 euros. Quant aux plate-formes qui ne respecteront pas leurs obligations relatives aux annonces s’exposeraient à des amendes atteignant 50 000 euros.

Vers un nouveau droit des copropriétés

L’article 60 du projet de loi Elan habilite le gouvernement « à procéder par ordonnance à l’adoption de la partie législative d’un code relatif à la copropriété des immeubles bâtis afin de regrouper et organiser l’ensemble des règles régissant le droit de la copropriété ». Objectif : rendre lisible le droit de la copropriété qui a beaucoup évolué depuis 20 ans et rassembler de nombreux textes logés dans des corpus différents, y compris la jurisprudence établie en la matière. Cette codification s’effectuera donc à droit constant.

En outre, l’ordonnance procèdera à une réforme du droit des copropriétés afin de lever les blocages qui entravent les décisions (notamment de procéder à des travaux de rénovation énergétique) et de limiter les contentieux judiciaires grâce à des règles plus simples et plus accessibles.

Conjoint victime de violence conjugale : fin de la solidarité

L’article 47 bis B du projet de loi a prévu une mesure en faveur du conjoint victime de violence conjugale en limitant la clause de solidarité contenue dans le bail.

Lorsque le conjoint du locataire, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin notoire quitte le logement en raison de violences exercées au sein du couple ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui, sa solidarité et celle de la personne qui s’est portée caution pour lui prennent fin. Pour cela, il doit en informer le bailleur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, accompagnée de la copie de l’ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dont il bénéficie et préalablement notifiée à l’autre membre du couple ou de la copie d’une condamnation pénale de ce dernier pour des faits de violences commis à son encontre ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui et rendue depuis moins de six mois. Précisément, la solidarité prend fin le lendemain du jour de la première présentation du courrier au domicile du bailleur, pour les dettes nées à compter de cette date.

De plus, le fait pour le locataire auteur des violences de ne pas acquitter son loyer à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa est un motif légitime et sérieux pour le bailleur de donner congé au locataire violent.

Standardisation du bail numérique

L’article 61 du projet de loi standardise le bail numérique. Avec lui, c’est la fin du bail sous forme d’un document papier, il consistera à remplir un module en ligne, qui génèrera le contrat de bail selon les caractéristiques précisées par les parties. Le développement des générateurs de contrats de location sur internet apparaissant comme inéluctable, le projet règlemente ces nouvelles prestations de services, afin que le contrat proposé soit en conformité avec les textes législatifs et réglementaires. Sorte de certification, des outils agréés vont être mis en place pour garantir la sécurité juridique des contrats de location établis par voie numérique. Un régime d’agrément des prestataires de tels contrats fera l’objet d’une ordonnance que le gouvernement devra prendre dans les 18 mois suivant l’adoption du projet de loi Elan.

Autres dispositions…

Compte tenu du large champ du projet de loi, de nombreuses autres mesures ont été adoptées, parmi lesquelles des incitations à la transformation des bureaux en logements.

Les articles 9 à 11 visent en effet à favoriser la transformation des bureaux vides en logement, dans les zones tendues notamment par l’assouplissement des normes applicables pour les conversions.

Des mesures doivent notamment être prises afin de prévenir les recours abusifs exercés contre les permis de construire : renforcement des sanctions en cas d’abus et possibilité de déposer des demandes de permis de construire en ligne dans les communes dont la population dépasse un certain seuil.

L’article 47 du projet de loi Elan simplifie le formalisme du cautionnement, en supprimant le caractère manuscrit de la mention d’engagement par la caution. Le garant n’aura qu’à signer l’acte de caution, d’un modèle type et non manuscrit.

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