La sauvegarde financière accélérée, l’art délicat du blitzkrieg judiciaire

Publié le 12/01/2017

Si les décisions ne sont pas légion en matière de sauvegarde financière accélérée (SFA), chacune d’entre elles s’avère donc précieuse pour en déterminer les contours. Cet arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 septembre 2016 nous livre une interprétation réaliste de la SFA, en permettant d’abord l’ouverture de cette procédure à un débiteur dont l’endettement est exclusivement obligataire et en s’émancipant ensuite de certaines des conditions d’adoption du plan.

CA Paris, Pôle 5-ch. 9, 22 sept. 2016, no 15/25086

La sauvegarde financière accélérée (SFA) est largement présentée comme une « arme de dissuasion »1 au service des négociations dans le cadre de la procédure de conciliation. Si le protocole d’accord n’emporte pas l’adhésion de l’unanimité des « créanciers financiers », la SFA, à l’image d’une véritable « guerre éclair »2, l’impose judiciairement à la minorité récalcitrante3.

C’est en ce sens que, par un arrêt du 22 septembre 2016, la cour d’appel de Paris a récemment adopté, pour la première fois et non sans un certain réalisme, le plan de sauvegarde d’une société dont l’endettement était exclusivement obligataire en refusant de s’enfermer dans des conditions d’adoption qui seraient trop formelles.

En l’espèce, une société cotée – dont le cours est actuellement suspendu – avait émis en 1994 un emprunt obligataire convertible en actions (« OCA ») d’un montant de l’ordre de 89 millions d’euros à échéance au 1er janvier 2001.

À la suite de l’annulation d’une décision d’assemblée générale des obligataires ayant voté un report d’échéance, la société émettrice faisait l’objet d’une procédure de conciliation ayant abouti à un protocole d’accord, prévoyant de proposer dans le cadre d’une SFA, en contrepartie d’un apport en numéraire de l’obligataire majoritaire, la transformation des OCA en capital, avec en option le remboursement à l’échéance pour les récalcitrants.

Le tribunal de commerce ouvrait dès lors une SFA en date du 28 septembre 2015. Quelques jours avant son vote par l’assemblée générale des obligataires, le projet de plan fit l’objet d’une modification de dernière minute consistant en la suppression pure et simple de l’option permettant le paiement à l’échéance au profit de la conversion forcée des obligations en actions. Cette modification, découverte le jour du vote par les obligataires, n’empêcha pas son approbation à la majorité requise.

Ce plan était consécutivement soumis au tribunal qui le rejetait par jugement du 30 novembre 2015 aux motifs, relevés d’office, que les conditions formelles permettant d’arrêter le plan n’étaient pas réunies et notamment, que le plan avait été modifié quatre jours avant la date du vote de l’assemblée générale des obligataires méconnaissant ainsi le délai légal [de convocation] prévu d’au moins dix jours par l’article R. 628-17 du Code de commerce et, que le délai maximum de deux mois imposé aux juges pour adopter le plan conformément à l’article L. 628-10, avait déjà expiré depuis deux jours lors de l’audience appelée à statuer sur l’adoption du plan.

Étonnamment, le tribunal relevait, en outre, que l’endettement était exclusivement obligataire, émettant ainsi de sérieux doutes quant à la possibilité d’ouvrir une SFA lorsque l’endettement du débiteur n’est qu’obligataire.

La société émettrice interjetait appel de cette décision aux motifs que les conditions d’ouverture de la SFA avaient été respectées, que le plan ne méconnaissant pas les conditions formelles de son adoption et qu’il protégeait suffisamment l’intérêt de tous les obligataires.

La cour était amenée à statuer sur la possibilité d’ouvrir une procédure de SFA en présence d’un endettement exclusivement obligataire du débiteur et sur la possibilité d’adopter un plan de sauvegarde modifié in extremis avant son vote et présenté après le délai légal de deux mois prévu par le législateur.

Concernant la première question, la cour répond, par un propos liminaire, « que le caractère exclusivement obligataire du passif ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de la procédure de sauvegarde financière accélérée (…) ». Elle permet ainsi l’ouverture d’une SFA à un débiteur dont l’endettement est exclusivement obligataire. Ce faisant, elle adapte le champ d’application de la SFA à une situation de fait qui n’était pas prévue par le législateur et s’écarte d’une lecture stricte des dispositions du Code de commerce.

Quant à la seconde question, elle précise qu’il est « observé que la loi n’impose pas de soumettre à l’assemblée générale des obligataires le texte ayant fait l’objet d’un protocole d’accord lors de la conciliation (…) ». Elle relève ensuite que la modification est intervenue juste avant le vote mais précise « qu’il n’y a pas lieu de retenir que cette modification était suffisamment importante pour impliquer le respect d’un nouveau délai [de consultation] de dix jours (…) » d’autant qu’« aucune contestation de la régularité de ladite assemblée n’a été élevée dans le délai de 10 jours (…) » par les obligataires. La Cour prend ainsi certaines libertés avec les conditions formelles d’adoption du plan, qu’elle justifie par le respect des objectifs de la procédure et par la protection suffisante des intérêts de tous les créanciers qui y sont soumis en relevant qu’« il importe de vérifier si tous les intérêts des créanciers sont suffisamment protégés ».

La cour d’appel de Paris adopte une approche réaliste de la SFA. Elle précise que le champ d’application de cette procédure recouvre les débiteurs dont l’endettement est exclusivement obligataire (I) et refuse de s’enfermer dans l’excès de formalisme des conditions, notamment temporelles, d’adoption du plan (II).

I – Le champ d’application précisé

Appelée à statuer sur l’adoption du plan de SFA, la cour revient pourtant sur les conditions d’ouverture de cette procédure4 et semble, par sa décision, se détacher d’une lecture stricte des termes de l’article L. 628-9 du Code de commerce (A) pour en privilégier l’esprit (B).

A – La lettre des dispositions écartée

Pour la première fois, la Cour était appelée à statuer sur une hypothèse qui n’est pas prévue par le législateur, celle de l’ouverture d’une SFA à l’égard d’une entreprise dont l’endettement est exclusivement obligataire.

Elle considère, par un propos liminaire déduit des articles L. 628-9 et L. 626-32, alinéa 1er, du Code de commerce « [qu’] il convient de retenir que le caractère exclusivement obligataire du passif ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de la procédure de sauvegarde financière accélérée, et dans ce cadre à l’adoption du plan, n’étant pas contestable qu’un tel endettement est de nature financière, l’obligation convertible constituant un produit financier » et, fait ainsi le choix d’adapter le champ d’application de cette procédure à ce type d’endettement, en se fondant sur la nature financière de la dette.

Cette lecture se heurte toutefois à une lecture littérale des dispositions relatives au champ d’application de la SFA. L’article L. 628-9 du Code de commerce prévoit en effet que le tribunal peut ouvrir cette procédure « lorsque les comptes du débiteur font apparaître que la nature de l’endettement rend vraisemblable l’adoption du plan par les seuls créanciers ayant la qualité de membre de comité des établissements de crédit et, s’il y a lieu, ceux mentionnés à l’article L. 626-32 (…) », c’est-à-dire ceux de l’assemblée générale des obligataires. Le choix de la locution « s’il y a lieu » signifiant « si cela est opportun » retrouvée également à l’article L. 628-10, invite à penser que la présence d’un emprunt obligataire est considérée par le législateur comme une simple éventualité dans l’endettement d’une entreprise et, qu’en tout état de cause, son traitement est accessoire à celui de l’endettement bancaire. L’idée étant qu’en restructurant l’endettement financier classique (emprunts bancaires, lignes de crédit), il serait possible d’y intégrer, à cette occasion, les créances obligataires.

Une interprétation littérale des dispositions impliquerait ainsi que l’ouverture d’une SFA serait impossible en l’absence de créanciers établissement de crédit, qu’elle aurait dû être conditionnée, outre aux conditions prévues à l’article L. 628-1 du Code de commerce5, à la présentation d’un projet de plan susceptible de recueillir, a minima de la part des créanciers établissement de crédit et, le cas échéant, de la part des obligataires, un soutien suffisamment large pour rendre vraisemblable son adoption. C’est d’ailleurs en ce sens que le rapport accompagnant la loi ayant institué la SFA précisait clairement que la procédure est « limitée au cercle des “créanciers financiers” des entreprises, c’est-à-dire aux “établissements de crédit” »6. Cette rédaction sibylline a d’ailleurs été conservée après la réforme de 2014 au même titre que la séparation en deux entités des créanciers établissements de crédits des porteurs d’obligations alors qu’une partie de la doctrine suggérait la réunion dans un seul comité de l’ensemble des « créanciers financiers »7.

Si les juges de première instance semblent avoir suivi ce raisonnement en relevant que « le passif à apurer n’est constitué que de créances obligataires »8, la cour considère, à rebours de cette analyse, que l’endettement exclusivement obligataire du débiteur n’est pas un obstacle à l’ouverture de la SFA en se fondant sur la « nature [financière] de l’endettement » et donc indirectement sur la finalité de cette procédure.

B – La finalité des dispositions privilégiée

La SFA est une procédure dite « financière »9 et, s’il est vrai que l’endettement financier classique réside principalement dans les emprunts bancaires ou les lignes de crédit et que le recours à l’emprunt obligataire est moins fréquent, il n’en demeure pas moins que ce dernier est bien de nature « financière ».

La cour se retranche ainsi derrière une partie de la doctrine qui, adoptant une approche fonctionnelle, affirme que la SFA est avant tout une procédure destinée à assurer « la gestion de la dette financière »10 et à préserver « la valeur de l’entreprise »11. Une partie de la doctrine précise encore, dans cette droite ligne, que seuls sont concernés « les créanciers financiers »12 et donc, incluant par principe les établissements de crédit et/ou les créanciers obligataires, faisant écho en partie à l’expression du rapport législatif précité13. À l’origine, la fonction même de la SFA était d’ailleurs de traiter l’endettement des holdings financières qui ont régulièrement recours à des prêts dits mezzanine pour payer leurs dettes et dont l’emprunt obligataire en constitue l’essentiel14.

La cour s’attarde donc, à raison, sur la nature de l’emprunt obligataire dont elle précise qu’il n’est pas « contestable qu’un tel endettement est de nature financière ». Il s’agit d’une source de financement de l’entreprise qui permet aux prêteurs la détention d’« obligations », définies traditionnellement comme des « produits financiers »15. La position des juges consistant à adapter le champ d’application de la SFA aux entreprises dont l’endettement est exclusivement obligataire semble ainsi conforme à l’objectif même de cette procédure.

Cette position est d’autant plus louable qu’elle accentue l’une des fonctions de la SFA, mise en évidence par la doctrine, qui est de doter le conciliateur d’un outil précieux de négociation dans la phase de traitement amiable, permettant, le cas échéant, d’écraser la minorité récalcitrante comme en l’espèce.

Elle est surtout réaliste puisque cantonner les entreprises présentant un tel endettement dans le champ de la sauvegarde classique, plus longue, en l’absence de comité de fournisseurs et/ou d’établissement de crédit, se serait avéré totalement contre-productif.

En définitive, cette décision réaliste devrait emporter l’adhésion tant d’une part, elle respecte l’objectif même de la procédure de SFA que d’autre part, elle renforce la procédure de conciliation dont l’amélioration de l’effectivité et l’efficacité est privilégiée16.

Poursuivant son approche réaliste, la cour refuse de s’enfermer dans des conditions d’adoption du plan qui s’avéreraient trop strictes.

II – Les conditions d’adoption du plan assouplies

La cour adopte une approche réaliste des conditions formelles d’arrêté du plan de SFA, en s’émancipant des contraintes d’ordre temporel qui les entourent (A) qu’elle justifie par la protection suffisante de l’intérêt des obligataires (B).

A – L’émancipation discutable des contraintes d’ordre temporel

La cour relève dans sa motivation que « la loi n’impose pas de soumettre à l’assemblée générale des obligataires le texte ayant fait l’objet d’un protocole d’accord lors de la conciliation (…) » jugeant ainsi possible pour le débiteur de présenter au tribunal, en vue de son homologation, une version modifiée du projet de plan initialement élaboré pendant la phase de conciliation.

Il est vrai qu’aucun texte applicable à la sauvegarde ou à ses variantes ne prévoit l’impossibilité de modifier le projet de plan jusqu’à son approbation définitive par l’assemblée générale des obligataires. Bien au contraire d’ailleurs, une lecture conjuguée des dispositions du code le permet expressément. L’article L. 628-8, relatif à la SFA, dispose que « le tribunal arrête le plan dans les conditions prévues à l’article L. 626-31 (…) », article de la sauvegarde qui précise que le plan doit être adopté « conformément aux dispositions de l’article L. 626-30-2 (…) », dont l’alinéa 3 indique qu’« après discussion avec le débiteur et l’administrateur, les comités se prononcent sur chaque projet, le cas échéant modifié (…) ». La doctrine souligne alors que cet article « fait mention, avant le vote au sein de chaque comité, d’une discussion avec le débiteur et l’administrateur pouvant conduire à la modification de certains projets (…) »17. La cour applique en l’espèce scrupuleusement ce raisonnement en précisant que « les modifications [ont] résulté des discussions menées entre la débitrice, l’administrateur judiciaire et les obligataires en application de l’article L. 626-30-3, alinéa 3, du Code de commerce (…) ».

Ce faisant, la cour s’éloigne de l’esprit de la SFA, prepacked plan à la française18, qui suppose que « le projet de plan [soit] en principe figé avant même le jugement d’ouverture et ne [puisse] pas être modifié jusqu’au jugement arrêtant le plan de sauvegarde »19.

Si la cour privilégie ici une interprétation stricte des dispositions de la SFA, d’aucuns estimeront qu’elle manque toutefois de cohérence en s’émancipant premièrement, du délai deux mois maximum imposé au tribunal pour arrêter le plan et, deuxièmement, du délai de dix jours permettant aux obligataires de prendre connaissance du projet de plan avant de le voter.

Premièrement, le tribunal de commerce avait relevé que le délai de deux mois imposé pour arrêter le plan était dépassé, et donc qu’il était tenu de mettre fin à la procédure. L’article L. 628-8 du Code de commerce prévoit en effet qu’« à défaut d’arrêté de plan dans ce délai [2 mois selon l’article L. 628-10], le tribunal met fin à la procédure ». La cour infirme et juge, au contraire, en se fondant sur l’article R. 626-18, alinéa 220, « qu’aucune sanction n’assortit le délai de deux mois et qu’est uniquement prévue la faculté pour le tribunal de clôturer la procédure s’il est saisi à cette fin ce qui n’est pas le cas en l’espèce ». Elle s’écarte ainsi d’une interprétation stricte de cet article, dont un auteur rappelle la valeur impérative de sa rédaction au présent de l’indicatif21. S’il n’est pas certain que l’article réglementaire de la sauvegarde classique sur lequel elle fonde son raisonnement puisse s’appliquer à la SFA au regard de l’article législatif précité, la cour prend, dans tous les cas, certaines libertés, avec le délai de deux mois imposé par le législateur, consacrant ainsi une approche réaliste, qu’il faut saluer lorsque les faits de l’espèce, montrent qu’au moment où le tribunal statuait, le délai n’était expiré que depuis quelques jours.

Deuxièmement, les juges de première instance avaient également rejeté le plan au motif que ce dernier avait été modifié quatre jours avant son approbation et donc que le délai de convocation de 10 jours précédant son vote n’avait pas été respecté. Nonobstant l’erreur de fondement commise par le tribunal22, la cour d’appel de Paris rappelle, dans un sens peu ou prou similaire, que l’article R. 628-16 du Code de commerce, applicable à l’assemblée des obligataires dispose que « le délai minimum prévu à l’article R. 626-60 [15 jours] est alors réduit à dix jours et le droit conféré à chaque obligataire par l’article L. 626-61 de prendre connaissance du projet de plan s’exerce dans les dix jours qui précèdent la réunion de cette assemblée », impose de respecter un délai de dix jours pour permettre aux obligataires de prendre connaissance du projet de plan avant de le voter dans le cadre de la tenue de l’assemblée unique des obligataires.

La cour s’écarte volontairement de cette analyse, dont l’interprétation stricte imposait le respect d’un nouveau délai de dix jours en cas de modification du plan, en jugeant qu’« il n’y a pas lieu de retenir que cette modification était suffisamment importante pour impliquer le respect d’un nouveau délai de dix jours (…) ». Elle prend, toutefois, le soin de conforter judicieusement son analyse en relevant l’absence de contestation de l’assemblée générale ayant voté le plan modifié en précisant qu’« en tout état de cause, aucune contestation de la régularité de ladite assemblée n’a été élevée dans le délai de 10 jours à compter de sa tenue, imparti par l’article R. 626-63 du Code de commerce. Dès lors, la nullité encourue étant relative et ne faisant pas grief pour être sans incidence sur le vote, c’est à tort que le tribunal l’a soulevé d’office en l’absence de toute contestation émanant des obligataires ». Alors que le tribunal avait soulevé d’office un cas de nullité, la cour rappelle alors qu’il s’agit d’un cas de nullité relative à la discrétion des obligataires. La cour fait ainsi des obligataires, par leur vote et leur contestation éventuelle dans le délai de 10 jours, les garants de la préservation de leur droit et donc de l’importance des modifications apportées au projet de plan, rappelant ainsi le mouvement de contractualisation du droit des entreprises en difficulté23.

La précision relative à la modification insuffisamment importante du plan paraît dès lors surabondante d’autant qu’elle s’efface derrière la vérification de la suffisante protection de l’intérêt des obligataires qui justifie à elle seule l’approche réaliste adoptée par la cour et les libertés qu’elle a prises.

B – L’émancipation justifiée par la protection suffisante de l’intérêt des obligataires

Pour adopter le plan, la cour vérifie, outre le respect des trois objectifs de la procédure de sauvegarde posés à l’article L. 626-2 du Code de commerce à savoir, la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif, que l’intérêt de tous les créanciers soit suffisamment protégé par les dispositions du plan en application de l’article L. 626-31.

Les juges relèvent ainsi qu’à défaut de plan l’entreprise se trouverait immédiatement en état de cessation des paiements et que les objectifs fixés par la loi sont respectés notamment en ce que « la conversion de la totalité des obligations en actions emportera l’extinction du passif et que cette conversion entraînera l’augmentation de capital et la reconstitution des fonds propres et permettra, sous réserve de l’accord de l’AMF, la reprise de la cotation en bourse de la société qui devrait bénéficier de nouveaux investisseurs » pour la réalisation de deux projets immobiliers de grande envergure. Par son appréciation souveraine, qu’elle conforte par « l’avis de l’ensemble des intervenants » à la SFA, elle conclut que les dispositions du plan protègent suffisamment l’intérêt collectif des créanciers, en ce qu’elles permettent l’apurement intégral du passif et la poursuite de l’activité du débiteur.

Cette analyse permet ainsi de justifier, rétrospectivement, la référence à la notion de modification insuffisamment importante apportée au projet de plan, qui rappelle étrangement la notion de modification substantielle du plan prévue par l’article L. 626-26 utilisée pour protéger l’intérêt collectif des créanciers. En effet, pour réviser un plan homologué, la loi distingue classiquement entre sa modification substantielle et sa modification mineure du plan24. La modification substantielle est celle modifiant les objectifs et les moyens du plan. En l’espèce, la question aurait pu être de savoir si l’abandon de l’option proposée dans le projet de plan d’être remboursé de ses obligations à échéance au profit de la conversion forcée des obligations constituait une modification importante ou substantielle, entendue comme modifiant les objectifs et les moyens du projet de plan initial. Après vérification, comme en l’espèce, du respect de la protection des intérêts en présence, tout porte à croire que la version modifiée du plan renforce les objectifs – l’apurement et la poursuite de l’activité – et les moyens – la conversion forcée – du projet de plan initial et donc que la décision mérite, en ce sens, d’être félicitée par son approche réaliste du traitement des dettes financières dont certains analyseront sûrement en une forme de blitzkrieg judiciaire.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Dammann R. et Schneider S., « La sauvegarde financière accélérée. Analyse et perspective d’avenir », D. 2011, p. 1429.
  • 2.
    Gobert P., v° « Guerre éclair, all. Blitzkrieg », Encyclopaedia Universalis [en ligne], consulté le 6 nov. 2016.
  • 3.
    Grelon B., « La loi de sauvegarde revisitée par la loi n° 2010-1249 dite de “régulation bancaire et financière” en date du 22 octobre 2010 », Rev. sociétés 2011, p. 7.
  • 4.
    Les conditions d’ouverture avaient déjà été vérifiées en première instance de sorte que la cour, n’étant pas saisie d’un appel du jugement d’ouverture, se heurtait à l’autorité de la chose jugée conférée à la décision.
  • 5.
    À savoir, outre les seuils relatifs à la taille de l’entreprise fixés par décret, l’engagement dans une procédure de conciliation préalable et la présentation d’un projet de plan tendant à assurer la pérennité de l’entreprise.
  • 6.
    Rapp. Chartier J., n° 2848, sur le projet de loi de régulation bancaire et financière (n° 2833), mod. par le Sénat, 7 oct. 2010, p. 120.
  • 7.
    Dammann R. et Schneider S., « La sauvegarde financière accélérée. Analyse et perspective d’avenir », préc.
  • 8.
    T. com. Paris, 30 nov. 2015, n° 2015056540, p. 3.
  • 9.
    Saint-Alary-Houin C., Droit des entreprises en difficulté, 10e éd., 2017, p. 636, n° 973.
  • 10.
    Grelon B., « La loi de sauvegarde revisitée par la loi n° 2010-1249 dite de “régulation bancaire et financière” en date du 22 octobre 2010 », préc.
  • 11.
    Vermeille S. et François T., « Le “feuilleton Technicolor” : et si rien n’était vraiment réglé ? », JCP E 2012, spéc. n° 40, p. 23, § 17.
  • 12.
    Couturier G., « Les créanciers et la sauvegarde financière de l’entreprise en difficulté », BJS juill. 2010, n° 144, p. 643.
  • 13.
    Rapp. Chartier J., préc., p. 120.
  • 14.
    Daudier de Cassini J.-D. et Noury A.-S., « Obligataires et procédures collectives », BJS déc. 2009, n° 228, p. 1123.
  • 15.
    Lecourt A., « Obligation », Rep. sociétés n° 568, mars 2015.
  • 16.
    V° rapp. ord. n° 2014-326, 12 mars 2014 : JO, 14 mars 2014, p. 5243.
  • 17.
    Pérochon F., Entreprises en difficulté, 10e éd., 2014, n° 942.
  • 18.
    Menjucq M., « Adoption de la “sauvegarde financière accélérée” : consécration du “prepackaged plan” en droit français ! », Rev. proc. coll. 2010, n° 6, p. 1.
  • 19.
    Bourbouloux H., « La procédure de sauvegarde est un outil particulièrement adapté au traitement des difficultés financières d’une société ayant des titres de dettes côtés ou largement diffusés », BJE juill. 2015, n° 112k6, p. 211.
  • 20.
    « Lorsqu’il n’est pas présenté de projet de plan en temps utile, le tribunal peut être saisi aux fins de clôture de la procédure (…) ».
  • 21.
    Lucas F.-X., « Traitement des obligations convertibles en actions par un plan de SFA », LEDEN nov. 2016, n° 110e1, p. 1.
  • 22.
    C. com., art. R. 628-17, exclusivement applicable à l’assemblée des actionnaires.
  • 23.
    Tiquant O., La contractualisation des procédures collectives, Le Cannu P. (dir.), 1999.
  • 24.
    Saint-Alary-Houin C., Droit des entreprises en difficulté, préc., p. 676, n° 1046.
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