Confidentialité, cessation des paiements, cautions, plans de sauvegarde, procédures : du nouveau pour les entreprises en difficultés

Publié le 16/07/2018

La jurisprudence poursuit son travail patient et minutieux : pas de grandes réformes ces derniers mois, mais un suivi de principes utiles, par exemple, sur le respect du contradictoire, notamment pour la conversion en liquidation judiciaire, en s’assurant que le débiteur est bien préalablement avisé.

Pour autant, des textes importants sont à prévoir : si le projet de loi Pacte ne bouleverse pas les procédures collectives, il annonce une réforme plus importante par ordonnance, notamment sur les sûretés. La prochaine directive européenne « prévention rebond » va faire bouger les lignes, et avant même qu’elle soit établie, sans doute l’année prochaine ou en 2020, le gouvernement prévoit déjà de l’appliquer. Avant le campus du barreau de Paris, voici les dernières avancées.

Les procédures amiables et les procédures collectives sont en nette décroissance. La dernière étude Deloitte Altarès le confirme (« L’entreprise en difficulté en France en 2017 », parue en avril 2018).

Cette étude concerne un échantillon de 16 tribunaux. Sur cet échantillon, 484 mandats ad hoc ont été ouverts en 2017, en légère progression par rapport à 2016 (472).

Pendant la même période, 497 conciliations ont été ouvertes, soit une diminution par rapport à 2016, année au cours de laquelle 557 conciliations ont été initiées.

Globalement, le nombre de procédures amiables est donc en baisse avec un total de 981 en 2017 au lieu de 1 029 en 2016.

Cependant, il semble qu’au niveau national, et selon les données communiquées par l’Observatoire du conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires, il existe 3 536 procédures amiables ouvertes en 2017 avec une hausse de 43 % par rapport à 2016, dont 72 % de mandats ad hoc (toujours sur 16 tribunaux).

Le succès des procédures amiables est significatif avec un taux de réussite immédiat de l’ordre de 52 % pour les mandats ad hoc et 56 % pour les conciliations.

Ce taux de réussite est proche de celui de la sauvegarde (52 % sur les sauvegardes ouvertes en 2016) et reste supérieur au taux de réussite du redressement judiciaire qui est de 24 % des redressements ouverts en 2014.

En ce qui concerne les homologations, 25 % des conciliations homologuées en 2012 ont fait l’objet d’une procédure collective par la suite, soit un taux de succès de 75 % quatre ans plus tard.

De son côté, le CIRI a constaté une stabilité du nombre de dossiers traités en 2017 avec une baisse marquée du nombre des emplois concernés (12,5 % de baisse). En 2017, 43 entreprises ont été accompagnées au lieu de 42 en 2016 (pour un effectif de 90 000 salariés en 2016 et 71 970 salariés en 2017). Rappelons que le CIRI accompagne les groupes de plus de 400 salariés dans le traitement de leurs difficultés.

Rappelons aussi que par un décret n° 2017-1558 du 13 novembre 2017, un délégué interministériel restructuration d’entreprises a été créé auprès des ministres chargés de l’Industrie et de l’Emploi.

Il est en charge, en liaison avec le CIRI et avec les 22 commissaires au redressement productif qui existent en régions, d’anticiper et de coordonner l’action des services de l’État et les parties prenantes.

En ce qui concerne les procédures judiciaires, le nombre des défaillances d’entreprises a baissé de 5 % avec 55 175 défaillances en 2017. Ce chiffre est ventilé en 1 184 sauvegardes, 16 472 redressements judiciaires et 37 519 liquidations judiciaires directes.

Observons que depuis 2012, le pourcentage des sauvegardes est resté stable à environ 2 % du total, les redressements judiciaires représentant environ 30 % du nombre global des défaillances.

Sans surprise, les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire concernent les entreprises de taille plus importante. Par exemple, la sauvegarde représente 2 % du total des procédures ouvertes en 2017 mais 9 % des procédures relatives à des entreprises de plus de 20 salariés.

Le taux de 30 % du redressement judiciaire passe à 58 % pour les entreprises de plus de 20 salariés. Les petites entreprises restent donc les plus vulnérables avec un effectif de moins de 10 salariés.

Pour une analyse plus fine, notamment par régions, notre lecteur voudra bien se reporter à ce rapport1.

La décrue du nombre de procédures est donc vérifiée en 20172.

Évoquons à présent quelques décisions et informations dans différentes matières que nous nous sommes attaché à reclasser.

I – La prévention

A – La confidentialité des comptes des petites entreprises

Rappelons qu’une petite entreprise peut demander la confidentialité de son compte de résultat dans le cadre du dépôt de ses comptes annuels.

Dans cette hypothèse, un dépôt distinct du compte de résultat doit être fait au greffe. Il s’agit en premier lieu de répondre aux critères de la petite entreprise3 en formulant une demande de confidentialité de ce compte de résultat4.

Lorsque la société est contrôlée par un commissaire aux comptes, le rapport doit être déposé au greffe du tribunal. Dans ce cas, un exemplaire des comptes annuels doit être obligatoirement joint au rapport du CAC et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a été interrogée sur l’attitude que doit adopter le commissaire aux comptes.

Si le commissaire aux comptes ne peut déroger à ses règles professionnelles5, le dirigeant peut procéder, sous sa responsabilité, au dépôt distinct du compte de résultat en le retirant des comptes joints au rapport du commissaire aux comptes.

Il a été rappelé par la CNCC que toutefois, lorsque la petite entreprise appartient à un groupe au sens de l’article L. 233-16, elle ne peut bénéficier de ces dispositions sur la confidentialité6.

B – Les relations entre un accord de conciliation amiable et la prise de nouvelles garanties

Une récente décision est venue indiquer que le non-respect d’un accord de conciliation amiable et la prise de nouvelles garanties ne peuvent caractériser une fraude7.

La fraude est en effet un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux réalisés avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive.

Le commentateur se montre critique à l’égard de la jurisprudence, dès lors que la banque avait violé l’accord de conciliation en modifiant à la hausse, le montant du prêt de consolidation en bénéficiant de nouvelles garanties. Si le critère de la fraude paraissait inadapté, un autre critère aurait dû être utilisé pour sanctionner ces agissements. Une modification de texte pourrait être envisagée.

II – La cessation des paiements

Quelques décisions intéressantes sont intervenues dans ce cadre.

En premier lieu, la Cour de cassation a rappelé que la conversion d’un redressement judiciaire en liquidation n’impose pas de constater la cessation des paiements8.

Il s’agit de l’application de l’article L. 622-10, alinéa 3, du Code de commerce depuis l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, notamment lorsque des comités ont été constitués et que le plan n’a pas été adopté. Cela est aussi possible lorsque l’adoption d’un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture conduisait, d’une manière certaine, à la cessation des paiements.

La Cour de cassation considère que le tribunal peut, à tout moment pendant la période d’observation du redressement judiciaire, prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible, ce qui devient donc un nouveau critère d’ouverture. Rappelons cependant que l’article L. 640-1 prévoit un double critère pour la liquidation judiciaire : la cessation des paiements et le redressement manifestement impossible.

Quelle est par ailleurs l’incidence d’une créance fiscale contestée sur un état de cessation des paiements ? Il s’agit là du problème que nous connaissons bien sur la prise en compte d’une créance litigieuse pour apprécier un état de cessation des paiements.

Or le traitement des créances fiscales obéit à un régime particulier. Comment considérer litigieuse une créance fiscale ?

Pour cela, il faut suivre les prescriptions fiscales et saisir le juge des impôts compétent. En l’espèce, l’administration avait émis un avis de mise en recouvrement et disposait d’un titre exécutoire, la créance n’étant donc pas considérée comme litigieuse.

Si le contribuable ne bénéficiait pas d’un sursis de paiement, la créance devait être considérée comme exigible9.

Il s’agissait en l’espèce, d’une taxation d’office qui était remise en cause par la demanderesse mais les voies de contestation du droit fiscal n’avaient pas été suivies, la réclamation de la débitrice ayant été rejetée.

Comment sanctionner une assignation abusive en redressement judiciaire ? Une récente décision du tribunal de commerce de Lille10 est venue le préciser. En l’espèce, un entraîneur professionnel de football avait contesté son licenciement et il avait assigné le club de football en ouverture d’une procédure de redressement judiciaire en se prévalant de sa créance et en prétendant que l’état du club était catastrophique.

Le salarié indiquait que le montant de la créance invoquée était plus élevé que le solde bancaire du club. Le club avait répondu en indiquant qu’il était à jour de ses règlements auprès des organismes sociaux et fiscaux. Le club considérait en outre que l’action engagée tendait à faire pression sur lui pour obtenir le recouvrement d’une créance non exigible.

Sans surprise et face à une créance incertaine, le tribunal a rejeté la demande d’ouverture formulée par le salarié, le tribunal ayant refusé en outre l’enquête demandée.

Cette solution classique a donc été une nouvelle fois réaffirmée, le demandeur ayant été condamné à payer une somme de 300 000 € à titre de dommages et intérêts, compte tenu du détournement de la demande de sa vocation.

Signalons à cet égard, en droit européen, une décision récente11. Si une juridiction ouvre une procédure d’insolvabilité à l’égard d’une personne dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte une procédure principale, il s’agira obligatoirement d’une procédure secondaire. L’insolvabilité du débiteur ne devra pas être réexaminée à cette occasion et dès lors, le dirigeant n’aura pas à déclarer l’état de cessation des paiements dans le pays d’ouverture de la procédure secondaire.

III – L’évolution du droit fiscal

Signalons deux décisions intéressantes sur ce sujet :

  • La société bénéficiaire d’un abandon de créance dans le cadre d’une procédure collective a la possibilité de majorer la limite du déficit déductible du bénéfice d’un exercice à hauteur du montant de l’abandon consenti pendant cet exercice. Le Conseil constitutionnel a jugé l’article 17.2 de la loi de finances pour 2017 n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 conforme à la constitution12.

Cet article avait clarifié la règle de l’article 209 du Code général des impôts en indiquant que pour les sociétés auxquelles sont consentis des abandons de créances dans le cadre d’une conciliation ou lors d’une sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, la limite d’1 M € est majorée du montant desdits abandons de créances13.

Cet article a donc été jugé conforme à la constitution pour soutenir les entreprises en difficulté. Il convient de préciser que la majoration de la limite d’imputation des déficits reportables ne profite qu’aux entreprises en difficulté ayant bénéficié de ces abandons.

  • Une décision récente14 concerne l’exécution dommageable d’un avis à tiers détenteur ayant donné lieu à une demande de dommages et intérêts formulée devant le juge de l’exécution. Il a été jugé que l’administration fiscale n’a pas à être saisie préalablement. Cette demande ne relève pas de l’article L. 281 du Livre des procédures fiscales et elle n’est donc pas soumise à la demande préalable auprès de l’administration.

IV – Les cautions

Quoi de neuf ?

Une décision récente concerne les conséquences de l’absorption de sociétés et l’absence d’obligation d’information de la banque. La caution ne peut échapper au paiement des sommes dues par les sociétés absorbées à l’égard d’un même créancier.

En effet, les dettes contractées par les sociétés absorbées sont devenues celles de la société absorbante. En l’espèce, la caution n’avait pas limité son engagement aux dettes existant au jour de l’engagement.

La caution avait invoqué le défaut d’information par la banque de la transmission universelle de patrimoine à la société garantie. La Cour de cassation a jugé que la banque n’était tenue d’aucune obligation d’information.

La banque a en effet été étrangère à cette fusion15.

En ce qui concerne le cautionnement, la Cour de cassation vérifie que la caution se trouve, lorsqu’elle souscrit son engagement, dans l’impossibilité manifeste d’y faire face avec ses biens et revenus16.

Dans cette affaire, la Cour de cassation a censuré les juges du fond car leur décision était fondée sur des motifs impropres à établir une disproportion susceptible d’emporter la déchéance du droit du créancier d’agir contre la caution.

En l’espèce, l’engagement de la caution était d’un montant un peu inférieur au montant de la valeur de son patrimoine. Même si ces revenus étaient absorbés par le remboursement d’autres crédits, la situation de remboursement ne paraissait pas impossible.

La dette garantie était d’un montant de 260 000 € et la valeur du patrimoine s’élevait à environ 290 000 €. La cour d’appel avait rejeté la demande de la banque en relevant que les revenus de la caution étaient grevés du remboursement de 2 autres crédits17.

Il convient d’évoquer la réforme du droit des contrats par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Cette nouvelle loi procède à quelques modifications. Il est utile de citer ici la rédaction de l’article 1347-6 du Code civil sur la compensation : « La caution peut opposer la compensation de ce que doit le créancier au débiteur principal. Le codébiteur solidaire peut se prévaloir de la compensation de ce que le créancier doit à l’un des coobligés pour faire déduire la part divise de celui-ci du total de la dette ».

Il n’est donc pas besoin d’invoquer le bénéfice de la compensation par la personne principale concernée. Ainsi, même si le créancier principal n’a pas invoqué la compensation, la caution pourra le faire.

En ce qui concerne l’inopposabilité de la déchéance du terme, citons aussi l’article 1305-5 du Code civil sur le fait que cette déchéance, encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés même solidaires (ce dernier élément ayant été ajouté) ainsi qu’à ses cautions.

V – La période d’observation et le plan de sauvegarde

En premier lieu, un tribunal peut prolonger exceptionnellement une période d’observation même si le ministère public n’a pas pris de décision. Dans cette hypothèse, le ministère public est privé de recours sauf excès de pouvoir.

Cette décision récente18 intervient dans le prolongement de l’article L. 621-3 du Code de commerce fixant la durée de la période d’observation et visant la possibilité d’une demande de prorogation exceptionnelle par le procureur de la République pour 6 mois.

L’appel des décisions sur les renouvellements est réservé au ministère public19.

La cour d’appel avait refusé d’annuler le jugement ayant prolongé exceptionnellement la période d’observation, alors que normalement seul le procureur peut en faire la demande.

La Cour de cassation a rappelé que le recours n’est pas ouvert au procureur à l’encontre des arrêts rendus en application de l’article L. 661-6, I, 2. En l’espèce, le tribunal avait prorogé pour 6 mois et on peut penser que s’il l’avait fait pour une durée supérieure, le recours aurait été ouvert pour excès de pouvoir.

Cette décision apparaît surprenante mais la Cour de cassation a manifestement privilégié la sécurité juridique, car l’annulation de cette prorogation aurait pu créer une situation inextricable.

Une autre affaire mérite d’être signalée concernant une modification de plan dans le cadre d’un groupe placé en sauvegarde.

Ce groupe avait obtenu un plan prévoyant l’apurement total du passif tiers qui devait être payé rapidement en moins d’un an. Puis, les créances intragroupe pouvaient être payées.

Juste avant l’échéance d’un an et alors même que la cession d’un actif permettait d’honorer l’échéance du plan à l’égard des tiers, la société a demandé une modification substantielle du plan pour imposer aux créanciers tiers un échéancier plus long afin d’offrir la trésorerie disponible aux sociétés du groupe, et particulièrement à la société mère qui ne parvenait pas à obtenir un financement de la part des banques.

Les tiers qui avaient été consultés n’avaient pas répondu sur la demande de modification.

La cour d’appel a confirmé le jugement du tribunal qui avait refusé la modification. Dès lors que la société bénéficiait d’une trésorerie suffisante pour payer les créanciers, il n’existait pas, selon le tribunal, un motif grave inhérent à la société débitrice rendant nécessaire la modification du plan demandée.

Il semble donc que la cour d’appel a choisi une interprétation restrictive en n’examinant que la situation de la société concernée et non celle du groupe20.

VI – La procédure

Une nouvelle décision est intervenue sur la matière de la confusion des patrimoines : il s’agit d’une décision de la cour de Montpellier21.

Il est intéressant de constater que ces juges du fond ont tenu compte de la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui n’est pas si évident en cette matière. En effet, il a été estimé qu’en présence de principaux associés identiques dans les 2 personnes morales, malgré un défaut de recouvrement de loyers impayés et de demande de résiliation du bail ainsi qu’un abandon de créance, tout ceci ne créait pas une relation financière anormale constitutive d’une confusion des patrimoines entre bailleur et locataire. Cette jurisprudence restrictive et respectueuse de la jurisprudence de la Cour de cassation mérite d’être saluée.

Une autre décision est intervenue dans le cadre de la procédure d’appel sur les décisions d’admission des créances : dans cette affaire, un créancier avait déclaré sa créance dans une procédure de sauvegarde et elle avait été admise. Le débiteur avait fait appel de l’ordonnance d’admission en intimant le créancier et le mandataire judiciaire.

Le mandataire judiciaire n’ayant pas constitué avocat, la caducité a été prononcée au motif que le débiteur n’avait pas signifié ses conclusions d’appel au mandataire judiciaire. Ce dernier s’est pourvu en cassation en soutenant que lui seul pouvait se prévaloir de l’absence de signification des conclusions de l’appelant.

La Cour de cassation a confirmé que le mandataire judiciaire a bien la qualité de partie et qu’il doit être intimé lorsque le débiteur conteste en appel l’admission d’une créance déclarée.

Dès lors, les conclusions devaient être signifiées au mandataire judiciaire intimé n’ayant pas constitué avocat à peine de caducité de l’appel et cette irrecevabilité doit être relevée d’office22.

Il convient donc de rester vigilant sur le respect de cette formalité.

VII – Les effets d’une liquidation judiciaire

En premier lieu, un liquidateur ne peut demander le partage d’un immeuble indivis, objet d’une déclaration d’insaisissabilité sur le fondement de l’article 815 du Code civil23.

Cette décision de censure d’une cour d’appel qui avait pris en considération l’effet personnel de la procédure mérite d’être signalée. La Cour de cassation renforce l’effet réel de la procédure.

Le liquidateur ne représente le débiteur dessaisi que dans le cadre de la liquidation judiciaire, or le bien sous déclaration d’insaisissabilité est hors procédure, de sorte que seul le débiteur peut demander le partage24.

Une décision très récente de la Cour de cassation est venue préciser le pouvoir de celle-ci de contrôler le caractère proportionné des fautes de gestion par rapport à l’insuffisance d’actif. La Cour de cassation précise sans ambigüité qu’elle laisse cette appréciation aux juges du fond25.

En l’espèce, les deux dirigeants avaient été condamnés à payer 70 % de l’insuffisance d’actif. Il s’agissait de deux époux qui avaient ensemble commis des fautes de gestion et la cour d’appel n’avait pas souhaité distinguer leur responsabilité respective. La Cour de cassation a donc refusé d’intervenir pour apprécier ce caractère proportionné du montant.

L’action en contribution aux dettes sociales en liquidation.

Une récente décision26 est venue préciser qu’en liquidation judiciaire, seul le liquidateur peut agir contre les associés afin de voir fixer leur contribution aux dettes sociales en invoquant l’article 1832 du Code civil.

Rappelons que cet article prévoit que les associés s’engagent à contribuer aux pertes d’une société.

Dans cette affaire, une créance de compte courant avait été admise et les autres associés avaient recherché la responsabilité de l’associé dans la liquidation judiciaire. Reconventionnellement, le couple du gérant avait demandé la condamnation de ses associés au titre de leur contribution aux pertes sociales. L’arrêt d’appel avait condamné les associés ayant introduit l’action initiale à payer certaines sommes et il avait rappelé l’article 1832 du Code civil en stipulant que la contribution se détermine à proportion des parts sociales.

La Cour de cassation a cependant considéré que seul le liquidateur pouvait agir et l’arrêt d’appel a été cassé sans renvoi.

VIII – Le droit social

L’activité reste riche dans le prolongement des ordonnances Macron du 22 septembre 201727.

Après la mise en œuvre de certains dispositifs par décrets nos 2017-1723 et 1724 du 20 décembre 2017, JO 22 décembre, la loi de ratification est intervenue le 29 mars 201828. La réforme est donc désormais terminée et le Conseil constitutionnel a validé les dernières modifications sur la négociation collective par une décision du 21 mars 2018 n° 2018-761 DC.

Rappelons à cet égard certaines dispositions dans le cadre d’un résumé qui ne peut prétendre à être exhaustif : la rupture conventionnelle collective est un nouveau mode de rupture du contrat de travail. Cependant, l’employeur peut mettre en place des départs volontaires dans le cadre d’un PSE comme par le passé.

Le dispositif sur le congé mobilité a été réécrit et il peut être utilisé par des entreprises de 300 salariés (au lieu de 1 000 auparavant) et pour les établissements ou entreprises françaises de 150 salariés appartenant à un groupe.

En cas d’accord de rupture conventionnelle collective, l’employeur doit informer la DIRECCTE d’une manière dématérialisée29 et le délai de validation de l’accord est de 15 jours.

Le bilan de mise en œuvre de l’accord est transmis à la DIRECCTE au plus tard un mois après la fin des mesures de reclassement prévues à l’article L. 1237-19-1, 7, du Code du travail.

L’intervention du Conseil constitutionnel a validé la répartition des thèmes de la négociation collective, notamment sur les matières pour lesquelles les dispositions des accords de branche ou des conventions d’un niveau supérieur prévalent sur les conventions d’entreprise30.

Il est malheureusement impossible d’entrer ici dans le détail de ces réformes et nos lecteurs sont donc invités à se référer à ces textes.

Citons cependant quelques décisions dont l’une sur le point de départ du délai de contestation des expertises du CHSCT31. Il est vrai que ce comité va être remplacé par le Comité social et économique prévu par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

La garantie d’un droit à un recours effectif permet de fixer le point de départ du délai de contestation de l’expertise à compter du jour où l’employeur en a été informé et non à compter de la désignation de l’expert par le CHSCT. L’affirmation de cette règle est donc intéressante.

Une décision récente est venue préciser les conditions de la garantie de l’AGS en sauvegarde.

Seules sont garanties les créances résultant de ruptures intervenues pendant la période d’observation et dans le mois suivant le jugement qui a arrêté le plan de sauvegarde32.

Une autre décision est venue préciser le moment opportun pour permettre au comité d’entreprise de désigner un expert-comptable lors de la consultation relative à l’examen annuel des comptes. La Cour de cassation33 a précisé que ce droit doit s’exercer au moment où les comptes sont transmis.

Or, en l’espèce, la désignation de l’expert-comptable était intervenue avant la réunion de présentation et de transmission des comptes et dès lors, il a été décidé que la rémunération de l’expert devait rester à la charge du comité d’entreprise.

Signalons par ailleurs un article particulièrement utile de Christine Gailhbaud34. Il s’agit notamment d’apprécier, lorsque l’entreprise concernée appartient à un groupe, dans quel périmètre il convient de situer l’appréciation du motif économique.

Cet article évoque également le nouveau périmètre d’exécution de l’obligation de reclassement, le nouveau périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements, le nouveau régime d’énoncé du motif de licenciement, l’incidence de la réforme sur le licenciement pour motif économique de 10 salariés et plus…

Subsistent cependant des difficultés que nous connaissons bien, dès lors que les délais très brefs de la procédure collective ne sont pas forcément compatibles avec les délais de recours contentieux et il conviendra d’y penser.

Citons enfin une autre décision récente concernant le plafond de garantie de l’AGS déterminé en fonction de la date de la créance35, un salarié ayant été licencié en 2006 et son employeur étant placé en 2010 en redressement puis en liquidation judiciaire. La chambre sociale a rappelé que la détermination du montant maximum de la garantie de l’AGS s’apprécie à la date à laquelle est née la créance du salarié et au plus tard à la date du jugement arrêtant le plan et prononçant la liquidation judiciaire.

À cet égard, signalons encore un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation36 selon lequel, pour que les créances résultant de la rupture soient garanties par l’AGS, cette rupture doit intervenir dans les délais visés à l’article L. 3253-8, 2, du Code du travail mais aussi être à l’initiative de l’administrateur ou du liquidateur judiciaire.

Nous pourrions poursuivre encore l’examen de la jurisprudence qui reste riche et foisonnante. Le menu est cependant assez copieux pour cette fois-ci.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Page 33, le tableau concernant les régions.
  • 2.
    Voir également les dernières statistiques de l’OCED du 16 avril 2018 sur le site de la Chambre de commerce de Paris avec un nombre de procédures inférieur de 15.5 % de niveau de 1993 et 15 % sous celui de 2009.
  • 3.
    C. com., art. L. 123-16.
  • 4.
    C. com., art. L. 232-25, al. 2.
  • 5.
    C. com., art. L. 232-21 à C. com., art. L. 232-23.
  • 6.
    Bull. CNCC juin 2017, n° 186, p. 329 ; éd. Lég. 2018 « prévention conciliation », 3 avr. 2018, note Pham-Ngoc.
  • 7.
    Cass. com., 13 déc. 2017, n° 16-21498 : Gaz. Pal. 17 avr. 2018, n° 321j7, p. 77, note Lasserre Capdeville J.
  • 8.
    Cass. com., 28 févr. 2018, n° 16-19422, PBI : Bull. civ. IV, n° 172.
  • 9.
    Cass. com., 11 avr. 2018, n° 16-23019, PB : Bull. civ. IV, n° 328.
  • 10.
    T. com. Lille, 5 mars 2018, n° 2018-001176.
  • 11.
    Cass. com., 7 févr. 2018, n° 17-10056, PBI.
  • 12.
    Cons. const., 13 avr. 2018, n° 2018-700 QPC.
  • 13.
    CGI, art. 209.
  • 14.
    Cass. 2e civ., 22 mars 2018, n° 17-17312, PB : Bull. civ. II, n° 369.
  • 15.
    Cass. com., 28 févr. 2018, n° 16-18692, PBI : Bull. civ. IV, n° 166 ; v. éd. Lég. 15 mars 2018, commentaire Reille F.
  • 16.
    C. consom., art. L. 332-1 et C. consom., art. L. 343-4.
  • 17.
    Cass. com., 28 févr. 2018, n° 16-24841, PBI : Bull. civ. IV, n° 169.
  • 18.
    Cass. com., 13 déc. 2017, n° 16-50051, PBI : Bull. civ. IV, n° 1522.
  • 19.
    C. com., art. L. 661-6, I, 2.
  • 20.
    CA Paris, 5-8, 28 nov. 2017, n° 17/15654.
  • 21.
    CA Montpellier, 2e ch., 5 sept. 2017, n° 15/05789 : Gaz. Pal. 29 mai 2018, n° 317v6, p. 22.
  • 22.
    Cass. com., 13 déc. 2017, n° 16-17975, PB : Bull. civ. IV, n° 1464.
  • 23.
    Cass. com., 14 mars 2018, n° 16-27302, F-PBI : Bull. civ. IV, n° 224.
  • 24.
    Ed. Lég. 28 mars 2018, commentaires Henry L.-C.
  • 25.
    Cass. com., 9 mai 2018, n° 16-26684, F-PB : Bull. civ. IV, n° 379.
  • 26.
    Cass. com., 3 mai 2018, n° 15-20348, FS-PBI : Bull. civ. IV, n° 433.
  • 27.
    Ord. n° 2017-1387, 22 sept. 2017.
  • 28.
    L. n° 2018-217, 29 mars 2018 : JO, 31 mars 2018.
  • 29.
    C. trav., art. D. 1237-8.
  • 30.
    C. trav., art. L. 2253-1.
  • 31.
    Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-28561, PB : Bull. civ. V, n° 527.
  • 32.
    Cass. soc., 28 févr. 2018, n° 16-22108, ND.
  • 33.
    Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-12707, PB : Bull. civ. V, n° 525.
  • 34.
    « La réforme du licenciement économique : analyse en regard du droit des procédures collectives, 10 questions/réponses », Gaz. Pal. 17 avr. 2018, n° 321j7, p. 89.
  • 35.
    Cass. soc., 7 mars 2018, n° 16-20650.
  • 36.
    Cass. soc., 20 déc. 2017, n° 16-19517, PB.
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