L’information de la publicité foncière sur la résidence familiale en Espagne
Les indications publiées au registre de la propriété sur l’utilisation de l’immeuble comme résidence familiale ne le rendent pas insaisissable mais assurent à tout le moins l’information du conjoint en cas de saisie.
En Espagne, le registre de la propriété est une institution dont la finalité principale est de garantir la sécurité juridique et qui, par voie de conséquence, joue un rôle fondamental dans la protection des titulaires de droits réels immobiliers. Il est régi par une série de principes (principes de légalité, d’authenticité du registre, de priorité, de respect de l’antériorité et d’accessibilité) qui en font une institution essentielle en matière de transaction immobilière. Néanmoins, la règle générale est que l’inscription au registre de la propriété des opérations constitutives de droits réels n’est pas obligatoire, la validité d’un certain nombre d’actes juridiques étant toutefois subordonnée à leur inscription, ce qui est le cas, par exemple, du droit réel d’hypothèque.
De façon générale, en Espagne, la résidence familiale n’est pas, à la différence de ce qui est prévu dans d’autres pays, un bien insaisissable, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un entrepreneur individuel. De sorte que si le propriétaire de l’immeuble est dans l’incapacité de faire face à une condamnation en paiement, sa résidence peut être saisie, alors même que l’immeuble n’avait pas été spécialement affecté à la garantie de la dette, conformément au principe de la « responsabilité patrimoniale universelle » énoncé par l’article 1911 du Code civil espagnol.
Cependant, ces dernières années, en raison de la crise économique et de la multiplication des expulsions de familles suite à des impayés (de dettes hypothécaires ou non), ont été adoptées des règles qui protègent la résidence familiale lorsque certaines conditions très précises sont remplies1. Dans ce contexte, il est intéressant de s’interroger sur le rôle du registre de la propriété quant à la protection de la résidence familiale2. Nous présenterons différents exemples qui en illustrent l’importance.
1. Si l’immeuble est inscrit au registre de la propriété comme la résidence familiale, il existe une présomption simple selon laquelle l’immeuble est, effectivement, la résidence de la famille (même s’il ne l’est pas). A contrario, s’il n’est pas inscrit comme tel, il est présumé ne pas l’être, tout intéressé pouvant démontrer le contraire.
Il n’est pas prévu de contrôle systématique permettant de savoir, à un moment précis, si l’immeuble est ou non effectivement la résidence familiale. De ce fait, il est tout à fait possible que l’immeuble ait bien été la résidence familiale lors de l’inscription et qu’il ait cessé de l’être lorsque la question de l’utilisation de l’immeuble est posée. Ou bien à l’inverse, il ne l’était peut-être pas lorsque le droit sur l’immeuble a été inscrit au registre, alors qu’il constitue désormais effectivement la résidence familiale, ce qui n’est donc pas mentionné au registre.
2. Si l’immeuble inscrit au registre de la propriété comme appartenant à l’un des conjoints y est mentionné comme la résidence familiale, toute procédure d’exécution sur l’immeuble doit également être notifiée à l’autre conjoint3 (Règl. hypothécaire, art. 144.5).
3. Si l’immeuble servant de résidence familiale a été acheté avant le mariage par l’un des conjoints (qui est ainsi mentionné dans le registre comme son unique propriétaire), mais que le prix d’acquisition, payé (ou remboursé s’il a donné lieu à un prêt) de façon échelonnée, est supporté par la communauté existant entre les époux (C. civ., art. 1357, 2°), la résidence appartiendra à la communauté et au conjoint en proportion de leurs paiements respectifs. Dans ce cas, si les paiements faits par la communauté sont mentionnés au registre, le conjoint non propriétaire pourra aisément faire valoir ses droits en cas de liquidation de la communauté (CPC espagnol, art. 541).
4. S’il est mentionné dans le registre de la propriété un droit d’usage sur la résidence familiale (ou sur tout autre immeuble), le titulaire de ce droit pourra l’opposer aux tiers (L. hypothécaire, art. 32), en cas par exemple de vente ou de saisie de l’immeuble4.
Notes de bas de pages
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1.
Jiménez París T., « Sobreendeudamiento y vivienda familiar », 2013, Revista general de legislación y jurisprudencia, n° 1, p. 49-86.
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2.
Cuena Casas M., « El régimen jurídico de la vivienda familiar », Tratado de derecho de la familia, vol. 3, Dir. Yzquierdo Tolsada, Cuena Casas, 2011, Los regímenes económicos matrimoniales (I), p. 275-442 ; « Vivienda habitual de la familia y registro de la propiedad », 2013, Estudios de derecho civil en homenaje al prof. Rams Albesa, p. 1263-1280.
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3.
Domínguez Martínez P., « La ejecución hipotecaria y la protección de la vivienda familiar", Vivienda, préstamo y ejecución, 2016, Coord. Espejo Lerdo de Tejada y otros, p. 563-584 ; Sánchez Jordán M.-E., El régimen de segunda oportunidad del consumidor concursado en especial, su aplicabilidad a las deudas derivadas de la adquisición de vivienda, 2016, ed. Civitas.
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4.
Rodríguez de Almeida M.-G., « La especial naturaleza del derecho de uso de la vivienda familiar y su inscripción en el registro de la propiedad », 2008, Revista crítica derecho inmobiliario, n° 84, n° 710, p. 2518-2524.