« Les entreprises doivent savoir anticiper leur recrutement en ayant une politique plus active »

Publié le 20/09/2021

Avec des pics atteignant le million d’offres d’emploi, le marché du travail en France a atteint des chiffres records, durant l’été 2021. Des données rendant concrète la forte reprise de l’activité économique. Problème, certaines entreprises ont des difficultés dans leur recrutement. D’où l’importance d’une structure comme le GEYVO d’Île-de-France. Ce groupement d’employeurs rassemble 120 adhérents répartis entre Paris, les Yvelines, l’Essonne, les Hauts-de-Seine et le Val d’Oise. Une majorité de PME regroupées pour mutualiser des besoins en ressources humaines. Cette association à but particulier, opérationnelle depuis 2008, vise à recruter du personnel pour le mettre à disposition. Elle effectue aussi des prestations de recrutement en direct pour ses adhérents. Le directeur de cette structure Bertrand Biechy revient sur cette conjoncture en Île-de-France et sur les difficultés qu’ont certaines sociétés dans leur recrutement.

Actu-Juridique : Nous constatons actuellement qu’il y a un nombre record d’offres sur le marché de l’emploi en France. Quel constat faites-vous en Île-de-France auprès de vos adhérents ?

Bertrand Biechy : Nous n’avons pas de chiffres records mais nous connaissons une forte progression. Pendant environ un an et demi, Il y a eu un demi gel des recrutements dans certaines entreprises. Pendant le haut de la crise en 2020, nous avons constaté une baisse de 15 % à 20 % de notre activité. Aujourd’hui, ces sociétés ont plus confiance dans l’économie, donc elles cherchent à recruter. Elles ont plus de commandes, plus de visibilité et donc des besoins en termes des ressources humaines. Nous constatons donc une hausse de 30 % à 40 %. Une augmentation importante même au-delà des chiffres de 2019. Ensuite, la demande est assez globale. Selon les cas, il faut du personnel de production, du personnel sur des missions commerciales ou sur les fonctions supports. Lors d’une reprise, les entreprises ont besoin de tout type de compétence.

AJ : Quelles sont les difficultés rencontrées par les entreprises dans leur recrutement ?

B.B. : Il a des difficultés structurelles et conjoncturelles. Structurellement, il y a des postes qui sont dits en tension. Ce sont par exemples les métiers du numérique, des ouvriers qualifiés, ect. Les demandes des entreprises sont supérieures aux offres de personnel qualifié. Je parle ici des personnes qui collent à 90 % aux critères demandés par les sociétés. Il y a des offres d’emploi qui sont structurellement en déficit car il n’y a pas les bons profils avec les formations correspondantes. Au niveau conjoncturel, les entreprises ont connu une baisse d’activité. Elles avaient moins besoin de personnel d’exécution ou d’administration commerciale.

« Il y a des offres d’emploi qui sont structurellement en déficit car il n’y a pas les bons profils avec les formations correspondantes »

L’activité redémarre et ces besoins réapparaissent en même temps, ce qui peut causer des difficultés de recrutement.

AJ : Parmi vos adhérents, quels types de société retrouve-t-on et avez-vous des exemples de phénomène de reprise ?

B.B. : Nous traitons essentiellement avec des PME, de 10 à 150 salariés, qui sont indépendantes ou filiales de groupe. Nous sommes des généralistes, en étant plutôt BtoB. Nous n’avons pas de commerces ou de services de détail. C’est plutôt une clientèle professionnelle. Dans le cadre de la reprise, par exemple, nous avons eu plusieurs demandes d’entreprises pour des postes en comptabilité. Ce sont des comptables qui travaillent sous la supervision de l’expert-comptable de la société adhérente. Nous avons eu plusieurs demandes avec ce profil dans les Yvelines notamment. Il y a certain besoin aussi en responsable ressources humaines, dans l’Essonne, les Yvelines et les Hauts-de-Seine. À chaque fois, nous arrivons à trouver du personnel en temps partiel régulier ou temps partagé, qui va faire le travail dans les entreprises concernées. Même chose pour les demandes récentes en qualité, sécurité et environnement. Nous proposons des salariés dans ces domaine. Des sociétés se rendent compte qu’il faut avoir une véritable démarche sur ces trois secteurs. Elles n’arrivent pas à le faire elles-mêmes.

« Les entreprises doivent savoir anticiper leur recrutement en ayant une politique plus active »
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AJ : Quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face en tant que groupement d’employeur ? 

B.B. : C’est déjà de faire connaître l’existence du GEYVO d’Île-de-France. C’est valable pour nous en tant que groupement d’employeurs mais aussi pour nos entreprises adhérentes. C’est la nécessité de faire découvrir ses offres d’emploi, les rendre attractives et trouver les bonnes personnes avec le meilleur profil possible. Pour cela, il faut arriver à se mettre en contact avec des compétences qui ont la capacité de réaliser le travail demandé et qui sont attirées par le poste. C’est nécessaire aujourd’hui d’intéresser les personnes en rendant attractives les fonctions concernées par une offre d’emploi. Ces difficultés sont courantes. Elles sont renforcées à l’heure actuelle car il y a une progression de l’économie à court terme. Mais, le phénomène est classique avec toujours les mêmes sujets : la notoriété et l’attractivité.

AJ : Aujourd’hui, face à ce phénomène-là, que vous demandent les candidats potentiels aux offres d’emploi de vos adhérents ?  

B.B. : Compte tenu du fait que les candidats ne nous connaissent pas forcément, ils veulent être réassurés sur les missions, sur notre mécanisme de mise à disposition et sur l’intérêt de la fonction. De plus en plus de personnes aujourd’hui ne veulent plus simplement exercer un métier ou une fonction. Elles veulent adhérer aux valeurs de l’entreprise et à l’intérêt de la fonction. Forcément, il y a aussi la question du salaire. C’est un critère important mais parmi d’autres.

« Aujourd’hui ce n’est plus simplement exercer un métier ou une fonction. C’est aussi adhérer aux valeurs de l’entreprise et à l’intérêt de la fonction »

Aujourd’hui, la durée du trajet et la distance domicile-travail rentrent aussi en ligne de compte. L’ambiance au travail, le degré d’autonomie, l’évolution au sein de l’entreprises sont aussi des éléments pris en compte par les candidats. Globalement, c’est ce qu’on pourrait appeler la qualité de vie au travail. Ce phénomène est renforcé par la crise sanitaire et les confinements successifs.

AJ : Quelles pourraient être les solutions face aux difficultés de recrutement des entreprises ?

B.B. : Les entreprises privées font du bon travail à l’heure actuelle. Mais il y a des axes d’amélioration notamment pour les PME. Il y a encore des sociétés qui communiquent peu sur leurs raisons d’être et sur l’intérêt de venir travailler pour elles. Par exemple, elles ne mettent pas à jour leur actualité sur les réseaux sociaux ou leur site internet. Elles n’ont pas ce réflexe d’améliorer leur notoriété et leur attractivité sur ces outils. Ensuite, c’est d’avoir une vision plus sur le moyen termes. Très souvent un employeur a un besoin, il essaie de le remplir. Dans certains recrutements, il faut l’anticiper en y pensant en amont. Ainsi, l’entreprise peut notamment faire de la communication, du sourcing, rencontrer des juniors si le recrutement concerne un poste junior. C’est avoir une politique plus active en amont et pas seulement quand le besoin apparait. Ces pratiques sont faisables même pour une société de 10 à 20 personnes. Elle peut le faire par elle-même avec le dirigeant ou ses propres salariés ou se faire accompagner par une structure comme la nôtre.

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